Que signifie « une république une et indivisible »?

« Une république une et indivisible ».

La République française repose sur des principes fondamentaux affirmés dans les articles 1er et 2 de la Constitution de 1958, qui traduisent l’attachement à l’unité nationale et aux valeurs républicaines.

Article 1er : Cet article définit les caractéristiques essentielles de la République :

« La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. »

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, il est précisé que l’organisation de la République est décentralisée, tout en maintenant son caractère indivisible. Cela illustre un équilibre entre l’autonomie des collectivités territoriales et l’unité de l’État.

Article 2 : L’article 2 consacre les symboles de la République :

  • La langue officielle est le français.
  • L’hymne national est « La Marseillaise ».
  • Le drapeau est tricolore (bleu, blanc, rouge).
  • La devise est Liberté, Égalité, Fraternité.
  • La souveraineté s’exprime par le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Section 1. L’unité de la langue.

 

Paragraphe 1. Une tradition séculaire

L’unité de la langue française repose sur une tradition ancienne qui remonte à près de 500 ans.

  1. Origine historique :

    • L’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539, promulguée par François Ier, constitue le premier texte à imposer l’usage exclusif du français comme langue juridique pour les actes publics (article 111).
    • Cette initiative visait à remplacer le latin par le français, garantissant ainsi une meilleure compréhension des actes officiels par la population.
  2. Évolution législative :

    • La loi du 31 décembre 1975 impose l’usage du français dans des domaines spécifiques tels que les offres d’emploi, les contrats de travail, la publicité et les factures. Elle interdit également l’utilisation de termes étrangers lorsqu’un équivalent en français existe. Cette loi a cependant été abrogée et remplacée en 1994.

Paragraphe 2. L’affirmation de l’unité de la langue sur le plan constitutionnel, législatif et jurisprudentiel

A. Affirmation constitutionnelle

La révision constitutionnelle du 25 juin 1992 introduit un nouvel article 2 dans la Constitution de 1958 :

« La langue de la République est le français. »

Ce texte consacre la primauté du français en tant que langue officielle de la République, sans exclure son usage par d’autres nations francophones comme le Canada, le Luxembourg ou la Suisse.

B. Affirmation législative

La loi du 4 août 1994, connue sous le nom de loi Toubon, rétablit et renforce les obligations en matière d’usage du français, en particulier dans :

  • La publicité, les documents administratifs et commerciaux.
  • Les examens et concours publics.
  • L’affichage public.

C. Affirmation jurisprudentielle

  1. Distinction entre le contenu et l’usage de la langue française :

    • Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 29 juillet 1994, distingue deux aspects :
      • Le contenu linguistique : Les individus restent libres d’utiliser la langue et les termes qu’ils souhaitent dans leur expression privée.
      • L’usage public : Les personnes morales de droit public et les relations entre l’administration et les particuliers doivent se faire en français.
  2. Décisions majeures du Conseil constitutionnel :

    • 15 juin 1999 : La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est jugée contraire à la Constitution, car elle pourrait reconnaître des droits collectifs fondés sur la langue, en contradiction avec le principe d’indivisibilité de la République.
    • 17 février 2002 : Dans le cadre du statut de la Corse, l’enseignement de la langue corse est validé sous réserve qu’il reste facultatif pour les élèves et les enseignants.
    • 28 septembre 2006 : Le Protocole de Londres sur la non-traduction des brevets européens est jugé conforme à la Constitution, car il concerne des relations privées et non des obligations publiques.
  3. Décisions administratives :

    • 29 mars 2006 : Le Conseil d’État annule un article autorisant les députés de Polynésie française à s’exprimer dans deux langues.
    • Les écoles Diwan (enseignement en breton) ont vu leurs dispositions annulées lorsqu’elles ne respectaient pas l’enseignement obligatoire en français.

Nouveautés introduites par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008

  1. Article 75-1 : Les langues régionales sont désormais reconnues comme faisant partie du patrimoine de la France.

  2. Article 87 : La République française s’engage à promouvoir la solidarité francophone et à encourager la coopération avec les États partageant l’usage du français.

Section 2. L’unité du Peuple.

Paragraphe 1. L’unicité du peuple français

Selon l’article 1er de la Constitution :

« La France est une République indivisible. »

Il n’existe qu’un peuple français, sans distinction d’origine, de race ou de religion. Ce principe découle des valeurs d’égalité et d’indivisibilité.

  • Décision du 9 mai 1991 :
    Le Conseil constitutionnel censure une disposition du statut de la Corse reconnaissant le « peuple corse » comme une composante du peuple français, car cela porterait atteinte à l’unité du peuple français.

Paragraphe 2. L’absence de différenciation entre citoyens

La Constitution interdit de diviser les citoyens en catégories sur la base de leur origine, langue ou religion. Cependant, cette interdiction ne lie que le législateur ordinaire, pas le constituant, qui peut apporter des atténuations.

  • Exemple : Nouvelle-Calédonie
    La révision constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie a instauré une citoyenneté calédonienne, donnant lieu à des mesures spécifiques comme des priorités à l’emploi ou l’usage d’un drapeau local.

Paragraphe 3. L’unité du corps politique et de la représentation du peuple

La représentation nationale repose sur le principe de souveraineté nationale, énoncé à l’article 1er de la Constitution. En théorie, chaque parlementaire représente la nation dans son ensemble, et non uniquement sa circonscription d’élection.

 

Section 3. L’indivisibilité du territoire.

Ce principe a fait partie de toutes les constitutions écrites françaises. Cette indivisibilité est rappelée dans les articles 1, 5, 16, 53, 89 etc…

Paragraphe 1. La république française : Un état unitaire, décentralisé.

Depuis la révision constitutionnelle du 28 mars 2003, l’article 1er de la Constitution a été complété : « Son organisation est décentralisée. »

La République française demeure un État unitaire, ce qui signifie qu’il n’y a qu’un seul centre de décision politique souverain. Cependant, la décentralisation permet une certaine autonomie aux collectivités territoriales, sans remettre en cause l’indivisibilité de l’État. Ni sécession ni fédération ne sont possibles sans révision constitutionnelle.

A. Une extension des responsabilités des collectivités territoriales

1. La constitutionnalisation des principes de subsidiarité et de proximité

L’article 72 alinéa 2 établit que :

« Les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent être mieux mises en œuvre à leur échelon. »

Ce principe signifie que si une compétence est mieux exercée au niveau local, l’État n’intervient pas. Cela garantit une autonomie locale et empêche une recentralisation des compétences déjà transférées.

Effets juridiques :
  • Une compétence transférée aux collectivités ne peut être recentralisée.
  • Le Conseil constitutionnel ou le Conseil d’État, en tant que juge administratif, tranchent en cas de litige.
2. Le droit à l’expérimentation

Reconnu à la fois à l’État et aux collectivités territoriales, ce droit permet d’adopter des mesures expérimentales pour une durée limitée.

a) Pour l’État :

Prévu par l’article 37-1 : « La loi et le règlement peuvent comporter des dispositions à caractère expérimental pour une durée déterminée. »

b) Pour les collectivités territoriales :

Prévu par l’article 72 alinéa 4, il autorise les collectivités à déroger à certaines règles législatives ou réglementaires pour exercer leurs compétences, sous conditions :

  • Ces dérogations concernent uniquement les compétences reconnues aux collectivités.
  • Les libertés et droits fondamentaux ne doivent pas être affectés.
  • L’intervention du Parlement est requise en amont (pour fixer la durée de l’expérimentation, limitée à 5 ans) et en aval (pour évaluer les résultats).

Résultats possibles de l’expérimentation :

  • Retour au droit initial si l’expérimentation échoue.
  • Extension de la mesure à d’autres collectivités si elle réussit.
  • Prolongation de 3 ans maximum pour affiner l’évaluation.

B. Le renforcement de la participation populaire

1. Le droit de pétition

L’article 72-1 alinéa 1 permet aux électeurs d’une collectivité territoriale de soumettre une pétition à l’assemblée délibérante (conseil municipal, régional, départemental) pour qu’une question relevant de ses compétences soit inscrite à l’ordre du jour.

2. Le référendum local décisionnel

L’article 72-1 alinéa 2 prévoit qu’un référendum peut être organisé sur un projet relevant de la compétence d’une collectivité territoriale. La décision adoptée par référendum lie les élus locaux.

3. Le référendum local consultatif

Prévu par l’article 72-1 alinéa 3, ce référendum permet de recueillir l’avis des électeurs sur :

  • La création ou la modification d’un statut particulier.
  • Les modifications des limites géographiques d’une collectivité.

Exemples :

  • En 1983, un référendum en Corse a rejeté la fusion des deux départements corses.
  • En 2013, une consultation similaire en Alsace a également été rejetée.

4. Outre-mer

L’article 72-4 introduit deux types de référendums spécifiques pour les collectivités d’outre-mer :

  • Référendum décisionnel (alinéa 1).
  • Référendum consultatif (alinéa 2).

C. Le cadre financier applicable aux collectivités territoriales

1. Le principe d’autonomie financière

L’article 72-2 alinéa 1 garantit que les collectivités disposent de leurs propres ressources financières, qu’elles peuvent gérer librement.

2. L’autonomie fiscale

L’article 72-2 alinéa 2 impose que les ressources fiscales constituent une part importante des ressources des collectivités.

3. Le principe de juste compensation

L’article 72-2 alinéa 4 prévoit que tout transfert de compétence de l’État vers les collectivités doit s’accompagner des moyens financiers nécessaires.
Cependant, l’État ne transfère que les moyens qu’il utilisait lui-même, souvent insuffisants. Les collectivités doivent alors compléter par des augmentations des impôts locaux.

4. Le principe de péréquation

L’article 72-2 alinéa 5 instaure un système de redistribution financière entre collectivités : les plus riches contribuent à un fonds de péréquation redistribué aux plus pauvres.

D. Le droit à la spécificité

1. En métropole

L’article 72 alinéa 1 autorise la création de collectivités territoriales à statut particulier, adaptées à des situations spécifiques (exemple : Collectivité européenne d’Alsace depuis 2021).

2. En outre-mer

La révision de 2003 a introduit l’article 72-3, qui distingue plusieurs catégories de collectivités d’outre-mer.

a) DOM-ROM (article 73)

Assimilation législative : les lois françaises s’appliquent automatiquement, sauf exceptions.

  • Martinique
  • Guadeloupe
  • Guyane
  • Réunion
  • Mayotte

b) COM (article 74)

Spécialité législative : les lois françaises ne s’appliquent que si elles le prévoient expressément.

  • Saint-Pierre-et-Miquelon
  • Wallis-et-Futuna
  • Polynésie française
  • Saint-Barthélemy
  • Saint-Martin

c) Nouvelle-Calédonie

Depuis les accords de Nouméa (1998), elle bénéficie d’un statut unique prévu aux articles 76 et 77. Elle dispose de symboles spécifiques (drapeau, hymne) et d’une citoyenneté calédonienne. Un référendum d’autodétermination organisé en 2021 a confirmé son maintien dans la République française.

E. Le droit de sécession

L’article 53 prévoit que :

« Toute cession, adjonction ou échange de territoire nécessite le consentement des populations concernées et l’approbation du Parlement français. »

Ce droit a été utilisé à plusieurs reprises :

  • 1975, indépendance des Comores (sauf Mayotte).
  • 1977, indépendance de Djibouti.
  • 1987, statut particulier pour la Nouvelle-Calédonie après un boycott kanak.

F. L’homogénéité du droit applicable

1. Un principe absolu pour les libertés et droits fondamentaux

La France, en tant qu’État unitaire, garantit l’uniformité des droits fondamentaux pour tous les citoyens.

2. Un principe variable pour d’autres matières

Certains domaines connaissent des adaptations spécifiques, notamment :

  • En outre-mer (articles 73 et 74).
  • En Alsace-Moselle, avec le droit local hérité du régime allemand.
  • En Nouvelle-Calédonie, avec ses lois spécifiques et son cadre d’autodétermination.

 

Paragraphe 2. L’indivisibilité de la souveraineté

 

Le principe d’indivisibilité de la souveraineté signifie qu’il existe une seule source de souveraineté qui s’applique uniformément à l’ensemble du territoire et à tous les citoyens. Ce principe, énoncé dans l’article premier de la Constitution française, exclut toute division de la souveraineté, que ce soit entre les citoyens ou entre les territoires.

A. L’État, source du pouvoir normatif

Seul l’État détient la souveraineté et, par conséquent, le pouvoir législatif. Les collectivités territoriales ne peuvent ni s’approprier ni exercer cette souveraineté, ce qui signifie qu’elles n’ont pas le pouvoir de voter des lois.

Limitation au pouvoir réglementaire des collectivités :

Depuis 2003, dans le cadre de la décentralisation, les collectivités territoriales peuvent recevoir une délégation de pouvoir réglementaire pour gérer les compétences qui leur sont confiées. Cependant, cela reste une exception encadrée, sans impact sur la souveraineté législative de l’État.

B. Le respect des compétences étatiques

Les collectivités territoriales ne disposent d’aucune compétence en matière internationale, conformément au principe d’unicité de la souveraineté. Cependant, deux exceptions notables existent :

Exceptions pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française

Ces deux collectivités bénéficient de statuts spécifiques qui leur permettent, depuis une décision du Conseil constitutionnel du 7 décembre 2000, de :

  • Négocier et signer certains accords internationaux.
  • Agir uniquement dans les domaines qui relèvent des compétences qui leur ont été transférées (exemple : coopération régionale ou développement économique).

C. Contrôle de légalité des actes des collectivités

Toutes les autres collectivités restent soumises au contrôle de légalité exercé par le représentant de l’État (préfet ou haut-commissaire). Ce contrôle garantit que les actes des collectivités respectent la législation nationale.

Fonctionnement du contrôle de légalité :
  • Contrôle a posteriori : Les actes adoptés par les collectivités territoriales sont transmis au représentant de l’État.
  • Saisine du juge administratif : Si le représentant de l’État estime qu’un acte est contraire à la loi, il peut saisir le juge administratif pour en demander l’annulation.

D. Évolution historique du contrôle

Avant 1982, le contrôle exercé par l’État sur les actes des collectivités était un contrôle d’opportunité, qui portait non seulement sur la légalité mais aussi sur l’intérêt ou la pertinence de l’acte. Depuis la loi de décentralisation de 1982, ce contrôle est limité à un contrôle de légalité, respectant davantage l’autonomie locale tout en maintenant l’unité normative de l’État.

Isa Germain

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