Les principaux types de contrats administratifs
Il existe une grande variété de contrats administratifs et il ne s’agit pas ici d’en faire un tableau un peu exhaustif. Si nous laissons de côté la catégorie nouvelle des « contrats de partenariat » (voir supra et cours de Master 1 Droit public des affaires), il convient d’insister sur deux types de contrats qui jouent un rôle tout à fait essentiel dans la vie administrative : les marchés publics d’une part ; les conventions de délégation de service public d’autre part. Quelques exemples de contrats administratifs :
- Les marchés publics
- Les offres de concours
- Les contrats d’emprunt public
- Les contrats d’occupation du domaine public
- Les contrats de délégation de service public
- Les contrats de partenariat public-privé
A. Définitions
Nous avons déjà vu qu’il convient de réserver la qualification de « marchés publics » aux contrats passés par l’État et ses EPA ou par les collectivités locales et leurs Etablissements Publics, conclus à titre onéreux (paiement du prix de la prestation) et qui ont pour objet de permettre aux collectivités publiques de satisfaire à leurs besoins en terme de fournitures (livraisons de biens mobiliers), de travaux (construction, entretien ou destruction de biens immobiliers) ou de services (conseils, transport, assurance etc.).
Par opposition, constitue une convention de délégation de Service Public (l’expression convention de DSP est introduite par la loi du 29 juin 1993 relative à la prévention de la corruption, dite « loi Sapin ») le contrat par lequel « une personne morale de droit public confie la gestion d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service » (définition contenue désormais dans l’art. 3 de la loi MURCEF précit.). Cette rémunération est souvent constituée de la redevance qu’acquittent les usagers du service (redevance = paiement en contrepartie d’un service rendu). Le contrat n’a pas pour objet une simple prestation de service au profit de la collectivité publique, mais confie au cocontractant la gestion même du service. Le cocontractant de la collectivité publique assume donc, à ses risques et périls et par ses moyens (humains, matériels et financiers) propres l’exploitation d’une activité qualifiée de Service Public.
On peut ainsi distinguer la prestation d’un service de transport par laquelle une administration fait transporter par un organisme privé des personnes (agents, par ex.) ou des marchandises (fret) et qui fera l’objet d’un marché, du contrat par lequel une collectivité publique (souvent un groupement de communes) confie à un entrepreneur privé la gestion du transport public dans une agglomération à charge de se rémunérer par l’exploitation du service, c’est-à-dire sur la somme versée par les usagers du service (et non par la collectivité) : dans ce dernier cas, il y aura délégation du service public du transport urbain.
Il faut rappeler ici que la convention de délégation de Service Public présente une particularité remarquable : elle est en vérité un acte « mixte ». La convention règle les relations entre la collectivité délégatrice et l’entreprise délégataire, en notamment les conditions financières de la délégation. Ces stipulations ont un caractère contractuel, conventionnel et leur régime obéit au régime général des contrats administratifs (compétence juridictionnelle, pouvoirs de l’administration, droits du cocontractant). Mais la convention comporte également des clauses relatives à l’organisation même du Service Public délégué (dans le cas d’une délégation du transport urbain : lignes desservies, fréquence des dessertes etc.). Ces clauses, parce qu’elles portent sur l’organisation du Service Public ont un caractère réglementaire et obéissent désormais en tout au régime de l’acte administratif unilatéral et, plus précisément encore, réglementaire. La dernière exception, qui consistait en le refus du juge administratif d’admettre la recevabilité d’un recours pour excès de pouvoir dirigé directement contre ces clauses a été supprimée par un arrêt important :
- – E., Ass., 10 juillet 1996, Cayzeele, Rec. 274.
- – Requête de M. Jean-Claude Cayzeele, qui demande que le Conseil d’Etat annule un jugement en date du 17 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation du 2ème alinéa de l’article 7 du contrat pour la collecte et l’évacuation des ordures ménagères sur le territoire du canton de Boëge conclu entre le syndicat intercommunal à vocation multiple du canton de Boëge (Haute-Savoie) et la société Chablais-service propreté, le 1er janvier 1986 et renouvelé le 7 mai 1987 ; (…)
- – Considérant que le syndicat intercommunal à vocation multiple du canton de Boëge a conclu le 1er janvier 1986 un contrat avec la Société Chablais-service propreté, renouvelé le 7 mai 1987 ; qu’aux termes de l’article 7 de ce contrat : « Les ordures ménagères seront déposées dans des sacs plastiques, hermétiquement fermés. Les collectivités, colonies, restaurants, etc … devront faire l’acquisition de containers en rapport avec leur volume de déchets pour supprimer le deuxième ramassage » ; que M. Cayzeele fait appel du jugement en date du 17 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l’annulation des dispositions de l’article 7 alinéa 2 de ce contrat ;
- – Sur les fins de non-recevoir soulevées en première instance par le syndicat intercommunal à vocation multiple du canton de Boëge :
- – , en premier lieu, que, si M. Cayzeele n’a déféré au tribunal administratif de Grenoble le contrat litigieux que le 1er août 1989, il ne ressort d’aucune pièce du dossier que ce contrat ait fait l’objet d’une mesure de publicité plus de deux mois avant cette dernière date ; que la circonstance que M. Cayzeele a, sur sa demande, obtenu une copie du contrat dont il s’agit n’est pas de nature à faire courir le délai de recours contentieux à son encontre ; que, dès lors, la requête de première instance de M. Cayzeele n’était pas tardive ;
- – , en second lieu, que M. Cayzeele, qui est propriétaire d’un appartement dans un immeuble en copropriété, avait un intérêt personnel à contester la légalité du contrat litigieux ; que le moyen tiré de ce qu’il ne disposait d’aucun mandat de la copropriété est inopérant ;
- – , enfin, que les dispositions dont M. Cayzeele a demandé l’annulation ont un caractère réglementaire ; qu’elles peuvent, par suite, être contestées devant le juge de l’excès de pouvoir.
Il existe plusieurs catégories ou types de conventions de délégation de Service Public. On n’entrera pas ici dans les détails. La plus importante de ces catégories est la concession de Service Public, qui est donc un type de délégation de Service Public. C’est le contrat par lequel une collectivité publique concédante charge un concessionnaire d’exploiter un Service Public, de se rémunérer par l’exploitation du Service Public et de procéder aux investissements nécessaires à cette exploitation. Cette dernière condition distingue la concession d’un autre procédé courant, l’affermage : le « fermier » reçoit de la collectivité les installations nécessaires à l’exploitation du service (ex. : le réseau de distribution et les installations d’assainissement de l’eau), se rémunère sur l’usager du service mais, en contrepartie de l’apport par la collectivité des investissements initiaux, paye à celle-ci une redevance. Voyez, pour un exemple d’affermage : CE 29 avril 1987, Commune d’Élancourt.
B. Critères de distinction
La distinction entre le marché public et la délégation n’est toutefois pas toujours facile à caractériser. En effet, certains contrats confient à un entrepreneur la gestion d’un service public en contre partie du versement par l’administration d’un prix. D’autres partagent la rémunération de l’entrepreneur entre un certain prix versé par l’administration et le versement d’une somme calculée en fonction des résultats d’exploitation. La frontière n’est donc pas nette. Pour les contrats qui prévoient que la rémunération de l’entrepreneur sera intégralement couverte par le paiement par la collectivité publique d’un prix dont le calcul est déterminé par le contrat, il y a « marché public », même si l’entrepreneur assure la gestion du service (ex. marchés dits d’entreprise de travaux publics) :
- – CE, sect., 15 avril 1996 Préfet des Bouches-du-Rhône
- – Vu la requête, enregistrée le 30 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d’Etat, présentée par le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, préfet des Bouches-du-Rhône ; le préfet demande que le Conseil d’Etat annule le jugement du 14 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté son déféré tendant au sursis à l’exécution, d’une part, de la délibération du 29 mars 1994 par laquelle le conseil municipal de Lambesc a décidé de confier à la société « Silim Environnement » l’activité de collecte et d’évacuation des ordures ménagères et la gestion de la décharge communale et a autorisé le maire à signer une convention à cette fin, d’autre part, de la convention ainsi conclue ; (…)
- – Considérant que les dispositions de la loi du 29 janvier 1993, relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques et notamment celles de son article 38 relatif aux délégations de service public des personnes morales de droit public, n’ont pas eu pour objet et ne sauraient être interprétées comme ayant pour effet de faire échapper au respect des règles régissant les marchés publics, tout ou partie des contrats dans lesquels la rémunération du cocontractant de l’administration n’est pas substantiellement assurée par les résultats de l’exploitation ;
- – Considérant que le contrat litigieux, conclu entre la commune de Lambesc et la société « Silim Environnement » prévoyait que la rémunération du cocontractant serait assurée au moyen d’un prix payé par la commune ; qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que, même incluse dans un contrat conclu après l’entrée en vigueur de la loi du 29 janvier 1993, cette stipulation obligeait à regarder ledit contrat comme un marché soumis aux règles régissant les marchés publics ; qu’il n’est pas contesté que les règles dont il s’agit n’ont pas été, en l’espèce, respectées ; que, par suite, ledit marché ainsi que la délibération du conseil municipal le concernant étaient entachés d’irrégularité ; Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône est fondé à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté son déféré dirigé contre la délibération et le contrat susanalysés ;
Lorsque le contrat partage la rémunération entre le versement d’un prix fixé d’avance et payé par la collectivité publique et une somme calculée en fonction des résultats d’exploitation, il faut faire application du critère précisé plus haut : si la rémunération est « substantiellement » liée à l’exploitation du service, il y a délégation de Service Public ; sinon, il y a marché. La jurisprudence a précisé ce que « substantiellement » veut dire : au moins 30 % de la rémunération de l’entrepreneur doit être liée à l’exploitation du Service Public : CE 8 février 1999, Préfet des Bouches-du-Rhône, AJ 1999, p. 364.
L’idée fondamentale, à travers laquelle la jurisprudence interprète l’adverbe « substantiellement », est qu’il y a délégation lorsque le cocontractant supporte un risque véritable, un risque entrepreneurial. Si le prix est fixé d’avance et si la rémunération liée à l’exploitation du service est insignifiante, l’entrepreneur ne court pas de risques.