Question préjudicielle / recours en manquement (droit de l’UE)

Quelles sont les sanctions du droit de l’Union Européenne ?

Celle-ci consiste en le rétablissement de la règle communautaire au détriment du droit national. La sanction du droit de l’UE vise à rendre effectif le principe de primauté.

Elle repose sur 2 principes:

– Le recours en manquement contre un Etat membre

– La question préjudicielle

A) Le recours en manquement contre un Etat

1) L’objet du manquement

Il peut concerner d’abord le non-respect par un Etat d’une obligation de faire.

Exemples : – Lorsqu’un Etat n’a pas procédé à la transposition d’une directive dans le délai fixé.

– Lorsqu’une juridiction nationale se refuse à appliquer un règlement communautaire.

– Lorsque l’Etat n’a pas pris les mesures nécessaire afin d’éviter que les particulier n’entravent le droit de l’UE.

– Lorsqu’un Etat adopte une loi contraire au droit communautaire.

2) Le responsable du manquement

Le principe est celui de l’unité de l’Etat.

L’UE ne connaît comme responsable que les Etats membres et il ne peut invoquer le retard pris par le parlement dans la transposition d’une directive.

Les collectivités infra-étatique (Lander Allemand, régions…) sont concernées par ce principe d’unité. Ex: Lorsqu’une collectivité publique ne fait pas application d’un règlement communautaire, c’est à l’Etat de prévoir un dispositif pour contraindre la collectivité.

3) La procédure du recours en manquement

La procédure telle qu’elle est organisée permet une certaine tolérance vis-à-vis de l’Etat membre fautif et responsable. Mais dès l’instant où l’arrêt est prononcé, on peut dire que la condamnation est ferme.

a) Une procédure tolérante

D’après l’article 258 du TFUE, l’initiative appartient à la Commission. Elle est saisie suite à une plainte, à une question parlementaire, ou à une enquête menée par ses services.

Les Etats et les personnes privés ne disposent d’aucun pouvoir d’initiative. Toutefois, les personnes privées peuvent impulser l’initiative.

Elles le font par l’intermédiaire de plaintes adressées à la Commission et grâce à l’influence du médiateur Européen la Commission a progressivement mis en place un système d’information des plaignants qui s’active lorsque la Commission décide de classer sans suite une plainte.

Une fois la Commission saisie, la procédure donne à l’Etat fautif à plusieurs reprises les moyens d’éviter une condamnation. Il y a d’abord une phase contentieuse, apparue dans la pratique, au cours de laquelle la Commission invite l’Etat à présenter ses explications.

– Si le manquement est avéré, les 2 parties, l’Etat et la Commission, cherchent une solution amiable. En cas d’échec, la procédure officielle débute avec l’envoi d’une lettre mise en demeure adressée à l’Etat fautif. Dans cette lettre, la Commission expose l’ensemble des griefs retenus.

– Si l’Etat ne se conforme pas aux exigences de la Commission, il s’ensuit un avis motivé dans lequel la Commission accorde un délai raisonnable pour régler la situation.

La Commission est tenue par les griefs invoqués dans la «lettre de mise en demeure». Elle peut en invoquer d’autres, mais aussi en retirer.

A partir du moment où la Cour de Justice est saisie, elle peut s’ériger en Juge des référés. Elle peut alors demander la suspension des mesures nationales en cause. L’Etat peut toujours justifier le manquement en invoquant un cas de force majeure.

Pour être avéré, il faut que le cas de force majeur soit extérieur à l’Etat. L’Etat ne pouvait rien faire pour éviter le manquement.

Ex: acte terroriste conduisant à la destruction de données. « CJCE 1985 Commission/Italie »

En revanche, la France n’a pas pu prétexter les troubles sociaux qu’aurait engendré l’intervention des forces de police si elle avait dû réprimer les actions d’agriculteurs contre des camions espagnols transportant des primeurs.

b) Une condamnation ferme

A l’issue de la procédure, la Cour de Justice prononce un arrêt. Cet arrêt n’a pas pour effet d’annuler l’acte litigieux, ni de prononcer une injonction. Toutefois, l’arrêt à l’autorité de la chose jugée (il vaut prescription).

L’Etat doit prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt. Les juridictions ont l’obligation d’exclure l’acte litigieux, la norme nationale non-conforme.

Elles doivent également suivre l’interprétation de la règle communautaire telle qu’elle est déterminée par la Cour.

L’autorité de la chose décidée est en cela doublée de la chose interprétée.

Avec le traité de Maastricht, la Cour de Justice s’est vu reconnaître le droit de prononcer une sanction pécuniaire par le biais d’une voie d’exécution spécifique : « procédure de recours en manquement sur manquement ».

Le Traité de Lisbonne a entendu renforcer la procédure de sanction sur 2 plans:

En cas de non-respect de l’arrêt considéré

Si un Etat ne communique pas les mesures prises afin d’assurer la transposition d’une directive, alors la Commission peut demander à la Cour de Justice de prononcer une sanction financière, dès le 1er recours en manquement.

Rien n’oblige l’Etat au final à se conformer au droit de l’UE.

– D’une part, cela aurait des conséquences dans les négociations qui se déroulent au sein du Conseil.

– D’autre part, l’Etat fautif a tout intérêt à jouer le jeu car ne pas le faire c’est prendre le risque que d’autres Etats ne le fasse pas non plus à d’autres occasions.

B) La question préjudicielle

1) Le mécanisme

Elle doit être comprise comme un dialogue de juge à juge. Le mécanisme repose en effet sur une coopération entre 2 juges. Le juge national et de juge de l’UE. Cela permet à une juridiction nationale de renvoyer à la Cour de Justice l’interprétation d’une norme communautaire dans le litige en cause.

Le but est d’assurer une homogénéisation du droit de l’UE en évitant la multiplication des interprétations (ou appréciation de validité) d’une même norme.

Le renvoi préjudiciel donne également au justiciable le moyen indirect de contester la légalité des normes communautaires et selon le cas de faire prévaloir l’interprétation de la Cour de Justice sur celles des juridictions nationales.

En matière d’interprétation, le renvoi est obligatoire lorsque la juridiction statue en dernier ressort.

Le renvoi est facultatif dans tous les autres cas.

Le renvoi s’estompe dans 2 hypothèses(cf. arrêt Cilfilt 6 octobre 1982) :

– Lorsque la Cour s’est prononcée sur une question « matériellement identique » une question ayant déjà fait l’objet d’une décision par la Cour.

– Lorsque « l’application correcte » du droit communautaire peut s’imposer avec une évidence telle qu’elle ne laisse aucun doute sur la manière de résoudre la question posée.

Le juge national est tenu de renvoyer à la Cour de Justice uniquement lorsqu’il estime qu’un acte n’est pas valide. Le juge communautaire est le seul compétent à prononcer la non-validité d’une norme communautaire.

Par ailleurs, et contrairement à ce que l’on rencontre en matière d’interprétation, le juge national n’est pas dispensé d’obligation de renvoi lorsque la Cour a déjà déclarée invalide les dispositions correspondantes d’un autre acte comparable.

Qu’elle que soit la situation, si une juridiction ne respecte pas l’obligation de renvoi alors le recours en constatation de manquement est ouvert.

2) La saisine

Dès l’instant où la Cour de Justice est saisie, la procédure devant le juge national est suspendue.

Cependant, 4 conditions déterminent la recevabilité de la requête:

– Il faut que la question soit posée par une juridiction nationale. Les parties ne peuvent pas le faire directement.

– Il faut que la question porte sur une norme de l’UE (traité, accord international, directive, décision, règlement…) Les arrêts de la Cour sont aussi recevables lorsque leur interprétation est de nature à apporter une solution au litige.

– Il faut que la réponse attendue soit utile à la résolution du litige

– Il faut que le juge national ait communiqué toute information nécessaire pour éclairer le juge communautaire.

3) L’arrêt

La Cour de Justice ne peut que dire si une norme est valide ou préciser le sens de la norme en cause.

Le juge communautaire ne se substitue pas au juge national pour résoudre le litige.

Cependant, la frontière entre interprétation et application contentieuse de la norme est poreuse dans la mesure où l’interprétation de la norme guide de manière très étroite la solution.

Les conséquences:

La juridiction nationale est liée par l’interprétation ou par l’appréciation de validité. Toutes les juridictions nationales sont liées par la solution de la Cour. L’arrêt a autorité de la chose décidée et interprétée.

L’interprétation se retrouve attachée à la disposition communautaire en cause. Elle s’émancipe du litige lui-même. C’est cette élévation qui permet d’atteindre l’harmonisation de la norme communautaire.

L’arrêt a un effet rétroactif, ce qui est logique s’agissant du recours en interprétation car le juge communautaire ne fait que révéler le sens de l’acte après application.

S’agissant du recours en validité, un acte illégal ne saurait engendrer des conséquences légales.

Dès lors, l’arrêt ne fait que réhabiliter l’ordre juridique tel qu’il aurait dû le rester dès la naissance et la publication de la norme.