Le droit français est soumis aux normes internationales, ce qui signifie qu’en cas de conflit entre les lois françaises et certaines normes internationales, ces dernières l’emportent. Ce principe de primauté du droit international découle de plusieurs dispositions et décisions institutionnelles, notamment la Constitution et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) et du Conseil d’État.
1. Les traités internationaux
Les traités sont des accords conclus entre États qui imposent des obligations aux États signataires et parfois aux particuliers (citoyens et entreprises). La Constitution française, à l’article 55, consacre la suprématie des traités internationaux sur les lois nationales, à condition qu’ils soient ratifiés, publiés et appliqués de manière réciproque. Concrètement, cela signifie que lorsqu’un traité international contredit une loi nationale, les juridictions françaises doivent appliquer le traité et non la loi nationale. Ce principe a été réaffirmé par plusieurs décisions du Conseil d’État, notamment l’arrêt Nicolo (1989), qui reconnaît la possibilité pour les juges administratifs d’écarter une loi nationale incompatible avec un traité international.
2. Le droit de l’Union européenne
Le droit de l’Union européenne (UE), précédemment appelé droit communautaire, occupe une place particulière parmi les textes internationaux en raison de sa primauté et de son effet direct. Il se divise en deux types :
Les règlements européens sont directement applicables dans tous les États membres et prévalent sur le droit national sans nécessiter de transposition. Les directives européennes nécessitent, quant à elles, une transposition dans le droit national mais imposent aux États membres d’atteindre un objectif précis. En cas de conflit entre une loi nationale et le droit de l’UE, ce dernier l’emporte, principe confirmé par des arrêts célèbres de la CJUE, notamment Costa c/ ENEL (1964) et Internationale Handelsgesellschaft (1970).
En général, les traités internationaux ne créent pas de droits directement invocables pour les particuliers, car ils sont conclus entre États et visent principalement à créer des obligations réciproques entre ces États. Les particuliers ne peuvent donc généralement pas se prévaloir directement de ces traités devant les juridictions nationales, car ils ne sont pas censés leur conférer de droits individuels. Toutefois, une exception existe pour certains traités qui, par leur nature ou leur texte, sont reconnus comme directement applicables et donc invocables par les particuliers dans certains États.
Applicabilité directe des traités : le cas des traités créant des droits pour les particuliers
Un traité est dit d’applicabilité directe lorsqu’il crée des droits pour les particuliers que ceux-ci peuvent invoquer directement devant les tribunaux nationaux. Cela peut se faire de deux manières :
Si le traité le prévoit explicitement dans son texte, comme c’est le cas pour certains droits.
Si le juge national reconnaît le caractère d’applicabilité directe en l’absence de disposition explicite.
Rôle des juges dans l’applicabilité directe
Lorsque les traités ne stipulent pas clairement leur applicabilité directe, il revient aux juges nationaux de décider si les particuliers peuvent les invoquer directement. Cette approche varie selon les pays, car certains systèmes juridiques sont plus ouverts à l’idée de conférer des droits aux particuliers à partir de traités internationaux. En France, le Conseil d’État et la Cour de cassation évaluent cette question au cas par cas, en se basant sur la clarté, précision et inconditionnalité des dispositions du traité.
Impact pour les droits privés et publics
Les traités ayant effet direct deviennent des sources de droit national applicables aux particuliers, intégrant des droits fondamentaux dans le domaine du droit privé et renforçant la protection des droits individuels dans les États membres.
a) Supériorité des traités internationaux sur les lois internes
Selon l’article 55 de la Constitution française, les traités internationaux ratifiés et publiés ont une autorité supérieure aux lois nationales, dès lors que les autres parties contractantes en assurent l’application réciproque. Cette disposition garantit ainsi la primauté des traités sur le droit interne, renforçant l’intégration de la France dans l’ordre juridique international.
b) Conflits entre les lois internes et les traités internationaux
Lorsque des dispositions d’une loi interne contredisent un traité international, le juge est tenu d’écarter la loi interne. Si la loi est antérieure au traité, elle est réputée tacitement abrogée par ce dernier. En revanche, les lois postérieures au traité posent un cas plus complexe.
Le Conseil constitutionnel, saisi pour trancher cette question, a refusé d’y répondre en estimant que le conflit d’une loi avec un traité n’impliquait pas une violation de la Constitution. Ce silence a permis aux juridictions judiciaires et administratives de jouer un rôle déterminant.
c) Arrêts fondamentaux : Jacques Vabre et Nicolo
Dans l’arrêt Jacques Vabre du 24 mai 1975, la Cour de cassation a affirmé pour la première fois que le juge national devait appliquer l’article 55 de la Constitution en écartant toute loi postérieure incompatible avec un traité. Cette décision a été suivie par l’arrêt Nicolo de 1989, dans lequel le Conseil d’État a adopté la même position pour l’ordre administratif, confirmant ainsi la primauté des traités internationaux sur les lois internes, qu’elles soient antérieures ou postérieures au traité.
Ces décisions établissent un principe fondamental : les lois internes doivent être conformes non seulement à la Constitution mais également aux traités ratifiés par la France, ce qui confère aux traités internationaux une autorité directe dans l’ordre juridique français.
La Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH), signée en 1950, est entrée en vigueur en 1953 et a été ratifiée par la France en 1974. Elle s’est ensuite enrichie de 14 protocoles additionnels, élargissant et précisant la protection des droits fondamentaux. Cet instrument juridique regroupe aujourd’hui 47 États membres du Conseil de l’Europe et impose aux États des obligations de respect des droits et libertés individuels.
Cette convention a eu un impact considérable en droit français en raison de sa portée directe dans l’ordre juridique interne : ses dispositions s’appliquent automatiquement, sans qu’une loi nationale ne soit nécessaire pour les transposer.
1) Contenu de la Convention
La CEDH garantit un ensemble de droits civils et politiques, notamment :
Ces droits représentent des standards élevés de protection et d’égalité, qui influencent en profondeur les systèmes juridiques des États membres.
2) Application directe de la Convention
La CEDH bénéficie d’une applicabilité directe en droit interne français. Selon l’article 55 de la Constitution française, les traités régulièrement ratifiés, comme la CEDH, priment sur la loi française. Ainsi, si une loi nationale contredit les droits protégés par la CEDH, un juge peut écarter cette loi pour faire primer la convention.
Cette applicabilité directe signifie que :
Ainsi, un particulier a la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg si toutes les voies de recours internes ont été épuisées, et l’État, en cas de condamnation, est tenu de se conformer aux jugements rendus, sous peine de sanctions internationales.
Deux voies principales s’offrent aux particuliers pour invoquer la CEDH contre un État, comme la France, en cas de violation de leurs droits fondamentaux.
Voie d’exception devant les juridictions nationales :
Lorsqu’un particulier conteste une décision ou une loi, il peut invoquer une violation de la CEDH par voie d’exception. Ce mécanisme permet de contester une norme nationale qui serait contraire aux droits garantis par la CEDH. Par exemple, un justiciable peut contester une disposition du Code civil qu’il estime en conflit avec la convention.
Saisine de la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) :
Si un particulier a épuisé toutes les voies de recours internes en France, il peut saisir la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg. En cas de condamnation, la France pourrait être tenue de verser une indemnité au plaignant. Bien que les États ne soient pas obligés de modifier leur législation après une condamnation, ils se conforment souvent à ces décisions pour éviter des condamnations répétées.
Impact des arrêts de la CEDH sur le droit positif français : Ces arrêts ont contribué à des évolutions dans le droit français.
En 1992, la Cour européenne a condamné la France, estimant que le refus de la Cour de cassation d’accorder une rectification de sexe dans l’état civil à une personne transgenre violait le droit au respect de la vie privée (article 8 de la CEDH). Par la suite, la Cour de cassation a modifié sa jurisprudence, permettant ainsi aux personnes ayant subi une transformation de genre de rectifier leur état civil, ce qui a été un progrès significatif dans la reconnaissance des droits des personnes transgenres en France.
Historiquement, les enfants adultérins étaient discriminés en matière successorale en France, ne percevant que la moitié de ce à quoi ils auraient eu droit en cas de succession avec des enfants légitimes. Dans l’arrêt Mazurek du 1er février 2000, la Cour européenne a condamné cette discrimination comme une violation du droit au respect de la vie privée et une atteinte au principe de non-discrimination (article 14 de la CEDH). En conséquence, la France a modifié son Code civil, accordant aux enfants adultérins les mêmes droits que les enfants légitimes.
Conséquences et limitations des changements législatifs
Bien que la modification de la législation en réponse aux décisions de la CEDH soit souvent perçue comme positive, elle peut aussi entraîner des complications juridiques. Par exemple, les nouvelles interprétations ou règles peuvent introduire des incertitudes dans des affaires où la sécurité juridique et la stabilité des droits sont essentielles.
Exemple de l’arrêt du 6 mars 1996
Dans cet arrêt, la Cour de cassation a étendu l’influence de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) aux relations entre particuliers en invoquant le droit au respect de la vie privée et familiale.
Lors de son recours en cassation, le bailleur a insisté sur le respect des clauses contractuelles. Cependant, la Cour de cassation a confirmé le rejet de sa demande en s’appuyant de nouveau sur l’article 8 de la CEDH, estimant qu’une telle clause, restreignant l’hébergement de membres de la famille, allait à l’encontre de ce droit fondamental.
Paragraphe 2 . Le droit de l’union européenne
Le droit de l’Union européenne (UE) regroupe l’ensemble des règles qui découlent de plusieurs traités fondateurs et constitue un cadre juridique pour les États membres.
1. Origine et Traités fondateurs
Le droit de l’UE repose sur trois grands traités historiques :
Le Traité de Paris (1951) : À l’origine de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), il marque une première étape vers une Europe intégrée en créant une autorité supranationale sur ces industries clés.
Les Traités de Rome (1957) : Fondateurs de la Communauté économique européenne (CEE) et de l’Euratom, ils établissent les bases d’un marché commun et un cadre de coopération énergétique.
Ces traités fondateurs sont complétés par des révisions importantes :
Le Traité d’Amsterdam (1997) : Ce traité vise à renforcer la démocratie, les droits fondamentaux et la sécurité au sein de l’UE. Il introduit des mesures concernant la coopération judiciaire et policière et étend la procédure de codécision, renforçant ainsi le rôle du Parlement européen.
Le Traité de Nice (2001) : Principalement axé sur la réforme institutionnelle, il adapte les institutions européennes en vue de l’élargissement de l’Union aux pays de l’Europe de l’Est. Il modifie notamment les règles de vote au sein du Conseil et réforme la composition de la Commission.
Le Traité de Lisbonne (2007) : Ce traité renforce les pouvoirs du Parlement européen et instaure la fonction de président du Conseil européen. Il reconnaît également la force juridique de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le traité de Lisbonne simplifie également les structures institutionnelles et abandonne la structure en trois piliers établie à Maastricht, permettant une intégration plus cohérente des politiques de l’Union.
Aujourd’hui, une grande partie des normes juridiques, particulièrement dans le droit privé, est d’origine européenne, ce qui renforce l’intégration des législations nationales des États membres dans une logique commune.
2. Les Institutions de l’UE
Les textes fondateurs de l’UE ont instauré trois grandes institutions :
Le Parlement européen : Élu par les citoyens européens, il exerce un pouvoir législatif conjoint avec le Conseil de l’UE et joue un rôle central dans l’approbation des normes de l’UE.
Le Conseil de l’Union européenne (ou Conseil des ministres) : Il réunit les ministres des États membres selon les domaines de compétence et adopte des lois conjointement avec le Parlement.
La Commission européenne : Elle propose des législations, veille à leur application et est garante de l’intérêt de l’UE dans son ensemble.
3. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE)
La CJUE assure le respect du droit de l’UE par les États membres et interprète les traités. Elle garantit l’application uniforme du droit de l’UE en tranchant les litiges entre les institutions de l’UE et les États membres, ainsi que les litiges impliquant des particuliers.
4. Les Sources du droit de l’UE
Droit primaire : Comprend les traités fondateurs et leurs amendements, constituant le socle du droit de l’UE.
Droit dérivé : Formé par les actes législatifs émis par les institutions européennes, il comprend notamment les règlements, les directives et les décisions :
Règlements : Applicables directement dans tous les États membres sans besoin de transposition.
Directives : Fixent des objectifs que chaque État membre doit atteindre en adaptant son droit interne.
Décisions : Obligatoires pour leurs destinataires spécifiques, qu’il s’agisse d’États membres, d’entreprises ou de particuliers.
Le Conseil de l’UE et le Parlement européen adoptent ces normes sur proposition de la Commission, assurant ainsi un équilibre entre les intérêts nationaux et ceux de l’UE.
1. L’autorité supérieure du droit de l’Union européenne
Le droit de l’Union européenne (UE) est reconnu pour sa primauté sur les lois internes, quel que soit le moment de leur adoption. Cela signifie que les normes de l’UE priment sur les lois nationales, ce principe ayant été consolidé par les arrêts Jacques Vabre (Cour de cassation, 1975) et Nicolo (Conseil d’État, 1989). Ces décisions ont affirmé que les juridictions françaises doivent écarter les lois nationales contraires aux engagements européens, notamment pour assurer la conformité avec le traité de Rome.
2. L’applicabilité directe des normes européennes dans les États membres
Les individus peuvent invoquer directement certaines normes européennes devant les tribunaux nationaux, mais l’applicabilité varie en fonction de la nature de la norme :
En cas de défaut de transposition : le recours et les sanctions
Lorsqu’un État membre, comme la France, omet de transposer une directive ou la transpose incorrectement, les particuliers peuvent obtenir réparation pour le préjudice subi, la CJUE ayant reconnu cette possibilité dans des décisions telles que l’arrêt Francovich (1991). L’objectif est de responsabiliser les États en les exposant à des sanctions.
En outre, dans l’arrêt Van Duyn (1974), la CJUE a précisé que si une directive non transposée est suffisamment précise et inconditionnelle, ses dispositions peuvent être invoquées directement par un particulier contre l’État. En revanche, cet effet direct ne s’étend pas aux relations entre particuliers (effet direct horizontal). Toutefois, les juridictions nationales doivent interpréter le droit national en accord avec l’esprit des directives non transposées, afin de rendre les effets de la directive aussi effectifs que possible (principe de l’interprétation conforme).
Exemple : L’impact des directives non transposées en France
Dans le cadre de la directive de 1985 sur la responsabilité du fait des produits défectueux, la France n’a pas transposé cette directive dans les délais. La Cour de cassation a alors interprété les règles nationales pour refléter les objectifs de la directive, et la transposition a finalement eu lieu en 1998, après que la directive ait influencé la jurisprudence française pour protéger les consommateurs.
La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne a été proclamée en 2000, affirmant les valeurs fondamentales de l’UE, telles que la dignité, la liberté, l’égalité, la solidarité, la citoyenneté et la justice. Elle rassemble divers droits civils, politiques, économiques et sociaux, ainsi que des droits dits de « troisième génération » (droit à un environnement sain, à la protection des consommateurs, etc.). Cependant, cette charte n’a acquis une valeur juridiquement contraignante qu’avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, ce qui représente un tournant majeur.
Désormais, les institutions européennes ainsi que les États membres sont tenus de respecter cette charte lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’UE. Cela inclut la transposition des directives européennes ou toute action qui applique ou interprète le droit communautaire. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est chargée de veiller au respect de ces droits dans le cadre du droit européen.
Portée et limitations de la Charte
Bien que la charte soit contraignante, elle comporte certaines limites. Par exemple :
La Charte des droits fondamentaux de l’UE continue ainsi de constituer un cadre de référence pour la protection des droits au sein de l’UE, tout en devant être articulée avec la jurisprudence de la CJUE et les obligations découlant de la CEDH.
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