Régime politique anglais : démocratie libérale, monarchie parlementaire

Le système britannique  : monarchie parlementaire et démocratie de type libéral

Le système parlementaire britannique, souvent perçu comme une référence, repose sur des mécanismes garantissant à la fois la légitimité du pouvoir exécutif et la mise en place de contrepoids réels pour prévenir les dérives arbitraires. Ce modèle combine une concentration claire de l’autorité politique issue des élections avec des dispositifs solides de contrôle démocratique.


I – Les grands principes du régime politique anglais

A) Garanties de la légitimité du pouvoir politique

Dans le système britannique, la légitimité du pouvoir exécutif repose sur des principes simples mais efficaces :

1. Une autorité issue directement des élections législatives

  • Un transfert direct d’autorité : Lors des élections législatives, le parti qui obtient la majorité des sièges à la Chambre des communes se voit attribuer l’intégralité de l’autorité gouvernementale. Le chef de ce parti devient Premier ministre, garantissant ainsi une relation étroite entre l’exécutif et la majorité parlementaire.
    • Un exemple récent est l’arrivée de Rishi Sunak en octobre 2022. Après la démission de Liz Truss, Sunak, élu leader du Parti conservateur, a immédiatement été nommé Premier ministre. Cela illustre la simplicité et la rapidité de ce transfert d’autorité dans le cadre du parlementarisme britannique, où le parti majoritaire reste au pouvoir sans interruption institutionnelle.
  • Une alternance claire : Lorsque le parti au pouvoir perd sa majorité, il quitte le gouvernement et rejoint l’opposition. Ce processus, basé sur une transition ordonnée et prévisible, exclut toute notion de cohabitation, contrairement au modèle semi-présidentiel français.
    • Par exemple, en 2010, lorsque le Parti travailliste de Gordon Brown a perdu sa majorité, il a cédé le pouvoir aux conservateurs dirigés par David Cameron, qui ont formé une coalition avec les libéraux-démocrates pour assurer la stabilité.
  • Une stabilité inhérente : Tant que le parti au pouvoir conserve sa majorité, le gouvernement est stable. P
    • Boris Johnson (2019-2022), qui a bénéficié d’une majorité confortable après les élections de décembre 2019, lui permettant de finaliser le Brexit malgré les controverses.
    • Historiquement, les gouvernements de Margaret Thatcher (1979-1990) et de Tony Blair (1997-2007) ont également tiré parti de majorités solides pour conduire des réformes majeures, comme la privatisation des industries sous Thatcher ou l’instauration du New Labour et des réformes sociales sous Blair.

2. Une opposition institutionnalisée

Le rôle de l’opposition est unique en Grande-Bretagne. Le parti minoritaire forme un cabinet fantôme (Shadow Cabinet), dont les membres suivent et critiquent les actions des ministres en exercice. Ce dispositif :

  • Permet une surveillance constante de l’exécutif, en préparant une alternative crédible pour l’électorat.
  • Assure une alternance politique ordonnée, où l’opposition est prête à gouverner en cas de victoire électorale.

B) Existence de contrepoids réels

Le système britannique est également structuré autour de mécanismes qui empêchent toute concentration excessive du pouvoir, garantissant le respect de l’État de droit et de la démocratie parlementaire.

1. Des juridictions enracinées et indépendantes

Le Royaume-Uni possède un système juridique solide, basé sur :

  • Les juridictions locales : Enracinées dans les communautés, elles jouent un rôle important dans la préservation de l’État de droit, notamment en matière administrative et pénale.
  • La Cour suprême du Royaume-Uni : Depuis sa création en 2009, elle constitue l’autorité judiciaire suprême et agit comme un contrepoids à l’exécutif et au législatif. Elle a, par exemple, déclaré illégale la suspension du Parlement par Boris Johnson en 2019, renforçant ainsi son rôle de gardienne de la Constitution non écrite.

2. Les mécanismes parlementaires

La Chambre des communes exerce une surveillance rigoureuse sur le gouvernement grâce à :

  • Les commissions parlementaires : Elles convoquent régulièrement des membres du gouvernement pour les interroger sur leurs politiques et actions. Ces commissions, composées de députés issus de tous les partis, jouent un rôle crucial dans le contrôle démocratique.
  • La session hebdomadaire des Questions au Premier ministre (Prime Minister’s Questions, PMQs) : Chaque semaine, le Premier ministre répond directement aux questions des députés, y compris celles de l’opposition. Ce rituel, emblématique de la démocratie britannique, permet une mise en débat publique des décisions du gouvernement.

3. Une opposition institutionnalisée et efficace

L’opposition joue un rôle institutionnel fort, qui dépasse celui observé dans d’autres régimes parlementaires :

  • Un contre-pouvoir constant : Le cabinet fantôme agit comme un gouvernement en attente, critiquant les politiques en place tout en proposant des alternatives concrètes.
  • Un rôle central dans les débats publics : L’opposition bénéficie de journées dédiées (Opposition Days) pour définir l’ordre du jour parlementaire et soulever des questions clés.


II – La comparaison des régimes parlementaires : modèle anglais / modèle français

Les régimes parlementaires diffèrent selon les contextes politiques, sociaux et institutionnels des pays qui les adoptent. Si le régime parlementaire peut être défini théoriquement par trois critères fondamentaux (séparation des pouvoirs, responsabilité du gouvernement devant le Parlement et possibilité de dissolution), les pratiques qui en découlent varient considérablement. Les modèles anglais et français illustrent ces différences, notamment en raison de leurs systèmes de partis et de leurs traditions politiques.

  • Le modèle britannique : stabilité et efficacité. Caractérisé par le bipartisme et la discipline parlementaire, ce modèle garantit une stabilité gouvernementale et une efficacité décisionnelle. Il a influencé des pays comme :
    • L’Allemagne, où les grandes coalitions et le bipartisme modéré renforcent la stabilité.
    • Les pays scandinaves, où la culture du consensus favorise des gouvernements durables.
  • Le modèle français : instabilité et domination parlementaire. En revanche, des régimes parlementaires comme ceux de la France sous la IIIe et la IVe République, ou de l’Italie, se distinguent par :
    • Un multipartisme exacerbé, rendant difficile la formation de majorités stables.
    • Une domination parlementaire sur l’exécutif, conduisant à une instabilité ministérielle chronique.

A) Les fondements communs du régime parlementaire

Le régime parlementaire repose sur :

  1. La séparation des pouvoirs : Bien que les branches législative et exécutive coopèrent, leurs rôles restent distincts.
  2. La responsabilité gouvernementale : Le gouvernement est politiquement responsable devant le Parlement, qui peut le censurer et provoquer sa démission.
  3. Le droit de dissolution : L’exécutif peut dissoudre le Parlement et convoquer de nouvelles élections pour résoudre un blocage politique.

Ces critères se retrouvent dans les systèmes britannique et français, mais leur mise en œuvre diffère en fonction de facteurs politiques et sociologiques, tels que le système de partis.

B) Le parlementarisme britannique : stabilité et efficacité

Le modèle britannique repose sur un bipartisme stable, ancré dans l’histoire politique du pays et renforcé par un scrutin uninominal majoritaire à un tour. Ce système favorise deux grands partis (Conservateur et Travailliste), rendant les majorités parlementaires solides et les gouvernements stables.

Caractéristiques principales

  1. Bipartisme :

    • Le bipartisme assure une alternance claire entre deux grandes forces politiques.
    • Les majorités parlementaires sont homogènes, ce qui évite les coalitions fragiles et garantit une stabilité de l’exécutif.
  2. Un exécutif fort :

    • Le Premier ministre, chef du parti majoritaire, bénéficie d’une autorité renforcée. Par exemple, Margaret Thatcher (1979-1990) et Tony Blair (1997-2007) ont marqué leurs mandats par des politiques cohérentes et continues, rendues possibles par des majorités parlementaires solides.
    • Le Premier ministre contrôle le cabinet, qui initie la majorité des lois adoptées par le Parlement.
  3. Stabilité gouvernementale :

    • Grâce à une discipline parlementaire rigoureuse, les gouvernements britanniques sont rarement renversés. La Chambre des communes joue son rôle de contrôle, mais sans provoquer de crise gouvernementale récurrente.

C) Le parlementarisme français : instabilité et légicentrisme

En France, le régime parlementaire, particulièrement sous la IIIe République (1870-1940) et la IVe République (1946-1958), s’est distingué par un multipartisme exacerbé et une domination du Parlement sur l’exécutif.

Caractéristiques principales

  1. Multipartisme :

    • La présence de nombreux partis (jusqu’à 10 ou 15 sous la IVe République) rend difficile la formation de majorités stables.
    • Les coalitions gouvernementales sont souvent éphémères, fragilisées par des divergences idéologiques et des conflits internes.
  2. Légicentrisme :

    • Hérité de la Révolution française, le légicentrisme place le Parlement au cœur du pouvoir politique. La loi, expression de la volonté générale, est prédominante, tandis que l’exécutif est perçu comme subordonné au législatif.
    • Cette suprématie parlementaire a conduit à une instabilité ministérielle : la durée moyenne d’un gouvernement était de six mois sous la IIIe République et de neuf mois sous la IVe République.
  3. Inefficacité gouvernementale :

    • Les gouvernements, fragilisés par les coalitions multipartites et les motions de censure fréquentes, peinent à adopter des politiques cohérentes et durables.
    • L’instabilité a finalement conduit à la crise de la IVe République, marquée par l’incapacité à gérer la décolonisation et des blocages institutionnels, ouvrant la voie à la Constitution de la Ve République en 1958.

D) Une diversité d’approches parlementaires

Les modèles britannique et français incarnent deux formes contrastées de parlementarisme, influençant les pratiques des régimes parlementaires européens.

Le modèle britannique : un exécutif stable et efficace

  • Pays influencés : L’Allemagne, les pays scandinaves, ou encore le Canada, ont adopté des variantes proches du modèle britannique, favorisant la stabilité gouvernementale grâce à des systèmes de partis restreints ou à des coalitions stables. Par exemple :
    • En Allemagne, le bipartisme modéré entre la CDU/CSU et le SPD a longtemps assuré la stabilité politique.
    • Dans les pays scandinaves, des majorités souvent homogènes ou des coalitions pragmatiques permettent des gouvernements durables.

Le modèle français : un régime dominé par le législatif

  • Pays influencés : L’Italie, la Belgique et les Pays-Bas illustrent les défis du multipartisme et de la fragmentation parlementaire :
    • En Italie, les gouvernements changent fréquemment, bien qu’un système plus présidentialisé ait émergé ces dernières années.
    • En Belgique, la complexité des coalitions reflète la diversité linguistique et culturelle, conduisant parfois à des périodes prolongées sans gouvernement.

 


III – Le régime parlementaire anglais

Le régime parlementaire britannique, souvent perçu comme le modèle historique du parlementarisme, incarne une forme de démocratie atypique et libérale. Les principes démocratiques, bien qu’ancrés dans les pratiques politiques, ne sont pas codifiés dans une Constitution écrite, à la différence des systèmes continentaux. Cette spécificité, fondée sur une longue tradition d’adaptations graduelles, fait de la démocratie britannique un équilibre unique entre pragmatisme et relativisme juridique.

Contrairement à la France, où la démocratie s’appuie sur des principes universels inscrits dans des textes fondamentaux (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, Constitution de 1958), le système britannique repose sur :

  • Une Constitution non écrite : Composée de coutumes, de conventions politiques et de lois fondamentales, elle ne formalise pas explicitement les droits démocratiques.
  • Une tradition libérale : Plutôt que d’affirmer des idéaux universels, la démocratie britannique privilégie une approche pragmatique, axée sur la liberté individuelle et la limitation du pouvoir.

C’est pourquoi Winston Churchill affirmait avec ironie : « La démocratie anglaise, c’est le pire des régimes, mais on n’en a pas encore inventé de meilleur. »

A) Courte histoire du système politique britannique

Le système politique britannique a évolué de manière progressive, sans rupture brutale, pour devenir un modèle parlementaire libéral.

1. La centralité historique du roi

À l’origine, le pouvoir était concentré entre les mains du monarque. Cependant, à partir du XIIIe siècle, un déplacement progressif du pouvoir s’opère :

  • Le Parlement commence à jouer un rôle croissant, notamment avec la Magna Carta (1215), qui limite l’autorité royale.
  • Le cabinet ministériel émerge comme un organe décisionnel, tout en restant subordonné au roi.

2. La révolution parlementaire

La Révolution britannique de 1688 marque un tournant décisif. Elle consacre la suprématie du Parlement et transforme progressivement le cabinet ministériel en un organe autonome.

  • À partir du XIXe siècle, le cabinet est composé exclusivement de ministres issus de la Chambre des communes, dont la légitimité repose sur la confiance parlementaire.
  • Le système devient moniste, car le roi perd toute influence politique directe, se limitant à un rôle symbolique de magistrature morale.

3. Les trois entités restantes

À l’issue de cette évolution, trois acteurs principaux structurent le pouvoir politique britannique :

  • Le peuple, qui exprime sa volonté lors des élections générales.
  • La Chambre des communes, où siègent les représentants élus au scrutin majoritaire.
  • Le cabinet, organe exécutif qui gouverne avec le soutien de la majorité parlementaire.



B)  Le two party system

Le two party system en Grande-Bretagne ne se limite pas à l’existence de deux grands partis politiques, le Parti conservateur et le Parti travailliste, mais désigne un système politique basé sur la notion de majorité absolue. Ce modèle repose sur la domination parlementaire et gouvernementale du parti majoritaire, lui conférant un rôle exclusif dans l’exercice du pouvoir.

1) Le fonctionnement du two party system

a. La domination du parti majoritaire

Dans ce système, le parti qui remporte la majorité des sièges à la Chambre des communes exerce seul le pouvoir :

  • Le Premier ministre, chef du parti majoritaire, est automatiquement nommé par le monarque pour former le gouvernement.
  • Le cabinet est composé uniquement de membres du parti vainqueur, assurant une homogénéité politique dans les prises de décision et l’élaboration des politiques publiques.

b. Le rôle du Premier ministre

Le Premier ministre exerce une autorité importante, mais il reste dépendant de son parti. Il doit constamment composer avec :

  • Le contrôle interne du parti : Les députés de la majorité peuvent sanctionner ou contester ses décisions, ce qui limite son pouvoir.
  • La discipline parlementaire : En cas de désaccords internes, le Premier ministre peut demander une dissolution du Parlement pour convoquer des élections anticipées, comme l’a fait Boris Johnson en 2019 pour débloquer les négociations sur le Brexit.

2) Les contrepoids au pouvoir majoritaire

Malgré la concentration du pouvoir dans les mains du parti vainqueur, le système britannique met en place des contrepoids efficaces pour éviter une dérive autoritaire.

a. Le contrôle de l’opposition

L’opposition joue un rôle institutionnalisé, garantissant un équilibre démocratique inédit :

  • Liberté d’expression : Depuis 1695, la censure est abolie, permettant à l’opposition de critiquer librement le gouvernement.
  • Shadow cabinet : L’opposition forme un gouvernement fantôme, doublant les ministères du cabinet en place. Ce dispositif prépare une alternance efficace, l’opposition étant prête à gouverner dès qu’elle accède au pouvoir.
  • Participation législative : L’opposition peut proposer des amendements, participer activement aux débats et influencer le processus législatif.
  • Statut du leader de l’opposition : Le Leader de l’opposition de sa Majesté est reconnu et rémunéré par l’État, renforçant son rôle dans le débat public et politique.

b. Le contrôle de l’opinion publique

Le peuple est un acteur clé dans ce système, puisque les élections législatives déterminent directement la composition du gouvernement :

  • L’électeur choisit non seulement des députés, mais également une équipe gouvernementale et un Premier ministre, en votant pour le parti qu’il souhaite voir diriger le pays.
  • Ce phénomène confère au Premier ministre une légitimité quasi-directe, car le monarque nomme systématiquement le chef du parti vainqueur. Par exemple, en 2022, Rishi Sunak est devenu Premier ministre après la démission de Liz Truss en tant que chef du Parti conservateur.

3) L’impact du scrutin majoritaire

Le two party system est indissociable du mode de scrutin uninominal majoritaire à un tour, qui :

  1. Force les électeurs à voter utile : Les petits partis ont peu de chances de remporter un siège, ce qui pousse les électeurs à se concentrer sur les deux principaux partis.
  2. Hypertrophie du parti vainqueur : Ce mode de scrutin entraîne une surreprésentation du parti majoritaire à la Chambre des communes. Par exemple :
    • Lors des élections de 2019, le Parti conservateur a obtenu 43,6 % des voix, mais 56 % des sièges, contre seulement 32 % des sièges pour le Parti travailliste, qui avait recueilli 32 % des voix.
    • Les libéraux-démocrates, avec environ 12 % des voix, n’ont obtenu que 1,7 % des sièges, illustrant l’écrasante disproportion engendrée par ce mode de scrutin.

4) Les avantages et limites du two party system

Avantages

  1. Stabilité gouvernementale : Avec une majorité claire, le parti vainqueur peut gouverner sans subir les blocages souvent associés aux coalitions.
  2. Alternance fluide : Le système garantit une transition rapide entre les gouvernements, grâce au rôle du shadow cabinet et à la discipline des partis.
  3. Efficacité législative : Le cabinet, soutenu par sa majorité, peut adopter des lois rapidement et mettre en œuvre son programme sans obstacle majeur.

Limites

  1. Sous-représentation des minorités : Les petits partis sont marginalisés, et des millions d’électeurs peuvent ne pas être représentés proportionnellement au Parlement.
  2. Concentration du pouvoir : Le parti majoritaire contrôle à la fois l’exécutif et le législatif, ce qui limite la séparation des pouvoirs.
  3. Exclusion des alternatives politiques : Le bipartisme réduit la diversité des choix politiques disponibles pour les électeurs.


C)  Le gouvernement du cabinet

Le système politique britannique repose sur le gouvernement de cabinet, un modèle qui concentre le pouvoir exécutif tout en restant ancré dans une forte tradition parlementaire. Bien que ce système soit perçu comme une forme avancée de démocratie, il soulève des questions quant à la séparation des pouvoirs et au rôle prééminent du Premier ministre.

1) Une légitimité homogène, mais une concentration des pouvoirs

Le régime britannique atteint une quasi-perfection démocratique, notamment grâce à une homogénéité de la légitimité politique. Ce modèle présente plusieurs caractéristiques :

  • Absence de distorsion démocratique : L’autorité découle directement des élections législatives. Le parti majoritaire à la Chambre des communes contrôle le cabinet, garantissant un lien clair entre le vote populaire et l’exercice du pouvoir.
  • Concentration du pouvoir au profit du parti vainqueur : Cette centralisation, bien qu’efficace, peut être perçue comme une entorse à la séparation des pouvoirs, car le gouvernement domine largement le Parlement.

Risques d’abus et rôle de la culture politique

Le pouvoir concentré du Premier ministre, chef du cabinet et du parti majoritaire, pourrait théoriquement dériver vers des abus. Cependant, la culture politique britannique et le rôle actif des parlementaires et des médias limitent ces risques.

2) Le cabinet : un exécutif fort et monocéphale

Le gouvernement britannique est organisé autour du cabinet, un organe central dirigé par le Premier ministre, qui exerce des prérogatives larges sur les plans législatif, exécutif et administratif.

Une structure simplifiée

  • Un exécutif monocéphale : Le cabinet est l’unique véritable détenteur du pouvoir exécutif, le rôle du monarque étant strictement protocolaire.
  • Un législatif monocaméral de facto : Bien que le Parlement soit composé de deux chambres, la Chambre des lords a vu son influence fortement diminuer, laissant la Chambre des communes dominer la scène législative.

Les pouvoirs du cabinet

  1. En matière administrative : Le cabinet contrôle l’ensemble de l’administration, orientant les politiques publiques et supervisant leur mise en œuvre.
  2. En matière législative : Près de 90 % des lois votées par le Parlement sont issues de projets initiés par le cabinet. De plus, il peut légiférer directement si le Parlement lui délègue ce pouvoir.
  3. En matière de dissolution : Le Premier ministre dispose du droit de dissolution, qui, bien qu’il soit prononcé par le monarque, est toujours accordé à la demande du chef de gouvernement. Ce droit est souvent utilisé stratégiquement :
    • Discipliner les parlementaires rebelles de son parti.
    • Anticiper des élections à un moment favorable dans les sondages.

3) Le rôle marginalisé de la Chambre des lords

Historiquement influente, la Chambre des lords s’est effacée au profit de la Chambre des communes. Elle n’exerce désormais qu’un rôle consultatif et symbolique :

  1. Responsabilité politique : Le cabinet n’est responsable que devant la Chambre des communes, rendant les lords dépourvus de tout pouvoir exécutif.
  2. Veto législatif limité : La Chambre des lords ne peut retarder une loi que pour un an, après quoi la volonté de la Chambre des communes prévaut.
  3. Budget : Depuis le Parliament Act de 1911, elle n’a aucun pouvoir sur les lois financières.
  4. Attributions judiciaires : Bien qu’elle abrite encore des Lords d’appel, ces fonctions ont été transférées à la Cour suprême en 2009, renforçant la séparation entre les branches législative et judiciaire.

4) La Chambre des communes : un contrôle démocratique rigoureux

La Chambre des communes, composée de 650 députés élus pour cinq ans au scrutin majoritaire à un tour, est le cœur du système démocratique britannique.

Un relais du bipartisme

La Chambre des communes reflète le two-party system, où le Parti conservateur et le Parti travailliste dominent largement. Elle sert de relais démocratique entre le peuple et le gouvernement.

Un contrôle suivi du gouvernement

Le Parlement britannique, et particulièrement la Chambre des communes, exerce un contrôle étroit sur le cabinet grâce à :

  1. Les questions parlementaires :

    • Questions orales quotidiennes : Chaque séance parlementaire débute par 50 minutes consacrées aux questions adressées au cabinet, posées aussi bien par l’opposition que par les membres du parti majoritaire.
    • Questions au Premier ministre : Deux fois par semaine, le Premier ministre répond directement aux députés, sans connaître les questions à l’avance. Ces séances retransmises renforcent la transparence du gouvernement et permettent une connexion directe avec l’opinion publique.
  2. L’impact sur l’opinion publique :

    • La retransmission des débats et des séances de questions contribue à faire du gouvernement britannique un gouvernement d’opinion, où l’électorat joue un rôle central tout au long de la législature.

5) Un équilibre subtil entre centralisation et contrôle

Le gouvernement du cabinet centralise les pouvoirs tout en maintenant un équilibre grâce à des traditions parlementaires solides et une culture politique rigoureuse.

  • Forces : Stabilité, efficacité législative et proximité avec l’électorat.
  • Limites : Concentration du pouvoir entre les mains du Premier ministre et marginalisation des petites formations politiques.

 


IV – La démocratie britannique : entre stabilité institutionnelle et imperfections démocratiques

Bien que la Grande-Bretagne soit une démocratie parlementaire bien établie, elle ne constitue pas une démocratie totale. Certaines imperfections dans la participation au pouvoir politique et dans la limitation du pouvoir révèlent un éloignement de l’idéal démocratique, au sens d’une liberté complète pour les citoyens dans les sphères de l’autonomie et de la participation.

Certaines imperfections du régime parlementaire tendent à l’éloigner de l’idéal démocratique (I) ; cependant, la Grande-Bretagne peut être perçue non pas comme une démocratie absolue, mais comme l’expression d’une démocratie de type libéral (II).

A) Imperfection de la participation au pouvoir politique

Le système politique britannique est marqué par des mécanismes qui, bien qu’ils garantissent la stabilité institutionnelle, limitent la participation démocratique effective de tous les citoyens.

1. La monopolisation du pouvoir par le parti vainqueur

En raison du système bipartite renforcé par le scrutin uninominal majoritaire à un tour, le parti vainqueur des élections législatives bénéficie souvent d’une surreprésentation à la Chambre des communes. Cela conduit à une concentration du pouvoir entre les mains du gouvernement, au détriment d’une représentation équitable de la pluralité des opinions politiques.

  • Par exemple, aux élections générales de 2019, le Parti conservateur, avec seulement 43,6 % des voix, a obtenu une majorité écrasante de 56 % des sièges à la Chambre des communes, consolidant le pouvoir de Boris Johnson. Cette dynamique exclut de facto les petites formations politiques, réduisant leur influence parlementaire.

2. La conjugaison du bipartisme et du mode de scrutin

Le scrutin uninominal majoritaire amplifie les effets du bipartisme en marginalisant les partis tiers, même lorsqu’ils obtiennent un nombre significatif de voix à l’échelle nationale. Les libéraux-démocrates, par exemple, ont souvent recueilli entre 10 et 20 % des suffrages sans obtenir une représentation proportionnelle.

3. Subordination du législatif à l’exécutif

Dans les faits, le gouvernement domine largement le processus législatif. En Grande-Bretagne, près de 90 % des lois proviennent de projets initiés par le cabinet ministériel. Bien que la Chambre des communes dispose théoriquement du pouvoir de censurer le gouvernement, la forte discipline de parti rend ce mécanisme difficile à activer.

B) Imperfection de la limitation du pouvoir politique

La limitation du pouvoir politique, qui est un pilier des démocraties modernes, présente également des faiblesses structurelles en Grande-Bretagne.

1. La toute-puissance du Parlement

L’adage selon lequel « Le Parlement peut tout faire sauf changer un homme en femme » reflète la souveraineté absolue du Parlement britannique. Cette souveraineté, bien que centrale au système, peut entraîner une absence de limitation formelle des pouvoirs législatifs et exécutifs.

  • En l’absence d’une Constitution écrite, aucune instance ne peut exercer un contrôle rigoureux sur la loi adoptée par le Parlement. Contrairement aux systèmes où un contrôle de constitutionnalité est assuré par une Cour suprême ou constitutionnelle, les lois britanniques ne sont pas examinées pour leur conformité à des principes fondamentaux.

2. Le rôle essentiel des juridictions

Les juridictions britanniques compensent en partie l’absence de contrôle constitutionnel en jouant un rôle de gardiennes de l’État de droit.

  • Depuis le XVIe siècle, le citoyen britannique peut obtenir réparation contre une autorité administrative abusive.
  • La procédure de habeas corpus, garantissant qu’aucune détention ne peut être décidée sans justification devant un juge, illustre la priorité accordée aux droits individuels.

Cependant, ce rôle des juridictions reste limité, car elles ne peuvent pas s’opposer directement à la volonté souveraine du Parlement.

En résumé : Le régime politique anglais est une démocratie imparfaite mais stable. Le système britannique, tout en garantissant une grande stabilité institutionnelle et une efficacité politique, présente des limites sur le plan démocratique.

  1. Participation imparfaite : La surreprésentation des grands partis, la marginalisation des petites formations et la domination de l’exécutif sur le législatif restreignent la pluralité démocratique.
  2. Limitation insuffisante du pouvoir : La souveraineté parlementaire et l’absence de contrôle constitutionnel formel laissent le champ libre à des abus potentiels, bien que les juridictions veillent à préserver les droits fondamentaux des citoyens.

 

 

 

Isa Germain

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