Le pouvoir réglementaire : Décrets, arrêtés, ordonnances

Le règlement en droit français

Le règlement est un ensemble de textes juridiques adoptés par le pouvoir exécutif pour organiser et préciser la mise en œuvre des lois. Bien que l’article 21 de la Constitution confère au Premier ministre le pouvoir réglementaire, les ministres ainsi que les autorités décentralisées (comme les préfets ou les maires) disposent également de ce pouvoir pour édicter des actes réglementaires.

Catégories de règlements :

  • Décrets : Actes réglementaires pris par le Président de la République ou le Premier ministre.
  • Arrêtés : Actes émanant d’une autorité inférieure. Selon l’émetteur, il peut s’agir d’un arrêté ministériel, préfectoral, ou municipal.

Historiquement, le pouvoir exécutif n’avait qu’une fonction d’exécution des lois, mais la Constitution de 1958 a introduit un pouvoir normatif autonome tout en maintenant la mission traditionnelle d’application des lois. Il existe trois types de règlements, ayant des valeurs juridiques différentes :

A. Le règlement autonome (article 37 de la Constitution)

Les règlements autonomes sont pris dans les domaines non réservés à la loi. L’article 37 de la Constitution stipule que les matières autres que celles du domaine législatif relèvent du pouvoir réglementaire. Ces règlements ne sont pas subordonnés à une loi spécifique, mais doivent respecter la Constitution, les traités, et les principes généraux du droit. Leur contrôle de légalité est assuré par le Conseil d’État, et non par le Conseil constitutionnel.

B. Le règlement d’application

Les règlements d’application sont adoptés pour mettre en œuvre les lois. Ils sont subordonnés à la loi et doivent en respecter les dispositions. Ces règlements, comme les décrets ou les arrêtés, précisent les modalités d’application des lois et sont soumis au contrôle de légalité par le Conseil d’État. En pratique, beaucoup de lois nécessitent la prise de décrets ou d’arrêtés d’application pour préciser les détails pratiques de leur mise en œuvre. Sans ces règlements, l’application de la loi peut être paralysée, conformément aux dispositions de l’article 1er du Code civil, qui stipule que pour certaines lois, l’entrée en vigueur est conditionnée à la publication des mesures réglementaires nécessaires.

C. L’ordonnance (article 38 de la Constitution)

L’article 38 de la Constitution permet au gouvernement de solliciter du Parlement une délégation de pouvoirs pour une durée limitée, afin de prendre des mesures dans des domaines qui relèvent normalement de la compétence législative. Ces mesures, appelées ordonnances, permettent au gouvernement de légiférer rapidement sur des sujets complexes lorsque le Parlement ne peut pas intervenir de manière suffisamment efficace ou rapide.

Exemples et processus

Prenons l’exemple d’une réforme du droit des contrats. Normalement, une telle réforme nécessite le vote d’une loi par le Parlement. Toutefois, si le Parlement ne peut agir dans des délais raisonnables, le gouvernement peut demander, via l’article 38, l’autorisation de prendre des mesures par ordonnance.

L’ordonnance est un acte hybride, situé entre la loi et le règlement. Si elle est adoptée par le gouvernement sous forme de règlement, elle intervient dans le domaine législatif grâce à l’autorisation expresse du Parlement. Ce mécanisme se déroule en trois étapes :

  1. Loi d’habilitation : Le Parlement vote une loi autorisant le gouvernement à légiférer par ordonnance dans un domaine précis, en lui fixant un objet, un objectif, et un délai pour agir. La loi d’habilitation précise donc les contours de l’intervention gouvernementale.
  2. Édiction de l’ordonnance : Le gouvernement rédige et adopte l’ordonnance, qui a la valeur d’un règlement. Tant qu’elle n’est pas ratifiée, elle reste subordonnée aux lois et dispose d’une autorité inférieure à celles-ci. Par exemple, pour la réforme du droit des contrats, une ordonnance a été prise le 10 février 2016, modifiant le droit des contrats.
  3. Ratification parlementaire : Pour que l’ordonnance acquière une valeur législative, le Parlement doit voter une loi de ratification. Une fois ratifiée, l’ordonnance prend force de loi. Si elle n’est pas ratifiée, l’ordonnance devient caduque. Dans le cas de la réforme des contrats, une loi de ratification a été votée en 2018, conférant ainsi à l’ordonnance le statut de loi.

Avantages et limites

L’usage des ordonnances permet au gouvernement d’accélérer le processus législatif, contournant parfois les lourdeurs du débat parlementaire. Ce recours est courant dans les domaines nécessitant une action rapide ou technique. Cependant, il est essentiel que ce mécanisme ne remplace pas le débat parlementaire classique, car cela pourrait affaiblir le contrôle démocratique sur l’élaboration des lois.

Voici quelques exemples récents de recours aux ordonnances en France :

  1. Réforme des retraites (2020) : Le gouvernement français a utilisé des ordonnances pour réformer le système des retraites dans le cadre du projet de loi de réforme présenté par le président Emmanuel Macron. Ce projet visait à fusionner les 42 régimes de retraite existants en un système universel par points. Le gouvernement a dû faire face à de nombreuses oppositions et a utilisé l’article 38 pour légiférer par ordonnance sur des aspects techniques de la réforme, comme les modalités de transition entre les systèmes.
  2. Lutte contre la pandémie de COVID-19 (2020) : Durant la crise sanitaire, le gouvernement a adopté plusieurs ordonnances en vertu de l’article 38 pour gérer l’urgence sanitaire. Par exemple, des ordonnances ont été prises pour :
    • Adapter les délais légaux et juridictionnels suspendus pendant la période d’urgence sanitaire.
    • Aménager le droit du travail, notamment en facilitant le recours au chômage partiel et en permettant des dérogations aux règles relatives au temps de travail.
    • Modifier les conditions d’organisation des soins et accélérer l’homologation de traitements médicaux.
  3. Réforme de l’assurance chômage (2019) : Le gouvernement a eu recours à une ordonnance pour modifier les règles d’indemnisation du chômage. Cette réforme visait à rendre le système d’assurance chômage plus strict, notamment en modifiant les conditions d’accès aux allocations, les montants et la durée des indemnisations, ainsi que la mise en place d’un bonus-malus pour inciter les entreprises à proposer des emplois plus stables.
  4. Loi PACTE (Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises) – 2019 : La loi PACTE a été accompagnée d’ordonnances pour simplifier la création d’entreprises, favoriser l’épargne salariale, et moderniser les dispositifs de retraite supplémentaire. Certaines ordonnances ont également permis de réformer la privatisation de certaines entreprises publiques, comme la Française des Jeux.
  5. Réforme du droit des contrats, de la preuve et des obligations (2016) : Bien que moins récente, cette réforme est notable. Le gouvernement a pris une ordonnance le 10 février 2016 pour moderniser le Code civil en matière de contrats, de responsabilité, et de preuves. La réforme a notamment permis de clarifier certaines notions juridiques et d’introduire de nouveaux principes comme la révision pour imprévision en cas de changement imprévu des circonstances après la conclusion d’un contrat.

Voici des exemples récents de décrets et arrêtés en France :

1. Décrets :

  • Décret d’application de la réforme de l’assurance chômage (2021) : Suite à la réforme de l’assurance chômage, plusieurs décrets d’application ont été publiés pour mettre en œuvre les nouvelles règles concernant l’indemnisation des chômeurs, les conditions d’accès aux allocations, et les modalités de calcul des droits. Par exemple, le décret n° 2021-1251 du 29 septembre 2021 modifiait les règles relatives à l’allocation chômage, notamment en introduisant un système de bonus-malus pour inciter les entreprises à limiter le recours aux contrats courts.
  • Décret sur la gestion de l’urgence sanitaire (2020) : Pendant la crise du COVID-19, le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 a fixé les conditions de mise en œuvre du confinement et des couvre-feux en France, régulant les déplacements, les activités commerciales et les rassemblements. Ce décret précisait les mesures sanitaires applicables sur l’ensemble du territoire, en adaptant la loi d’urgence sanitaire.
  • Décret sur l’extension du pass sanitaire (2021) : Le décret n° 2021-955 du 19 juillet 2021 a étendu l’utilisation du pass sanitaire en France. Il imposait la présentation d’un certificat de vaccination, d’un test PCR négatif, ou d’une preuve de rétablissement pour accéder à certains lieux publics comme les restaurants, les centres commerciaux, et les hôpitaux.

2. Arrêtés :

  • Arrêté ministériel sur l’interdiction des plastiques à usage unique (2021) : L’arrêté du 31 décembre 2020 relatif à l’interdiction des plastiques à usage unique, conformément à la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, a fixé les modalités d’application de l’interdiction de certains objets en plastique (pailles, gobelets, couverts, etc.) à partir de 2021. Cet arrêté a précisé les produits concernés et les alternatives autorisées.
  • Arrêté préfectoral de gestion de la crise COVID-19 (2020) : Les préfets ont régulièrement pris des arrêtés préfectoraux pour adapter les mesures sanitaires à la situation locale. Par exemple, l’arrêté préfectoral de la région Île-de-France du 28 août 2020 imposait le port du masque obligatoire dans certains espaces extérieurs très fréquentés, comme les marchés et les rues commerçantes.
  • Arrêté municipal sur la limitation de la circulation automobile (2021) : Le maire de Paris a pris un arrêté municipal en septembre 2021 pour limiter la circulation automobile sur certaines voies, notamment dans le cadre du projet de piétonnisation des Champs-Élysées. L’arrêté prévoyait la réduction de la vitesse maximale autorisée et restreignait l’accès à certaines zones aux véhicules non-électriques.

 

 

Questions fréquentes sur le règlement en droit français

Qu’est-ce qu’un règlement en droit français ?

Le règlement est un ensemble de textes adoptés par le pouvoir exécutif pour organiser et préciser l’application des lois. Il peut être pris par le Premier ministre, les ministres, ou d’autres autorités décentralisées (préfets, maires). Il existe plusieurs catégories de règlements, dont les décrets et les arrêtés.

Quelles sont les différentes catégories de règlements ?

Les principales catégories de règlements sont :

  • Décrets : Actes pris par le Président de la République ou le Premier ministre.
  • Arrêtés : Actes émanant de ministres, préfets ou maires. Ils peuvent être ministériels, préfectoraux ou municipaux.

Qu’est-ce qu’un règlement autonome ?

Un règlement autonome est pris dans les domaines qui ne relèvent pas du champ de la loi, tel que défini par l’article 37 de la Constitution. Il s’agit d’actes normatifs émis par le pouvoir exécutif qui ne dépendent pas d’une loi, mais doivent respecter la Constitution, les traités internationaux et les principes généraux du droit.

Quelle est la fonction des règlements d’application ?

Les règlements d’application sont pris pour permettre la mise en œuvre des lois. Ils précisent les modalités d’application des lois et sont subordonnés à ces dernières. Sans ces règlements, une loi peut parfois rester inapplicable.

Qu’est-ce qu’une ordonnance en droit français ?

Une ordonnance, prévue par l’article 38 de la Constitution, permet au gouvernement de légiférer dans des domaines normalement réservés à la loi après avoir obtenu l’autorisation du Parlement. Une ordonnance est d’abord un acte réglementaire, mais elle acquiert une valeur législative après sa ratification par le Parlement.

Quelle est la procédure pour l’adoption d’une ordonnance ?

La procédure pour adopter une ordonnance comprend trois étapes :

  1. Loi d’habilitation : Le Parlement autorise le gouvernement à légiférer par ordonnance sur un sujet spécifique.
  2. Édiction de l’ordonnance : Le gouvernement adopte l’ordonnance, qui a alors la valeur d’un règlement.
  3. Ratification parlementaire : Le Parlement vote une loi de ratification, conférant à l’ordonnance la même valeur qu’une loi.

Quels sont les risques associés à l’utilisation des ordonnances ?

Le recours aux ordonnances, bien qu’efficace pour accélérer le processus législatif, peut limiter le débat parlementaire et affaiblir le contrôle démocratique, ce qui pourrait nuire à la qualité des lois et du processus législatif.