En droit, l’admissibilité des modes de preuve repose sur deux grands systèmes, chacun régissant la manière dont le juge et les parties peuvent utiliser les preuves dans un procès :
Le système de la preuve morale (ou preuve libre) : Dans ce système, le juge est libre de former son intime conviction sur la base de tous les éléments de preuve présentés, sans limitation quant aux moyens de preuve. Les parties peuvent choisir n’importe quel type de preuve (témoignages, présomptions, écrits, etc.), et le juge évalue la force de chacune de manière discrétionnaire. Ce système est principalement utilisé en matière pénale en France, où il permet au juge d’avoir une vue d’ensemble sur les éléments qui lui sont présentés, sans être contraint par des règles strictes de preuve.
Le système de la preuve légale : Ici, les modes de preuve sont réglementés et certaines preuves sont imposées pour prouver des faits ou des actes. Les parties doivent recourir aux modes de preuve spécifiés par la loi, souvent sous forme d’écrit pour les actes juridiques importants, et les juges sont tenus de les accepter comme vérité, sans tenir compte des autres éléments de preuve. Ce système de preuve légale est couramment appliqué en matière civile pour sécuriser les transactions juridiques.
Le système français, en matière civile, est un système mixte : il combine à la fois le principe de la preuve légale et celui de la preuve libre, en fonction de la nature de l’objet à prouver.
En matière de faits juridiques, c’est-à-dire des événements produisant des effets de droit sans intention de créer ces effets (comme un accident ou un quasi-délit), la preuve est libre. Cela signifie que les faits juridiques peuvent être prouvés par tout moyen, que ce soit par des témoignages, des présomptions, ou des indices, et le juge évalue la force probante de chaque preuve pour établir son intime conviction. Ce système de la preuve morale confère au juge une grande liberté pour apprécier les faits dans chaque cas particulier, en tenant compte de toutes les preuves disponibles.
Il existe cependant des exceptions : certains faits d’une importance particulière, comme l’état civil des personnes (naissance, mariage, décès) doivent être prouvés par des documents officiels émanant de l’état civil. Ces faits importants nécessitent des preuves spécifiques, garantissant la fiabilité et l’authenticité des informations.
Les principes relatifs à la preuve des actes juridiques sont énoncés dans l’article 1359 du Code civil, mais des exceptions de plus en plus nombreuses viennent tempérer ces règles. Cet article fixe deux grands principes qui encadrent la preuve des actes juridiques.
Pour tout acte juridique portant sur une somme égale ou supérieure à 1 500 euros, un écrit est requis. Cet écrit doit être un acte authentique (notarié) ou un acte sous seing privé (signé par les parties). Cela signifie que :
. Toutefois, plusieurs exceptions et compléments ont été apportés pour adoucir ces exigences, comme le mentionnent les articles 1360 et 1362 du Code civil :
Cette obligation vise à sécuriser les transactions d’une certaine valeur en exigeant un document durable et incontestable.
Lorsqu’un écrit a été établi pour constituer une preuve anticipée, cet acte bénéficie d’une présomption de régularité. Autrement dit, il est présumé exact et complet, sauf si la partie adverse apporte une preuve contraire. Toutefois, la preuve contraire ne peut être apportée que par un autre écrit, et non par des témoignages ou d’autres moyens.
Par exemple, pour contester un contrat sous seing privé, une partie doit produire un autre document écrit prouvant l’erreur ou l’omission alléguée dans le contrat initial.
Malgré ce double principe, il existe des cas où l’écrit n’est pas exigé, même pour des actes d’une valeur supérieure à 1 500 euros. Ces exceptions concernent notamment :
L’aveu : Un aveu judiciaire (reconnaissance par une partie d’un fait allégué par l’autre) peut suffire comme mode de preuve, même pour des montants dépassant 1 500 euros. L’aveu est irrévocable et dispense la partie qui l’obtient de fournir un écrit.
Le serment : Le serment décisoire, qui consiste à demander à une partie de prêter serment sur un fait litigieux, peut également remplacer l’écrit. Si la partie concernée prête serment, le litige est clos ; si elle refuse, elle perd le bénéfice de la preuve.
Ces exceptions s’expliquent par le fait que les règles relatives à la preuve sont supplétives de volonté. Les parties peuvent, par convention, écarter ces règles et choisir des modes de preuve différents. Par conséquent, elles peuvent aussi décider de mettre fin à une contestation par l’aveu ou le serment, offrant ainsi une certaine flexibilité dans le règlement des litiges.
En conclusion, la preuve des actes juridiques repose sur un principe de preuve écrite obligatoire pour les transactions importantes, assurant ainsi la sécurité juridique. Cependant, ce principe connaît des exceptions importantes, notamment l’aveu et le serment, qui permettent de se passer d’un écrit dans certains cas. Ces règles, bien que protectrices, laissent donc place à une souplesse pour les parties, qui peuvent choisir de s’en écarter lorsqu’elles souhaitent mettre fin à une contestation de manière rapide et définitive.
L’écrit peut, par exception, être remplacé par un mode de preuve libre, comme un témoignage ou une présomption. Cette alternative est possible dans cinq situations principales.
Les règles de l’article 1359 du Code civil, imposant un écrit pour prouver certains actes juridiques, ne s’appliquent pas aux relations commerciales. En matière commerciale, l’article L110-3 du Code de commerce dispose que la preuve peut être apportée par tout moyen, mais uniquement entre commerçants.
En cas d’acte mixte (entre un commerçant et un non-commerçant), le consommateur peut prouver librement l’existence du contrat contre le commerçant. En revanche, si le commerçant doit prouver l’existence du contrat pour réclamer paiement au consommateur, il est tenu de respecter les règles de preuve du Code civil, nécessitant un écrit dès que la somme excède 1 500 euros.
Les tiers à un contrat (ceux qui ne sont pas parties prenantes dans l’accord) peuvent parfois avoir un intérêt à invoquer ce contrat, en particulier pour prouver son inexécution. Dans ce cas, le tiers peut prouver l’existence du contrat par tout moyen, car, pour lui, le contrat constitue un fait juridique, et non un acte juridique.
Lorsqu’une partie souhaite prouver qu’un contrat a une cause illicite (par exemple, un objectif contraire à l’ordre public), cette preuve peut être apportée par tout moyen. La preuve de la fraude à la loi n’est donc pas limitée par l’obligation d’un écrit.
Si le demandeur possède un commencement de preuve par écrit, il peut échapper à l’exigence d’une preuve écrite complète. Bien que ce document ne suffise pas à lui seul pour prouver l’acte juridique, il rend admissible la preuve de l’acte par témoignage ou présomption.
Selon l’article 1353 du Code civil, le commencement de preuve par écrit est un acte émanant de la personne contre laquelle la demande est dirigée et qui rend vraisemblable le fait allégué. Trois conditions sont nécessaires :
Le demandeur peut également être dispensé de produire un écrit dans des cas où il est objectivement impossible de le fournir. Cette exception couvre trois hypothèses :
Conclusion
De nombreuses exceptions viennent ainsi tempérer le principe de l’article 1359 du Code civil, qui impose la preuve par écrit pour les actes juridiques. De plus, ces règles de preuve sont supplétives de volonté, ce qui signifie que les parties peuvent s’accorder à déroger à ces obligations dans leurs contrats. Le droit positif se rapproche donc de plus en plus du système de la preuve libre, qui est déjà appliqué en matière de faits juridiques.
A noter que le règlement eIDAS (Règlement UE n°910/2014), appliqué en France, a clarifié les exigences de fiabilité des écrits électroniques. Les signatures électroniques qualifiées, par exemple, bénéficient aujourd’hui d’une présomption de fiabilité et peuvent constituer des preuves valables au même titre qu’un acte sous seing privé, pour autant qu’elles répondent aux exigences du Code civil.
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