Les rapports pécuniaires entre époux.
Dans le cadre matrimonial, les rapports financiers entre époux sont régis par un ensemble de règles connues sous le nom de régime matrimonial. Ces règles déterminent la gestion des biens au sein du couple, influençant ainsi leur vie économique commune.
- Le régime légal par défaut en France est la communauté réduite aux acquêts, qui s’applique automatiquement en l’absence de contrat de mariage spécifique. Ce régime considère que les biens acquis durant le mariage sont communs, tandis que les biens personnels restent la propriété individuelle de chaque conjoint.
- Toutefois, les époux peuvent opter pour un autre régime matrimonial via un contrat de mariage notarié, tel que la séparation de biens, modifiant ainsi les règles de gestion et de partage de leurs actifs.
Ce texte explorera les implications de ces choix, ainsi que les principes fondamentaux du régime matrimonial primaire impératif, qui impose des règles incontournables à tous les couples, indépendamment des arrangements personnels.
Le régime légal par défaut établit un cadre de droits et d’obligations entre les époux, visant à assurer une solidarité mutuelle et une prise en charge des besoins essentiels, que ce soit dans le cadre de la vie commune ou en cas de séparation. Parmi ces obligations, les articles 212 et 214 du Code civil, se déclinent en deux axes principaux : le devoir de secours et la contribution aux charges du mariage.
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Section 1 – Les rapports alimentaires entre époux
Le mariage crée deux obligations alimentaires fondamentales entre les époux, qui visent à garantir la solidarité et la prise en charge des besoins essentiels dans le cadre de la vie commune ou en cas de séparation. Ces obligations sont prévues aux articles 212 et 214 du Code civil.
I. Le devoir de secours
1. Nature et fondement du devoir de secours
- Article 212 du Code civil : Le devoir de secours est une obligation alimentaire entre époux, mise en œuvre lorsqu’un conjoint se trouve dans un état de besoin.
- Cette obligation vise à couvrir les besoins de subsistance, comme la nourriture, le logement ou les soins médicaux.
- Le devoir de secours peut être exécuté :
- En nature : Prestation directe (fourniture de biens ou de services).
- En argent : Versement d’une pension alimentaire, dont le montant est fixé par le juge aux affaires familiales (JAF) en fonction des besoins du créancier et des ressources du débiteur.
2. Mise en œuvre du devoir de secours
- Pendant le mariage, ce devoir est généralement latent et s’exécute spontanément dans le cadre de la vie commune.
- Activation judiciaire :
- Le devoir de secours est surtout invoqué en cas de séparation de fait ou de séparation de corps, lorsque le lien conjugal est atteint.
- Exemple : Un époux sans ressources peut demander une pension alimentaire à l’autre.
3. Évolution législative et utilité
- Avant 2004 : Le devoir de secours s’appliquait également dans le cadre d’un divorce pour rupture de vie commune.
- Depuis la loi du 26 mai 2004 : Le devoir de secours a disparu dans tous les cas de divorce. Il est remplacé par des compensations comme la prestation compensatoire.
- La jurisprudence distingue désormais clairement le devoir de secours (lié à l’état de besoin) et le devoir de contribution aux charges du mariage (lié à la vie commune).
II. La contribution aux charges du mariage
1. Fondement juridique
- Article 214 du Code civil : Introduit en 1907, cet article impose à chaque époux de contribuer aux charges du mariage proportionnellement à ses ressources.
- Ce devoir est d’ordre public, ce qui signifie que les époux ne peuvent pas y renoncer par convention (article 6 du Code civil). Cependant, ils peuvent organiser les modalités de leur contribution par contrat de mariage ou accord spécifique.
2. Nature de la contribution
-
La contribution aux charges dépasse les stricts besoins alimentaires et inclut toutes les dépenses nécessaires à la vie commune, comme :
- Le logement (loyer, charges).
- Les dépenses courantes (nourriture, électricité, chauffage).
- Les frais d’éducation des enfants.
-
Obligation alimentaire élargie : Contrairement au devoir de secours, cette contribution n’est pas subordonnée à l’état de besoin de l’un des conjoints.
3. Modalités de mise en œuvre
-
En nature :
- Lorsqu’ils vivent ensemble, les époux contribuent souvent par des prestations en nature (ex. : prise en charge des courses, paiement du loyer).
- Les tâches domestiques, comme celles d’un parent au foyer, sont également considérées comme une contribution en nature.
-
En argent :
- En cas de désaccord ou de séparation de fait, l’un des époux peut demander au juge de fixer le montant de la contribution.
- Le juge prend en compte toutes les ressources des époux, y compris les revenus tirés des biens propres.
-
Exécution forcée :
- Si un époux ne remplit pas son obligation, l’autre peut demander au JAF d’ordonner une exécution forcée, selon les mêmes règles que pour les pensions alimentaires.
4. Cas spécifiques : séparation de fait
- La contribution aux charges est souvent invoquée lors de séparations de fait, car elle continue de s’appliquer tant que le mariage subsiste.
- Elle prend fin en cas de divorce ou de séparation de corps, où d’autres mécanismes (comme la prestation compensatoire) prennent le relais.
En résumé, les rapports alimentaires entre époux sont structurés par le devoir de secours et la contribution aux charges du mariage, qui répondent à des finalités distinctes. Le devoir de secours vise à remédier à l’état de besoin d’un époux, tandis que la contribution aux charges garantit une répartition équitable des dépenses liées à la vie commune. Ces obligations, bien qu’elles varient selon les contextes, reflètent les principes de solidarité et d’équilibre au sein du mariage.
Section 2 – Les devoirs de la vie quotidienne
Le législateur, en matière de relations financières entre époux, poursuit un double objectif : favoriser l’association des époux pour les besoins du ménage tout en préservant leur indépendance économique. Cela se traduit par des règles spécifiques, notamment en ce qui concerne la solidarité pour les dettes ménagères et les conditions de gestion des biens communs.
I. L’association des époux dans les relations pécuniaires
Les époux sont tenus de mettre en commun tout ou partie de leurs ressources pour faire face aux charges du mariage (article 214 du Code civil). Cette association se manifeste également dans la gestion des biens et dans certaines règles de solidarité.
1. La solidarité pour les dettes ménagères
La solidarité légale est prévue à l’article 220 du Code civil (loi du 13 juillet 1965). Elle permet à chaque époux d’agir seul pour les besoins du ménage ou l’éducation des enfants, tout en engageant solidairement l’autre époux à l’égard des tiers.
- Règle de solidarité légale :
- Chaque époux peut contracter seul une dette pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants.
- Le créancier peut exiger le paiement de cette dette auprès de l’un ou l’autre des époux, même si l’autre n’a pas donné son consentement ou n’était pas informé.
- L’époux qui a payé dispose d’un recours récursoire contre l’autre, proportionnellement à sa part contributive.
a) Notion de dette ménagère
Les dettes ménagères comprennent :
- Les dépenses courantes : loyer, nourriture, chauffage, habillement des enfants, etc.
- Les petits emprunts nécessaires à la vie quotidienne.
La charge de la preuve du caractère ménager de la dette incombe au créancier (Cass. civ. 1, 28 février 2008).
b) Extension jurisprudentielle
-
Source de la dette :
- L’article 220 concerne les dettes contractuelles (ex. : achat d’un bien ou service).
- Cependant, la jurisprudence inclut également certaines dettes légales, comme les cotisations sociales (maladie, maternité).
-
Finalité de la dette :
- La Cour de cassation adopte une conception large en y intégrant des dépenses comme les frais médicaux, y compris dentaires (Cass. civ. 1, 10 mai 2006).
c) Limites de la solidarité
La solidarité est exclue dans deux cas prévus à l’article 220 :
- Dépenses manifestement excessives :
- L’excès est évalué en fonction du train de vie du ménage, de l’utilité ou inutilité de la dépense, ou de la bonne ou mauvaise foi du contractant.
- Cette appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond.
- Achats à tempérament ou emprunts importants :
- Les emprunts ou achats étalés dans le temps dépassant les petites sommes nécessaires à la vie courante ne bénéficient pas de la solidarité légale.
2. Double consentement pour certains actes
Dans certains cas, la loi exige impérativement le double consentement des époux, quelle que soit la nature des biens concernés (communs ou propres). Cela vise à protéger les intérêts fondamentaux du ménage :
- Logement familial :
- Toute décision relative au logement de la famille ou aux meubles qui le garnissent nécessite le consentement des deux époux (article 215 alinéa 3 du Code civil).
- Cette règle protège la stabilité du foyer et garantit que le logement familial ne peut être vendu, hypothéqué ou loué sans l’accord de l’autre.
II. Préservation de l’indépendance des époux
Bien que le mariage implique une association étroite entre les époux, il préserve également leur indépendance financière et patrimoniale.
-
Gestion autonome des biens propres :
- Chaque époux conserve la libre gestion, jouissance et disposition de ses biens propres, sauf exceptions prévues par la loi.
-
Protection contre les abus :
- L’exclusion de la solidarité pour les dépenses manifestement excessives ou les emprunts importants limite les risques pour un époux d’être engagé abusivement par les actes de l’autre.
-
Possibilité d’organisation contractuelle :
- Les époux peuvent conclure un contrat de mariage pour déterminer un régime matrimonial adapté à leur situation (séparation de biens, communauté universelle, etc.).
En résumé, les devoirs de la vie quotidienne imposent une solidarité et une cogestion des ressources pour faire face aux charges du mariage, tout en préservant une certaine autonomie pour chaque époux. Les règles légales, équilibrant association et indépendance, visent à protéger les intérêts des tiers, des conjoints, et du ménage dans son ensemble.