Qu’est-ce que le règlement ? (source du droit)

Les sources administratives de la légalité : le règlement

Les autorités administratives ont le pouvoir d’édicter des règles de droit. Elles s’imposent aux administrés mais aussi à l’administration elle-même. Elle est donc tenue de respecter les règles qu’elle édicte même si elle a le pouvoir de les modifier.

Les règles édictées par l’administration s’appellent des règlements.

1) Définition des règlements

Les règlements se définissent ainsi : règle de droit écrite, générale et impersonnelle, adoptée par le pouvoir exécutif.

Comment distinguer loi et règlement ? Tout comme la loi, le règlement est un acte de portée générale et impersonnelle. Le « règlement » est susceptible de s’appliquer à tous, sans distinction. Mais, ce qui distingue le règlement et la loi, c’est que le règlement émane du pouvoir exécutif (alors que la loi est votée par le pouvoir législatif).

Ils ne se différencient pas des lois par leur contenu. Ils fixent comme elles des règles générales et impersonnelles. Ils s’en différencient profondément par leur régime contentieux. Les actes administratifs sont des actes unilatéraux qui peuvent être contestés devant le juge administratif qui peut les annuler mais aussi devant le juge judiciaire qui peut les écarter. Le pouvoir réglementaire appartient à de très nombreuses autorités : cela va du Président de la République au maire de la plus petite commune de France.

2. Le pouvoir réglementaire général

C’est le pouvoir d’édicter des règlements en toute matière et qui ont vocation à s’appliquer sur tout le territoire national et à l’ensemble des administrés.

  • 1) Les titulaires du pouvoir réglementaire général

Il y a une situation nouvelle dans notre droit public. Jusqu’à la constitution de 1958, le pouvoir réglementaire général n’appartenait qu’à une seule autorité. Sous la III république, c’était au Président de la République. Sous la IV république, cela appartenait au Président du conseil. Depuis 1958 ce pouvoir est partagé entre le Président de la République et le Premier Ministre. En effet la constitution de 1958 attribue le pouvoir réglementaire aux deux têtes de l’exécutif.

L’article 13 de la Constitution énonce : « Le Président de la République signe les ordonnances et les décrets délibérés en conseil des ministres. «

L’article 21 de la Constitution : « Le Premier Ministre assure l’exécution des lois sous réserve des dispositions de l’article 13, il exerce le pouvoir réglementaire.»

Il résulte de la combinaison de ces deux articles :

  • → Que le Premier Ministre a la compétence de principe en matière réglementaire.
  • → Que le Président de la République n’a de compétences que pour les règlements pris après délibération du conseil des ministres.

On a une dualité de compétences.

L’application de ces dispositions a soulevé deux difficultés principales :

→ La première ne tient à ce que pratiquement aucune dispositions constitutionnelles ni législatives ne prévoit quand les décrets doivent être pris en conseil des ministres. Une pratique s’est développée sous la Vème république et a fait l’objet d’une jurisprudence mouvante et ceci jusqu’en 1992.

Aujourd’hui la jurisprudence est fixée par l’arrêt Meyet du 10 septembre 1992 : le conseil d’état considère que tout décret délibéré en conseil des ministres doit être signé par le Président de la République et qu’il ne peut être modifié que par un autre décret délibéré en conseil des ministres en application de la théorie du parallélisme des compétences.

C’est le Président de la République qui définit sa propre sphère de compétence soit en l’élargissant en décidant d’inscrire l’adoption d’un décret à l’ordre du jour du conseil des ministres soit en la réduisant en décidant de rendre au Premier Ministre sa compétence (arrêt du 9 septembre 1996, arrêt collas du conseil d’état).

→ La deuxième difficulté apparait lorsque le Président de la République signe un décret en dehors de toute délibération en conseil des ministres. Théoriquement un tel décret devrait être reconnu comme illégal. Le conseil d’état dans un arrêt d’assemblée du 27 avril 1962, l’arrêt Sicard, a jugé qu’un tel décret était légal mais à condition qu’il soit contresigné par le Premier Ministre et les ministres chargés de son exécution. Le conseil d’état assimile le décret présidentiel à un décret du Premier Ministre. Le contreseing répond aux exigences constitutionnelles. La constitution distingue le contreseing des actes du Président de la République (art 19) et le contreseing des actes du Premier Ministre (art 22).

Les actes du Président de la République doivent être contresignés par le Premier Ministre et le cas échéant par les ministres responsables. Les actes du Premier Ministre doivent être contresignés par les ministres chargés de leur exécution.

Le conseil d’état considère que le Premier Ministre peut modifier un tel décret présidentiel.

Il y a 3 types de décret :

  • → Les décrets présidentiels pris en dehors de toute délibération en conseil des ministres et qui portent sur des questions fondamentales : la défense nationale et la magistrature. Si politiquement ils ont importants, juridiquement ils sont assimilés aux décrets pris par le Premier Ministre.
  • → Les décrets pris par le Président de la République en conseil des ministres
  • → Les décrets simples, ceux du Premier Ministre.

 

2) L’exercice du pouvoir réglementaire général

Il se concrétise par l’édiction de décrets. Ce sont soit des règlements d’exécution de la loi soit des règlements autonomes.

  1. Les règlements d’exécution des lois : les décrets d’application

Les règlements sont édictés pour permettre l’application des lois. Le législateur, le plus souvent, ne définit que des principes qui ne sont pas suffisamment précis par eux-mêmes pour pouvoir être exécutés. Il fixe un cadre général qui fait que les dispositions législatives doivent être précisées par des décrets d’application pour être mises en œuvre. On considère que les titulaires du pouvoir réglementaire doivent prendre les décrets d’application soit à l’initiative du législateur (il prévoit expressément que les dispositions de la loi seront précisées par des décrets d’application), soit de leur propre initiative.

Le conseil d’état considère que pèse sur l’autorité détentrice du pouvoir réglementaire l’obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu’impliquent nécessairement l’application de la loi.

Cette obligation d’édicter les décrets d’application joue quand le législateur impose l’intervention du pouvoir réglementaire mais aussi quand la loi ne peut s’appliquer directement car étant insuffisamment précise.

Ce principe a été consacré par le conseil d’état dans un arrêt du 28 juillet 2000, l’arrêt association France nature environnement.

Cette obligation est sanctionnée par le conseil d’état. La carence du pouvoir réglementaire est illégale, est constitutive d’une faute de nature à engager la responsabilité de l’état et le conseil d’état a estimé qu’il pouvait adresser une injonction de prendre le décret d’application, l’injonction étant assortie d’une astreinte.

Délai raisonnable pour l’administration c’est entre 1 et 2 ans.

Dans l’arrêt association France nature environnement s’était écoulée 14 ans (loi littorale de 1986).

Pèse également sur les autorités compétentes l’obligation d’abroger les règlements qui sont devenus illégaux du fait d’un changement des circonstances de droit ou de fait.

Arrêt d’assemblée du conseil d’état du 3 février 1989, l’arrêt Alitalia.

Cette solution jurisprudentielle a été consacrée par la loi du 20 décembre 2007 sur la simplification du droit.

Le parlementaires ont du mal à comprendre que des textes soient passés en urgence et que les décrets soient pris bien plus tard.

  1. Les règlements autonomes

Les titulaires du pouvoir réglementaires pouvaient prendre des règlements directement sans que le parlement n’ait préalablement légiféré. Le pouvoir réglementaire peut s’exercer sans qu’il y ait une loi d’où le terme de règlement autonome, autonome par rapport à une loi. Ces règlements autonomes sont des actes administratifs et peuvent faire l’objet d’un recours en annulation.

En réalité la pratique a réduit les règlements autonomes à la portion congrue : ils ne peuvent être pris que dans quelques rares domaines.

Le P Chaput en recensait 5 :

  • → Procédure administrative contentieuse
  • → Procédure administrative non contentieuse
  • → Procédure civile
  • → Organisation des services de l’état
  • → Contravention en matière pénale

Le conseil constitutionnel dans une décision du 30 juillet 1982, blocage des prix, a jugé que le parlement pouvait légiférer dans toutes les matières y compris dans les matières dites réglementaires autonomes. Le gouvernement peut récupérer sa compétence si le conseil constitutionnel a déclaré la matière réglementaire.

Le conseil d’état dans l’arrêt du 3 décembre 1999, association ornithologique de Saône et Loire a estimé que lorsque le parlement avait légiféré dans une matière réglementaire et que les dispositions de la loi qui avait été adoptée étaient contraires aux objectifs d’une directive communautaire, le Premier Ministre était tenu de prendre un décret modifiant les dispositions législatives contraires à la directive.

  1. Les règlements de police

Le Premier Ministre et le Président de la République peuvent édicter des règlements de police c’est-à-dire des mesures réglementaires qui visent au maintien de l’ordre public sur l’ensemble du territoire national.

En matière de police, on considère que le pouvoir réglementaire peut intervenir directement y compris dans les matières législatives.

La distinction entre matière législative et réglementaire ne joue pas.

Arrêt du 18 aout 1919, arrêt Labonne