Les conséquences du mariages : les rapports personnels entre époux.
Le mariage crée des effets juridiques variés, non seulement sur des aspects tels que le nom, la nationalité, ou la situation fiscale et sociale, mais surtout sur les rapports personnels entre époux. Ces effets incluent des droits et des devoirs réciproques, encadrés principalement par les articles 203 à 211 du Code civil, notamment en matière d’obligations alimentaires. Les articles 212 et suivants énumèrent les devoirs fondamentaux du mariage.
Aujourd’hui, les rapports personnels entre époux sont caractérisés par :
- Une égalité de principe entre les hommes et les femmes.
- Une réciprocité des obligations fondamentales.
Section 1 – La direction conjointe de la famille, l’égalité des droits entre l’homme et la femme
1. Le principe d’égalité : une évolution récente
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1938 : Suppression de l’incapacité juridique de la femme mariée
Avant cette date, une femme mariée était placée sous l’autorité juridique de son mari. Elle ne pouvait pas gérer ses biens ni accomplir des actes civils sans son autorisation. -
1970 : Suppression de la « puissance maritale »
La loi du 4 juin 1970 a introduit le principe de direction conjointe de la famille. Désormais, les époux partagent également la responsabilité de la famille, tant sur le plan moral que matériel.- Article 213 du Code civil : Les époux « assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille ». Ils pourvoient également à l’éducation des enfants et préparent leur avenir.
- Les décisions importantes doivent être prises avec le consentement des deux époux. Cependant, cette règle donne rarement lieu à des contentieux, car la plupart des désaccords sont résolus à l’amiable.
2. La sphère d’autonomie décisionnelle
Le droit reconnaît à chaque époux une autonomie décisionnelle dans plusieurs domaines, afin de respecter leur individualité au sein du mariage.
- Cours de droit de la famille
- Quelle est la définition juridique de la famille et de son droit ?
- Quelle est la définition juridique du mariage ?
- Quels sont les interdits matrimoniaux ? (bigamie, inceste…)
- Vice et défaut de consentement dans le mariage
- Quelles sont les conditions d’ordre physiques du mariage ?
- Quels sont les rapports personnels entre époux ?
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Actes usuels : L’exigence de double consentement est écartée pour les actes courants ou usuels de la vie familiale, comme la gestion quotidienne des finances ou l’éducation des enfants.
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Actes personnels : Pour les actes touchant à l’intégrité physique et morale, chaque époux dispose d’une liberté totale. Cela inclut :
- La pratique religieuse : chacun est libre de suivre ou non un culte.
- Les interventions médicales personnelles : chaque époux décide seul des actes concernant son propre corps (ex. : opérations chirurgicales).
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Décisions spécifiques :
- Fécondation in vitro (FIV) :
- Une femme peut décider seule de recourir à une FIV en cas de stérilité personnelle.
- Cependant, si une solution médicale requiert un traitement commun, comme le soin d’une infertilité ne nécessitant pas de FIV, le consentement des deux époux est requis.
- Interruption volontaire de grossesse (IVG) :
- La décision de recourir à une IVG est un acte personnel, sur lequel le mari n’a pas de droit de veto. Cette autonomie est un corollaire du droit à l’intégrité physique et morale.
- Fécondation in vitro (FIV) :
En résumé, les rapports personnels entre époux reflètent l’évolution vers une égalité stricte entre hommes et femmes. Tout en exigeant un consentement mutuel pour les décisions importantes, la loi garantit à chaque époux une sphère d’autonomie décisionnelle pour les actes usuels et personnels. Ces principes assurent un équilibre entre la vie commune et le respect de l’individualité dans le mariage.
Section 2 – Les devoirs réciproques des époux
Les rapports entre époux sont encadrés par des devoirs réciproques, énumérés dans les articles 212 et suivants du Code civil. Ces devoirs, d’ordre public, reflètent les fondements moraux et juridiques du mariage. Parmi eux, le respect, la cohabitation, et la fidélité occupent une place centrale.
A) le devoir de respect
Le devoir de respect a été introduit dans l’article 212 du Code civil par la loi du 4 avril 2006.
1. Contenu du devoir de respect
- Le respect inclut l’interdiction de toute forme de violence, qu’elle soit physique, morale ou psychologique.
- Ce devoir est une extension des obligations d’assistance et de solidarité qui existaient déjà entre les époux.
- Son ajout législatif vise à souligner l’importance du respect mutuel dès la célébration du mariage.
2. Sanctions en cas de violation
- Les violences conjugales, qu’elles relèvent d’agissements physiques ou psychologiques, peuvent entraîner :
- Une séparation judiciaire ou un divorce pour faute.
- Des sanctions pénales (articles 515-9 et suivants du Code civil).
- Des mesures d’éloignement pour protéger la victime.
B) le devoir de communauté de vie ou devoir de cohabitation
Le devoir de cohabitation, prévu à l’article 215 du Code civil, constitue une obligation fondamentale dans le cadre du mariage. Il implique une communauté de vie matérielle et psychologique entre les époux, renforçant ainsi leur engagement conjugal.
1. Le contenu du devoir de cohabitation
Le devoir de cohabitation repose sur deux dimensions essentielles :
a) L’élément matériel : la cohabitation physique
- Résidence commune :
- Les époux sont tenus de partager une résidence commune fixée d’un commun accord (article 215 alinéa 2).
- Depuis la loi du 11 juillet 1975, l’article 108 du Code civil permet aux époux d’avoir des domiciles distincts sans violer leur obligation de cohabitation, notamment pour des raisons professionnelles ou médicales.
- Relations intimes :
- La cohabitation inclut également le devoir conjugal, qui reflète l’obligation d’entretenir des relations intimes. L’absence de relations sans raison valable (maladie, force majeure) peut être considérée comme un manquement.
- Comme le soulignait Loysel : « Boire, manger, coucher ensemble, c’est le mariage, ce me semble. »
b) L’élément psychologique : la volonté de former un couple
- La cohabitation suppose également une volonté réciproque de former un couple, de partager un projet commun et de maintenir une relation harmonieuse.
2. Le caractère d’ordre public
Le devoir de cohabitation est d’ordre public, ce qui signifie que les époux ne peuvent y déroger par accord. Deux corollaires en découlent :
a) La nullité des pactes de séparation amiable
- Les pactes par lesquels les époux conviennent de ne pas cohabiter sont considérés comme nuls en application de l’article 6 du Code civil, qui prohibe les conventions contraires à l’ordre public.
- Conséquences de cette nullité :
- Le pacte ne lie pas les époux pour l’avenir. L’un des conjoints peut demander à tout moment la reprise de la vie commune.
- Tant que le pacte est spontanément respecté, la séparation n’est pas fautive et ne peut être invoquée comme cause de divorce.
- Le juge ne peut contraindre les époux à cohabiter par voie d’astreinte (absence de mesures coercitives).
b) Les autorisations judiciaires de résidence séparée
- En principe, seul le juge peut suspendre le devoir de cohabitation dans deux cas :
- Pendant une procédure de divorce ou de séparation de corps :
- Sur le fondement de l’article 255 du Code civil, le juge peut statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux pendant la procédure.
- En cas de rejet définitif d’une demande en divorce, le juge peut fixer la résidence de la famille (article 258).
- En cas de violences conjugales :
- La loi du 26 mai 2004 a introduit une procédure d’urgence à l’article 220-1, permettant au juge de statuer sur la résidence séparée des époux en cas de violences mettant en danger le conjoint ou les enfants.
- Depuis la loi du 9 juillet 2010, ces mesures sont encadrées par les articles 515-9 et suivants du Code civil et s’étendent également aux concubins et partenaires de PACS.
- Pendant une procédure de divorce ou de séparation de corps :
3. Les sanctions en cas de manquement
a) Évolution des sanctions
- Autrefois : L’exécution forcée de la cohabitation était pratiquée (« manu militari »).
- Aujourd’hui : La coercition physique n’est plus admise en jurisprudence.
- Divorce ou séparation de corps : Le refus de cohabiter peut être invoqué comme faute pour demander un divorce ou une séparation de corps.
- Dommages et intérêts : Le conjoint victime peut demander réparation sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (ancien article 1382) pour le préjudice subi.
- Suspension des obligations pécuniaires : En cas de refus de cohabitation sans motif légitime, l’époux victime peut cesser de contribuer aux charges du mariage et au devoir de secours.
c) Sanctions pénales
Délit d’abandon de famille :
- L’abandon de la résidence familiale sans motif grave pendant plus de deux mois constitue un délit pénal (Code pénal).
- Ce délit s’applique si un enfant est présent au foyer ou si l’épouse est enceinte.
En résumé, le devoir de cohabitation est une obligation essentielle du mariage, combinant résidence commune, relations intimes, et volonté de former un couple. Bien qu’il soit d’ordre public, des exceptions peuvent être accordées par le juge en cas de violences conjugales ou lors de procédures de divorce. Les sanctions en cas de manquement varient entre divorce, dommages et intérêts, et éventuellement des sanctions pénales en cas d’abandon injustifié.
C) le devoir de fidélité
Le devoir de fidélité, prévu à l’article 212 du Code civil, impose aux époux une interdiction stricte d’entretenir des relations sexuelles avec un tiers. Cette obligation est fondamentale dans le mariage et d’ordre public, ce qui en rend toute dérogation impossible.
I. Le caractère d’ordre public du devoir de fidélité
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Interdiction des conventions dérogeant au devoir de fidélité
- Les époux ne peuvent pas convenir mutuellement de se dispenser du devoir de fidélité. Une telle convention serait déclarée nulle en application de l’article 6 du Code civil, qui prohibe les accords contraires à l’ordre public ou aux bonnes mœurs.
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Maintien du devoir de fidélité en cas de séparation
- Le devoir de fidélité subsiste même dans les situations suivantes :
- Procédure de divorce : L’introduction d’une demande en divorce ne confère pas une « immunité » aux époux. La Cour de cassation (2ᵉ civ., 3 mai 1995) a confirmé que les faits d’adultère commis pendant la procédure peuvent être invoqués pour demander un divorce pour faute.
- Séparation de fait : Tant que le mariage n’est pas dissous, l’obligation de fidélité reste en vigueur.
- Le devoir de fidélité subsiste même dans les situations suivantes :
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Liaison antérieure au mariage
- Une relation extraconjugale avant la célébration du mariage ne constitue pas une faute engageant la responsabilité du conjoint concerné, sauf si elle est associée à une tromperie sur les qualités essentielles de la personne (article 180 du Code civil).
II. Les sanctions en cas de violation du devoir de fidélité
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Sanctions civiles
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Responsabilité civile :
- L’adultère est une faute civile justifiant un divorce pour faute.
- Le conjoint victime peut demander des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi.
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Responsabilité du complice :
- Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 2000, le complice de l’adultère (tiers entretenant une liaison avec une personne mariée) ne peut pas être tenu responsable à l’égard de l’époux trompé.
- Cette décision reflète une tendance à limiter l’étendue du caractère d’ordre public du devoir de fidélité.
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Sanctions pénales (avant 1975)
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Jusqu’à la loi du 11 juillet 1975, l’adultère était un délit pénal, avec des distinctions selon le sexe :
- Pour les femmes : L’adultère était toujours sanctionné, car il pouvait perturber la filiation.
- Pour les hommes : L’adultère n’était pénal que s’il impliquait l’installation d’une maîtresse au domicile conjugal.
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Depuis 1975, l’adultère n’est plus une infraction pénale, mais reste une faute civile.
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Évolution jurisprudentielle et libéralités dans les relations adultères
- La loi du 15 novembre 1999 relative au PACS et au concubinage a conduit à une révision de la perception juridique de l’adultère.
- La Cour de cassation a validé les libéralités consenties dans le cadre d’une relation adultère :
- Arrêt du 3 février 1999 : Une donation faite pour maintenir une relation adultère n’est pas contraire aux bonnes mœurs.
- Arrêt d’assemblée plénière du 29 octobre 2004 : Confirmation de la validité d’une telle libéralité, malgré les critiques doctrinales.
En résumé, le devoir de fidélité est une obligation fondamentale du mariage, protégée par son caractère d’ordre public. Bien que l’adultère ait été dépénalisé en 1975, il demeure une faute civile sanctionnée principalement dans le cadre du divorce ou par des dommages et intérêts. Les évolutions récentes, notamment en matière de PACS et de concubinage, témoignent toutefois d’un infléchissement du caractère absolu de cette obligation, conduisant à une reconnaissance juridique partielle des relations adultères.