L’article 19 de la Constitution de 1958 introduit une distinction essentielle entre les actes du président de la République nécessitant un contreseing ministériel et ceux qui n’en nécessitent pas. Ces derniers, appelés pouvoirs propres, sont exercés de manière autonome par le chef de l’État et traduisent l’influence centrale qu’il occupe dans les institutions de la Cinquième République.
Définition et rôle du président de la République
Le président de la République est le chef de l’État et le garant des institutions. Il est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans (quinquennat). Sa fonction incarne une autorité morale et institutionnelle supérieure, renforcée par des prérogatives uniques sans contreseing qui reflètent sa capacité d’agir directement dans les domaines clés de la vie publique. Les pouvoirs sans contreseing couvrent plusieurs domaines, liés à sa relation avec le gouvernement, le parlement, le peuple ou en situation exceptionnelle.
En résumé, les pouvoirs propres du président de la République sont les suivants :
1) Pouvoirs en lien avec le gouvernement : Le président exerce plusieurs pouvoirs sans contreseing qui concernent la gouvernance et l’organisation de l’exécutif :
2) Pouvoirs en lien avec le parlement : Dans ses relations avec le parlement, le président dispose de certains leviers :
3) Pouvoirs en lien avec le peuple : Le président de la République peut s’adresser directement au peuple français par le biais du référendum législatif (article 11) ou dans le cadre des campagnes présidentielles et des messages à la nation.
4) Pouvoirs exceptionnels : L’article 16 confère au président des pouvoirs extraordinaires en période de crise, comme détaillé dans le texte précédent. Ces prérogatives, uniques en Europe, traduisent une concentration temporaire des pouvoirs pour protéger les institutions.
Les pouvoirs propres du président de la République, en matière de nomination et de cessation des fonctions du Premier ministre, sont définis par l’article 8, alinéa 1 de la Constitution de 1958. Ces prérogatives s’exercent différemment selon les circonstances politiques, notamment selon qu’il y ait fait majoritaire ou cohabitation.
Lorsqu’il y a un fait majoritaire — c’est-à-dire une concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire — le président de la République dispose d’une liberté totale dans le choix du Premier ministre. Son pouvoir de nomination est alors entièrement discrétionnaire.
En ce qui concerne la cessation des fonctions du Premier ministre, une coutume constitutionnelle s’est imposée : bien que l’article 8 n’énonce pas explicitement le pouvoir de révocation, il est admis que le président peut demander à tout moment au Premier ministre de présenter sa démission. Cette pratique s’est illustrée sous diverses présidences :
Ces exemples démontrent que, sous le fait majoritaire, le Premier ministre est souvent perçu comme une extension de la volonté présidentielle, dépendant étroitement de la confiance du chef de l’État.
La cohabitation, situation dans laquelle le président appartient à une majorité politique différente de celle de l’Assemblée nationale, modifie profondément l’exercice de ces pouvoirs.
Nomination du Premier ministre
Dans ce contexte, le président de la République est contraint de tenir compte de la nouvelle majorité parlementaire. Cela limite considérablement sa marge de manœuvre.
Ainsi, en période de cohabitation, le président est davantage un arbitre institutionnel, son pouvoir de nomination étant subordonné aux résultats des élections législatives.
Fin des fonctions du Premier ministre
En cohabitation, la coutume permettant au président de mettre fin aux fonctions du Premier ministre ne s’applique plus. Le Premier ministre tire sa légitimité non plus du président, mais directement de la majorité parlementaire issue des urnes. En conséquence, il est politiquement difficile, voire impossible, pour le président d’imposer une démission. Cette situation inverse les rapports de force habituels : le Premier ministre devient alors l’acteur central de l’exécutif, reléguant le président à un rôle plus symbolique sur les questions gouvernementales.
L’article 12 de la Constitution confère au Président de la République le pouvoir de dissoudre l’Assemblée nationale, un droit qu’il peut exercer tant en période de concordance des majorités qu’en période de cohabitation.
Limites constitutionnelles à la dissolution :
Consultations obligatoires : Avant de prononcer la dissolution, le Président doit consulter le Premier ministre ainsi que les présidents des deux assemblées. Toutefois, leurs avis sont consultatifs et ne lient pas le Président.
Restrictions spécifiques :
Calendrier des élections législatives anticipées :
Suite à une dissolution, des élections législatives doivent être organisées dans un délai compris entre 20 et 40 jours après la dissolution, conformément aux dispositions constitutionnelles.
Pratiques sous la Ve République :
Depuis l’instauration de la Ve République, plusieurs dissolutions de l’Assemblée nationale ont été décidées :
Charles de Gaulle :
François Mitterrand : 1981 et 1988 : Dissolutions visant à obtenir une majorité parlementaire en adéquation avec le programme présidentiel, face à une Assemblée nationale initialement hostile.
Jacques Chirac : 1997 : Dissolution anticipée sans crise apparente, motivée officiellement par la préparation à l’introduction de l’euro. Cette décision, encouragée par Dominique de Villepin, s’est soldée par une défaite électorale, entraînant une période de cohabitation.
Emmanuel Macron : 2024 : Le 9 juin 2024, le Président Emmanuel Macron a annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale, invoquant la nécessité d’une majorité claire face à une Assemblée divisée. Cette décision a conduit à des élections législatives anticipées organisées les 30 juin et 7 juillet 2024. Le Monde
L’article 18 de la Constitution permet au Président de la République de communiquer avec les deux assemblées par des messages écrits, lus par les présidents de celles-ci, sans donner lieu à débat. Cette pratique, héritée de la IIIe République, a évolué avec la révision constitutionnelle de 2008.
Évolution de 2008 : La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 a introduit la possibilité pour le Président de s’exprimer directement devant le Parlement réuni en Congrès. Après son allocution, un débat peut avoir lieu en son absence, sans qu’aucun vote ne soit organisé.
Utilisations notables :
L’article 61 de la Constitution autorise le Président de la République à saisir le Conseil constitutionnel pour qu’il examine la conformité d’une loi votée par le Parlement avant sa promulgation. Ce pouvoir, bien que rarement utilisé par les Présidents, demeure une prérogative importante pour assurer le respect de la Constitution.
Résumé :
Les pouvoirs propres du Président de la République en relation avec le Parlement, tels que le droit de dissolution, le droit de message et la saisine du Conseil constitutionnel, sont des instruments essentiels qui lui permettent d’interagir efficacement avec les institutions législatives, tout en garantissant le bon fonctionnement et l’équilibre des pouvoirs au sein de la Ve République.
Le président de la République joue un rôle fondamental dans la composition et les missions du Conseil constitutionnel, garant des principes constitutionnels et de l’équilibre institutionnel de la Cinquième République. Ses prérogatives en la matière sont principalement prévues par les articles 56 et 54 de la Constitution.
Le président de la République dispose du pouvoir de nommer trois membres du Conseil constitutionnel parmi les neuf que compte l’institution, dont son président. Ce pouvoir de nomination est une des prérogatives propres du chef de l’État et reflète son influence directe sur le fonctionnement de la plus haute juridiction constitutionnelle.
Modalités de nomination depuis la réforme de 2008
Depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, les nominations effectuées par le président de la République sont soumises à un contrôle parlementaire pour assurer une plus grande transparence et impartialité.
Cette réforme a renforcé la dimension démocratique du processus, même si, dans les faits, aucun candidat proposé par un président n’a été rejeté depuis l’instauration de cette procédure.
Nomination du président du Conseil constitutionnel
Le président de la République désigne également le président du Conseil constitutionnel, parmi les neuf membres. Ce poste est stratégique, car le président du Conseil a une influence considérable sur l’organisation interne de l’institution et la conduite des délibérations. Parmi les récents présidents nommés, on peut citer :
L’article 54 de la Constitution donne au président de la République la faculté de saisir le Conseil constitutionnel pour examiner la conformité d’un traité international à la Constitution. Si le Conseil identifie une incompatibilité, la ratification du traité ne peut intervenir qu’après une révision constitutionnelle.
Cette prérogative a été utilisée à plusieurs reprises pour garantir que des engagements internationaux respectent le cadre constitutionnel :
Ces exemples montrent que cette faculté présidentielle est particulièrement pertinente dans le cadre des relations internationales, où les engagements de la France doivent s’articuler avec les principes constitutionnels.
Bien que ce ne soit pas une prérogative propre, le président de la République peut également encourager une saisine législative par d’autres acteurs habilités (60 députés ou sénateurs, par exemple), notamment pour garantir que des lois importantes respectent les droits fondamentaux. Cette influence informelle témoigne de son rôle transversal dans la protection des principes constitutionnels.
la procédure référendaire législative (article 11 de la Constitution) : L’article 11 de la Constitution de 1958 prévoit une procédure référendaire permettant au président de la République de soumettre directement au peuple certaines catégories de lois. Ce mécanisme, inscrit dans l’esprit du régime semi-présidentiel, constitue un moyen de démocratie directe au sein de la Cinquième République.
Le champ d’application du référendum, tel que prévu par l’article 11, a été élargi par la révision constitutionnelle de 1995. Aujourd’hui, il couvre plusieurs domaines :
Exemple récent : En 2005, bien que relevant davantage de l’article 89 pour les révisions constitutionnelles, le référendum sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe illustre le recours direct au peuple sur des questions stratégiques.
Le déclenchement d’un référendum législatif peut intervenir de deux manières :
Le référendum législatif a été utilisé à plusieurs reprises sous la Cinquième République, bien que son usage soit devenu rare :
Depuis lors, l’utilisation de l’article 11 s’est raréfiée, le président et les gouvernements privilégiant souvent les voies parlementaires pour éviter les aléas politiques d’un scrutin référendaire.
Dans un contexte de débats sociaux intenses, l’utilisation de l’article 11 a été évoquée à plusieurs reprises :
Malgré son potentiel, le référendum législatif est soumis à plusieurs limitations :
L’article 16 de la Constitution de 1958 confère au président de la République des pouvoirs exceptionnels, lui permettant de cumuler les fonctions exécutives et législatives en cas de crise grave. Cette disposition, introduite à l’initiative du général de Gaulle, visait à éviter la répétition du précédent de 1940, lorsque les pleins pouvoirs avaient été confiés à Pétain sans procédure constitutionnelle adaptée, dans un contexte d’invasion étrangère.
L’article 16 prévoit des conditions strictes de fond et de forme, qui doivent être remplies de manière cumulative pour déclencher ces pouvoirs.
Les conditions de fond sont énoncées à l’alinéa 1 de l’article 16. Elles établissent que :
Une menace grave et immédiate doit peser sur :
La menace doit interrompre le fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels (président, gouvernement, parlement).
Il appartient au président de la République d’apprécier souverainement si ces conditions sont réunies, ce qui lui confère une discrétion importante. Ces dispositions sont étroitement liées à l’article 5 de la Constitution, qui définit le rôle du président comme garant des institutions et de leur continuité en période de crise.
La mise en œuvre de l’article 16 est encadrée par des obligations formelles, visant à éviter les abus de pouvoir :
Le président doit consulter :
L’avis du Conseil constitutionnel est obligatoirement publié, mais le président reste libre de le suivre ou non.
Alinéa 2 : Le président doit informer la nation de sa décision par un message solennel.
Une fois l’article 16 en vigueur, les décisions présidentielles doivent viser à permettre le rétablissement rapide du fonctionnement normal des institutions. Ces décisions peuvent intervenir dans le domaine législatif ou réglementaire, élargissant considérablement les prérogatives présidentielles.
Malgré leur portée étendue, les pouvoirs conférés par l’article 16 sont soumis à plusieurs limitations constitutionnelles et jurisprudentielles :
Interdictions spécifiques :
Durée de l’exercice des pouvoirs :
Contrôles juridictionnels :
Le seul exemple d’application de l’article 16 remonte au putsch d’Alger, en avril 1961. Le général de Gaulle a invoqué cet article en réponse à la tentative de coup d’État menée par des généraux favorables à l’Algérie française.
L’article 16 demeure un outil puissant, mais controversé, du dispositif institutionnel français. Il incarne la capacité du président à agir en temps de crise tout en soulevant des questions sur l’équilibre des pouvoirs et les garanties démocratiques.
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