La règle du précédent (Rule of Precedent)

La règle du précédent en droit anglais ( RULE OF PRECEDENT ).

Sir Rupert CROSS, Precedent in English Law, Clarendon Law Series, 1991, 256 pages.

Pour BLACKSTONE, la seule limite à la perpétuité des précédents était « l’évidente contrariété à la raison et surtout à la loi divine ». Cette règle du précédent a bien sûr un rapport étroit avec la hiérarchie judiciaire. Le droit anglais étant un droit jurisprudentiel, il n’est pas étonnant que cette règle y occupe une place capitale. De cette règle, déjà abordée, découlent plusieurs principes fondamentaux.

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1°) L’obligation de respecter les règles posées par les juges ( STARE DECISIS ), de respecter les précédents judiciaires qui s’imposent par leur simple existence.

2°) Les décisions rendues par la Chambre des Lords et la Supreme Court of Judicature sont des précédents obligatoires, impératifs, qui doivent être suivis par toutes les juridictions ( BINDING PRECEDENT ). Depuis une déclaration solennelle du Lord Chancellor GARDINER ( ministre de la justice ) dans sa PRACTICE STATEMENT de 1966, la Chambre des Lords a désormais la faculté de s’écarter de ses propres précédents, si des considérations impérieuses, prises dans l’unique intérêt de la justice, l’exigent. En pratique, la Chambre des Lords procède très rarement à des revirements de jurisprudence ( REVERSAL ); le premier ne date que de 1968, arrêt CONWAY v. RIMMER. Les lords, pour ne pas procéder à un revirement ( OVERRULLING ), utilisent soit la technique des distinctions, soit toutes sortes de stratagèmes, comme dans l’affaire CARL ZEISS STIFTUNG en 1967. Ce n’est vraiment qu’en dernier ressort, après épuisement de toutes les possibilités, qu’ils se résignent à renverser une situation juridique établie.

3°) Les décisions rendues par la Court of Appeal constituent des précédents obligatoires pour toutes les juridictions inférieures dans la hiérarchie de cette cour, et sauf en matière criminelle, pour la Court of Appeal elle-même.

4°) Les décisions rendues par un juge de la High Court of Justice s’imposent aux juridictions inférieures, et sans être strictement obligatoires, ont une grande valeur de persuasion ( PERSUASIVE VALUE ). Elles sont, la plupart du temps, suivies par les différentes divisions de la High Court of Justice et par la Crown Court.

Pour comprendre la règle du précédent, il faut considérer la manière dont se présentent les décisions judiciaires, qui, en général, est très différente de celle du système romano-germanique. La décision anglaise se réduit à un simple dispositif. Les juges anglais n’ont pas à motiver leurs décisions. Ils ordonnent et n’ont pas à se justifier. En réalité, les juges anglais, surtout dans les cours supérieures, exposent les raisons de leurs décisions. Dans un commentaire beaucoup moins sec et laconique que les motifs des arrêts français, ils exposent, à propos de la décision qu’ils viennent de prendre, les règles et les principes du droit anglais. C’est ainsi qu’a pu s’établir la technique des distinctions déjà citée. Dans les REASONS données par le juge anglais à l’appui de sa décision, le juriste doit distinguer ce qui est le support nécessaire de la décision ( ratio decidendi ), et ce que le juge peut avoir déclaré sans nécessité absolue ( obiter dictum ). Répétons-le, seule la ratio decidendi constitue le précédent ; l’obiter dictum n’a qu’une valeur de persuasion. Aujourd’hui, en Angleterre, la règle du précédent fonctionne aussi bien dans le cadre de la common law que de l’equity. Le pouvoir « discrétionnaire » que possèdent les cours anglaises, en ce qui concerne l’application des règles de l’equity, ne doit pas tromper: les juges tiennent compte scrupuleusement des précédents. On peut dire que la règle du précédent incite les juges à la plus grande prudence. La règle du précédent joue également, bien que ce soit plus contestable et contesté, pour l’interprétation des lois ( STATUTE LAW ) ; sous la pression du droit européen, une décision de la Chambre des Lords de 1992 autorise les juges à faire référence au recueil des débats parlementaires ( HANSARD ) pour déterminer les motifs du législateur. La conséquence en est le plus souvent un obscurcissement de la loi par la multitude des interprétations jurisprudentielles. Pour que la règle du précédent s’applique bien, il faut que les décisions de jurisprudence soient publiées. Or toutes ne le sont pas, loin s’en faut. Sont publiées: 75 % des arrêts de la Chambre des Lords; 25 % des arrêts de la Court of Appeal; 10 % des décisions de la High Court of Justice. La non publication permet d’éliminer, de fait, un grand nombre de décisions que l’on ne tient pas à voir considérer comme des précédents. Même avec les banques de données informatisées, il faut, pour citer un arrêt non publié de la Chambre des Lords, l’autorisation préalable de celle-ci. Il y a, comme dans le système romano-germanique., des recueils de jurisprudence avec nom et date des décisions.