Droit de l’information : pluralisme, honnêteté…

La régulation des médias : le contrôle du pluralisme et de l’honnêteté des informations

Les médias un rôle essentiel dans l’exercice de la liberté d’information et de la liberté d’expression. Dans le domaine audiovisuel, la fin du monopole d’Etat(lois de 1981 et de 1982), l’apparition de nouveaux acteurs et le souci d’éviter une ingérence de l’Etat dans les contenus ont conduit à la mise en place d’un pouvoir de régulation. Le législateur a peu à peu étendu et précisé les compétences des trois instances de régulation qui se sont succédés : la Haute Autorité de la communication audiovisuelle, puis la Commission nationale de la communication et des libertés, enfin le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

La régulation de l’information

Il n’existe pas d’organes de régulation pour la presse écrite, et en dépit de son pouvoir de sanction, le CSA n’a pas une position très active pour faire respecter l’honnêteté de l’information, et de plus, ne peut sanctionner directement le journaliste puisqu’il ne prononce des sanctions qu’à l’égard des éditeurs de programmes, autrement dit des chaînes de télévision. Pour l’aider dans cette mission, il existe bien des Médiateurs ou un Comité consultatif des programmes mais aucun de ces organes ne peut prendre des mesures contraignantes. La création d’un Ordre professionnel des journalistes et la création d’une autorité de régulation consacrée à l’information compétente pour tous les supports de diffusion de l’information pourraient alors trouver à s’appliquer en France, permettant ainsi la régulation de la presse écrite. Il faut reconnaître qu’aucune de ces solutions n’apparaît satisfaisante pour les journalistes, qui prônent l’autorégulation.

Outre le CSA pour la communication audiovisuelle, divers moyens de régulation, ou plus exactement de contrôle de la déontologie ont été mis en place avec plus ou moins de succès. C’est le cas du Médiateur et du Comité consultatif des programmes. Leurs pouvoirs se limitent au conseil et à la consultation. Il s’agit d’une régulation dans sa forme la moins développée, les compétences et la capacité d’action étant plus que retreintes.

Les chaînes du service public ont dû mettre en place un Médiateur, sous l’impulsion du Ministre de la culture et de la communication, dont le rôle est de répondre aux téléspectateurs. Les principales questions concernent la déontologie de l’information. Etant souvent un journaliste ayant appartenu à la rédaction, le Médiateur n’est pas pour autant censé justifier les choix de la rédaction, il a un devoir de neutralité et d’objectivité. A cet égard, nommer une personnalité n’ayant pas appartenu à la chaîne, et n’étant pas journaliste elle-même apporterait plus de crédit à son rôle face aux téléspectateurs. Il faudrait systématiser le Médiateur dans chaque média, il serait choisi par les membres du support de presse mais avec une formation de juriste, philosophe… Cette pratique tend largement à se développer. Le journal « Le Monde », à l’instar d’autres quotidiens d’information, de sa propre initiative, a aussi nommé un Médiateur par exemple. Le Médiateur devrait rendre des comptes pour garantir son objectivité. Il pourrait le faire devant un ordre professionnel ; celui des journalistes et des professionnels de la presse dans leur ensemble. Il doit examiner la conduite éthique du journal, recevoir les plaintes du public et des acteurs de l’actualité, enquêter, indiquer la suite à donner et publier ses remarques.

La loi du 1er août 2000 sur la communication audiovisuelle a créé un Conseil consultatif des programmes auprès de la société France Télévision. Ce Conseil comprend 20 membres nommés pour trois ans, après tirage au sort parmi les personnes redevables de la redevance. Le rôle de ce Conseil consultatif est d’émettre des recommandations sur les programmes. Il se réunit au moins deux fois par an, dont une fois avec le Conseil d’administration de France Télévision.

Cette initiative de la loi sur l’audiovisuel est intéressante. Elle mériterait d’être étendue à tout le secteur de la communication audiovisuelle ainsi qu’à la presse écrite. L’organisation de ce Conseil pourrait être améliorée : en sus des téléspectateurs, la loi aurait pu prévoir la présence de spécialistes ou membres de la profession pour échanger sous forme de table ronde. Même si la présence des téléspectateurs est primordiale, ils ne sont pas toujours les plus qualifiés pour porter un jugement sur un travail dont les exigences techniques peuvent leur échapper.

L’autorégulation

Le journaliste, quant à lui préfère l’autorégulation. La conception classique de l’autorégulation s’entend par un ensemble de règles et d’instances chargées de leur application, mais établies volontairement par les professionnels des médias eux-mêmes. La plupart considèrent que seuls les journalistes peuvent décider ou non d’adopter des règles déontologiques. En revanche, il est couramment admis qu’il peut appartenir au pouvoir législatif de prévoir des instances de régulation ou d’intégrer dans les lois des obligations déontologiques. Les exigences à caractère légal seraient alors légitimement respectées. Devant les difficultés d’établissement d’une régulation ou auto-régulation, certaines associations organisent aussi des rencontres entre les journalistes, les juristes et les hommes politiques dans le but d’organiser une meilleure coordination et compréhension dans un sens favorable à l’information. Il faut être vigilant sur le respect de l’information pour établir un véritable droit à l’information. Si l’autorégulation doit être prise en considération, elle doit aussi faire preuve de sa propre valeur et ne pourra probablement se substituer à une organisation de forme plus administrative. Devant ces prémices d’un réel contrôle déontologique, il convient d’envisager des moyens plus efficaces.

Deux moyens de régulation de l’information pourraient être envisagés de façon tout à fait légitime : à travers la création d’un Conseil de presse, et d’une nouvelle autorité administrative dédiée à l’information. Cette AAI serait compétente pour élaborer un Code de déontologie, elle aurait les moyens réglementaires de faire respecter les principes fondamentaux que sont le respect d’une information libre, honnête et pluraliste. Elle disposerait d’un pouvoir de sanction tant sur les organes de presse que sur les journalistes. L’attribution de la carte de presse lui serait confiée : elle serait donnée non plus seulement selon une définition sociale du journaliste, mais par le contrôle du respect des règles fondamentales et de déontologie.

L’exigence d’honnêteté de l’information

Le pluralisme de l’information tel qu’il est envisagé par le Conseil constitutionnel dans ses décisions relatives à la presse s’accompagne du principe de l’honnêteté de l’information. Mais si le pluralisme est difficile à respecter alors même qu’un encadrement législatif existe, le respect du principe de l’honnêteté de l’information est encore plus difficile car il n’existe pas de réelle définition de l’honnêteté. La notion est quelque peu subjective, mais l’honnêteté de l’information est requise dans l’intérêt du public. Il existe quelques chartes déontologiques se référant à la notion mais aucun texte législatif, les journalistes ont toujours refusé l’élaboration d’un véritable Code de déontologie. Pourtant, le citoyen ne sera bien informé que si l’information est honnête. L’autorité de régulation, en raison de la convergence des médias, serait compétente pour tous les moyens de diffusion de l’information et elle s’attacherait à vérifier que les règles du pluralisme et d’honnêteté soient respectées par l’entreprise de presse. Mais son rôle serait aussi d’instituer un système plus contraignant pour le journaliste avec peut-être la gestion de l’octroi de la carte d’identité professionnelle du journaliste.

L’exigence de pluralisme de l’information

Le comité constitutionnel de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Vè République, dans son rapport de 2007[218], proposait la création d’un Conseil du pluralisme, organisme unique qui serait chargé de veiller au respect du pluralisme des courants de pensée et d’opinion. Il préconisait que « le champ de compétence de cette institution nouvelle recouvre celui résultant de la fusion des trois autorités » à savoir le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission des sondages et Commission nationale de contrôle de la campagne pour l’élection présidentielle. Ainsi, cette institution, dont la composition serait fixée par la Constitution, pourrait disposer d’une « vision globale ». A sa suite, une partie de la doctrine a évoqué la nécessité d’une fusion du CSA et de l’ARCEP. Pour ces auteurs, la fusion des autorités de régulation permettrait de garantir davantage le respect du pluralisme des courants d’expression sur Internet.

Ce système a été adopté en Suisse avec la création en 2003 de l’office fédéral de la communication (OFCOM) qui fusionne les compétences de cinq régulateurs intervenant dans les domaines de l’audiovisuel et des télécommunications. Au sein de cet organisme a été crée un conseil pour les contenus (The content board), compétent pour prendre des décisions concernant les contenus.

Mais, comme l’a souligné M. Dominique Baudis, ex-président du CSA, lors du colloque du Conseil d’Etat du 28 novembre 2006, « l’Internet n’est pas un média, c’est un moyen de communication sur lequel on peut avoir de la correspondance privée (e-mail), du commerce (achats en ligne), qui ne sont pas de la radio ou de la télévision »[219]. Or si la communication au public doit présenter un caractère pluraliste, il n’est pas envisageable de contrôler les contenus de toutes les informations transmises par Internet. En conséquence, si la fusion des autorités de régulations peut être regardée comme un moyen de garantir le pluralisme, il semble nécessaire de distinguer les informations qui ont un impact massif de celles qui n’en ont pas.