Quels sont les pouvoirs du Premier Ministre et des ministres?

Les attributions du gouvernement : Premier ministre et ministres

Le Gouvernement, distinct du chef de l’État, est une institution collégiale qui incarne une caractéristique fondamentale des régimes parlementaires. Il est à la fois un acteur politique, un organe administratif et une force exécutive, doté de responsabilités clairement définies par la Constitution.

L’article 20 de la Constitution confère au Gouvernement la mission de déterminer et de conduire la politique de la Nation, sous la direction du Premier ministre. Cela inclut :

  • La fixation des priorités politiques et législatives,
  • La coordination des actions ministérielles,
  • La gestion des affaires publiques au niveau national et international.

Le Gouvernement dispose de l’administration et de la force armée, comme le prévoit l’article 20, alinéa 2.

  • Il supervise l’ensemble des services publics, notamment à travers les ministères.
  • Il exerce une autorité sur les forces armées, tout en étant subordonné aux grandes orientations fixées par le président de la République en matière de défense.

Organisation des attributions gouvernementales sous la Cinquième République

Thème principal Sous-thème Description et exemples
Attributions du Premier ministre Politique Direction de l’action gouvernementale (ex. Jospin en cohabitation) ; proposition de ministres, responsabilité politique, etc.
Juridique Pouvoir réglementaire (décrets), initiative législative (ex. lois sur le pouvoir d’achat 2022).
Rôle des ministres Politique Participation au Conseil des ministres et contreseing des actes (ex. Agnès Pannier-Runacher sur la transition énergétique).
Administratif Pouvoir hiérarchique (ex. arrêtés et circulaires), pouvoir réglementaire délégué (ex. organisation ministérielle).
Pouvoirs collectifs Normaux Détermination de la politique nationale, administration, force armée (ex. réformes sociales en cohabitation).
Exceptionnels État d’urgence (2005, 2015), ordonnances, référendums locaux (ex. Nouvelle-Calédonie).

Section 1. Les attributions individuelles.

 

§ 1. Les attributions individuelles du 1er ministre.

Le Premier ministre occupe une position clé dans le fonctionnement de l’exécutif sous la Cinquième République. Ses prérogatives se divisent en attributions politiques et attributions juridiques, bien que leur portée varie selon le contexte politique (fait majoritaire ou cohabitation).

A. Attributions Politique.

1) Direction de l’action gouvernementale (article 21, alinéa 1)

Le Premier ministre est chargé de diriger l’action gouvernementale, en coordonnant les ministres et en veillant à l’exécution des politiques publiques.

  • En cohabitation : Cette direction est effective, le Premier ministre agissant comme le véritable chef de l’exécutif.
    • Exemple : Lors de la cohabitation entre Lionel Jospin (Premier ministre) et Jacques Chirac (président), Jospin a exercé une direction réelle, notamment en matière économique et sociale, où il a impulsé des réformes comme la réduction du temps de travail (loi sur les 35 heures).
  • En fait majoritaire : Le rôle du Premier ministre se réduit souvent à celui d’exécutant des volontés présidentielles.
    • Exemple : Sous Emmanuel Macron, Élisabeth Borne joue un rôle de coordonnatrice de l’action gouvernementale, mais les grandes décisions stratégiques sont dictées par l’Élysée.

2) Proposition des membres du gouvernement (article 8, alinéa 2)

Le Premier ministre propose au président la nomination ou révocation des ministres. Cette compétence, bien qu’importante, est soumise à l’accord présidentiel.

  • Exemple : Lors du remaniement ministériel de juillet 2023, Élisabeth Borne a travaillé avec Emmanuel Macron pour redéfinir la composition du gouvernement, en proposant des profils adaptés à la nouvelle orientation politique.

3) Engagement de la responsabilité politique du gouvernement devant l’Assemblée nationale

Le Premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement pour :

  • Son programme (article 49, alinéa 1), présenté après sa nomination.
  • Un texte législatif (article 49, alinéa 3), en l’adoptant sans vote, sauf si une motion de censure est adoptée.
    • Exemple : En 2023, Élisabeth Borne a utilisé l’article 49.3 pour faire adopter la réforme des retraites, malgré une forte opposition parlementaire.

4) Approbation d’une déclaration de politique générale au Sénat (article 49, alinéa 4)

Le Premier ministre peut soumettre une déclaration de politique générale au Sénat pour renforcer la légitimité de son action, bien que cet avis ne soit pas juridiquement contraignant.

5) Suppléance du président de la République (article 21, alinéa 4)

Le Premier ministre peut suppléer temporairement le président de la République en cas d’absence ou d’empêchement, sous réserve d’une délégation expresse et limitée à un ordre du jour précis. Cette suppléance s’applique souvent lors de déplacements à l’étranger.

6) Initiative de révision constitutionnelle (article 89, alinéa 1)

Le Premier ministre peut proposer une révision constitutionnelle, qui nécessite ensuite l’accord du président pour être initiée.

7) Avis obligatoire dans certaines décisions présidentielles

Le Premier ministre doit être consulté dans deux cas précis :

  • Avant une dissolution de l’Assemblée nationale (article 12).
  • Avant l’activation des pouvoirs exceptionnels de l’article 16.
    Bien que cet avis soit obligatoire, il n’est que consultatif et ne lie pas le président.

Conclusion : Les prérogatives du Premier ministre reflètent une position institutionnelle clé, bien que leur portée varie selon les rapports avec le président de la République :

  • En période de fait majoritaire, le Premier ministre est souvent perçu comme un coordinateur des politiques présidentielles, avec une marge de manœuvre limitée.
  • En période de cohabitation, il redevient un acteur central de l’exécutif, dirigeant réellement l’action gouvernementale et rééquilibrant les institutions.

B. Les pouvoirs à caractère juridique.

1) Exercice du pouvoir réglementaire (article 21, alinéa 1)

Le Premier ministre détient un pouvoir réglementaire de droit commun, qu’il exerce principalement par voie de décrets :

  • Décrets de nomination : Il nomme aux emplois civils et militaires, sauf pour ceux relevant de la compétence présidentielle (article 13).
  • Décrets d’application : Il adopte les règlements nécessaires pour exécuter les lois votées par le Parlement.

2) Initiative législative (article 39, alinéa 1)

Le Premier ministre a l’initiative des projets de loi, qu’il peut déposer auprès des bureaux des assemblées parlementaires. Cette compétence en fait l’acteur principal de la production législative.

  • Exemple récent : En 2022, Élisabeth Borne a présenté plusieurs projets de loi prioritaires pour l’exécutif, comme la loi sur le pouvoir d’achat et celle sur les énergies renouvelables.

3) Interventions dans la procédure législative

Le Premier ministre dispose de moyens pour influencer le processus législatif, notamment :

  • Fixer l’ordre du jour prioritaire des assemblées.
  • Défendre les projets de loi lors des débats parlementaires.

4) Saisine du Conseil constitutionnel

Le Premier ministre peut saisir le Conseil constitutionnel pour deux motifs :

  • Article 54 : Contrôler la conformité d’un traité international à la Constitution avant sa ratification.
  • Article 61 : Contrôler la constitutionnalité d’une loi avant sa promulgation.

5) Direction de l’administration civile et militaire de l’État

En vertu de l’article 21, le Premier ministre :

  • Supervise l’administration publique : La majorité des hauts fonctionnaires sont nommés par lui ou par délégation aux ministres.
  • Met en œuvre la politique de défense nationale, bien que les grandes orientations soient définies par le président.
    • Exemple récent : Le rôle d’Élisabeth Borne dans la gestion de la réforme des retraites et dans la supervision des plans de réduction des dépenses publiques, en lien avec le ministère de l’Économie.

6) Demande de jours supplémentaires pour les sessions parlementaires

Le Premier ministre peut demander au Parlement de siéger au-delà des périodes prévues, notamment pour examiner des projets ou propositions de loi urgents.

 

§ 2. Les attributions individuelles des ministres.

Les ministres, membres du gouvernement, jouent un rôle crucial dans le fonctionnement de l’exécutif en France. Leurs responsabilités s’articulent autour d’un rôle politique et d’un rôle administratif, leur permettant de participer à la détermination de la politique nationale et à la gestion de leur ministère.

A. Le rôle politique

1) Participation à la politique nationale (article 20)

Les ministres, aux côtés du Premier ministre, participent à la détermination et à la conduite de la politique de la Nation, conformément à l’article 20 de la Constitution.

  • En pratique, cela implique leur participation au Conseil des ministres et leur implication dans les grandes orientations stratégiques du gouvernement.
    • Exemple récent : La ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a joué un rôle clé dans la définition des objectifs français pour la transition énergétique, en particulier dans le cadre des débats sur le projet de loi relatif aux énergies renouvelables adopté en 2023.

2) Le contreseing ministériel

Le contreseing ministériel permet d’assurer la responsabilité politique et administrative des ministres dans l’application des actes du président et du Premier ministre.

a) Contreseing des actes du président de la République (article 19)

  • Les actes présidentiels nécessitant un contreseing ne sont signés que par les ministres responsables, c’est-à-dire ceux chargés de leur préparation et de leur application.
    • Exemple : Le ministre des Affaires étrangères signe les décrets présidentiels relatifs à la ratification des traités internationaux.

b) Contreseing des actes du Premier ministre (article 22)

  • Les actes du Premier ministre sont contresignés uniquement par les ministres responsables de leur exécution.
    • Exemple : Un décret concernant la réforme des universités sera contresigné par le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

3) Défense et explication de la politique gouvernementale devant le Parlement (article 31)

Les ministres disposent d’un droit d’accès et de parole devant les assemblées pour défendre et expliquer la politique gouvernementale. Ce droit, prévu à l’article 31, s’exerce principalement dans les situations suivantes :

  • Questions au gouvernement : Les ministres répondent aux interpellations des parlementaires sur les actions gouvernementales.
    • Exemple : La ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, a récemment expliqué la stratégie gouvernementale pour la réforme du système de santé lors d’une séance à l’Assemblée nationale.
  • Débats législatifs : Les ministres présentent et défendent les projets de loi portés par leur ministère.

B. Le rôle administratif

Les ministres sont les chefs de leur administration et exercent des responsabilités hiérarchiques et réglementaires au sein de leur département ministériel.

1) Pouvoir hiérarchique

Les ministres disposent d’un pouvoir hiérarchique sur les services administratifs de leur ministère, leur permettant de donner des instructions et de superviser leur exécution.

  • Ce pouvoir s’exerce principalement par :
    • Arrêtés : Actes administratifs pris pour réglementer un domaine précis dans le cadre des attributions du ministère.
    • Circulaires : Instructions données aux services pour expliciter ou organiser l’application des textes en vigueur.
    • Exemple : Le ministre de l’Éducation nationale peut adopter une circulaire précisant les modalités d’organisation de la rentrée scolaire.

2) Pouvoir réglementaire

En principe, les ministres ne sont pas détenteurs du pouvoir réglementaire général, qui relève du Premier ministre (article 21). Cependant, deux exceptions existent, établies par la jurisprudence :

  • Pouvoir réglementaire propre (arrêt Jamart, Conseil d’État, 7 février 1936) :

    • Les ministres disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’organisation et le fonctionnement interne de leur ministère.
    • Exemple : Le ministre de l’Intérieur peut établir des règles sur l’organisation des préfectures ou des services de police.
  • Pouvoir réglementaire par délégation :

    • Le Premier ministre peut déléguer aux ministres un pouvoir réglementaire sur des domaines spécifiques.
    • Exemple : En matière de transports, le ministre délégué chargé des Transports peut recevoir une délégation pour établir des réglementations techniques sur la sécurité routière.

Section 2. Les attributions collégiales.

 

§ 1. Pouvoirs collectifs ayant un caractère de normalité.

Les pouvoirs collectifs du gouvernement, exercés sous la direction du Premier ministre, relèvent du fonctionnement normal des institutions de la Cinquième République. Ces prérogatives touchent à la définition de la politique nationale, à l’administration publique, à la procédure législative, et à l’utilisation de la législation déléguée.

A. Détermination et conduite de la politique de la nation (article 20, alinéa 1)

L’article 20, alinéa 1, consacre le rôle du gouvernement dans la détermination et la conduite de la politique nationale. Ce principe a fait l’objet de débats à plusieurs reprises, en raison de la place prépondérante accordée au président de la République sous la Cinquième République.

  • En période de fait majoritaire : En pratique, le président de la République détermine les grandes orientations politiques, et le gouvernement agit comme un exécutant, relayant les décisions présidentielles.

    • Exemple : Sous Emmanuel Macron, le gouvernement conduit des réformes stratégiques comme la réforme des retraites ou celle de l’assurance chômage, mais ces décisions reflètent des priorités fixées par l’Élysée.
  • En période de cohabitation : Le gouvernement retrouve une autonomie réelle, devenant le principal moteur de la politique nationale.

    • Exemple : Lionel Jospin (1997-2002) a mené une politique sociale et économique centrée sur des priorités comme les 35 heures et la privatisation partielle des grandes entreprises.

La tentative de Nicolas Sarkozy en 2008 de réécrire cet article pour officialiser la primauté présidentielle a été abandonnée, car cela aurait posé problème en cas de future cohabitation.

B. Disposition par le gouvernement de l’administration et de la force armée (article 20, alinéa 2)

L’article 20, alinéa 2, attribue au gouvernement la direction de l’administration et de la force armée.

  • Administration :
    Le Premier ministre est le chef hiérarchique de l’administration civile d’État. Il nomme les hauts fonctionnaires et coordonne l’exécution des politiques publiques.

    • Exemple : En période de crise, comme la pandémie de COVID-19, le gouvernement a mobilisé l’administration pour organiser des mesures sanitaires et économiques (confinement, aides financières, campagne vaccinale).
  • Force armée :
    Le pouvoir militaire reste subordonné au pouvoir civil. Le gouvernement peut utiliser la force armée pour faire respecter ses décisions, notamment en cas de troubles graves.

C. Interventions du gouvernement dans la procédure législative

Le gouvernement dispose de plusieurs prérogatives dans le cadre du processus législatif :

  1. Initiative législative : Le gouvernement peut déposer des projets de loi auprès des assemblées (article 39).
  2. Fixation de l’ordre du jour prioritaire : En collaboration avec les présidents des assemblées, le gouvernement peut déterminer les textes prioritaires à examiner.
  3. Engagement de la responsabilité politique : Le gouvernement peut engager sa responsabilité sur un texte en utilisant l’article 49.3, permettant son adoption sans vote, sauf en cas de motion de censure.

D. Déclarations thématiques devant les assemblées (article 50-1)

L’article 50-1, introduit par la révision constitutionnelle de 2008, permet au gouvernement de faire une déclaration thématique devant une ou les deux assemblées :

  • Initiative : Ces déclarations peuvent être faites soit à l’initiative du gouvernement, soit à la demande d’un groupe parlementaire.
  • Débat : Elles donnent lieu à un débat et, si le gouvernement le décide, à un vote. Cependant, ce vote n’engage pas la responsabilité du gouvernement.
    • Exemple : En 2022, une déclaration thématique a été faite par le gouvernement concernant la stratégie de la France dans la transition énergétique.

E. La législation déléguée : articles 38, 47, 47-1 et 74-2

La législation déléguée permet au gouvernement, sous certaines conditions, de légiférer dans des domaines normalement réservés au Parlement. Ce mécanisme, encadré par la Constitution, répond à des besoins d’efficacité et de rapidité dans l’action gouvernementale, tout en maintenant un contrôle parlementaire.

1) Les ordonnances de l’article 38

Les ordonnances prévues par l’article 38 de la Constitution sont une forme de législation déléguée, permettant au gouvernement d’intervenir dans le domaine législatif. Elles constituent une évolution des anciens décrets-lois de la Quatrième République, désormais constitutionnalisés sous la Cinquième République.

Conditions d’utilisation

Pour recourir aux ordonnances, le gouvernement doit remplir trois conditions principales :

  1. Autorisation parlementaire : Le gouvernement doit soumettre un projet de loi d’habilitation au Parlement. Ce projet, approuvé en Conseil des ministres, doit définir précisément l’objet des ordonnances.

  2. Lien avec le programme gouvernemental : L’utilisation des ordonnances est limitée aux mesures nécessaires pour mettre en œuvre le programme du gouvernement.

  3. Durée limitée : La loi d’habilitation fixe une durée temporaire, qui peut varier de quelques mois à plusieurs années selon les besoins du texte.

Motifs d’utilisation

Les ordonnances sont utilisées dans trois contextes principaux :

  • Urgence : Lorsque la procédure législative classique serait trop longue (exemple : crises économiques ou sanitaires).
    • Exemple récent : Pendant la pandémie de COVID-19, des ordonnances ont été prises pour adapter le droit du travail et les procédures judiciaires.
  • Technicité : Pour des domaines complexes où les parlementaires manquent de connaissances spécialisées.
    • Exemple : La réforme du Code de la construction en 2021, incluant des mesures techniques sur l’efficacité énergétique.
  • Impopularité des mesures : Lorsque des décisions délicates, telles que des réformes de régimes fiscaux ou sociaux, doivent être prises rapidement sans exposer les parlementaires à des débats sensibles.

Régime juridique

  • Les ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement pour acquérir valeur législative. La révision constitutionnelle de 2008 impose une ratification explicite par une loi spécifique.
    • Si elles ne sont pas ratifiées dans le délai fixé, les ordonnances restent des actes réglementaires et peuvent devenir caduques.
  • Si le gouvernement anticipe un manque de soutien parlementaire pour la ratification, il peut ne pas inscrire la loi de ratification à l’ordre du jour, laissant les ordonnances en vigueur à titre réglementaire.
2) Les ordonnances de l’article 47

L’article 47 prévoit qu’en cas de non-adoption de la loi de finances annuelle dans les délais constitutionnels (70 jours), le gouvernement peut la mettre en œuvre par voie d’ordonnance.

  • Cet article vise à éviter une paralysie budgétaire et à garantir la continuité des services publics.
  • Bien que jamais utilisé sous la Cinquième République, il illustre l’importance de la prérogative gouvernementale en matière budgétaire.
3) Les ordonnances de l’article 47-1

Introduit par la révision constitutionnelle de 1996, cet article impose au Parlement de voter les lois de financement de la sécurité sociale dans un délai de 50 jours. Si ce délai n’est pas respecté, le gouvernement peut appliquer ces lois par ordonnance.

Contexte d’utilisation : Cet article, jamais activé, vise à assurer une gestion efficace des ressources sociales, notamment dans des contextes où les équilibres budgétaires sont cruciaux (comme les dépenses de santé ou de retraites).

4) Les ordonnances de l’article 74-2

Introduit par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, cet article concerne les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie. Il permet au gouvernement d’étendre, par voie d’ordonnance, les lois métropolitaines à ces territoires sous certaines conditions.

Conditions spécifiques

  1. Compatibilité locale : Les dispositions législatives métropolitaines peuvent être étendues, sauf si une loi précise qu’elles ne s’appliquent pas à la collectivité concernée.
  2. Consultations préalables : L’ordonnance doit être prise en Conseil des ministres, après avis des assemblées délibérantes locales et du Conseil d’État.
  3. Champ d’application : Les ordonnances ne peuvent concerner que des domaines relevant des compétences des collectivités, notamment leur organisation particulière.
  4. Ratification parlementaire : Les ordonnances entrent en vigueur dès leur signature mais deviennent caduques si elles ne sont pas ratifiées dans les 18 mois suivant leur adoption.

Exemple récent

Des ordonnances ont été utilisées pour adapter des lois sociales et économiques dans les départements d’outre-mer, comme la transposition des normes européennes sur la fiscalité environnementale en Nouvelle-Calédonie.

§ 2. Les attributions collectives du gouvernement à  caractère exceptionnel.

Le gouvernement dispose de plusieurs attributions collectives spécifiquement prévues pour répondre à des situations exceptionnelles. Ces prérogatives, encadrées par la Constitution, reflètent l’importance du rôle exécutif dans la gestion de crises ou d’événements hors du commun.

A. L’initiative d’un projet de loi référendaire (article 11)

Le gouvernement peut proposer au président de la République de soumettre un projet de loi au référendum. Ce mécanisme est prévu par l’article 11 de la Constitution et peut concerner :

  • L’organisation des pouvoirs publics,
  • Des réformes économiques, sociales ou environnementales,
  • La ratification d’un traité.

Procédure

  • L’initiative appartient au gouvernement (via le Premier ministre), mais la décision finale revient au président de la République.
  • Une telle proposition nécessite une concertation préalable au sein du Conseil des ministres.

B. L’intérim de la présidence de la République par le gouvernement (article 7, alinéa 4)

En cas de vacance ou d’empêchement temporaire du président de la République, l’intérim est normalement assuré par le président du Sénat. Toutefois, si ce dernier est empêché, c’est le gouvernement collégialement qui prend en charge l’intérim.

  • Fonctionnement : L’intérim se limite à la gestion courante des affaires de l’État et exclut l’exercice de pouvoirs exceptionnels comme la dissolution de l’Assemblée nationale ou la révision constitutionnelle.
  • Exemples : Cette hypothèse reste théorique, car aucun gouvernement n’a jamais eu à assumer cette responsabilité sous la Cinquième République.

C. La consultation référendaire des électeurs d’une collectivité d’outre-mer (article 72-4, alinéa 2)

Le gouvernement peut proposer au président de la République d’organiser un référendum local dans une collectivité d’outre-mer (COM). Ce mécanisme permet de consulter directement les électeurs sur des questions touchant à leur statut ou à leur organisation spécifique.

Procédure

  1. Le gouvernement soumet sa proposition au président de la République.
  2. Une déclaration du gouvernement suivie d’un débat dans chaque assemblée parlementaire précède la décision.

Exemple récent : En 2018, un référendum a été organisé en Nouvelle-Calédonie pour consulter les électeurs sur l’indépendance de l’île. Bien que ce référendum ait été encadré par l’accord de Nouméa, il reflète le rôle actif du gouvernement dans les consultations locales.

D. Les pouvoirs de crise du gouvernement

Les situations de crise nécessitent des dispositifs exceptionnels, confiés collectivement au gouvernement pour préserver l’ordre public, la sécurité nationale ou l’intégrité du territoire.

1) L’état de siège (article 36)

L’état de siège est décrété par le gouvernement en Conseil des ministres en cas de péril grave menaçant la sécurité intérieure ou extérieure de l’État.

  • Durée initiale : Limitée à 12 jours. Toute prolongation doit être autorisée par le Parlement.
  • Conséquences :
    • Militarisation de l’administration : les pouvoirs civils sont transférés aux autorités militaires.
    • Restriction des libertés fondamentales, comme la liberté de circulation.

2) L’état d’urgence (loi de 1955)

L’état d’urgence, distinct de l’état de siège, est déclenché par le gouvernement pour répondre à des troubles graves à l’ordre public.

  • Durée initiale : 12 jours, avec possibilité de prolongation par le Parlement.
  • Utilisations récentes :
    • 2005 : Décrété suite aux émeutes dans les banlieues.
    • 2015 : Déclenché après les attentats terroristes du 13 novembre à Paris, il a été prolongé plusieurs fois jusqu’en 2017 pour lutter contre la menace terroriste.

3) Engagement militaire et déclaration de guerre (articles 35 et 36)

  • Déclaration de guerre :
    • Prérogative du Parlement, qui doit approuver toute déclaration officielle.
  • Envoi de troupes à l’étranger :
    • Le gouvernement informe le Parlement dès qu’il décide d’envoyer des troupes.
    • Si le déploiement dépasse 4 mois, une prolongation doit être approuvée par le Parlement.
    • Exemple récent : L’intervention au Mali (opération Serval, puis Barkhane) a été prolongée plusieurs fois, nécessitant un vote parlementaire.
Isa Germain

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