La réforme de l’Eglise
La réforme de l’église vient avant et sert de support aux réformes temporelles. C’est la réforme de l’église, la réforme Grégorienne, dont Grégoire VII est l’acteur. Pour comprendre, il faut se souvenir que l’église en tant que système de pouvoir s’est trouvée engloutie dans le système féodo-seigneurial, qui a touché toute l’église (l’église aux mains des pouvoirs laïques). Elle était alors fractionnée et de ce point bas va se produire une remontée vers un ordre qui surmonte les anarchies existantes.
Section 1 L’indépendance de la hiérarchie.
La réforme passe par une reprise en mains des pouvoirs dans l’église.
§ 1 La papauté.
La papauté en France n’est pas un élément extérieur, il a partie prenante, car la papauté a une direction sur les évêques qui exercent dans le royaume. C’est à Rome que se joue cette partie de l’histoire de France.
A. La désignation du pape.
La papauté se trouve en décadence institutionnelle au 10ème siècle, elle est alors entre les laïques nobles romains, eux-mêmes instrumentés par l’empereur Romain-Germanique (dont la capitale est Rome). Cet empereur estime avoir le droit d’intervenir dans l’administration de l’église.
A Rome les quelques milliers d’habitants ont la haute main sur la nomination du pape. Il faut, pour y mettre fin, neutraliser l’influence impériale. Cette indépendance se manifeste sous 2 aspects, une définition des électeurs et une désignation du lieu où se font les élections.
- Histoire du droit pénal
- Histoire des sanctions pénales (prison, peine d’infamie, mutilations…)
- Histoire des infractions pénales au Moyen-âge
- Histoire de la procédure pénale (moyen-age tardif)
- La Justice d’Eglise au Moyen-âge
- Le droit pénal sous les mérovingiens
- Droit franc et mérovingien : Juridictions et procédures judiciaires
a) Les électeurs.
Les cardinaux sont tous sous influence de la noblesse romaine. Nicolas II en 1059 décide par décret de changer les modalités de l’élection. Ce premier texte redonne vie à l’élection du pape en définissant quels sont les cardinaux chargés d’élire. La liste est désormais connu ce qui évite les dérapages.
b) Le conclave.
Avant l’élection se faisait de façon ouverte ce qui donnait un grand déballage. Désormais, le conclave sera un lieu protégé. On limite peu à peu la durée de l’élection, car certaines durent des mois. Le conclave est un lieu séparé et distinct de Rome, le principe est de réunir les électeurs dans un endroit protégé des influences romaines. Dans les premiers temps les conclaves auront donc lieu dans villes extérieures à Rome. Un décret du pape Grégoire X de 1274 établit le principe du conclave pour chaque élection.
Ces 2 réformes (cardinaux électeurs et conclave) n’ont pas été menées sans oppositions, mais contribue à faire du pape quelqu’un de librement élu, et qui se trouve en bonne partie en situation d’indépendance.
B. Le gouvernement du pape.
a) La primauté.
La papauté et ses juristes dégagent la doctrine de la primauté du siège pontifical sur les autres sièges épiscopaux et sur les patriarches d’orient. Ceci concerne la primauté dans l’église, mais aussi la primauté pontificale affirmée dans le cadre d’une sorte de résurgence de l’augustinisme politique (les 2 cités de Saint Augustin), donc vis à vis du pouvoir temporel.
1. L’affirmation doctrinale.
Au niveau de la responsabilité et vis-à-vis du salut, le pouvoir spirituel a une responsabilité plus grande. Le pape peut donc intervenir lorsqu’il juge que quelqu’un a commis une faute, il peut y avoir des sanctions, jusqu’à l’excommunication du pouvoir temporel. En 1075 c’est Grégoire VII (Catalogue Dictatus Papae) qui définit la nouvelle primauté pontificale, ce catalogue sera d’une efficacité redoutable. Le premier à en faire les frais sera l’empereur Henri IV (Saint-Empire). Il avait lui développé l’idée qu’il était le supérieur des évêques qu’il nommait et l’église était sous son contrôle. Grégoire VII procède ainsi à une attaque frontale et réussit sans guerre à obtenir de l’empereur qu’il vienne abdiquer ses prétentions. A Canossa, l’empereur accepte et se soumet à la liste de règles énoncées par le Dictatus Papae. C’est un tournant majeur. Il se plaçait avant comme héritier de l’empereur romain et se voit désormais fragilisé par l’acceptation de la théorie des 2 cités, son pouvoir ne sera jamais égal à celui de l’empereur romain, sans cela il aurait imposé aux cités italienne sa supériorité. Canossa se trouve ainsi aux origines de la liberté politique en Europe, les cités italiennes se sont engouffrées dans cette brèche.
2. Les résultats politiques
La papauté pourra désormais, nommer, déplacer, révoquer, évêques, légat et conciles, comme de légiférer en toute liberté. Grégoire VII déposera 2 fois Henry IV. L’empereur peut donc être puni pour faute.
b) La centralisation.
Ceci se prolonge par une affirmation centralisatrice.
1. Gouvernementale.
En matière gouvernementale le saint siège s’organise en confiant le gouvernement de l’église à un consistoire composé de cardinaux qui résident sur place et se réunissent souvent. Le consistoire procède aux nominations des évêques sur tout l’Europe, il nomme aussi des légats.
Le pouvoir législatif du Pape est manifeste par les décrétales, qui ont la forme des anciennes lois romaines de l’empire. Le droit canonique se dégage en 2 parties, les lois du pape et la compilation de dispositions réglementaires antérieures qu’un moine nommé Gratien a rassemblées dans le décret de Gratien.
C’est une très ferme et profonde mise en ordre juridique. La centralisation est servie par un droit unique, le droit canonique.
2. Judiciaire.
Ici c’est une mise en ordre hiérarchique qui va de la base (diocèse) jusqu’au Pape. On réduit les pouvoirs intermédiaires (archevêques, primats). L’organisation est ici rationalisée et modernisé, car elle retrouve les cadres de la justice romaine du bas empire, elle retrouve ses sources romaines à mesure qu’on retrouve le droit romain (1050-1060, redécouverte du Digeste). L’église retrouve la mémoire législative de la fin de l’empire romain et ce cadre lui convient. Le juge ici est indépendant et actif et dans cette organisation judiciaire on écarte la procédure accusatoire au profit de la procédure inquisitoire. C’est la procédure romano-canonique, car elle est reprise par les canonistes sur les bases romaines.
3. Fiscale.
Ceci se développe plutôt en fin de période de la réforme Grégorienne (commence au milieu du 11èeme, s’étend au 12ème et va jusqu’au 13ème, avant l’installation des papes au 14ème en Avignon).
Au début la papauté réformée dispose de faibles moyens que sont les états du pape (parcelles susceptibles de protéger l’indépendance du Pape).
La centralisation veut qu’on fasse collaborer à l’œuvre fiscale tous les diocèses, tous les états, toutes les principautés, mais cela est difficile. La papauté a trouvé le moyen de se faire aider, grâce aux décimes qui est décidé en concertation avec le pouvoir temporel, cet impôt peut devenir régulier et son revenu doit servir à une tâche précise, comme le financement d’une croisade. Cette pratique des décimes devient courante, voire permanente. Ceci fera de la papauté au 14ème siècle, la 4ème en termes de budget parmi les puissances de l’époque.
Les décimes seront un sujet de discorde permanent entre le roi de France et la Papauté.
§ 2 Les diocèses.
Le diocèse est la circonscription de base et c’est là où se trouve le pouvoir détenu par l’évêque.
A. La désignation de l’évêque.
Au début il est désigné par une forte intervention du pouvoir laïque. Elle emporte des pouvoirs temporels et spirituels.
a) La distinction du temporel et du spirituel
En tant que détenteur de biens matériels et de pouvoir politiques il détient un pouvoir temporel.
1. L’office et le bénéfice
C’est cela qui lui permet d’avoir des pouvoirs temporel. On distingue les deux car sinon cela serait hérétique.
2. L’investiture.
Il est investi dans ses pouvoirs par une intervention de ses confrères et du pouvoir laïque comme celui du roi.
b) L’intervention du pape.
Ceci est une conséquence de la réforme Grégorienne qui s’inscrit dans le conflit du sacerdoce et de l’empire. Ce conflit se termine en 1122 par le concordat de Worms, qui définit les interventions réciproques du pape et de l’empereur dans la nomination des évêques. C’est un moment fort dans cette libération des pouvoirs épiscopaux vis-à-vis des princes.
1. Par la voie judiciaire
La nomination du pape se fait par la voie judiciaire, la réforme grégorienne renforce la sphère judicaire du pape (la Rote).
2. Par la voie bénéficiale
Le pape prétend obtenir une partie des revenus des bénéfices, c’est le droit d’annates, moyen de financement de la papauté (Les annates, en latin : annatae, étaient un impôt perçu par le pape sur les bénéfices ecclésiastiques, à chaque vacance du siège doté. Usage existant dès le pontificat d’Alexandre IV, Clément V – 1305-1314, premier pape d’Avignon – l’introduisit en Angleterre en 1306. Cet impôt représentait une année de revenus, déduction faite des charges de gestion et de l’entretien du bénéfice. Ce droit, longtemps perçu par les papes dans toute la chrétienté, fut la source de querelles sans cesse renaissantes entre la cour de Rome et la plupart des souverains de l’Europe. Alexandre V y renonça au concile de Pise en 1409).
B. L’administration du diocèse.
L’évêque est détenteur de la plénitude des pouvoirs mais il doit compter avec le chapitre cathédral des chanoines qui détiennent des droits et privilèges, véritable contre-pouvoir au sein du diocèse.
a) Le chapitre cathédral
La réforme Grégorienne est cependant favorable aux évêques et les chanoines vont s’effacer.
b) Les vicaires généraux
Ce sont des agents généraux des évêques.
§ 3. Les ordres monastiques.
C’est une phase de renforcement des ordres monastiques au 10ème et 11ème siècle. Il y a aussi un renforcement intellectuel. Le monastère emblématique est celui de Cluny en Bourgogne. Ces monastères constitués en réseau vont fortement peser sur la réforme de l’église, ils sont à l’origine de la réforme Grégorienne.
a) L’exemption monastique.
Ceci a été possible du fait qu’ils ont une exemption monastique. Dans un monde où le spirituel est fagocité par le temporel, il y a les monastères qui sont eux à l’écart. Sur cette indépendance, les monastères vont développer l’idée de l’indépendance de l’église.
b) Le développement des ordres monastiques.
On est à l’apogée de la puissance intellectuelle et spirituelle de ces ordres religieux. Une rupture, une scission entre clergé régulier et séculier a failli se produire.
Le clergé régulier va se diversifier et des ordres nouveaux vont apparaître. Il faut distinguer les ordres militaires, mendiants et prêcheurs.
- Dans le cadre des croisades apparaissent ainsi des ordres militaires (ordre du Temple et ordre des Hospitalier de Jérusalem ou de Malte).
- Les ordres mendiants sont les franciscains et les ordres prêcheurs ce sont les dominicains.
Section 2 L’indépendance de la gestion.
A. Le patrimoine.
L’église est directement concernée par l’omniprésence de la féodalité. Ceci est antinomique avec la volonté d’indépendance.
a) Aspects féodaux
1. En situation de suzeraineté
Lorsque l’église (tel évêque) se trouve en situation de suzeraineté, il n’y a pas véritablement de problèmes et le patrimoine fait apparaitre toutes les caractéristiques de la féodalité, le clerc est seigneur. Ceci laisse planer une ambiguïté car ce seigneur exerce aussi un pouvoir spirituel.
2. En situation de vassalité
Par contre lorsque le clerc est en position de vassalité, il y a ici une incompatibilité du fait d’une subordination avec l’obligation du service militaire. Plus que la personne de l’évêque, c’est l’église qui doit ces obligations. Il y a donc une concession, le clerc sera exempté de ces obligations. Le seigneur laïque d’un vassal ecclésiastique n’obtiendra donc pas les services qu’il est en droit d’attendre de son vassal, il y a donc une forme d’affaiblissement du fief.
b) Aspects fiscaux
Les canonistes sont hostiles aux impôts royaux. Ces contestations sont un des aspects de la réforme Grégorienne. Les clercs ne peuvent être imposés que si le pape autorise l’imposition (concile de Latran). D’où l’opposition entre Philippe le Bel et le Pape.
1. Impositions ecclésiastiques
Il s’agit surtout de la dîme perçue dans un cadre généralement féodal avec toutes les conséquences pratiques et techniques. Les dîmes sont souvent inféodées et son produit est aussi éparpillé même au profit des laïques.
L’autre impôt est une création de la réforme Grégorienne, ce sont les décimes (impôts réclamés par la Papauté à telle ou telle population pour un objet particulier, comme les croisades). Normalement c’est un impôt non durable et le Prince pourra y être hostile comme le fut Philippe le Bel
2. Impositions royales
B. La justice
a) Organisation.
1. Les officialités
On assiste à une rationalisation de la justice qui se présente sous la forme ordinaire (de l’évêque qui exerce sa justice dans le cadre d’une officialité, il la fait exercer par un official),
2. La rote romaine
Mais cela peut faire l’objet d’un appel jugé par la rote romaine (tribunal d’appel unique pour toute l’Europe occidentale).
b) Procédure
Réformée par la Réforme Grégorienne et la redécouverte du droit romain sous sa forme justinienne. L’église y retrouve les concepts juridiques de l’empire romain des 4èmes et 5èmes siècles, elle y retrouve ses marques. Le droit canonique comporte le même code génétique que le droit civil. Le cursus d’étude des docteurs comporte l’obtention de 2 thèses, une civile, l’autre canonique. De là naîtra le Jus Commune à toute l’Europe, la France étant ici l’exception.
Dans le droit romain redécouvert, il y a des dispositions concernant la procédure, qui à l’époque impériale est inquisitoire et qui s’est développé dans le cadre de la procédure extra ordinem. Le juge ne fait pas que juger, il enquête, il recherche. C’est cette procédure qui est ainsi restaurée. Tous les pouvoirs s’emparent de cette nouvelle procédure. L’église aussi, car elle y voit la procédure la plus objective et efficace.
1. Conciliatoire.
Elle consistait à organiser la conciliation entre 2 parties, de là, suivit la dénonciatoire.
2. Dénonciatoire.
Elle consistait à dénoncer via une procédure sécurisée pour dénoncer en public celui à qui on reprochait une chose. Ces procédures ont connu leur limite car les gens ne dénoncent pas facilement (omerta). Ainsi dans le cas de prêtres qui vivaient en concubinage ou se faisaient payer pour leurs offices, certaines population n’avaient parfois rien à redire à ces situations qui pourtant étaient contraires au droit.
3. Inquisitoire
L’inquisitoire permettra d’aller plus loin.