Quel est le rôle du Conseil Constitutionnel? Comment fonctionne-t-il?

Le Conseil Consttutionnel 

Vu la suprématie de la norme, il faut se donner les moyens de la protéger, c’est le contrôle de constitutionnalité.

Créé en mars 1958, le Conseil Constitutionnel à l’origine était surtout un régulateur des relations entre exécutif et législative et était aussi un juge électoral.

A partir de 1971 le Conseil Constitutionnel est devenu le protecteur du respect des libertés et droits fondamentaux.

Section 1. L’émergence du Conseil Constitutionnel.

§ 1. Une véritable juridiction.

Les textes ne lui accordent pas ce statut, mais c’est la réalité dans les faits.

A. La composition du Conseil Constitutionnel.

1. Les membres de droit.

Volonté de de Gaulle d’associer les anciens Président de la République (4ème). Ils ne sont pas obligés de siéger. Aujourd’hui en théorie, 3 anciens présidents en sont membres à vie. Le plus ancien est Giscard d’Estaing, il est d’ailleurs le seul à y siéger, ce depuis 2001, date à laquelle il a perdu  tout mandat électif. Le second est Chirac, mais en raison de son état de santé, il n’y siège plus depuis 15 mois. Sarkozy y a siéger 1 an et ne venait que lorsque il n’y avait pas de questions prioritaires, il ne venait que lors des contrôles à priori ; il n’ siège plus par sa volonté, car il fut frustré par le rejet de ses comptes de campagnes.

Hollande voulait supprimer immédiatement par révision cette catégorie, mais faute de majorité il n’a pu le faire.

2. Les membres nommés.

Ils sont 9, nommés pour un mandat non renouvelable de 9 ans.

 

Sont nommés par le Président de la République (nomme aussi le président du CC), 3 autres sont nommés par le Président de l’assemblée Nationale et 3 autres par le Président du Sénat. Le renouvellement se fait par  tiers tous les 3 ans (prochaine en 2016).

B. Le statut des membres du Conseil Constitutionnel.

La loi organique du 11/10/2013 a durci le régime des incompatibilités avec la qualité de membre du Conseil Constitutionnel. Depuis cette loi la qualité de membre est incompatible avec tout mandat électif, avec toute fonction publique et toute activité professionnelle et salariée, y compris celle d’avocat (nouveauté, et Sarkozy est avocat, donc disposition pas anodine). Mais ils peuvent effectuer des travaux scientifiques, littéraires et artistiques (C’est le cas de Debré). Les membres nommés doivent prêter serment devant le Président de la République avant leur entrée en fonction.

Tous les membres sont tenus à la confidentialité des délibérations. Le conseil, lorsqu’il se prononce, se prononce dans leur ensemble (on ne sait pas qui a voté pour  ou contre, donc pas d’opinion dissidente).

C. La saisine du Conseil Constitutionnel.

Il existe désormais 2 types de saisine :

·         Classique existant depuis 1958 qui est la saisine à priori. Ici, la saisine peut être soit obligatoire, soit facultative.

o   Obligatoire pour 3 textes : les lois organiques, les règlements intérieurs des assemblées (éviter les dérapages de la 3ème république), les propositions de lois référendaires de l’art.11.

o   Facultative : pour les lois ordinaires art.71, les traités internationaux art.54, les lois de Pays de Nouvelle Calédonie art.77

o   Ici seules des autorités politiques peuvent saisir le Conseil Constitutionnel. Exécutives le Président et le 1er ministre. Législatives, Président de l’Assemblée Nationale ou du Sénat, et 60 députés ou sénateurs.

·         A postériori : sur disposition législative donc déjà en vigueur ; prévue à  l’art.61-1 et rendu applicable par loi organique de décembre 2009. Ici celui qui peut saisir est un justiciable qui estime qu’un droit ou liberté est violé par une disposition législative, il peut alors poser la QPC (ne pas confondre citoyen et justiciable, ici c’est seulement une partie à un procès, à un litige qui peut poser la QPC à  la juridiction devant laquelle se déroule le procès).

§ 2. L’autorité de la chose jugée par le Conseil Constitutionnel.

C’est en ce sens que le Conseil Constitutionnel est une véritable juridiction. Il dit le droit et ses décisions ont autorité absolue de la chose jugée (décisions s’applique à tous, en vertu art.62). Un seul pouvoir constitué n’est pas tenu de s’en tenir à  ses décisions, c’est lui-même, car il peut opérer un revirement jurisprudentiel.

Distinguo entre contrôle à priori et à postériori. A priori, le contrôle s’impose à tous. A postériori, l’art.62 alinéa 2 (jouté en 2008), précise qu’une disposition jugée inconstitutionnelle sur la base d’une QPC est abrogée, soit immédiatement par publication au JO, soit à une date ultérieure fixée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision.

Section 2. Le gardien de la hiérarchie des normes.

§ 1. La primauté inconditionnelle de la constitution sur les autres normes de droit interne.

Toutes les normes inférieures doivent respecter la constitution au sens large.

Pyramide en droit interne, au sommet la constitution (tout le bloc, y compris tous les principes jurisprudentiels dégagés par le Conseil Constitutionnel à valeur constitutionnelle), en dessous la loi organique, puis la loi ordinaire, puis les principes généraux de droit (jurisprudence du conseil d’état), puis les règlements (décrets puis arrêtés). Ici on ne parle pas des traités.

La place du traité : la Cour de Cassation et le Conseil d’Etat ont exactement la même jurisprudence, ainsi la constitution prime sur les traités. L’arrêt Sarran de 1998 du Conseil d’Etat en l’arrêt Fraisse de 2000 de la Cour de Cassation l’affirment. L’art .55 n’accorde la supériorité d’un traité que sur la loi ordinaire.

Mais certains traités, notamment ceux de l’UE ont un statut particulier.

§ 2. La primauté relative du droit européen sur la norme constitutionnelle française.

2 jurisprudences s’opposent, celle de la Cours de Cassation et du Conseil d’Etat (c’est la constitution qui prime) et celle de la Cour de Justice de l’UE (1964 et 1978, arrêt Costa/Enel (EDF Italien) et arrêt Simmenthal, la cour précise que le droit européen doit primer sur toutes les normes nationales y compris constitutionnelles).

L’art.54 (décision de contrariété des traités) supposait selon les points de vue la supériorité de la constitution, tantôt des traité.

Depuis décision de 10 juin 2004 et 27/07/2006 et 30/11/2006, La Conseil Constitutionnel affirme une primauté relative du droit européen dérivé et notamment des directives (a besoin d’une loi de transposition). Ainsi la transposition d’une directive européenne est une exigence constitutionnelle selon art.88-1 de la constitution.

En théorie, seule la cour de justice de l’UE est compétente pour contrôler la conformité de la directive au traité. La loi de transposition est une loi ordinaire. Le CC, si la loi de transposition de la directive est contraire à la constitution, ne censurera une disposition de la loi de transposition que si cette disposition est contraire à une disposition constitutionnelle expresse ou à un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France (exemple, atteinte à la laïcité). C’est donc un contrôle limité, et une façon habile de ne pas reconnaitre la supériorité absolue du droit européen.

Le Conseil Constitutionnel censurera aussi, si cette disposition de transposition est manifestement incompatible avec la directive qu’elle a pour objet de transposer (si le législateur dit le contraire de ce qu’il y a dans la directive).

Le Conseil d’état applique cette jurisprudence du Conseil Constitutionnel (arrêt Arcelor de 2007).

Section 3. Le régulateur des rapports entre pouvoirs publics.

§ 1. Un juge électoral.

A. Le contrôle de l’élection présidentielle et des élections parlementaires.

1. Le contrôle de l’élection présidentielle.

Pour le moment Le Conseil Constitutionnel intervient avant, pendant et après l’élection. Art.58.

2. Le contrôle des élections parlementaires

Art.59.

Pour les sénatoriales, il est rare que le Conseil Constitutionnel annule une élection, car suffrage indirecte.

Pour les législatives, le Conseil Constitutionnel peut soit valider l’élection, soit en modifier les résultats, soit encore annuler l’élection pour 2 motifs :

·         La fraude électorale (en voie d’extinction).

·         Le non-respect des règles de financement des campagnes (le député ne remet pas son compte de campagne, a dépassé le plafond autorisé, remet un compte en déficit, qui ne respecte pas les règles relatives aux dons, etc…).

B. Contrôle des référendums nationaux. 

Art.60. Art.1 référendum législatif. Art.89, référendum constitutionnel. Art.85 entrée d’un nouveau membre.

Le Conseil Constitutionnel intervient, avant (récent depuis décision Hauchemaille de juillet 2000), pendant et après l’opération référendaire.

§ 2. Le garant de la continuité des pouvoirs publics.

A. En cas de constatation de l’empêchement ou de la vacance de la présidence de la république.

Art.7 de la constitution. Le constituant n’a pas donné de définition de l’empêchement, c’est le Conseil Constitutionnel qui apprécie de manière souveraine, sauf si l’empêchement est physique. Ici le Conseil Constitutionnel est saisi par le gouvernement, et il doit statuer souverainement à la majorité absolue de ses membres sur la capacité du Président à continuer d’exercer ses fonctions. S’il estime que le président est empêché définitivement, il le constate et déclare la vacance de la présidence de la république, s’ouvre alors l’intérim exercé par le président du sénat (s’il est aussi empêché, c’est le gouvernement collégialement qui assure l’intérim.

L’art 7. Prévoit aussi un empêchement temporaire. Ici, Le Conseil Constitutionnel précise les conditions et les limites.

Il y a 2 hypothèses évidentes, la démission (de Gaulle démission en 1969) et la mort (Pompidou en 1974). E dehors de ces hypothèses, c’est l’empêchement.

B. En cas d’utilisation par le Président de l’article 16.

Le Conseil Constitutionnel interviendra avant la décision du président d’utiliser l’art.16, il intervient aussi pendant l’application de l’art.16 (toutes les décisions lui sont soumises pour avis), et enfin aussi en cours de l’application (depuis 2008) pour se prononcer sur son éventuelle fin.

§ 3. Le gardien de l’équilibre institutionnel.

A. L’irrecevabilité des propositions de loi ou des amendements d’origine parlementaire.

Art.41.

En cours de procédure législative, il peut y avoir un litige, une interprétation différente, sur une proposition de loi ou un amendement d’origines parlementaires. On estime que cette proposition ne relève pas de la compétence du parlement, ou qu’il est contraire à une loi d’habilitation contraire à l’art.38 (délégation au gouvernement), alors le Conseil Constitutionnel peut être saisi par le gouvernement et depuis le 23/07/2008, par le président de l’une ou l’autre des assemblées. Le Conseil Constitutionnel doit statuer dans les 8 jours.

B. L’irrecevabilité d’un projet de loi ne respectant pas les règles de présentation de l’art.39 alinéa 4.

Ceci a été ajouté en 2008.

C. Les pouvoirs réglementaires du gouvernement, la délégalisation de l’art.37 alinéa 2.

L’art.37 évoque des hypothèses :

·         C’est une loi adoptée avant l’entrée en vigueur de la constitution de 1958 (avant toutes les matières relevaient du domaine de la loi), désormais ces lois relèvent du domaine réglementaire. Pour modifier ces lois devenues règlements, le gouvernement est libre de modifier ces lois par décret pris après avis du Conseil d’Etat.

·         En revanche pour les lois intervenues après l’entrée en vigueur de la constitution de 1958, et notamment celles qui n’ont pas été soumises au contrôle de constitutionnalités (avant 1971), le gouvernement ne pourra les modifier qu’après une décision du Conseil Constitutionnel qui va délégaliser cette loi (enlever le caractère de loi et confirmer le caractère réglementaire), le gouvernement pourra alors les modifier par décret simple ensuite.

Section 4. Le protecteur des libertés et droits fondamentaux.

§ 1. Les modalités générales du contrôle de constitutionnalité.

Ce contrôle est un contrôle centralisé (modèle européen, une juridiction spécialisée). Il peut se faire à  priori (abstrait, en dehors de tout litige, et s’effectue par voie d’action), et aussi à  postériori (c’est un contrôle qui s’effectue au cours d’un litige, et donc par voie préjudicielle, la QPC, qui peut être posée, depuis révision de juillet 2008, loi organique de 2009 et le décret de 2010 qui en précisent les modalités).

·         QPC, question posée à  un juge, le juge doit la traiter en priorité (question de constitutionnalité et de conventionalité – traité – la question de constitutionnalité est traitée en priorité). Si on soulève un problème de constitutionnalité devant un juge ordinaire, il ne peut le trancher lui-même, il décide juste s’il saisit le juge constitutionnel, et si oui, il le saisi par voie préjudicielle. La question peut être posée devant toute juridiction ordinaire, de droit commun ou spécialisé, relevant de la compétence de la cour de Cassation (juridiction judiciaire, TGI, Prud’homme…) ou du Conseil d’Etat (juridiction administrative, TA, Conseil National des infirmiers, Conseil de l’ordre des médecins…). On ne peut pas poser de QPC lors du 1er jugement en cours d’assise, ni devant le Tribunal des Conflits. La question peut être posée à tout moment de la procédure (1ère instance, appel, cassation). Art.61-1, seule une disposition législative peut ainsi être contestée, donc pas une disposition réglementaire, et il faut que cette disposition porte atteinte à un droit ou à une libertés garantis par la constitution. La loi organique du 10/12/2009 ajoute :

o   Il faut que la disposition législative contestée soit au centre du litige ou en « commande d’issue ».

o   Il ne faut que cette disposition ait déjà été validée par le Conseil Constitutionnel dans le cadre du contrôle à priori. Sauf, changement de circonstances de droit (révision constitution) ou de fait.

o   Il faut que cette question ait un caractère sérieux.

·         Si la QPC est posée, la juridiction examine brièvement les conditions de recevabilité, puis elle transmet à la juridiction suprême de son ordre (Cassation ou Conseil d’Etat), c’est le premier filtre (75 % des questions ne sont pas transmises).

·         La juridiction suprême a un délai de 3 mois pour décider si elle transmet la question au CC, c’est le 2ème filtre (75 % ne sont pas transmises au CC).

·         Si la question est transmise au Conseil Constitutionnel (au 15/02/2014 il y a 389 questions transmises au CC, 2800 depuis l’existence dont seulement 400 réellement transmises au CC) le Conseil Constitutionnel dispose d’un délai de 3 mois pour rendre sa décision définitive. Le Conseil Constitutionnel peut :

o   Rendre une décision de conformité (55% des décisions QPC).

o   Rendre une décision de non-conformité (1/3), il faut distinguer la non-conformité totale (1/4) des décisions de non-conformité partielles.

o   Rendre des décisions d’incompétence et donc de non statuer (12%).

o   En 4 ans plus d’un tiers de toutes les décisions rendues par le Conseil Constitutionnel sont ainsi des décisions QPC. Le Conseil Constitutionnel peut moduler la date d’application et les effets de sa décision (il dit s’il y a effet rétroactif ou non).

Pour le contrôle à priori, le Conseil Constitutionnel a 1 mois pour se prononcer et 8 jours si le gouvernement a déclaré l’urgence. Pour les décisions de non-conformité partielle, tout dépend si les dispositions visées sont séparables ou non de l’intégralité du texte (si séparables, le Président peut promulguer la loi amputée des dispositions non-conformes).

§ 2. Les principes fondamentaux jurisprudentiels dégagés par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

Une décision initiale du 16/07/1971 fait du Conseil Constitutionnel le protecteur des droits fondamentaux. C’est la première décision de non-conformité. La censure se fait dès lors sur la base du préambule de la constitution (DDH 1789). Désormais le Conseil Constitutionnel est le principal protecteur soit par le contrôle par voie d’action soit par la QPC.

Les garanties exemples : 

·         Droits politiques : droit de suffrage 1979, libre détermination des peuples 1975 (Mayotte), droit des peuples d’Outre-Mer à avoir un statut spécial (1980).

·         Les libertés publiques générales (droits de la défense en 1976, la présomption d’innocence en 1981, la non rétroactivité des lois pénale)

·         Les libertés intellectuelles (d’enseigner 1977, de la presse 1984, de la communication audio-visuelle 1986)

·         Les libertés collectives (liberté d’association 1971, droit de grève 1979).

 

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