Quels sont les pouvoirs du Premier Ministre et des ministres?

Les attributions du gouvernement.

Le Gouvernement est une instance collégiale distincte du chef de l’Etat dont l’existence est une caractéristique des régimes parlementaires. Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. Il dispose de l’administration et de la force armée, il est responsable devant le Parlement dans les conditions et suivant les procédures prévues aux articles 49 et 50.

.C’est au Premier ministre, nommé par le chef de l’État, que revient le rôle de chef du Gouvernement.

Dans cet ensemble collégial, les appellations des membres peuvent être diverses. Ainsi, il convient de distinguer :

  • le ou les ministres d’État : cette appellation est le signe d’une reconnaissance appuyée au bénéfice de celui qui aura le titre, mais cela n’a pas de conséquences juridiques. Le titre de ministre d’Etat a uniquement une valeur symbolique ;
  • les ministres : ils ont la responsabilité d’un domaine d’intervention identifié. Aucun texte ne régule le nombre de ministres dans un gouvernement. Ils sont les responsables d’une administration particulière ;
  • les ministres délégués : ces ministres ont en charge un domaine identifiable mais sont directement rattachés à un ministre ;
  • les secrétaires d’État : ils ont un domaine d’intervention réduit.

Section 1. Les attributions individuelles.

§ 1. Les attributions individuelles du 1er ministre.

Il dispose de pouvoirs à caractère politique et juridique.

A. Attributions Politique.

1. La direction de l’action gouvernementale.

Art.21 alinéa 1.

Cette direction est réelle en cas de cohabitation, mais beaucoup moins en cas de fait majoritaire (il n’est alors qu’un exécutant ; les conseillers présidentiels relayent les volontés du président auprès des ministres et s’assurent qu’ils les respectent).

2. La proposition au président de la république de la nomination des membres du gouvernement.

Art. 8 alinéa 2.

3. L’engagement de la responsabilité politique du gouvernement devant l’assemblée nationale.

Il peut engager la responsabilité du gouvernement devant l’assemblée nationale, sur son programme (Art.49 alinéa 1), sur un texte (art.49 alinéa 3).

4. La demande d’approbation d’une déclaration de politique générale au sénat.

Art.49 alinéa 4.

5. La suppléance du président de la république, art.21 alinéa 4.

Le 1er ministre peut suppléer le Président en vertu d’une délégation expresse et sur un ordre du jour déterminé.

6. L’initiative de la révision constitutionnelle, art.89 alinéa 1.

L’initiative de révision se fait sur proposition du 1er ministre.

7. L’avis du 1er ministre doit être obligatoirement demandé.

Si le Président veut dissoudre, s’il veut utiliser les pouvoirs exceptionnels de l’article 16, il doit demander l’avis simple du 1er ministre.

B. Les pouvoirs à caractère juridique.

1. Le titulaire du pouvoir réglementaire.

Art.21 alinéa 1.

Le 1er ministre détient le pouvoir réglementaire de droit commun qu’il exerce par voie de décret. Soit dans l’exercice de son pouvoir de nomination (art.13 alinéa 2 et suivants), soit pour exécuter les lois votées par le parlement (décret d’application de l’article 21).

2. L’initiative de la loi.

Art.39 alinéa 1.

C’est le 1er ministre qui a l’initiative de la loi, il peut donc déposer des projets de lois auprès du bureau des assemblées.

3. Les autres interventions dans la procédure législative ordinaire.

Le 1er ministre dispose de moyens d’intervention.

4. La saisine du Conseil Constitutionnel.

Art.54 (pour contrôler la conformité d’un traité international) et 61 (conformité d’une loi). Le 1er ministre peut saisir le Conseil Constitutionnel.

5. La direction de l’administration civile et militaire de l’état.

Au terme de l’art.21, le 1er ministre est responsable de la défense nationale, en fait de l’exécution de la politique de défense nationale, qui est définie par le Président de la République.

Le 1er ministre est le vrai patron de l’administration publique d’état. La plupart des fonctionnaires sont nommés par le 1er ministre ou s’il délègue par les ministres.

Le 1er ministre peut demander des jours de session supplémentaires au parlement.

§ 2. Les attributions individuelles des ministres.

Ils remplissent un rôle politique et administratif.

A. Le rôle politique.

1. Art.20

Les ministres participent à la détermination et à la direction de la politique de la nation.

2. Le contreseing ministériel

2 Situations :

· Le contreseing des actes du Président de la République : l’art.19 précise que seuls les ministres responsables contresignent les actes du Président. Ce sont ceux chargés à titre principal de la préparation et de l’application des décisions présidentielles.

· Le contreseing des actes du 1er ministre : art.22, ils ne sont contresignés que par les ministres chargés de leur exécution. Ce sont les ministres compétents pour signer les mesures qui comportent nécessairement l’exécution des actes du 1er ministre (Ministres compétent pour signer les mesures d’exécution d’un décret).

3. La mission de défense et d’explication de la politique gouvernementale devant le parlement.

L’art.31 accorde aux membres du gouvernement un droit d’accès et de parole devant les assemblées. Lorsqu’ils s’expriment devant les assemblées, ils sont là pour défendre et expliquer la politique gouvernementale.

B. Le rôle administratif.

Les membres du gouvernement ont un pouvoir hiérarchique sur les services administratifs de leur ministère.

Ce pouvoir s’exerce soit par voie d’arrêté, ou par voie de circulaire.

En dehors de ce pouvoir hiérarchique, un ministre n’est pas titulaire du pouvoir réglementaire. Le Conseil d’état a prévu 2 exceptions. (C’est l’arrêt Jamart 07/021936).

· Pour l’organisation et le fonctionnement du ministère, le ministre a un pouvoir réglementaire.

· Sur habilitation expresse venant du 1er ministre un ministre a aussi un pouvoir réglementaire (par délégation)

Section 2. Les attributions collégiales.

§ 1. Pouvoirs collectifs ayant un caractère de normalité.

A. Art.20 alinéa 1 : la détermination et la conduite de la politique de la nation.

Cet article a fait l’objet de débat en 1958 et en 2008. De Gaulle avait une vision extensive du rôle du Président de la République.

A la demande des ministres d’état de 1958, cet article 20 alinéas 1 a été introduit, car ils étaient attachés au caractère parlementaire du régime. Normalement c’est le gouvernement qui détermine et conduit la politique de la nation.

En 2008 Sarkozy voulait mettre en conformité théorie et pratique (ce n’est qu’en période de cohabitation que cet article s’applique réellement, en dehors de cohabitation c’est le Président qui détermine en fait cette politique). Il avait proposé de réécrire cet article en précisant que c’était le Président qui déterminait la politique de la nation, or cela aurait posé problème en cas de nouvelle et future cohabitation.

B. la disposition par le gouvernement de l’administration et de la force armée.

Art.20 alinéa 2. Le gouvernement dispose de l’administration et de la force armée.

Le 1er ministre est le chef hiérarchique de l’administration d’état.

Le pouvoir militaire en démocratie est assujetti au pouvoir civil. Le gouvernement peut disposer de la force armée (exécution forcée) pour faire respecter ses dispositions.

C. Les interventions du gouvernement dans la procédure législative.

Il dispose de plusieurs prérogatives qui lui permettent d’intervenir dans la procédure législative.

D. Les déclarations à caractère thématique devant les assemblées.

C’est une nouveauté introduite en 2008 par l’article 50-1 : «devant l’une ou l’autre des assemblées, le gouvernement peu de sa propre initiative ou à la demande d’un groupe parlementaire, faire sur un sujet déterminé une déclaration qui donne lieu à débat, et peut, si le gouvernement le décide, faire l’objet d’un vote». Mais ce vote ne met pas en jeu la responsabilité du gouvernement.

E. La législation déléguée.

Articles 38, 47, 47-1 et 74-2.

1. Les ordonnances de l’article 38.

Ordonnance, est le nom que l’on donne aux anciens décrets lois de la IVème république.

Sous la 5ème république ces décrets lois sont constitutionnalisés. Le gouvernement peut donc légiférer dans des matières qui relèvent normalement du domaine de la loi. Pour le faire, l’article 38 a prévu des conditions :

· Le gouvernement doit obtenir l’autorisation du parlement. Pour se faire, un projet d’habilitation approuvé en conseil des ministres et devant porter sur un objet précis est ensuite déposé près le bureau des assemblées.

· Le gouvernement ne peut utiliser la procédure des ordonnances que pour l’exécution de son programme.

· L’habilitation n’est que temporaire, sa durée de validité relève du cas d’espèces, chaque loi d’habilitation fixe sa validité (de 3 mois à 3 ans).

Cette procédure a 3 raisons :

· L’urgence : raison constitutionnalisée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision du 16/12/1999. Souvent le texte est déjà prêt, si on passait par la voie classique ce serait trop long.

· La technicité des mesures : dans des domaines très techniques, les parlementaires n’ont pas les connaissances suffisantes, ainsi pour éviter des débats ennuyeux, on utilise cette procédure.

· Les parlementaires sont parfois contents que ce soit le gouvernement qui agisse à leur place en raison du caractère peu populaire d’une mesure.

Le régime juridique applicable :

La loi d’habilitation fixe un délai que le gouvernement doit respecter également pour déposer sur le bureau des assemblées un projet de loi de ratification des ordonnances prises. Si le gouvernement ne dépose pas ce projet de lois de ratification dans le délai imparti, les ordonnances deviennent caduques. Si le gouvernement respecte le délai, le parlement ratifie ou ne ratifie pas. Si le parlement ne ratifie pas, les ordonnances deviennent caduque, S’il ratifie l’ordonnance, alors elle prend valeur législative (de règlement, elle devient loi). Depuis la révision du 23/07/2008, la ratification doit être expresse et explicite. Les ratifications implicites ne sont plus possibles (on ajoutait un article dans un autre texte pour dire que l’ordonnance était ratifiée, désormais, il faut un projet de ratification explicite pour chaque ordonnance).

Si le gouvernement a peur que ce ne soit pas ratifié par le parlement par manque de majorité, alors il ne l’inscrira pas à l’ordre du jour. Dans ce cas, les ordonnances restent en vigueur et conservent leur caractère réglementaire.

Conclusion :

Cette procédure des ordonnances est régulièrement utilisée. Mais ceci n’est possible qu’en période de convergence. A contrario le Président ayant le pouvoir de signer les ordonnances, il peut aussi refuser de les signer, et dès lors elles ne peuvent entrer en vigueur.

2. Les ordonnances de l’article 47.

Si la loi de finance de l’année (budget de l’état) n’est pas adoptée dans les délais prévus par la constitution (70 jours), le gouvernement peut mettre à exécution cette loi de finance par voie d’ordonnance.

Cet article n’a jamais été appliqué sous la 5ème république (sous les autres républiques si).

3. l’ordonnance de l’art.47-1.

C’est une révision constitutionnelle de 1996 qui a introduit l’obligation pour le parlement de voter le budget social (lois de financement de la sécu).

Si dans le délai prévu de 50 jours, la loi n’est pas adoptée par le parlement, le gouvernement pourra mettre en œuvre cette loi de financement par voie d’ordonnance.

Cet article n’a jamais été utilisé.

4. Ordonnances de l’Art.74-2

Introduit par la LC du 28/03/2003.

Le gouvernement a la possibilité d’étendre par voie d’ordonnance, dans les collectivités d’Outre-Mer et en Nouvelle Calédonie, des dispositions législatives en vigueur en métropole, ce sous conditions :

· Il ne faut pas que la loi précise expressément que cette extension ne lui est pas applicable.

· Cette ordonnance doit être prise en conseil des ministres et signée par le Président de la république.

· L’ordonnance ne peut être prise qu’après avis des assemblées délibérantes concernées et du conseil d’état.

· Cela ne peut se faire que dans des matières relevant de la compétence de cette collectivité (touchant à son organisation particulière).

Elles entrent en vigueur dès leur signature, mais deviennent caduques si elles n’ont pas été ratifiées par le parlement dans un délai de 18 mois à compter de la signature.

§ 2. Les attributions collectives du gouvernement à caractère exceptionnel.

A. L’initiative d’un projet de loi référendaire, art.11.

Le président ne peut le décider que sur proposition du 1er ministre.

B. L’intérim à titre secondaire de la présidence de la république, art.7 alinéa 4.

Si le président du sénat est empêché d’assurer l’intérim, c’est le gouvernement qui l’assure.

C. la consultation référendaire des électeurs d’une collectivité d’Outre-Mer, art.72-4 alinéa 2.

Le gouvernement peut proposer au Président de la République la tenue d’un référendum dans une telle collectivité. Une déclaration du gouvernement suivie d’un débat a lieu dans chaque assemblée.

D. Les pouvoirs de crise du gouvernement.

Art.36, l’état de siège : décrété par le gouvernement en conseil des ministres pour une durée de 12 jours ; toute prolongation doit être approuvée par le parlement. (Militarisation de l’administration).

L’état d’urgence, autorisé par une loi de 1955. C’est le gouvernement qui le déclenche pour 12 jours, sur tout ou partie du territoire. (Utilisé en 2005 lors des émeutes de banlieues).

Art.35 : c’est le parlement qui déclare la guerre. Le gouvernement doit informer le parlement de la décision d’envoyer des troupes à l’étranger et si on veut prolonger la présence de ces troupes au-delà de 4 mois.