Le règlement amiable de l’entreprise en difficulté (Maroc)

L’ouverture du règlement amiable  en droit marocain des procédures collectives

Le règlement amiable en droit marocain des entreprises en difficulté est une procédure qui permet à une entreprise en difficulté financière de négocier avec ses créanciers pour trouver une solution à l’amiable sans passer par une procédure de redressement judiciaire.

L’ouverture du règlement amiable peut être demandée par l’entreprise elle-même ou par ses créanciers. Dans les deux cas, une demande doit être déposée auprès du tribunal compétent, qui peut être soit le tribunal de commerce ou le tribunal de première instance.

A. Intérêt du règlement amiable

C’est un mécanisme intéressant dans la mesure où il permet de garder la souplesse de la négociation conventionnelle tout en s’inscrivant dans un cadre judiciaire non contentieux. Son principal objectif est de permettre à l’EED de bénéficier de délais négociés auprès de ses créanciers tout en la poussant à faire des effets concrets de restructuration et de mise à niveau. Son utilité pratique est de ce point de vue double; il peut permettre à l’entreprise de bénéficier d’un véritable ballon d’oxygène, si les créanciers acceptent de consentir un délai à l’EED.

Ce processus de R.A constitue par ailleurs, une rigoureuse incitation à réformer les conditions d’exploitation, car les créanciers n’acceptent jamais un délai de paiement si le débiteur ne s’engage pas à mettre en ouvre un véritable plan de restructuration de l’entreprise.

B. L’ouverture de la procédure

Le R.A est conçu comme un processus purement volontaire, c’est au chef de l’entreprise et à lui seul qu’il appartient d’y recourir, il ne peut être conçu comme la conséquence inéluctable d’une procédure d’alerte.

En pratique, le R.A sera sollicité à la demande pressante d’un ou plusieurs créanciers. Il faut signaler que d’un point de vue juridique, la demande est considérée comme un acte de gestion, il ne nécessite pas la délibération préalable des autres organes sociaux.

– La demande sera faite par une requête adressée au président du tribunal de commerce (PTC), dans laquelle le chef de l’entreprise expose la situation financière, économique et sociale de son entreprise, les besoins de financement, ainsi que les moyens d’y faire face.

Remarque : qui ce que le législateur entend par «moyens d’y faire face» (art. 550).

L’orthodoxie économique et financière exige, en principe, que le chef d’entreprise expose au minimum une amorce de plan de redressement. Il n’est pas interdit, cependant, compte tenu du silence de la loi à ce qu’il nous propose qu’une restructuration de son passif.

– Le PTC, à partir du moment de la réception de la requête, convoque le chef de l’entreprise pour un entretien explicatif, il exerce son droit de communication (établissements bancaires, administrations, fournisseurs…), il peut, chose importante, désigner un expert qui sera chargé d’opérer un audit économique, financier, social et juridique de l’entreprise.

– Au vue de ces sources d’information, le PTC peut décider d’ouvrir la procédure de règlement amiable, il dispose d’un grand pouvoir d’appréciation (optimiste et pessimiste).

– Si le PTC admet l’entreprise au bénéfice du R.A, il va nommer un conciliateur. Il est très important que ce conciliateur n’est pas un dirigeant de fait, ni un conseiller, il n’a aucun pouvoir propre à part celui d’encadrer le processus de négociation, il ne doit pas s’immiscer dans la gestion, il ne doit même pas négocier directement les termes de l’accord. En ce qui concerne le choix du conciliateur, il appartient exclusivement au juge commercial (le droit français donne la possibilité au débiteur de proposer un expert avec lequel, il a l’habitude de travailler). En général, le juge désignera une personne à raison de ses compétences ou de sa notoriété particulière à fin de lui conférer une autorité morale lui permettant de diriger les négociations. On observe dans la pratique que les juges ont souvent recours aux administrateurs  judiciaires ou à des personnes qui connaissent bien le secteur d’activité spécifique dans lequel ouvre l’entreprise. La rémunération du conciliateur, et vue le silence du législateur, est à la charge de l’entreprise.

 

C. Conclusion d’un accord 

 

1. Conditions de l’accord

Condition de forme : L’article 557 du Code de Commerce: l’accord doit être constaté par écrit, et doit être signé par les parties et aussi par le conciliateur.

Conditions de fond :

– L’accord ne doit pas concerner une entreprise en cessation de paiement. D’ailleurs, on observe, dans la pratique, que souvent les créanciers exigent que soit annexée à l’accord une déclaration certifiée attestant que l’entreprise ne se trouvait pas en cessation de paiement lors de la conclusion de l’accord.

– L’accord ne doit pas porter atteinte aux intérêts des créanciers non signataires (principe d’innocuité d’accord vis-à-vis des créanciers non signataires). Ces derniers conservent leurs droits d’agir en justice contre l’entreprise et de faire valoir les suretés qu’ils détiennent à son encontre.

2. Homologation de l’accord

Lorsque l’accord est conclu, il est homologué par le juge. L’homologation est une formalité judiciaire qui authentifie l’accord et lui donne une force exécutoire et le fait passez du statut d’une simple convention vers un statut plus formel produisant des effets juridiques spécifiques.

L’homologation constitue-t-elle une faculté ou une obligation de la part du juge ?

Selon l’article 557, on peut comprendre que si tous les créanciers sont partie à l’accord, le PTC ne peut que l’homologuer, par contre le même article semble consacrer la faculté de l’homologation puisqu’il précise que le juge peut homologuer la convention si les principaux créanciers ont fait partie.

 

2. Effet de l’accord

L’accord a pour effet, la suspension des poursuites durant toute la durée de son exécution, les poursuites judiciaires afférentes aux créanciers inclus dans l’accord.

3. Limite de l’accord

La suspension ne concerne que les créanciers englobés dans l’accord homologué, rien ne s’oppose donc à ce qu’un créancier faisant partie à l’accord de stipuler expressément l’exclusion de certaines créances, ce qui lui permettra de conserver, dans la stricte mesure de ses créances non incluses, le droit de poursuite individuelle. D’autre part ne sont concernées que les créances qui visent le recouvrement d’une somme d’argent des actions en paiement, les autres actions telles que les actions en nullité d’un contrat demeurent possibles.

Un effet intéressant de l’homologation est celui lié à la sécurisation des créanciers contre le risque de condamnation pour soutien abusif à l’entreprise.

4. Résolution de l’accord

En cas d’inexécution des engagements résultant de l’accord le PTC prononce la résolution de celui-ci ainsi que la déchéance de tout délai de paiement obtenu (art 558).  La loi ne précise pas la nature de l’engagement dans l’inexécution justifiée de l’accord. Il en résulte que l’engagement peut être de nature financière, mais aussi économique, juridique et organisationnelle, le plus important, il s’agit d’un engagement déterminant.

La résolution de l’accord entraine le fait pour les créanciers signataires de retrouver l’ensemble de leurs droits suspendus et donc la faculté d’engager des poursuites individuelles contre l’entreprise débitrice. La résolution n’a pas pour effet de faire ouvrir de plein droit une procédure collective, toutefois la probabilité de cet événement devient très forte.

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