Qui est l’auteur d’une œuvre protégée par le droit d’auteur?

L’auteur : définition, qualités, pluralité d’auteur   

  L’auteur c’est celui qui façonne, qui invente l’œuvre. L’identification de l’auteur au créateur est parfois rendue plus complexe, il en va ainsi lors d’une création à plusieurs etc


S1) Définition de l’auteur

L’auteur c’est le créateur de l’œuvre, le lien entre la qualité d’auteur et la qualité de créateur est indéfectible car on ne peut pas dénier par contrat le statut d’auteur de l’œuvre au créateur. Règle d’ordre public donc les parties à un contrat ne peuvent pas dénier au créateur d’une œuvre sa qualité d’auteur. Seule la loi peut définir l’auteur. Toute clause contraire serait nulle.

Lorsque l’œuvre est façonnée par quelqu’un qui ne l’a pas conçu, qui est le créateur ? La réalisation matérielle n’est qu’un simple acte matériel, le véritable créateur est celui qui va diriger intellectuellement la réalisation concrète de l’œuvre. Par contre celui qui ne fait qu’inspirer une œuvre ne sera pas le créateur, de même pour un donneur de conseils.

L’art L113-1 Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que la qualité d’auteur appartient sauf preuve contraire à celui ou ceux sous le nom de qui l’œuvre est divulguée.

Dans les ouvrages qui ne sont pas rédigées par la personne qui les divulgue ( les portes plumes ) le créateur c’est l’auteur , c’est d’ordre public donc on peut pas lui opposer le contrat.

Lorsqu’on ne peut pas établir la paternité de l’œuvre, ce sera une œuvre orpheline. L’auteur est une personne physique par principe. Les
Personne Morale sont exclues de la catégorie des auteurs. Car la Personne Morale n’a pas d’âme et ne peut produire d’œuvre de l’esprit. Il y a un lien intime entre l’auteur et son œuvre.

Cass.1.Civ 1982 : une Personne Morale ne peut être investie à titre originaire des droits de l’auteur que dans une seule hypothèse, dans le cas où une œuvre collective créée à son initiative est divulguée sous son nom. Cela veut dire qu’en principe la Personne Morale n’est pas créatrice d’une œuvre sauf dans le cas d’une œuvre collective ou la Personne Morale a dirigé le travail d’autres.

S2) L’identification de l’auteur
A) La pluralité d’auteurs

2 types d’œuvre plurales, il faut distinguer l’œuvre collective de l’œuvre de collaboration

1) L’œuvre collective

Art L113-2 du Code de la Propriété Intellectuelle qui précise qu’est dite collective l’œuvre crée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom été dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participants à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue.

L’admission même de l’œuvre collective est discutée car par son mécanisme qui vise à attribuer la totalité des droits à celui qui a pris l’initiative de la créer tranche un peu avec la logique personnaliste du droit français et démontre la logique économique qui peut intervenir.

L’œuvre audiovisuelle va être une œuvre de collaboration par détermination de la loi, c’est la présomption.

Il y’a des conditions cumulatives et nécessaires pour qualifier une œuvre collective, la qualité de la personne qui prend l’initiative, elle doit avoir dirigé l’œuvre et divulgué sous son nom et la création personnelle des différents intervenants se fondent dans l’ensemble.

L’intérêt de la qualification d’œuvre collective c’est son régime, puisque l’art L113-5 prévoit que l’œuvre collective sauf preuve contraire est la propriété de la Personne Physique ou
Personne Morale sous le nom de laquelle elle est divulguée. L’auteur de l’œuvre collective même si c’est une Personne Morale est titulaire de droits moraux. 

2) L’œuvre de collaboration

Plus grande équité car partage des droits sur l’œuvre entre les différents co-auteurs.

Art L113-2 prévoit qu’est dite de collaboration l’œuvre a la création de laquelle ont concouru plusieurs personne physiques.

Ex : L’interview est une œuvre de collaboration car il y a les questions du journalistes et les réponses de l’interviewé

L’œuvre doit être originale en elle-même mais n’est pas seulement le fruit d’un travail commun puisque l’œuvre collective suppose une union mais débouche sur une fusion tandis que l’œuvre de collaboration suppose une réunion sans fusion.

2 conditions de protection de l’œuvre de collaboration : – il faut s’assurer de l’originalité de chacune des interventions des différents collaborateurs, elle doit être prise en elle-même originale et exprimer un apport personnel. Si ce n’est pas le cas ce ne sera pas une œuvre de collaboration

– Il faut établir l’existence de la collaboration elle-même, l’œuvre de collaboration n’est pas la succession de deux œuvres c’est le fruit d’un travail commun.
Art L113-3 Code de la Propriété Intellectuelle précise que l’œuvre de collaboration est la propriété commune des co-auteurs.
Il y a une forme d’indivisibilité entre les différentes créations, chacun a un droit sur le tout.
Les co-auteurs doivent exercer leur droit d’un commun accord et en présence d’un désaccord il appartiendra à la juridiction civile de statuer. Unanimité pour les droits patrimoniaux, pas pour les droits moraux.

S’agissant de la gestion de l’œuvre, le principe c’est l’unanimité des co-auteurs, cette règle est très lourde car si l’un des auteurs n’est pas d’accord on ne pourra pas mettre de côté cet auteur et il faudra saisir le juge.
Cette règle est également requise lorsque nos co-auteurs agissent en défense de l’œuvre notamment en contrefaçon. La cour de cassation a jugé que le co-auteur d’une œuvre de collaboration qui prend l’initiative d’agir en justice pour la défense de ses droits patrimoniaux est tenu à peine d’irrecevabilité de sa demande de mettre en cause les autres auteurs de cette œuvre.

C’est donc un régime lourd qui démontre que la collaboration doit exister au moment de la création mais qu’elle persiste au stade de l’exploitation de l’œuvre sinon gestion compliquée.

S’agissant de la durée on va prendre en compte la mort du dernier vivant des collaborateurs.

B) La qualité de l’auteur

Deux situations : celle qui résulte d’un contrat de travail, et celle de l’influence des liens d’alliance sur la titularité des droits d’auteur (qu’advient-il lorsque l’auteur se marie ?)

1) L’auteur salarié

Concernant le salarié de droit privé, on peut confier les droits des créations des salariés aux employeurs car on pourrait considérer qu’ils ont créé sur leur lieu de travail grâce à l’investissement et la rémunération fournie par l’employeur.

Mais on peut considérer à l’inverse que l’employeur a simplement fourni les moyens mais c’est le salarié qui demeure le créateur, c’est lui qui a imprimé sa personnalité à l’œuvre et qui l’a rendu originale, le reste n’est que des conditions de travail fournies par l’employeur. En raisonnant comme ça les droits d’auteur appartiennent au salarié créateur.

La 1ère manière de penser ressemble au copyright cad à la manière américaine d’envisager le Droit d’auteur. Et la seconde solution correspond à la manière latine cad que le Droit d’auteur s’exprime par la personnalité de l’auteur.
Le droit français a choisi la seconde solution, c’est l’article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle qui dispose que l’existence ou la conclusion d’un louage d’ouvrage ou de service par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance du Droit d’auteur. Donc la conclusion d’un contrat de travail est indifférente pour apprécier la titularité des droits d’auteur et pour identifier l’auteur.

Ce principe connait néanmoins plusieurs atténuations : – concernant les journalistes salariés, pour eux cession légale sans contrepartie de leurs droits patrimoniaux, loi du 12 juin 2009, cession légale au profit de l’employeur du journaliste pour les œuvres qu’il produit dans le cadre du titre de presse.

– S’agissant des auteurs de logiciels, dévolution légale sans contrepartie, art L113-9 Code de la Propriété Intellectuelle prévoit que sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels créés par les salariés dans l’exercice de leur fonction sont dévolus à l’employeur qui est seul habilité à les exercer.

– S’agissant des auteurs d’une œuvre audiovisuelle, art L132-24 qui instaure une présomption de cession

En dehors de ces hypothèses la le principe demeure : les salariés disposent de droits sur leur création par conséquent l’employeur ne pourra être titulaire des droits d’auteur qu’à la condition de se faire consentir une cession des droits.

Pas de cession tacite implicite automatique puisque c’est contre la loi : arrêt du 16 décembre 1992.

Peut-on stipuler au sein du contrat de travail une clause de cession automatique ? Le risque serait que ça devienne systématique et donc qu’aucun salarié ne puisse bénéficier de la loi donc non

Prohibition de la cession des œuvres futures également mais il pourrait peut-être être débiteur d’une préférence du genre pacte de préférence en vertu duquel le salarié serait le débiteur de la préférence au profit de l’employeur en vertu duquel si le salarié décide de céder ses œuvres il devra les proposer en priorité à son employeur.

Concernant le salarié fonctionnaire, le régime a connu une évolution, le droit positif résulte de la loi du 1er aout 2006 ayant modifié l’article L111-1 CPI. S’agissant des droits moraux, spécificité des fonctionnaires qui fait que le droit de divulgation est parti en brèche.

Pas de dérogation pour les droits patrimoniaux sauf si dans la mesure strictement nécessaire à une mission de service public , le droit d’exploitation… L131-3-1 CPI.

2) L’auteur marié

S’agissant des droits moraux, chaque époux conserve ses propres droits moraux en cas de séparation de biens, en communauté de bien le droit moral n’appartient qu’à l’auteur de l’œuvre.
Indifférence du mariage à l’égard des droits moraux , art L121-9 CPI.

S’agissant des droits patrimoniaux, la question ne se pose pas vraiment pour les régimes séparatistes car on sépare. Mais sous le régime de la communauté de biens , si l’œuvre a été créé ou acquise pendant le mariage, certains auteurs considèrent qu’ils sont communs, d’autres soutiennent à l’inverse que les droits patrimoniaux sont des biens propres par nature.

S’agissant des fruits produits par les droits patrimoniaux, ils seront communs.

C) Le décès de l’auteur

Quelles sont les conséquences du décès de l’auteur ? La dévolution des droits patrimoniaux et moraux va parfois s’effectuer de manière totalement différente pour les uns et les autres, plus précisément les droits moraux pourront être attribués à des personnes totalement différentes de celles qui hériteraient des droits patrimoniaux.

1) Les droits patrimoniaux

Ils peuvent faire l’objet d’une dévolution volontaire par testament ou donation à condition qu’ils n’entament pas la réserve, lorsqu’il n’y a pas de réserve ou de dispositions volontaires c’est la loi qui va régir.
Le décès de l’auteur va enclencher un compte à rebours puisque c’est lui qui va limiter dans le temps la durée des droits patrimoniaux, art L123-1 al 2 Code de la Propriété Intellectuelle : au décès de l‘auteur ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droits pendant l’année civile en cours et les 70 années qui suivent.
A l’arrivée du terme, les œuvres peuvent donc être librement exploitées par chacun puisqu’elles sont libres de droit.

Arrêt du 30 janvier 2007 : la cour de cassation était saisie d’une affaire sur un auteur contemporain qui s’était amusé à rédiger une suite aux «  misérables «  de victorhugo. Ces ouvrages étaient présentés comme étant la suite des misérables. Est-il possible pour un auteur contemporain de rédiger la suite d’une œuvre que chacun connait et qui fait partie du patrimoine culturel ?
Elle a dit que rédiger la suite d’une œuvre ça relevait du droit d’exploitation des droits patrimoniaux, et du droit d’adaptation et par conséquent c’est un droit patrimonial, donc l’auteur avait le droit puisqu’il était prescrit. Donc possible quand droit patrimonial prescrit ou pas prescrit mais avec droit d’exploitation.

L’abus du droit d’exploitation : ce droit se transmet, il va succéder à la disparition de l’auteur et sera transmis à ses héritiers qui peuvent en abuser. L’article L122-9 du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit ainsi que l’abus notoire des droits d’exploitation de la part des héritiers peut être sanctionné.

Arrêt 17/01/1989, affaire du peintre Fougita français d’origine japonaise, le litige concernait les héritiers de ce peintre et précisément l’épouse du peintre disparu s’était vu reproché par les auteurs d’un livre consacré au travail de son époux d’avoir refusé l’autorisation de publication des œuvres, la question portait précisément sur la caractérisation de l’abus notoire, le refus exprimé par l’épouse caractérisait-il un abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit d’exploitation ? La cour de cassation rappelle le principe : c’est seulement en cas d’abus notoire que des mesures peuvent être prononcées. Or selon la cour l’abus notoire n’étais pas caractérisé parce qu’elle constatait que l’épouse avait conclu un contrat avec les éditions Hachette en 1987 lequel devait déboucher sur la publication d’un ouvrage sur les œuvres de son époux.

C’est une solution logique car si l’abus avait été caractérisé on aurait imposé aux héritiers à conclure le contrat d’exploitation envisagé, or pour contraindre quelqu’un à contracter il faut que l’abus soit évident et manifeste et limite une intention de nuire.

2) Les droits moraux

Le droit moral est attaché à une personne et donc s’éteint avec en principe, on ne peut conférer un droit de la personnalité à quelqu’un de mort, pas d’atteinte à la vie privée d’un mort.

Le Code de la Propriété Intellectuelle ne raisonne pas comme ça, même si il est attaché à la personne il se transmet aux héritiers, pour une raison simple c’est qu’ils sont attachés à la personne mais leur finalité est de protéger l’auteur à travers l’œuvre, il protège donc aussi l’intégrité de l’œuvre. Donc même quand l’auteur meurt les droits moraux doivent subsister pour protéger l’œuvre.

Comment va s’opérer cette transmission ? Lorsque il y’a plusieurs héritiers, il va être exercé en indivision et pour régler d’éventuelles difficultés on va conférer au défunt la faculté d’attribuer le droit moral à certains héritiers plutôt qu’à d’autres voire à des tiers.

Lorsque rien n’est prévu les droits moraux vont subir le même sort que les autres droit et ce sans justifier d’un lien particulier entre l’auteur et l’héritier.

Particularité pour le droit de divulgation dans la mesure ou le Code de la Propriété Intellectuelle lui consacre une disposition spécifique L121-2 : ce droit appartient normalement à l’auteur qui décide de divulguer ou non l’œuvre, après sa mort le droit de divulgation de ces œuvres posthumes est exercé par l’exécuteur testamentaire désigné par l’auteur, en son absence alors dans l’ordre : les descendants, le conjoint non divorcé non remarié, les héritiers autres que descendants, les légataires universels. Ce droit peut s’exercer même après l’expiration du droit d’exploitation.

Un héritier peut également être sanctionné pour l’abus notoire du droit de divulgation, la cour de cassation a précisé qu’il doit s’exercer dans l’intérêt de l’œuvre au service de l’œuvre.

Affaire 24/10/2000 Antonin Artaud : c’est un auteur qui avait commencé à éditer ses œuvres complètes et qui avait donné l’autorisation aux éditions Gallimard de procéder à cette édition. En 1993 les droits sur l’œuvre sont recueillis par le neveu de l’auteur qui s’oppose à la publication du 26ème tome des œuvres complètes, il tente une contrepartie financière pour monnayer son autorisation.
En l’espèce c’est un abus car le droit de divulgation post mortem n’est pas absolu et doit être exercé au service de l’œuvre en accord avec la personnalité et la volonté de l’auteur telles que révélées lors de son vivant.
Ici abusif car contre la volonté de l’auteur 40 ans après son décès.

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