Régimes matrimoniaux : définition et histoire

Chapitre I
présentation générale des régimes matrimoniaux

I     Notion de régime matrimonial

C’est l’étude du régime des biens entre époux = étude des conséquences pécuniaires du mariage. Ces effets intéressent bien sûr les époux mais aussi les tiers avec lesquels les époux sont en rapport et notamment les créanciers.

Cette définition explique que le régime matrimonial doive régler deux grandes questions pour satisfaire ces objectifs :

          une question de propriété : un régime matrimonial comporte nécessairement des règles concernant la propriété des biens (influence du mariage sur la propriété des biens, quid pour les biens achetés pendant le mariage…). Il faut pouvoir répartir les biens entre les époux :

o   soit on considère que le mariage ne supprime pas la propriété personnelle des époux

o   soit on considère que le bien appartient aux deux époux ce qui évoque l’idée d’indivision, forme une masse commune. Au plan de la propriété, la question de base est de savoir si la propriété personnelle subsiste ou non.

Il y a en gros des régimes communautaires qui favorisent l’existence de biens communs et les régimes séparatistes où le principe de base est que chacun est propriétaire de ses biens. Cela a des conséquences notamment au moment du partage.

          une question de pouvoir : qui a le pouvoir de gestion, d’administration des biens ? Il y a un lien avec le problème précédent : si tel bien demeure la propriété personnelle d’un époux, il est logique qu’il ait le pouvoir de gérer et même de disposer des biens dont il est resté propriétaire. Si les biens appartiennent aux deux époux, l’un des époux peut-il agir seul ou faut-il l’accord des deux époux pour que l’acte soit régulièrement passé ?

C’est le Titre V du Livre III (fourre-tout dans lequel on traite des différentes manières d’acquérir la propriété) du Code civil qui gère ces questions = articles 1387 à 1581.

Le titre était un peu différent en 1804 = « du contrat de mariage et des droits respectifs des époux ».

L’intitulé retenu en 1804 soulignait l’importance à l’époque de la liberté des intéressés dans le choix de leur régime matrimonial. Le régime légal = imposé par la loi en l’absence de choix était considéré comme une sorte de contrat de mariage tacite choisi par les époux en ne choisissant pas tel ou tel régime matrimonial. Peu à peu l’habitude s’est prise de parler de régimes matrimoniaux, plus exact car il n’y a pas toujours de contrat de mariage (environ 10% des époux).

En 1965, réforme de la matière et le titre V est devenu « du contrat de mariage et des régimes matrimoniaux ».

Le régime matrimonial est une conséquence du mariage. Mais aujourd’hui le mariage n’est plus la seule forme d’union et la question peut se poser de manière plus large pour savoir si, quand il y a un couple, il ne doit pas y avoir une organisation pécuniaire des rapports des membres de ce couple (pour le concubins et les pacsés). Pour les concubins, situation de fait, il n’y a pas vraiment de régime matrimonial et on est obligé de trancher les problèmes par référence au droit commun par exemple de l’indivision. On peut se demander si cette organisation des rapports patrimoniaux entre concubins ne peut être comparée à une sorte de régime matrimonial (voir étude de Monsieur SIMLER dans les mélanges Rubelin : le « régime matrimonial » des concubins).

De manière plus proche du régime matrimonial, c’est le PACS (loi du 15 novembre 1999) : dans les projets de réforme, il y a une communauté de vie qui est plus clairement reconnue par le droit et il y a dans les projets de réforme une transposition du régime matrimonial = communauté d’acquêts. Idée non retenue car en 1999 on a voulu le distinguer nettement du mariage pour des raisons politiques. On a prévu des présomptions d’indivision qui sont une sorte d’ébauche de régime matrimonial embryonnaire.

Aujourd’hui, le droit français connaît 3 sortes d’union qui ont chacune un prolongement patrimonial plus ou moins important.

Les régimes matrimoniaux pourraient devenir l’organisation patrimoniale du couple.

La réglementation du mariage demeure malgré tout le modèle de référence.

II             Comment ce droit s’insère dans le droit patrimonial  de la famille

L’insertion des régimes matrimoniaux dans le droit patrimonial de la famille se fait avec les successions et les libéralités.

Les successions sont la partie du droit qui étudie les conséquences pécuniaires du décès d’une personne : à qui attribue-t-on les biens du défunt et comment s’opère le partage des biens s’il y a plusieurs héritiers.

Les libéralités = actes par lesquels une personne dispose d’un ou de ses biens à titre gratuit. Il y a deux grandes catégories de libéralités : lorsque la personne se dépouille d’un bien de son vivant, il s’agit d’une donation (acte entre vifs, c’est un contrat). Si la personne qui se dépouille le fait après son décès, c’est un testament qui lui est un acte juridique unilatéral.

Le droit patrimonial de la famille est assez technique notamment pour le partage, il a une importance pratique certaine et est mis en œuvre essentiellement par les notaires qui sont les spécialistes du droit de la famille notamment dans ses aspects patrimoniaux. Il y a une communauté d’inspiration entre ces 3 parties dans la mesure où c’est le droit de l’affectation des biens à la famille.

Il y a des interférences entre les régimes matrimoniaux et les libéralités :

Les libéralités et notamment les donations peuvent être conclues entre personnes étrangères, mais aussi entre membres d’une famille et notamment entre époux. Elles peuvent servir à compléter ou à corriger le régime matrimonial. De plus, il faut que la loi règle le sort d’une part des libéralités que reçoivent les époux et régler les libéralités que consentent les époux.

Il y a des interférences entre les régimes matrimoniaux et les successions :

Le lien est ici encore plus fort : exemple typique c’est la question des droits du conjoint survivant : lorsqu’un époux décède quels sont les droits sur le patrimoine du décédé ? Sous le régime de communauté, il y a normalement une masse de biens communs et il peut aussi y avoir des biens propres, personnels. Si l’un décède, par exemple le mari, par l’effet du décès, les biens communs vont se partager par moitié, la femme prendra la moitié de la communauté et conservera ses biens propres. La succession du mari comprendra sa part de communauté plus ses biens propres. Cet ensemble au décès du mari revient aux héritiers du mari. Parmi eux, le conjoint survivant a des droits. Sous un régime de séparation de biens, les choses sont différentes. La succession du mari sera constituée de ses biens personnels.

Autre exemple = le régime matrimonial peut aussi être utilisé pour améliorer la situation du conjoint survivant : il est fréquent que des époux généralement âgés adoptent la communauté universelle avec attribution intégrale : on met en commun tous les biens et cette communauté universelle qui regroupe tous les biens du ménage est attribuée d’emblée à l’époux survivant. Il conserve ainsi tous les biens du ménage et est assuré que sont cadre de vie ne sera pas bouleversé. Le régime est ici utilisé à des fins successorales.

III          Raison d’être d’un régime matrimonial

La nécessité d’un régime matrimonial est moins évidente. En pure logique, l’existence ne s’impose pas de manière absolue, les relations pécuniaires entre époux pourraient être régies par le droit commun, notamment des obligations.

En pratique, on estime que des règles particulières s’imposent notamment parce que la communauté de vie entraîne une communauté d’intérêt pécuniaire et qu’il n’y a pas d’indépendance entre les patrimoines des époux comme entre les patrimoines de personnes étrangères. La communauté de vie crée une communauté d’intérêt pécuniaire.

Par ailleurs, il est souhaitable que le gage des créanciers soit fixé.

Comment déterminer ce régime matrimonial : il y a deux grandes possibilités : choix par le législateur ou par les époux.

Le législateur pourrait prévoir de manière impérative un régime identique pour tous. Certains pays étrangers comme l’Argentine se rallient à ce système.

La seconde solution est de laisser aux époux le choix de leur régime : il y aura alors une diversité des régimes selon les ménages. C’est admettre le principe de la liberté des conventions matrimoniales, principe inscrit dans le droit français, qui avait commencé à s’imposer dans l’ancien droit et consacré dans le Code civil de 1804.

Pourquoi cette liberté des conventions matrimoniales ?

Deux raisons :

          on dit qu’il est plus facile d’admettre la liberté dans les rapports pécuniaires que dans les rapports personnels. On ne conçoit pas un mariage sans devoir de secours ou obligation de fidélité. En revanche, des aménagements pécuniaires peuvent être compatibles avec l’esprit du mariage.

          C’est un régime unique s’il est choisi par le législateur : il ne conviendra pas forcément à tout le monde en fonction des patrimoines, des fortunes, du fait que les deux époux ou un seul auront une activité professionnelle. Il faut aussi tenir compte de la situation familiale : en cas de remariage, il y a tendance à adopter une séparation pour éviter l’enchevêtrement possible des intérêts.

Cela ne veut pas dire que le législateur n’intervient pas : en dépit de cette liberté, le législateur conserve un rôle notamment sur 3 points :

          La liberté des conventions matrimoniales n’empêche pas le législateur de présenter des modèles.

          Tout  le monde ne fait pas un contrat de mariage, le législateur doit donc organiser un régime légal pour ceux qui n’expriment pas de volonté par un contrat de mariage.

          Il est apparu qu’il était souhaitable d’édicter quelques règles applicables à tous les couples mariés quels qu’aient été leurs choix = régime primaire impératif ou régime matrimonial de base.

Chapitre II
évolution du droit des régimes matrimoniaux

Section I
histoire des régimes matrimoniaux jusqu’en 1965

3 phases :

– ancien droit français

– Code civil de 1804

– Évolution de 1804 à 1965.

I     L’ancien droit français

Pendant cette longue période, deux types de régimes se partageaient la France, entre les pays de coutume et les pays de droit écrit (le midi).

Dans les pays de coutume, dans lesquels il y avait plusieurs coutumes, il y avait un régime de communauté. La masse commune comprenait les meubles et les immeubles notamment acquis par les époux pendant le mariage. L’administration des biens communs était confiée au mari selon la formule « seul seigneur et maître absolu de la communauté ».

À la dissolution du régime la femme était protégée et elle était associée aux biens du ménage. Il semble d’ailleurs que c’est de ce souci d’assurer à la femme des moyens de vivre après le décès de son mari qui serait à l’origine de l’idée communautaire.

En revanche, dans les pays de droit écrit, on appliquait le régime dotal qui est un régime séparatiste original car une partie des biens de la femme constituait la dot qui devait servir à subvenir aux besoins du ménage. La dot était gérée par le mari mais elle était inaliénable et la femme devait pouvoir se voir restituer cette dot en fin de course.

Dans les pays de droit écrit, le régime dotal était adapté de manière diverse selon les régions, mais en dépit de cette diversité, il y avait une opposition entre le nord (tradition communautaire) et régime dotal au sud.

Au moment de la rédaction du Code civil, quand il va falloir choisir un régime unique pour toute la France, il y aura un conflit pour savoir quel régime retenir.

Histoire du droit de Mme Lefèvre Teillard : introduction historique au droit des personnes et de la famille.

Levy et Castaldo : histoire du droit civil Dalloz 2002

II             Code civil de 1804

Il commence par proclamer le principe de la liberté des conventions matrimoniales, autonomie de la volonté et souhait de ménager une chance égale aux deux régimes de la communauté et dotal.

Principe corrigé par un autre principe fondamental = principe de l’immutabilité du régime matrimonial : sorte de charte pécuniaire des époux qui doit durer aussi longtemps que le mariage. La liberté existait mais seulement au moment du mariage. Après, on devait le garder.

Ce principe va s’atténuer au fil du temps.

A  Les régimes types aménagés par le Code civil

4 régimes d’importance inégale en 1804 :

          Communauté : régime le plus important, le plus souvent adopté ou adapté par les époux lorsqu’ils font un contrat de mariage. Ce régime se caractérise en 1804 par l’assurance d’une certaine union pécuniaire des époux, une certaine fusion des biens. Le terme communauté peut désigner le régime matrimonial en lui-même mais aussi la masse de biens communs. Cette masse peut être plus ou moins étendue (communauté universelle, réduite aux acquêts). L’essence de ce régime consiste à prolonger au plan des biens l’union des personnes.

o   Unité de gestion : les biens communs sont administrés par un seul époux, le mari en 1804. Il a des pouvoirs sur les biens communs presque aussi étendus que sur les biens propres, de plus, il administre les biens propres de la femme. C’est donc lui qui encaisse les revenus des biens propres de la femme dans l’intérêt de la communauté ce qui a fait dire que la communauté avait l’usufruit des biens propres. Ce principe a aujourd’hui disparu, considéré comme un accident historique, la communauté n’implique pas l’inégalité. À la suite d’une évolution du 13 au 16ème siècle, la femme a été déclarée incapable pour permettre l’unité de gestion car à l’époque on considérait que cela assurait le crédit du ménage vis-à-vis des tiers. La concentration des pouvoirs de gestion est une caractéristique de la communauté en 1804. Lien entre incapacité de la femme mariée et concentration des pouvoirs au sein des mains du mari.

o   Contrepoids à cette prépondérance du mari pour protéger la femme : 

§  Elle pouvait demander en justice la séparation de biens s’ils paraissaient en péril.

§  Elle pouvait renoncer à la communauté lors de la dissolution du régime : utile si le passif est supérieur à l’actif.

§  Bénéfice d’émoluments, forme atténuée de la renonciation : la femme n’est tenue du passif qu’à concurrence de l’actif qui lui était attribué.

§  Hypothèque légale de la femme mariée. Elle pouvait être créancière de son mari et pour être payée, elle bénéficiait d’une hypothèque légale, sûreté énergique et elle prenait rang au jour du mariage : elle passait avant les créanciers du mari pendant le mariage ce qui conduisait à demander parfois à la femme de renoncer à son hypothèque légale. Hypothèque = droit conféré à un créancier de saisir un immeuble de son débiteur et d’être payé par préférence sur le prix de vente de l’immeuble. Il a un droit de suite dans un patrimoine tiers.

o   Présomption de communauté : quand on ne connaît pas l’origine d’un bien, il est présumé commun. Cette présomption simplifie les rapports entre les époux et les tiers, les biens sont présumés communs. Si les tiers ont traité avec le mari, ils ne prennent pas grand risque.

          La séparation de biens : antithèse de la communauté, pas de masse de biens communs, chaque époux est seul propriétaire des biens qu’il possède lorsqu’il se marie mais aussi des biens qu’il acquiert par la suite.

o   Risque de confusion des biens c’est pourquoi on insère souvent des présomptions de propriété pour pouvoir répartir les biens entre les deux époux.

o   Indépendance patrimoniale des époux : le mari n’acquiert pas de droit sur les biens de la femme. En 1804 ce principe s’accordait mal avec l’incapacité de la femme mariée. Mais elle n’aurait que des pouvoirs d’administration ; pour disposer de ses biens, il lui fallait l’autorisation de son mari ou à défaut une autorisation de justice. Inconvénient assez réel lorsqu’un époux ne travaille pas ou n’a pas de fortune personnelle, à la dissolution du régime, elle n’a pas de droit sur les biens acquis pendant le mariage par l’autre époux, sur les économies réalisées grâce à la vie commune.

          Le régime sans communauté : curiosité juridique, mélange de communauté et de séparation de biens. Comme dans la séparation de biens, il n’y a pas de masse commune, mais on emprunte à la communauté l’unité de gestion. Le mari administre ses biens et ceux de la femme. N’a jamais connu de succès. Il disparaîtra. Les rédacteurs y ont vu une variante de la communauté du fait de l’unité de gestion.

          Le régime dotal : venu du droit romain et conservé dans les pays de droit écrit, c’est un régime séparatiste, mais les biens de la femme se subdivisent en deux :

o   La dot = biens appartenant à la femme mais soumis à l’administration et la jouissance du mari : crée une communauté de revenus entre les mains du mari pour assurer la vie du ménage.

o   Les biens paraphernaux = à côté de la dot : sont des biens dont la femme conserve l’administration et la jouissance comme dans la séparation de biens, ce qui fait que cela ressemble à la séparation de biens si la dot est faible.

Son originalité résultait à l’époque essentiellement de l’inaliénabilité des biens dotaux. Ce patrimoine devait subsister quelle que soit la volonté et les besoins des époux. C’était une source d’insécurité pour les tiers et c’est un système rigide qui ne s’adapte pas aux fluctuations économiques. Déclin au 19ème siècle et disparition au 20ème siècle.

Selon le critère retenu de la répartition de la propriété ou du pouvoir des époux on ne classe pas de la même manière les régimes.

Ces 4 régimes définis par le Code de 1804 n’excluaient pas des combinaisons entre eux par la liberté des conventions matrimoniales. Par exemple, on pouvait prévoir que l’administration des biens de la femme serait faite par elle (la gestion par le mari n’était pas d’OP).

Inversement les régimes séparatistes pouvaient être corrigés par l’adjonction d’une société d’acquêts (mise en commun des économies du ménage). De même pour le régime dotal…

En 1804, on a choisi pour la première fois un régime matrimonial unique pour toute la France.

B   La détermination du régime légal

Ce régime unique a supposé que l’on fasse deux grands choix :

          Faut-il choisir un régime communautaire ou un régime dotal. Lors des travaux préparatoires, vives discussions, finalement, c’est la tradition communautaire qui l’a emportée car le régime dotal suppose pratiquement un contrat de mariage ou du moins un écrit pour constituer une dot ce qui n’est pas indiqué pour un régime légal. Par ailleurs, le régime dotal est contraire à la libre circulation des biens à une époque de développement du commerce. Enfin, les classes moyennes étaient des classes majoritaires en France et les économies faites pendant la vie commune étaient souvent la seule richesse.

          Quelle variante de la communauté faut-il retenir ? une communauté universelle ou une communauté aux acquêts  ou de meubles et acquêts : idée que les richesses qui procèdent d’un effort commun, il est naturel de les partager. Par contre, s’il s’agit de biens que l’on possédait antérieurement ou des biens de famille, il paraît plus conforme à l’équité de les garder à titre propre. Communauté réduite aux acquêts = acquisitions faites à titre onéreux pendant le mariage, semble concilier l’esprit communautaire. N’a pas été adoptée mais c’est la communauté de meubles et acquêts qui a été retenue = tous les biens meubles même non acquis à titre onéreux pendant le mariage sont des biens communs. Adopté pour des raisons de preuve car l’acquisition des biens meubles ne laisse pas de traces et il est difficile de prouver comment il a été recueilli. Mais aussi, idée que les meubles ont moins de valeur que les immeubles (res mobilis, res vilis). Cet argument était déjà très discutable en 1804 du fait du développement du commerce et de l’industrie. Enfin, on a choisi le régime de communauté qui était celui des pays de coutumes et les usages les plus répandus ont pesé plus fort que les autres et les communes de Paris et d’Orléans prévoyaient une communauté de meubles et acquêts.

Ensuite, évolution lente jusqu’en 1965.

III          Évolution de 1804 à 1965

Deux critiques majeures ont été formulées :

          la mise en communauté de tous les biens meubles y compris les parts de sociétés, les actions et cela est apparu injuste lorsque la fortune mobilière s’est développée : ex = un époux hérite de ses parents de biens immobiliers. Son conjoint hérite de la même fortune sous forme mobilière. En cas de divorce, celui qui a recueilli des immeubles les conserve à titre personnel mais l’autre doit partager avec son conjoint.

          Le régime de communauté place la femme dans une situation de dépendance vis-à-vis de son mari et l’indépendance de la femme mariée, l’égalité des époux allait être un des objectifs essentiels de la réforme.

Au 19ème siècle, il y a eu très peu d’évolution. Période de stabilité du droit civil, très peu de réformes législatives (en 1850 sur la publicité du contrat de mariage, en 1880, loi permettant à la femme mariée d’ouvrir un livret de caisse d’épargne sans l’autorisation de son mari).

C’est plutôt la jurisprudence qui a pris des initiatives : ex du mandat domestique de la femme mariée : si l’on avait appliqué strictement le principe d’incapacité de la femme mariée, on en déduisait que tout contrat conclu par la femme sans son mari était nul et s’il était valable, le principe que les pouvoirs d’administration appartenaient au mari aurait eu pour conséquence que ce contrat ne pouvait engager aucun bien du ménage. Application rigoureuse de ces principes est inapplicable pour les opérations de la vie quotidienne.

La jurisprudence a décidé que la femme avait reçu un mandat tacite de son mari pour accomplir les opérations de la vie courante = le mandat domestique. Les actes faits par la femme seule sont alors valables car la capacité en matière de mandat s’apprécie en la personne du mandant et non du mandataire. Cela a assuré le crédit du ménage. Le fondement de la solution sera modifié mais l’idée demeurera.

Section II
la réforme

Loi du 13 juillet 1907 sur le libre salaire de la femme mariée :

Prévoyait que sous tous les régimes matrimoniaux la femme percevait librement ses salaires et autres biens professionnels et qu’elle administrait ses biens et les biens qu’elle avait acquis avec les économies qu’elle avait faites avec les revenus de son travail.

On a appelé cette catégorie de biens les biens réservés de la femme (réservés à son administration par dérogation au principe de l’administration du mari). Cette réforme de 1907 a très largement échoué en pratique surtout pour les biens réservés car le pouvoir d’administration de la femme n’a pas pénétré dans la pratique car les praticiens notamment les banquiers ont continué à exiger la signature du mari car la femme avait des pouvoirs sur des biens réservés mais il fallait être sûr que ces biens étaient réservés et on considérait que le plus simple était que le mari signe l’acte juridique.

Mais la réforme a eu des effets à long terme car la loi a admis qu’il pouvait y avoir communauté sans unité de gestion. Un auteur, Jean Boulanger a eu cette formule en 1957 « la loi de 1907 est une sorte de coin enfoncé dans la structure de la communauté dont elle la brisé l’unité logique, l’essentiel des réformes ultérieures sortira de là ».

La loi est également novatrice car on voit s’amorcer un statut de base applicable à tous les époux car ces règles s’appliquaient à tous les régimes (règles des biens réservés).

Loi du 18 février 1938 qui supprime le principe de l’incapacité de la femme mariée.

Le projet prévoyait aussi la réforme des régimes matrimoniaux mais seule la première partie du texte a été votée du fait de la proximité de la guerre. Incohérence dans le Code civil car la femme pouvait exercer les pouvoirs accordés par le régime matrimonial et il est clair que sa capacité nouvelle se conciliait mal avec le principe de l’unité de gestion au profit du mari.

Des remèdes partiels ont été apportés par la loi du 22 septembre 1942, loi de transition qui est de circonstances car il a fallu faciliter la gestion des biens du ménage par des femmes dont le mari était prisonnier de guerre. Mais les textes ont été rédigés de manière générale et ont eu valeur permanente. La loi a prévu des transferts de pouvoir grâce à une autorisation judiciaire, cela a donné naissance à deux textes toujours dans le Code civil = articles 217 et 219 : s’il faut vendre un bien commun, la femme peut être autorisée par le juge à réaliser cette opération si le mari n’est pas là.

Institution des biens réservés. Aménagement du régime de la séparation de biens pour rendre effective la capacité de la femme mariée (qu’elle puisse non seulement administrer mais aussi disposer).

En 1942, on voit apparaître la place faite au juge dans les périodes de difficultés matrimoniales. En même temps se développe la notion d’intérêt de la famille.

Articles 217 et 219 sur les transferts de pouvoir ne sont pas réservés à la communauté.

La grande réforme a été réalisée par une loi du 13 juillet 1965.

Section II
réforme d’Ensemble du 13 juillet 1965

Elle s’insère dans un mouvement plus général de réforme du Code civil.

Série de grandes lois en 1964 et 1965, mises en œuvre par le doyen Carbonnier.

Cette réforme présente des caractères au plan de la méthode, c’est une législation sociologique. L’idée est que les réformes en matière de droit de la famille doivent correspondre aux aspirations du corps social, c’est pourquoi il faut utiliser des données sociologiques avant de faire la réforme.

Notamment, on a utilisé deux types d’informations :

          Une statistique des contrats de mariage de l’année 1962 : on a découvert que le régime conventionnel à cette époque le plus couramment choisi était la communauté réduite aux acquêts.

          Deux enquêtes d’opinion publique demandées à l’IFOP : on a interrogé un échantillon représentatif en posant soit des questions simples soit en posant des questions à partir d’un cas concret. L’enquêteur donnait parfois quelques informations juridiques aux enquêtés. Pour l’essentiel, elles ont montré un attachement au principe communautaire et qu’il y avait un consensus assez large pour admettre l’égalité entre époux et non la prépondérance du mari. Carbonnier a dit que l’enquête n’a pas légiféré mais a été un élément dans la balance du législateur. Par exemple, dans l’enquête, il y avait une sorte d’engouement pour la communauté universelle, non suivi par le législateur qui a réduit la communauté aux acquêts.

La technique législative était une réforme titre par titre du Code civil, en conservant la numérotation ancienne autant que possible, en démultipliant au besoins des articles.

Pour le reste, le texte est considéré comme bien écrit et en même temps, le fait qu’il y ait un inspirateur unique de cette loi donne une unité non seulement de forme mais aussi de fond à l’ensemble.

On a donc conservé un régime de communauté, mais rénové.

Le législateur avait pour tâche principale de définir un nouveau régime légal en tenant compte de différents facteurs et aussi d’apporter d’autres réformes.

I     La détermination du nouveau régime légal

À la veille de cette réforme de 1965, les deux critiques développées contre le droit des régimes matrimoniaux subsistaient largement :

– au plan de la propriété des biens, il n’y avait pas eu de modification

– pour la répartition des pouvoirs, le régime n’avait pas été adapté à la capacité de la femme mariée.

La réforme s’imposait et d’ailleurs, tout au long du 19ème siècle il y avait eu des projets de réforme.

A  Solutions possibles

Il fallait trouver une solution au plan de la répartition de la propriété des biens et des pouvoirs pour assurer l’égalité des époux et l’indépendance de la femme mariée.

Ce double objectif a conduit à éliminer immédiatement le régime conventionnel de la communauté réduite aux acquêts (règle les problèmes de propriété mais pas du pouvoir prépondérant du mari) ou faire du régime légal la séparation de biens (indépendance de la femme assurée, mais répartition des biens non satisfaisante).

Il s’est orienté vers des régimes transactionnels :

          élaborer un nouveau régime qui serait la participation aux acquêts : régime d’origine nordique, devenu légal en Allemagne en 1958. Idée que pendant le mariage les époux sont séparés de biens. Mais à la dissolution du régime apparaît l’élément communautaire  qui consiste à mesurer l’enrichissement de chacun par ses acquisitions à titre onéreux. Cet enrichissement se partage entre les époux. L’aspect communautaire apparaît avec la dissolution du régime, en nature ou en valeur. On retrouve l’idée d’une association des époux aux gains de l’un ou de l’autre. Avait séduit Boulanger, mais n’a pas été adopté car c’est un régime assez complexe notamment au moment de la liquidation. De plus, il est difficile d’adopter en régime légal un régime non encore expérimenté (c’est devenu un régime conventionnel pour le tester).

          Reprendre le régime de la communauté réduite aux acquêts en le rénovant pour satisfaire aux objectifs poursuivis. Ce qui n’allait pas était la concentration des pouvoirs entre les mains du mari. Pour échapper à cela, on pouvait penser que l’on pouvait introduire une certaine égalité en associant les deux époux aux décisions importantes concernant les biens communs. C’est ce que l’on a appelé la cogestion. On peut observer qu’avec la cogestion, on réalise l’égalité par l’association des époux alors qu’avec la participation on la réalise par l’indépendance.

B   Solution retenue par le législateur de 1965

Le législateur a retenu une communauté rénovée et on a adopté l’aménagement suivant :

          Pour les biens communs, on va garder le mari comme administrateur en titre, mais pour les actes importants il lui faudra le consentement de la femme pour que l’acte soit valable.

          Pour les biens propres, on a voulu que la femme puisse en disposer seule et les administrer librement.

La loi du 13 juillet 1965 a adopté un régime de communauté réduite aux acquêts.

Aménagement du régime légal : l’égalité étant assez largement introduite, cela a conduit à remettre en cause les garanties particulières dont bénéficiait la femme, conséquence de la prépondérance du mari : suppression pour l’avenir de la renonciation à la communauté. Les autres garanties et notamment le droit de demander la séparation de biens ou de demander des émoluments, on ne les a pas supprimées mais on les a rendues réciproques.

On a maintenu la présomption de communauté qui devient une présomption d’acquêt.

II             Les réformes étrangères à la détermination du régime légal

Pour la liberté des conventions matrimoniales :

Il y a eu une petite restriction à la liberté des conventions matrimoniales puisque deux régimes conventionnels ont été supprimés, mais ils étaient tombés en décadence (seulement 20 contrats par an). De plus, on ne peut les reconstituer conventionnellement car ce serait contraire à l’OP (inaliénabilité des biens dotaux).

A introduit un nouveau régime, la participation aux acquêts.

On a rendu possible des clauses sur les pouvoirs des époux qui étendent les libertés comme la clause de main commune qui permet aux époux de généraliser la cogestion, de prévoir que même les actes d’administration devront se faire sur la double signature.

Assouplissement apporté à l’immutabilité des conventions matrimoniales :

Principe fortement assoupli : les époux peuvent changer de régime mais à des conditions strictes comme la nécessité d’une homologation judiciaire.

Apparition ouverte du statut matrimonial de base = règles applicables à tous les époux quel que soit leur régime matrimonial proprement dit : ces textes sont dans la partie du Code civil relative au mariage = articles 214 à 226.

L’égalité n’étant pas totalement satisfaite, cela suscitera la réforme de 1985, parachèvement de la réforme de 1965.

Section III
la réforme du 23 décembre 1985 : la consécration de l’égalité totale entre époux

Réforme d’ensemble, même si elle vient parachever l’évolution antérieure et non la briser.

I     Les raisons d’une nouvelle réforme

Trois raisons :

          Timidité de la loi de 1965 : a introduit une forte dose d’égalité, mais sans le pousser jusqu’au bout du moins pour la gestion des biens communs, d’où la persistance d’une critique contre la prépondérance résiduelle et non négligeable du mari. Article 1421 : en principe, la communauté était administrée par le mari. Revendications catégorielles : notamment des femmes d’agriculteurs qui lorsqu’elles travaillaient sur une exploitation commune avec leurs maris, elles étaient qualifiées de sans profession, ce qui avait des retombées négatives sur elles.

          La réforme de 1965 n’a pas été isolée : évolution postérieure qui a fait apparaître la loi de 65 comme une loi retardataire. Évolution interne et internationale.

o   Interne : les réformes ultérieures de droit civile sont allées vers une égalité complète notamment la loi du 4 juin 70 qui a remplacé la puissance paternelle par l’autorité parentale. Dans cette loi, le mari a perdu la qualité de chef de famille qu’il avait jusqu’en 1970. De même, la loi sur le divorce de 75 ne contient aucune trace d’inégalité entre les époux et elle supprime l’obligation de contribuer aux charges du mariage pesant uniquement sur le mari.

o   Internationales : plusieurs pays européens, proches de la France ont réformé leur droit des régimes matrimoniaux dans un sens totalement égalitaire (Italie, Belgique en 76…). De plus, des engagements internationaux de la France recommandaient d’introduire une égalité totale entre les époux, notamment une convention de l’assemblée générale des nations unies du 18 décembre 1979 prohibant toute discrimination entre homme et femme.

          Certaines virtualités égalitaires dans la loi de 1965 n’ont pas été exploitées par la jurisprudence, notamment la présomption de biens réservés : du coup, cela a fait ressortir des éléments inégalitaires.

L’égalité complète a paru difficile à mettre en œuvre dans un régime de communauté, d’où une période d’hésitations.

II             La période des hésitations

Plusieurs projets de réforme d’ensemble ont été déposés sans être transformés en droit positif.

D’autres réformes ponctuelles ont eu lieu mais n’ont pas résolu le problème.

A  Les tentatives infructueuses d’une nouvelle réforme d’ensemble

Ces projets n’ont pas abouti mais il faut connaître les idées qui les animaient.

Sénateur José Marinier en 1976 : proposait de réformer le régime de communauté en posant en principe que chacun des époux administrerait les biens communs entrés en communauté de son chef. Il faut savoir qui a fait entrer le bien dans la communauté, ce qui est le cas en général pour les immeubles, mais pas pour les meubles. Si on ne le savait pas, le bien serait administré conjointement.

Pas de succès car on a critiqué le problème de la preuve pour savoir qui a fait entrer le bien. De plus, lorsqu’un époux ne travaille pas, on pensait que tous les biens seraient acquis par le mari.

Groupe communiste de l’an en 1978 : prévoyait entre autres une extension de la cogestion. Tous les actes de disposition et même tous les actes d’administration sur les biens communs auraient dû être faits sous la signature conjointe du mari et de la femme et auraient entraîné de plein droit solidarité des obligations, pour les dettes. Ce système n’a pas été retenu car en dépit de tempéraments on pensait qu’il était trop lourd et qu’on risquait d’avoir deux incapables au lieu d’un.

Garde des sceaux déposé en mars 1978 (Peyreffite) : le principe de base égalitaire est la gestion concurrente des biens communs. Les deux époux ont simultanément le pouvoir d’administrer la communauté. Chacun peut agir seul, du moins pour les actes d’administration. Cela réalise l’égalité dans l’interdépendance. Tempérament à la gestion concurrente car on maintenait la cogestion pour les actes les plus graves. Ce projet de loi a commencé à être examiné par le Parlement et a été adopté par le sénat en avril 1979 après des modifications, mais la procédure s’est arrêtée là et le projet n’a pas été soumis à l’AN.

Le gouvernement a voulu faire une nouvelle étude de sociologie juridique qui prévoyait aussi un nouveau soudage d’opinion publique (Sofres), réalisé en juin, juillet 1979. Schématiquement, il en ressortait que l’esprit communautaire prédominait toujours chez les français, une insatisfaction des enquêtés moins marquée qu’en 1963 et une faveur pour l’égalité, mais exprimée de façon contradictoire et difficile à saisir pour définir la modalité de gestion des biens qui permettait de mettre le mieux en place cette égalité. La gestion concurrente paraissait l’emporter en théorie mais devant des situations concrètes, les enquêtés pensaient que les époux ne pouvaient agir qu’ensemble ce qui semblait montrer une préférence pour la cogestion. On pouvait aussi considérer que dans leur esprit c’était la prise de décision qui devait être prise ensemble mais pas forcément que l’acte devait comporter la signature des deux époux.

Sur la question des dettes, du passif, les enquêtés trouvaient à 61% anormal qu’un époux se trouve engagé par les dettes de leurs conjoints.

Devant ces contradictions, le gouvernement s’est orienté vers des réformes partielles qui sont encore de droit positif et correspondent à la revendication des femmes d’agriculteurs et des femmes des commerçants et d’artisans.

1er réforme partielle par une des lois d’orientation agricole du 4 juillet 1980 : on a inséré dans le code rural un texte qui prévoit qu’en cas de coexploitation d’un fond agricole, ils sont présumés s’être donnés réciproquement mandat d’accomplir les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation. Lorsqu’un époux n’est que collaborateur, le conjoint collaborateur est présumé avoir reçu un mandat pour accomplir les actes d’administration courante, mandat qui lui vient de l’époux chef d’entreprise. Ce mandat est une manière d’effacer certaines inégalités venant du régime matrimonial.

2ème réforme par la loi du 10 juillet 1982 : au profit des conjoints d’artisans et de commerçants travaillant dans l’entreprise familiale. La coexploitation n’est pas prévue ici, mais une présomption de mandat du conjoint collaborateur.

Malgré tout, une réforme d’ensemble est apparue nécessaire.

III          La réforme d’ensemble du 1985

Le gouvernement, en 1985, a déposé un nouveau projet de loi. La procédure parlementaire a été reprise dès le départ et dans l’ensemble, le texte a été adopté assez rapidement, sans grande discussion.

Seuls deux points ont suscité des débats :

          on en retrouve un sur le point de l’étendue de la cogestion : faut-il conserver ou étendre la liste des actes susceptibles de cogestion ?

          s’est greffée une question étrangère aux régimes matrimoniaux relative à la transmission du nom patronymique qui est en principe le nom du père dans la famille légitime. Certains députés socialistes voulaient une égalité. La loi de 1985 autorisera seulement le nom d’usage, qui ne sera pas transmis à la génération suivante. Aujourd’hui, la loi de 2002 sur le nom de famille a prévu une certaine égalité dans la transmission du nom et devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2005.

Le point essentiel de la réforme concerne la gestion, l’administration des biens communs, avec une gestion concurrente des biens communs par les deux époux. Chaque époux a un pouvoir autonome, direct pour la gestion des biens communs.

Tempéraments = quand il s’agit de biens nécessaires à l’exercice d’une activité professionnelle séparée, on garde un principe de gestion exclusive pour l’époux qui exerce la profession. La cogestion reste pour des actes importants, graves, pour lesquels il faut le consentement des deux époux (pour la plupart des actes de disposition des biens communs, à peine de nullité de l’acte).

Cela a entraîné la disparition des biens réservés (à l’administration de la femme).

Cette réforme de l’administration des biens communs a eu des conséquences au plan du passif des dettes. C’est l’article 1413 : la dette contractée par un époux engage en principe la totalité des biens communs.

On ne peut renoncer par contrat de mariage à gérer ses biens propres.

Tendance à libéraliser le droit matrimonial avec deux réformes :

          l’abrogation d’un vieux texte fondamental du Code civil de 1804 = article 1595 qui prohibait la vente entre époux : les ventes entre époux ne sont plus interdites par principe.

          Les époux peuvent être associés dans des sociétés où ils sont l’un et l’autre indéfiniment et solidairement responsables : c’est la portée du nouvel article 1832-1. Tendance à banaliser le statut d’époux et à le rapprocher un droit commun.

Cette loi de 1985 est entrée en vigueur le premier juillet 1986 avec des dispositions transitoires qui matériellement sont reproduites dans le Code civil après les textes sur les régimes matrimoniaux.

C’est une loi égalitariste, ce qui entraîne une certaine simplification et est favorable à l’autonomie des époux, un rapprochement avec le droit commun.

Il aura fallu presque un siècle pour que l’égalité soit entièrement réalisée entre époux depuis la première loi sur le libre salaire de la femme mariée en 1967.

Il n’y a pas de nouvelle demande de réforme, malgré tout, l’insatisfaction s’est déplacée sur deux points :

          les règles du passif apparaissent dangereuses à certains (mélanges Terré page 455)

          la suppression du contrôle judiciaire en cas de changement de régime matrimonial.

Section IV

régime primaire impératif ou statut fondamental qui s’applique à tous les époux

 

Problème de vocabulaire ;

L’expression régime primaire est couramment employée par la pratique et la doctrine comme les effets directs de tout mariage dans le domaine des intérêts pécuniaires. Cette expression a parfois été critiquée car donnait l’impression que ce régime primaire était en lui-même un régime matrimonial, alors qu’autres auteurs ont employé statut fondamental, patrimonial de base, règles applicables sous tous les régimes matrimoniaux.

Cette critique n’est pas convaincante. C’est une couche première, un socle sur lequel s’appuie le régime matrimonial proprement dit.

L’essentiel est de ne pas commettre de confusion.

Les premiers germes sont apparus en 1907 avec la loi sur les biens réservés et c’est surtout celle de 1965 qui a enrichi cet ensemble de règles portant le statut primaire ou statut fondamental.

Les textes du régime primaire sont dissociés des textes constituant le régime matrimonial proprement dit. Le régime primaire figure dans le titre consacré au mariage (Titre I Chap 6 du Code civil = article 214 à 226 du Code civil). Ces textes sont peu nombreux mais importants car ils sont pour la plupart d’OP c’est à dire que les parties ne peuvent pas les écarter fut-ce par un contrat de mariage (articles 226 et 1288).

Cela a des conséquences dans deux domaines : en matière de droits transitoires, la question s’est posée en 1965 et 1985, on a décidé que ces textes d’OP s’appliquaient immédiatement, mais sans rétroactivité aux personnes déjà mariées ; par ailleurs, en DIPé, la loi applicable aux matières qui relèvent du régime primaire n’est pas la loi d’autonomie du régime matrimonial mais du statut personnel comme pour le mariage.

Importance pratique de ces textes :

Ces règles sont celles qui s’appliquent le plus quotidiennement (perception d’un salaire, maniement des fonds par un époux, sort du logement de la famille) alors que les règles du régime matrimonial ne jouent avec intensité qu’à des occasions nettement déterminées, quand on accomplit des opérations importantes (pour la vente d’un immeuble, d’un appartement).

De plus, les effets importants du régime matrimonial apparaissent souvent seulement à la dissolution du régime.

« Le prétendu régime primaire est celui sous lequel on vit, le régime matrimonial est celui sous lequel on meurt » = J. Flour.

Portée juridique du régime primaire :

Le point essentiel est que les règles du régime primaire sont impératives, s’appliquent à tout régime matrimonial. Il peut arriver qu’il y ait une contradiction entre une règle du régime primaire et une règle du régime matrimonial proprement dit. Si une telle contradiction apparaît, c’est la règle du régime primaire qui doit s’appliquer. Ex = époux sous régime séparation de biens qui vivent dans un immeuble qui est la propriété personnelle d’un époux, l’article 215 prévoit qu’on ne peut vendre le logement de la famille qu’avec l’accord des deux époux. C’est cette règle qui s’applique car elle est impérative. La règle particulière du logement de la famille s’applique. Le régime primaire déforme le régime matrimonial proprement dit dans ce cas.

Si c’est une règle issue du contrat de mariage, on doit en déduire que le régime primaire limite la liberté des conventions matrimoniales car on ne peut déroger dans le contrat de mariage aux règles du régime primaire.

Parfois, il y a coïncidence entre une règle du régime primaire et du régime matrimonial mais ce n’est pas une répétition car la règle du régime matrimonial devient alors intangible, on ne peut plus l’écarter par un contrat de mariage en invoquant la liberté des conventions matrimoniales. Par exemple, dans un régime de communauté, l’argent commun entre les mains d’un époux peut être utilisé librement par ce dernier. S’il le place sur un compte en banque, le titulaire du compte doit avoir tout pouvoir pour gérer son compte, mais du fait de la règle du régime primaire, on ne peut modifier le pouvoir dont dispose un époux de gérer ce genre de liquidités. S’il y avait contradiction, la règle du contrat de mariage serait nulle.

Sur le plan des méthodes d’interprétation, on a pu dire que c’était curieux car une règle générale l’emporte sur une règle plus spéciale or un adage dit specialia generalibus derogant. Mais ici, la règle générale est impérative et donc doit l’emporter sur une règle supplétive or l’adage ne vaut que pour des règles de même nature.

Pourquoi ces règles impératives ?

Pour des raisons d’ordre général, il y a toujours à la base un ménage qui est une réalité économique et sociale et juridique, une structure de base identique qui appelle un minimum de règles communes pour quelques questions essentielles, primordiales comme l’entretien du ménage, le logement de la famille.

Parfois, des raisons propres à un régime peuvent justifier les dispositions du régime primaire. À une époque, ce régime primaire permettait de gommer certains aspects du régime de communauté à une époque où la présomption de communauté jouait plutôt en faveur du mari. Le régime primaire corrigeait un peu cela. Aujourd’hui le régime primaire gomme ce que pourrait avoir de trop individualiste le régime de séparation de biens. Ex = pour le logement, la logique séparatiste est que chacun fait ce qu’il veut de ses biens. Cela doit céder par l’intérêt de la famille qui est défendu par le régime primaire.

TITRE I

situation courante, non contentieus

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