Les différents types de dommage
Le dommage est une atteinte portée à un tiers soit dans sa personne, soit dans ses biens. Le code civil de 1804 renvoie aux dommages sans plus de précisions. La doctrine a dégagé différents types de dommages.
§1°) La classification traditionnelle des dommages
Classiquement on identifie 3 séries de dommages, le dommage matériel, corporel, moral (souffrance que l’on peut endurer)
A – Le dommage matériel
- La Responsabilité civile L2 S4
- Article 1242 al 1 du Code civil : responsabilité du fait d’autrui
- Article 1242 al. 5 du code civil : responsabilité du commettant
- Article 1242 al. 4 du Code civil : la responsabilité des parents
- Article 1242 du code civil : La garde de la chose et le gardien
- Responsabilité du fait des choses : conditions, exonérations
- Article 1242 du code civil : la responsabilité du fait des choses
Le dommage matériel est une atteinte au patrimoine d’une personne, raison pour laquelle on trouve également cette dénomination dans l’expression dommage patrimonial.
Il est facilement évaluable en argent. Il peut correspondre
– soit à une perte subie (la destruction d’une chose) damnum emergems,
– soit c’est un gain manqué (lucrum cennans), les deux peuvent se cumuler.
Ce dommage matériel peut provenir d’une atteinte à un bien, celui ci peut être corporel (celui qui à une existence matérielle, celui que l’on peut toucher), on considère que cela peut être également un bien incorporel. Il pourra provenir d’un dommage corporel, ce dernier pourra obtenir des frais d’une victime pour ses soins. Ce dernier pourra générer des dommages matériels.
B – Le dommage moral
Il ne porte pas atteinte au patrimoine, c’est une souffrance ressentie par une personne, soit dans ses sentiments, soit dans ses droits extrapatrimoniaux (droits de la personnalité), le préjudice moral porte atteinte a la considération, à l’honneur ou encore à l’élément de joie de vivre d’une personne.
Deux questions se posent, peut on réparer une souffrance ? Une souffrance peut elle se monnayer ? Les juges ont admis la réparation du préjudice moral. Ce droit peut il se transmettre ?
1) un préjudice réparable
Dans la mesure où c’est une souffrance ressentie, le préjudice moral ne s’évalue pas en argent. Faute de pouvoir l’évaluer, on aurait pu dire qu’on ne le répare pas, la Cour de cassation à choisie une autre voie.
On distinguera la victime immédiate de la victime par ricochet.
– La réparation du dommage causé à la victime directe à été admis dés 1833 avec un arrêt des chambres réunies (ancienne assemblée plénière) 25/06/1833.
– La Cour de cassation à opéré toute une évolution pour la victime par ricochet,
o dans un premier temps la Cour de cassation à chercher à distinguer si la victime directe était décédée ou juste blessée.
– En cas de décès : Dans un premier temps, la jurisprudence elle admettait un préjudice moral si l’action était fondée sur un intérêt d’affection né d’un lien de parenté ou d’alliance entre la victime directe et la victime par ricochet. Sans ce lien, dans un premier temps, la jurisprudence ne permettait pas la réparation. Plus tard, la Cour de cassation s’est contentée, en cas de décès de la victime directe, de la preuve de la relation étroite avec la victime directe.
– Seconde hypothèse, lorsque la victime directe est seulement blessée,
· dans un premier temps la Cour de cassation à refusé de réparer le préjudice moral invoqué par la victime par ricochet, arrêt de la chambre des requêtes du 22/12/1942.
· Plusieurs arrêts ont ensuite admis la réparation à la condition que les blessures atteignant la victime directe soient telles que la douleur ressentie par les victimes par ricochet soit d’une gravité exceptionnelle. Arrêt de la seconde chambre civile du 16/02/1967.
· Cette condition à été abandonnée par deux arrêts de la 2 ème chambre civile. 23/05/1977 et 01/03/1978.
Comment se justifie cette jurisprudence ? Oui on ne peut pas réparer une souffrance, comme celle que l’on peut ressentir face à la perte d’un proche, par une somme d’argent. La responsabilité civile n’est pas là que pour réparer mais a aussi la fonction de compenser. Cette fonction compensatoire est ici retrouvée, dans la responsabilité on a aussi une responsabilité punitive, elle contribue à canaliser l’esprit de vengeance d’une victime. C’est essentiel pour assurer la paix sociale. La jurisprudence admet désormais largement la réparation du préjudice moral à tel point que en 1962 on a réparé le préjudice moral d’un propriétaire ayant perdu son cheval, 1ère chambre civile du 16/01/1962.
Le droit à réparation qui naît du préjudice moral peut il se transmettre ?
2) Un droit à réparation transmissible
Ne pas confondre la qualité de victime par ricochet et celle d’héritier de la victime, bien que l’on puisse être les deux à la fois.
Le droit à réparation a été très discuté en doctrine et on dénombre 3 tendances :
– Certains auteurs considèrent que le droit à réparation est transmissible mais seulement si le défunt a été dans l’impossibilité d’agir
– L’Action peut être transmissible à condition que le défunt l’ai intenté une action de son vivant, dans ce cas on continue l’action commencée par le défunt.
– L’Action en réparation est intransmissible car le préjudice moral serait éminemment personnel (souffrance ressentie par une personne)
Pourtant, un arrêt rendu par la chambre mixte le 30/04/1976, a admis la transmission aux héritiers du droit en réparation au préjudice moral.
Le droit à réparation est donc transmissible ce qui s’explique par le fait que les héritiers soient les continuateurs de la personne du défunt, donc ils peuvent agir en réparation. Ce droit est un droit patrimonial donc on distingue le préjudice moral (extra-patrimonial) et la créance de réparation qui naît de ce préjudice moral (patrimonial).
C – Le dommage corporel
C’est celui qui va affecter l’intégrité physique d’une personne, on ne peut jamais le réparer mais on peut le compenser (fonction compensatoire de la responsabilité). Fixer le montant des dommages-intérêts va soulever des difficultés car il dépend d’une appréciation subjective de la part du juge. Face à cette difficulté, des barèmes ont étés mis en place, néanmoins ceux-ci ne peuvent s’imposer aux juges. En pratique ces derniers peuvent se référer à un barème. A travers ces derniers on a essayé de cerner les types de dommages à travers des nomenclatures qui vont permettre au juge de suivre une certaine méthodologie quand il s’agit de déterminer le montant des dommages-intérêts. A l’heure actuelle deux exemples :
– la première, la « nomenclature Dintilhac » résulte d’un rapport de 2005 provenant d’un groupe de travail présidé par le président de la seconde chambre civile de l’époque.
– La seconde à été établie par le professeur Madame LAMBERT-FAIVRE, celle ci résulte d’un rapport de 2003 (énumérer, lister les composantes possibles du dommage corporel).
– L’avant projet de loi portant réforme de la responsabilité civile, consacre la référence à une nomenclature, l’article 1269 dispose que les préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux résultant d’un dommage corporel sont déterminés postes par postes suivant une nomenclature non limitative des postes de préjudices fixés en décret en Conseil d’État.
Les dommages corporels peuvent être :
– des dommages patrimoniaux,
– ou générer des préjudices extrapatrimoniaux comme :
o le préjudice esthétique (disgrâce physique que cause un préjudice corporel),
o ensuite on peut rencontrer le préjudice d’agrément (le fait d’être empêcher de pratiquer certaines activités).
§ La Cour de cassation en son assemblée plénière l’avait définie comme une privation des joies de l’existence.
§ Désormais elle retient une approche plus restrictive, elle estime que ce préjudice vise essentiellement l’impossibilité de pratiquer une activité de sport et de loisirs. Cela pourra être réparé au titre du préjudice fonctionnel.
o Le troisième préjudice extrapatrimonial est le déficit fonctionnel, c’est la perte de l’une des fonctions de l’organisme qui va réduire l’autonomie de la personne et réduire sa capacité à gérer les actes de la vie courante.
§ Le préjudice sexuel répare les souffrances liées soit à la difficulté soit à l’impossibilité de mener une vie sexuelle normale.
§ Enfin le préjudice d’établissement va réparer la perte de chance de réaliser un projet de vie qui pouvait être envisagé par une personne et que le dommage va empêcher. Le juge à parfois tendance à créer de nouveaux préjudices.
§. 2 – Les évolutions en matière de dommages
On dénombre trois types d’évolutions.
A – La prise en compte de nouveaux dommages
Une première tendance avec la reconnaissance des préjudices dits spécifiques, le juge va retenir une approche globale. La cour de cassation à fait émerger ce préjudice spécifique à propos de la contamination par le VIH par une transfusion (arrêt de la seconde chambre civile du 02/04/1996, ce préjudice comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel subis par la victime tant physiques que psychiques et résultant notamment de la réduction de l’espérance de vie, des perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle, ainsi que des souffrances et de leurs craintes du préjudice d’esthétique et d’agrément ainsi que de toutes les affections opportunistes consécutives à la déclaration de la maladie). Cette définition globale se justifie d’abord par la spécificité de ce préjudice mais aussi par son uniformité.
Tout d’abord ce préjudice est spécifique car à côté de ces préjudices personnels classiques, les victimes du VIH subissent des dommages plus originaux comme la perturbation de la vie, la diminution de cette dernière ainsi que le caractère évolutif de ces préjudices. Ce caractère évolutif va distinguer ces préjudices de ceux qui se distingueraient d’un autre dommage.
L’uniformité de ce préjudice désigne le fait que l’on retrouve les composantes de ce dommage à l’identique chez toutes les victimes.
Cette notion à été étendue aux personnes contaminées par l’hépatite C.
Une seconde tendance pour la création de nouveaux dommages, c’est la psychologisation du dommage, autrement dit on va prendre en compte la psychologie de la victime. Le préjudice va apparaître de différentes manières avec le préjudice d’angoisse et/ou d’anxiété qui manifeste la prise en compte de la dimension psychologique d’un dommage.
– Apparu pour la première fois en 2006 avec l’implantation d’une sonde cardiaque défectueuse. (19/12/2006).
– Préjudice reconnu expressément dans des affaires d’exposition à l’amiante. Défini par la jurisprudence comme une situation d’inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d’une maladie liée à l’amiante (chambre sociale 02/04/2014).
– La psychologisation du dommage s’observe ensuite par le préjudice d’impréparation, ce dernier apparaît en présence d’un défaut d’information du médecin (23/01/2014, la Cour de cassation à considéré que lorsque qu’un médecin manque à son obligation d’information, non seulement le patient perd une chance de refuser le traitement mais qu’en plus il subi un préjudice particulier, le préjudice d’impréparation tenant au fait que le patient n’a pas pu se préparer à ce qui allait peut être lui arriver suite au traitement pour lequel il n’a pas été informé. Cette prise en compte s’observe enfin au regard des nouveaux dommages.
B – La prise en compte des dommages sériels
A l’heure actuelle il y a de plus en plus de massification des préjudices, ces dommages sont liés à l’évolution des techniques, des sciences.
– On à l’exemple de la vache folle.
– Prise en compte des dommages qui vont intéresser tout le monde comme le préjudice écologique qui affecte tant les générations présentes que potentiellement les générations futures. Ce préjudice écologique à été reconnu dans l’affaire ERIKA (25/09/2012). Un groupe de travail présidé par le professeur JEGOUZO à remis un rapport favorable à la réparation d’un préjudice écologique, ce rapport à préconiser d’inscrire au sein du code civil un préjudice écologique. La loi du 08/08/2016 pour la reconquête de la biodiversité, à introduit 7 articles ayant trait au préjudice écologique (1246 1256 Code civil).
o Article 1246 Toute personne responsable d’un préjudice écologique est tenue de le réparer.
o Article 1247 Est réparable, le préjudice écologique consistant en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.
C – L’élaboration d’une hiérarchie
Le législateur tend à opérer une hiérarchisation entre les dommages dans le but de traiter spécifiquement et d’une manière privilégiée, le préjudice corporel. Dans différents textes à l’heure actuelle, on opère une distinction entre les dommages aux biens et les dommages à la personne, cette distinction à été déjà retenue par
– la loi Badinter du 05/07/1985 sur les accidents de circulation. Cette loi traite mieux les victimes en ce qui concerne les dommages corporels qu’aux dommages aux biens.
– On observe le même phénomène du fait de la loi sur les produits défectueux (19/05/1998).
– La loi ayant ouvert le recours collectif (Hamon 17/03/2014), permet aux personnes ayant un intérêt commun, de se retrouver dans une action de groupe. Cette action ne peut être intentée que pour la réparation des préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels.
– L’avant projet de loi sur la responsabilité civile marque sa faveur pour le préjudice corporel, l’article 1281 alinéa 2 dispose que la responsabilité contractuelle ne peut être limitée ou exclue par contrat en cas de dommages corporels : les clauses limitatives de responsabilité ne peuvent pas portés sur ces dommages corporels.