Le régime général des provisions
Une provision se déduit, mais comme c’est une charge provisoire, il va falloir à terme la reprendre pour l’ajouter au bénéfice imposable. On parle de « reprise d’une provision ». L’espérance de vie d’une provision est nécessairement limitée.
s provisions
Une provision est une mesure de prudence. C’est avant tout une opération comptable qui conduit à des conséquences fiscales.
Les provisions sont des charges ayant pour but de faire face à des coûts futurs et probables. Elles correspondent à la mentalité du bon père de famille qui se veut prudent et avisé en mettant de l’argent de côté.
Si la charge est certaine dans son principe et son montant, il faut la comptabiliser de manière définitive dès qu’elle est engagée (ex : des marchandises ont été livrées. La créance existe à l’égard du fournisseur. A l’inverse, si une entreprise craint un défaut de paiement de son client en situation difficile, elle devra comptabiliser une provision).
Provision renvoie à provisionnel (et provisoire). Une provision permet d’anticiper une charge probable. Le jour où cette probabilité se réalise, la charge devient certaine et il faut procéder à la reprise de la provision pour comptabiliser la charge définitive.
Une provision peut également avoir pour objet de faire face à une perte (ex : une entreprise de travaux publics signe un contrat en vertu duquel elle s’engage à creuser un tunnel. Le prix des travaux sera calculé en fonction des coûts qu’elle supportera, augmentés de sa marge bénéficiaire. Mais le chantier est plus difficile que prévu et les coûts augmentent. Le droit des contrats prévoit ce genre de risques et fiscalement l’entreprise peut pratiquer une provision si elle craint de dégager une perte sur ce chantier. La provision correspondra à la perte qu’elle pourra accuser sur ce chantier).
2) Une opération comptable aux conséquences fiscales
C’est d’abord une opération comptable avant de constituer ensuite une décision fiscale.
La provision correspond au principe de prudence comptable. En effet, le droit comptable oblige une entreprise à comptabiliser une provision dès qu’une charge probable est envisagée. Cependant, la décision de comptabiliser une provision est subjective. Un chef d’entreprise très prudent, voire anxieux, pourrait passer une provision là où un autre dirigeant ne le jugerait pas utile.
Quel est l’enjeu ? Le principal risque sera fiscal, et non comptable. En cas de contrôle, le fisc pourra remettre en cause la provision s’il juge qu’elle n’est pas fondée, notamment parce que le risque est trop faible. L’Administration supposera que l’entreprise a cherché à faire des économies d’impôts en agissant ainsi. Par conséquent, il faut apprécier le bien-fondé d’une provision au cas par cas.
La provision est néanmoins une obligation comptable. Si le dirigeant estime qu’il est face à un risque de charges ou de pertes, il doit enregistrer la provision. En revanche, au plan fiscal la provision n’est que facultative. Une entreprise déficitaire peut décider de ne pas aggraver son résultat en ne déduisant pas une provision. Au plan comptable, elle doit toutefois la comptabiliser du fait du principe de prudence. Il y aura alors réintégration sur le tableau 2058 A.
Lorsque l’on fait le choix de déduire ou non une provision, celui-ci est définitif en tant que décision de gestion.
La provision a également une dimension juridique car souvent l’entreprise ne pourra la pratiquer que si elle est juridiquement tenue envers un tiers. Cette obligation peut être de nature délictuelle (si l’entreprise a causé un dommage pour lequel il est probable qu’elle doive le réparer) ou contractuelle (si l’entreprise a mal exécuté un contrat et est susceptible d’engager sa responsabilité).
Au plan fiscal, l’intérêt d’une provision est de pouvoir déduire celle-ci.
B) La déduction des provisions
L’article 39-1-5 du CGI autorise la déduction des provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées que des événements rendent probables. Cette disposition énonce les conditions de fond pour autoriser la déduction d’une provision. S’ajoutent en plus des conditions de forme.
Le droit comptable et le droit fiscal ont en commun 2 conditions de fond, à savoir que pertes et charges provisionnées doivent être nettement précisées. De plus, elles doivent trouver leur origine dans l’exercice comptable en cours.
Une autre condition est prévue exclusivement par le droit fiscal : les provisions doivent elles mêmes se rapporter à des pertes ou charges déductibles.
Cette exigence se rapporte tant au principe qu’au montant des pertes ou charges que l’on passe en provisions. S’agissant du principe, les pertes ou charges doivent être probables, et non seulement éventuelles.
Quid de la notion de « probable » ? C’est ce qui est vraisemblable. On situe la probabilité entre ce qui est certain et ce qui est éventuel. Une charge éventuelle ne doit pas être comptabilisée quand une charge certaine doit l’être. Enfin, une charge probable doit être provisionnée.
Les provisions correspondent au mode du subjonctif.
Il n’est pas indispensable de calculer le coût de la provision de façon strictement exacte. En cas de contrôle fiscal, l’entreprise devra seulement en prouver le bien-fondé.
S’agissant d’une provision pour créance douteuse, le montant de la provision est égal à celui de la créance. Le calcul est beaucoup plus délicat en matière de pertes. Les entreprises bien gérées peuvent cependant se baser sur des statistiques (ex : une entreprise qui fabrique et vend des appareils électroniques. Elle sait que dans le stock il y aura nécessairement des appareils défectueux pour lesquels les clients vont faire jouer la garantie. Dès lors que chaque année elle va tenir compte de façon précise de la quantité d’appareils défectueux, elle pourra utiliser ces chiffres pour le calcul des provisions à venir).
On sait que le principe d’indépendance des exercices comptables oblige à rattacher les produits et les charges à un exercice déterminé. Cela relève d’une bonne gestion élémentaire de l’entreprise.
Par conséquent, on ne pourra déduire une provision au titre de l’exercice N qu’à raison des faits survenus pendant le déroulement de ce même exercice N (ex : une créance douteuse doit être provisionnée lorsque l’entreprise dépose son bilan).
Cette condition est posée uniquement par le droit fiscal. Pour la comptabilité, la question ne se pose pas.
Il s’agit de l’hypothèse d’une voiture de tourisme utilisée par l’entreprise subit un accident en fin d’exercice. Les travaux de réparation de la voiture ne seront pas déductibles puisque la voiture en elle-même est considérée comme un bien somptuaire n’ouvrant pas droit à déduction. Au plan comptable, il faut passer une provision car le coût des travaux n’est pas encore connu à la clôture de l’exercice. Au plan fiscal, il faudra la réintégrer sur le tableau 2058 A.
Tout d’abord, n’est déductible qu’une provision effectivement comptabilisée par l’entreprise. En cas de contrôle fiscal, c’est la comptabilité qui va servir de documentation de base.
Toute provision doit être mentionnée dans un tableau de la liasse, à savoir le relevé spécial des provisions. Il s’agit de faciliter le contrôle de l’administration fiscale. En cas d’omission, l’entreprise est passible d’une amende.
Une provision est toujours une charge provisoire, donc son espérance de vie est nécessairement limitée.
En passant une provision, l’entreprise n’a fait qu’anticiper un risque. Au jour où ce risque se réalise, on va nécessairement quitter le provisoire pour retomber dans le définitif (ex : la créance douteuse devient définitivement irrécouvrable).
L’entreprise devra alors passer 2 écritures comptables. Lorsque la provision a été constituée, une provision a été déduite. Cette charge est devenue définitive l’année suivante. Il faudra donc annuler la provision en passant un produit. Pour revenir à la normale, il faudra également comptabiliser la charge définitive. Ainsi, on ne va plus trouver dans la comptabilité que la somme se rapportant à la perte ou charge définitivement réalisée.
Si le risque contre lequel on s’est prémuni n’arrive pas (ex : la créance douteuse a été payée), il faudra également reprendre la provision puisqu’elle est devenue sans objet. On annule donc seulement la provision en passant un produit (et rien de plus).
En cas de contrôle fiscal, l’administration va pouvoir pratiquer un redressement (ou rectification) : il s’agit de rehausser le bénéfice imposable à raison d’une provision irrégulière.
Elle peut ainsi rejeter une charge à raison d’une provision irrégulière dès l’origine (ex : provision sur un voilier de plaisance), ou une provision devenue sans objet (= régulière à l’origine). En effet, l’entreprise n’a pas repris la provision : le risque s’est réalisé ou ne s’est pas réalisé, mais en tout état de cause le provisoire a pris fin. Elle s’expose encore à un redressement au titre de l’exercice où le risque a disparu.