Les conditions des actions relatives à la filiation

Les règles communes aux deux catégories d’actions relatives à la filiation

Les actions en matière de filiation se divisent en deux catégories principales, étudiées séparément :

  1. L’action en contestation de la filiation, visant à faire annuler un lien de filiation existant.
  2. L’action aux fins d’établissement de la filiation., visant à établir un lien de filiation lorsqu’il n’a pas été reconnu.

Ici, nous abordons les règles communes applicables aux deux types d’actions.

Rôle des actions judiciaires. Les actions en filiation permettent :

  • D’établir une filiation qui n’a pas été reconnue par des modes non contentieux (par exemple, absence de reconnaissance ou possession d’état).
  • De contester une filiation existante, lorsqu’elle est remise en cause.

Ces actions répondent à des principes juridiques fondamentaux garantissant leur intégrité et leur légitimité.

 I –  Régime des actions relatives à la filiation

Les actions en matière de filiation sont encadrées par des règles précises concernant la viabilité de l’enfant, les compétences juridictionnelles, et les délais de prescription. Ces règles garantissent la sécurité juridique et protègent les droits des parties impliquées.

§1. Viabilité de l’enfant

Conformément à l’article 318 du Code civil, une action relative à la filiation est irrecevable si l’enfant n’est pas né viable. Dans ce cas, la filiation ne peut être établie. Toutefois, un acte d’enfant sans vie peut être dressé, permettant de reconnaître l’existence de l’enfant pour des questions administratives ou symboliques.

§2. Compétences juridictionnelles

a. Compétence exclusive du tribunal judiciaire (ex-TGI)

Le tribunal judiciaire a une compétence exclusive pour statuer sur les litiges relatifs à la filiation. Aucune autre juridiction ne peut se prononcer sur cette question. Si une question de filiation surgit dans une procédure devant une autre juridiction, celle-ci doit surseoir à statuer jusqu’à ce que le tribunal judiciaire ait rendu une décision.

b. Autorité des jugements (article 324 du Code civil)

Les jugements rendus en matière de filiation ont une opposabilité absolue. Cela signifie qu’ils s’imposent même aux personnes qui n’ont pas été parties au litige. Cependant, ces tiers ont la possibilité de former une tierce opposition dans les conditions suivantes :

  • Délai : La tierce opposition doit être exercée dans un délai de dix ans.
  • Limites : La tierce opposition est exclue dans les actions réservées par la loi à certaines personnes désignées (par exemple, les actions réservées aux parents ou à l’enfant).
  • Effet de la tierce opposition : Si la tierce opposition est admise, elle rend la décision inopposable aux tiers ayant introduit l’action, mais elle ne modifie pas la situation des parties originelles.

§3. Prescription

a. Délai de prescription

L’article 321 du Code civil fixe un délai général de dix ans pour toutes les actions relatives à la filiation, sauf dispositions spéciales prévoyant un délai plus court.

b. Point de départ du délai

Le délai commence à courir à partir du jour où la personne :

  • A été privée de l’état qu’elle revendique (exemples) :
    • À compter de la naissance pour une action en recherche de maternité ou de paternité.
    • À compter de la cessation de la possession d’état dans le cadre d’une action en constatation de la possession d’état.
  • A commencé à jouir de l’état qui lui est contesté (exemple) :
    • Pour les actions en contestation de filiation, le point de départ est le jour où la filiation a été légalement établie.

c. Suspension pendant la minorité de l’enfant

Le délai de prescription est suspendu pendant toute la durée de la minorité de l’enfant. Cela signifie que si aucune action n’a été intentée par les parents pendant la minorité, l’enfant dispose d’un délai de 10 ans à compter de sa majorité pour agir.

En résumé : Le régime des actions en matière de filiation est strictement encadré :

  1. Les actions sont irrecevables si l’enfant n’est pas né viable (article 318).
  2. Seul le tribunal judiciaire est compétent, et ses décisions sont opposables à tous, sous réserve de tierce opposition (article 324).
  3. Les actions doivent être intentées dans un délai général de 10 ans, avec un point de départ adapté à chaque type d’action, et une suspension pendant la minorité de l’enfant (article 321).

Ces règles assurent un équilibre entre les exigences de vérité biologique et de stabilité juridique.

 

II –  Caractère des actions relatives à la filiation

1. Caractère d’indisponibilité

La filiation est considérée comme hors du commerce juridique, ce qui implique :

  • Interdiction de renoncer à l’action : Une personne ne peut pas renoncer à l’avance à exercer son droit de contester ou d’établir une filiation.
  • Intransigeance sur le jugement : Il est interdit d’acquiescer à un jugement au fond qui tranche la filiation, c’est-à-dire de renoncer par avance à faire appel.
  • Aucune transaction possible : La filiation ne peut pas faire l’objet d’un accord ou d’une transaction entre parties.

Ces règles visent à protéger l’ordre public lié à l’état des personnes et la stabilité des liens familiaux.

2. Caractère personnel

  • Les actions en filiation ne peuvent être exercées que par les personnes concernées :
    • L’enfant.
    • Les parents ou titulaires légitimes du droit d’agir.
  • Exclusion des créanciers : Les créanciers d’une personne ne peuvent pas intenter d’actions en filiation en son nom, car ces actions touchent à l’état civil et non au patrimoine.

3. Transmissibilité sous conditions

Bien que les actions en filiation soient personnelles, elles sont transmissibles dans certaines circonstances :

  • Action engagée avant le décès : Les héritiers peuvent poursuivre une action en filiation déjà entamée, sauf si :
    • Le titulaire s’est désisté.
    • L’instance est éteinte pour péremption, c’est-à-dire si aucune démarche n’a été effectuée dans un délai de deux ans.
  • Action non encore engagée : Si la personne titulaire d’une action décède avant d’avoir agi, ses héritiers peuvent intenter l’action à sa place, à condition que le délai de prescription ne soit pas expiré.

Ces exceptions permettent de garantir que les droits en matière de filiation ne disparaissent pas du fait du décès du titulaire initial.

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