La charge de la preuve : principe et tempérament
Pour faire valoir un droit, il est essentiel de pouvoir prouver qu’on en est titulaire. La question de la preuve est donc fondamentale en droit, car sans preuve, il est impossible de faire reconnaître ses droits. Le terme « preuve » peut être abordé sous deux aspects différents :
- La preuve en tant que démonstration : Il s’agit de la démonstration de la véracité d’une affirmation, à partir de laquelle des conséquences juridiques pourront être tirées.
- La preuve en tant que procédé technique : Ce sont les techniques ou moyens utilisés pour établir l’existence d’un droit ou d’un fait, tels que la signature ou l’expertise sanguine. Ces procédés permettent de soutenir une prétention juridique.
I : Qu’est ce qu’une preuve?
La preuve est un outil fondamental pour établir l’existence d’un droit ou d’un fait. Dans ce sens, la preuve joue un rôle crucial, car elle détermine l’efficacité d’un droit. En effet, même si une personne est titulaire d’un droit subjectif, elle ne peut s’en prévaloir sans preuve. L’absence de preuve équivaut donc, d’un point de vue pratique, à l’inexistence de ce droit, ce qui fait de la preuve un enjeu déterminant dans le domaine juridique.
Des précisions importantes sur la preuve
- Introduction au droit
- Qu’est-ce qu’une personne physique?
- L’identification des personnes physiques
- Qu’est-ce qu’une personne morale?
- Que sont les droits subjectifs et leurs sources?
- Quels sont les droits de la personnalité?
- Le patrimoine des personnes juridiques
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Pré-constitution de la preuve : Le droit français exige souvent que les individus se préconstituent la preuve de leur droit. Cela signifie qu’il est prudent de conserver des documents ou de créer des écrits prouvant l’existence de droits avant même qu’un litige n’apparaisse. Par exemple, une personne qui signe un contrat s’assure une preuve écrite de l’existence de ce contrat, au cas où elle aurait besoin de le produire en justice.
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La preuve judiciaire et extrajudiciaire : La preuve est le plus souvent judiciaire, c’est-à-dire produite dans le cadre d’un procès. Cependant, il arrive fréquemment que des preuves soient nécessaires en dehors du cadre judiciaire, par exemple dans les relations contractuelles ou pour justifier d’un droit auprès d’une administration.
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Règles spéciales dans certaines matières : Le Code civil prévoit des règles spécifiques concernant la preuve dans certains domaines, comme le droit de la famille ou les obligations contractuelles. Ces règles tiennent compte des particularités de chaque matière. Par exemple, en droit de la famille, certaines preuves sont restreintes pour des raisons de protection des personnes concernées.
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Aménagement contractuel de la preuve : En dehors de certaines matières, comme le droit de la famille, les règles relatives à la preuve ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent aménager librement les règles de preuve dans leurs contrats. Cela signifie qu’elles peuvent convenir de modes de preuve spécifiques, déroger aux règles habituelles, ou établir une présomption en faveur de l’une des parties. En matière d’obligations, par exemple, une partie peut exiger d’une autre une preuve écrite dans un contrat afin de garantir le respect des engagements.
Il convient de noter que depuis la réforme de la loi sur la preuve en 2016, renforcée en 2019, la preuve numérique a pris une place croissante dans la procédure civile. Ainsi, les preuves issues de messageries électroniques, SMS, et autres contenus numériques sont désormais admises dans des cas spécifiques.
II : Que signifie « charge de la preuve » : principe et tempérament
La charge de la preuve soulève la question de savoir qui, parmi le juge, le demandeur ou le défendeur, doit rechercher et apporter la preuve d’une prétention ou d’un fait allégué. La réponse varie selon le système procédural adopté, chaque système assignant des rôles différents aux parties et au juge.
Systèmes procéduraux : inquisitoire et accusatoire
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Procédure inquisitoire : Dans un système inquisitoire, le juge prend l’initiative du procès et en assure l’instruction. Il mène les investigations et recherche les preuves, jouant un rôle actif pour établir la vérité. Ce modèle est encore en vigueur en matière pénale, où le juge dirige l’enquête et collecte les preuves nécessaires au procès.
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Procédure accusatoire : À l’inverse, dans un système accusatoire, ce sont les parties (demandeur et défendeur) qui sont responsables de l’instruction du procès et de la recherche des preuves. Le juge joue un rôle passif et se limite à arbitrer le différend en fonction des éléments présentés. Ce modèle traditionnellement associé à la procédure civile a cependant évolué en France, notamment avec l’article 16 du Code de procédure civile.
Rôle du juge en matière civile : article 16 du Code de procédure civile
Bien que la procédure civile reste en principe accusatoire, l’évolution du droit a progressivement confié au juge des pouvoirs supplémentaires pour encadrer le débat judiciaire. L’article 16 du Code de procédure civile permet au juge d’évoquer des moyens de pur droit que les parties auraient omis, c’est-à-dire des arguments juridiques, même si ceux-ci n’ont pas été soulevés par les parties.
Toutefois, le juge doit rester neutre face à la preuve, ce qui signifie que la recherche et l’administration des preuves restent de la responsabilité des parties. En d’autres termes, chaque partie doit prouver les faits nécessaires pour soutenir sa prétention. Bien que le juge puisse :
- Demander des explications aux parties sur les faits présentés,
- Requalifier les faits pour leur donner leur exacte qualification juridique,
il ne doit pas prendre l’initiative de collecter les preuves, ce rôle étant dévolu aux parties elles-mêmes.
A) PRINCIPE ET TEMPÉRAMENT
L’article 1353 du Code civil consacre le principe de la charge de la preuve, selon lequel la partie qui revendique un droit doit apporter la preuve de ce droit. Autrement dit, la charge de la preuve pèse sur celui qui prend l’initiative de la demande. Cela signifie que si une personne souhaite obtenir l’exécution d’une obligation, elle doit prouver l’existence de cette obligation.
Article 1353 : « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »
Donc chacune des parties doit prouver les faits qu’elle avance. Ce principe, qui repose sur l’idée d’équilibre entre les parties, signifie que :
- Le demandeur doit prouver les faits à l’origine de sa demande,
- Le défendeur doit prouver les faits sur lesquels repose sa défense.
Cependant, ce principe est parfois ajusté par des tempéraments (ou exceptions), afin de faciliter la charge probatoire dans certains cas, comme lorsqu’une preuve est difficile à obtenir pour le demandeur.
Principe de la charge de la preuve : l’initiative revient au demandeur
L’article 1353, alinéa 1 du Code civil énonce que « celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver ». Ce principe signifie que le demandeur supporte la charge de prouver les faits sur lesquels repose sa demande. Par exemple :
- Celui qui réclame l’exécution d’un contrat doit prouver l’existence du contrat.
- Celui qui cherche l’annulation d’un acte doit prouver le vice affectant cet acte, comme l’erreur, le dol ou la violence.
Ce principe repose sur la logique selon laquelle celui qui n’est pas satisfait de la situation actuelle doit prouver son droit à obtenir un changement.
Tempérament : déplacement de la charge de la preuve au défendeur
Une fois que le demandeur a fourni la preuve de son droit, le procès n’est pas encore nécessairement gagné. Le défendeur peut invoquer des moyens de défense, en prétendant que l’obligation est éteinte ou que le droit n’a plus de raison d’être. Selon l’article 1353, alinéa 2 du Code civil, le défendeur doit alors prouver le fait qui justifie son exemption de l’obligation (l’article énonce : « Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation »)
Par exemple :
- Si le défendeur affirme que l’obligation a été payée, c’est à lui d’apporter la preuve de ce paiement.
- Si le défendeur invoque la prescription pour échapper à la dette, il doit prouver que le délai de prescription est bien écoulé.
Ainsi, la charge de la preuve peut se déplacer au cours du procès en fonction des arguments avancés par le défendeur pour contrer les prétentions du demandeur. Ce mécanisme permet d’assurer un équilibre, où chaque partie doit prouver les éléments qui lui sont favorables.
Qui supporte le risque de la preuve ?
La question de la charge de la preuve ne concerne pas uniquement l’identification de la partie qui doit prouver ; elle implique aussi de savoir qui supportera le risque de la preuve en cas de doute. Si aucune preuve concluante n’est apportée, le jugement penchera en défaveur de la partie sur laquelle la charge de la preuve pesait en dernier lieu. C’est cette partie qui perdra le procès en cas de doute.
L’article 1353 du Code civil met en évidence ce point essentiel : la partie qui se trouve en dernière position pour la charge de la preuve est celle qui perdra le procès si les preuves sont insuffisantes. Ce mécanisme encourage chaque partie à fournir les éléments nécessaires pour appuyer sa position, tout en garantissant une répartition équilibrée des responsabilités probatoires.
B) LE RENVERSEMENT DE LA CHARGE DE LA PREUVE
Une présomption légale est un mécanisme juridique par lequel la loi considère un fait comme prouvé sans qu’il soit nécessaire de le démontrer. Par exemple, la bonne foi se présume en matière contractuelle, ce qui signifie qu’il n’est pas nécessaire de prouver que l’on agit de bonne foi ; on part du principe que c’est le cas, sauf si une preuve contraire est apportée. Les présomptions légales interviennent pour alléger la charge de la preuve lorsque celle-ci est particulièrement complexe ou difficile à établir.
Les deux types de présomptions légales :
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La présomption simple (ou réfragable) : Elle permet au défendeur de renverser la présomption en apportant la preuve contraire. La présomption simple allège donc la charge de la preuve pour le demandeur, tout en laissant au défendeur la possibilité de contester. Par exemple, en matière de filiation, un enfant né ou conçu pendant le mariage est présumé être l’enfant du mari de sa mère. Cette présomption est dite réfragable : il est possible pour le défendeur de prouver le contraire et ainsi de contester la filiation.
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La présomption irréfragable : Dans ce cas, il est impossible d’apporter une preuve contraire, ce qui rend la présomption incontestable. Une fois les conditions remplies, la présomption est absolue et ne peut être renversée. Par exemple, selon l’article 324 du Code civil, le commettant (employeur) est présumé responsable des dommages causés par ses salariés dans le cadre de leurs fonctions. Cette présomption de responsabilité est irréfragable, ce qui signifie que l’employeur ne peut pas apporter la preuve de son absence de faute ou d’imprudence pour échapper à cette responsabilité.
Le rôle de la présomption dans le partage des risques de preuve
Les présomptions, notamment les présomptions légales, permettent un renversement de la charge de la preuve en transférant le poids de la preuve au défendeur. Cela signifie que, dans les cas où la présomption joue, tous les cas douteux ou incertains vont en faveur du demandeur. Le défendeur devra, quant à lui, prouver l’inverse pour renverser la présomption, ce qui simplifie le processus probatoire pour le demandeur.