La remise en cause de l’autonomie de la volonté

La transformation du droit des contrats

Le législateur et la jurisprudence multiplient les dispositions et solutions spéciales incompatibles avec la théorie générale du contrat. La théorie générale des contrats a connu une forte crise de croissance par la remise en causes de l’autonomie de la volonté : droits de la consommation ou de la concurrence…

 

I. Le constat de la transformation du contrat

Traditionnellement, le contrat apparaît comme un moyen donné aux parties d’exercer une certaine emprise sur l’avenir : instrument de prévisibilité.

 

A. Du bloc contractuel au lien contractuel

Le contrat demeure un accord de volontés en vue de produire des effets de droit. L’image traditionnelle est celle d’un bloc : une fois conclu, le contrat apparaît comme une création statique s’imposant au parties, à la volonté desquelles il échappe désormais, s’imposant au juge, en principe impuissant à le modifier, et au législateur dont la foi nouvelle ne peut produire sur lui aucun effet.

La nouvelle physionomie du contrat : le contrat apparaît à la fois comme un lien entre les parties dont il est l’œuvre commune, et comme une entité contractuelle constituée d’un ensemble de droits et d’obligations, potentiellement cessible, qui s’insère dans un ordre juridique avec lequel il est relié.

La notion de lien contractuel tend à substituer au conflit d’intérêts l’union des intérêts dans une sorte d’affectio contractus, qui ne peut se réduire à la seule volonté de contracter mais également celle de maintenir le lien contractuel, de l’exécuter de bonne foi.

Si le lien contractuel devient plus plastique, plus souple, plus adaptable, il devient par là-même moins cassant.

  • – développement de la régularisation de l’acte initialement entaché d’irrégularité
  • – substitution d’une disposition régulière à une clause irrégulière
  • – généralisation de la sanction du non écrit
  • – apparition de la notion de dol incident
  • – obligation pour une partie de faire évoluer le contrat avec les circonstances
  • – validité de la détermination du prix par référence au tarif du vendeur

 

La souplesse contractuelle permet à l’acte de survivre par sa capacité à s’adapter.

La survie du contrat est également assurée en ce qu’il apparaît comme une véritable entité contractuelle susceptible de se détacher de la personne des contractants. Cette objectivation du contrat se manifeste par un « transfert unitaire et intégral de la qualité de contractant ». (L122-12)

Bien plus qu’au siècle passé, le contrat s’avère relié au milieu juridique. De nos jours, on ne peut plus le présenter abstraction faite du contexte juridique dans lequel il se développe : « contracter, ce n’est plus seulement vouloir, c’est aussi employer un instrument forgé par le droit ».

Quant aux obligations qui s’imposent aux parties, les effets obligatoires du contrat n’incluent plus seulement les obligations voulues par les parties mais aussi celles greffées à l’acte par la loi ou par le juge ; ainsi englobe-t-on aujourd’hui des obligations de sécurité, d’information, de conseil, de coopération, de loyauté. De plus, peuvent être liées les personnes qui l’ont conclu, mais également d’autres qui s’y sont adjointes. L’apparition des groupes de contrat traduisent les liens qu’un contrat est susceptible d’entretenir avec d’autres.

Le lien avec d’autres contrats s’exprime notamment par les répercussions de sanctions dans un ensemble contractuel et par l’octroi d’actions entre les contractants extrêmes d’une chaîne de contrats.

B. De l’immuabilité absolue à la souplesse contractuelle

La sécurité juridique participe de la confiance entre les parties et plus largement de l’utilité sociale du contrat. De plus, la sécurité juridique ne constitue pas l’unique priorité. Elle se combine avec un souci croissant de justice contractuelle.

 

1 De l’intangibilité absolue à la possible adaptabilité des termes du contrat

– La redécouverte de la souplesse du fondement moral.

L’immuabilité des termes contractuels était souvent présentée comme l’application de la règle du respect de la parole donnée.

La doctrine a redécouvert qu’il n’y a pas de violation de la parole donnée lorsqu’une des parties ne remplit pas un engagement pris dans des circonstances qui se sont trouvées par la suite bouleversées.

– Le remplacement du fondement volontariste.

L’idée est aujourd’hui communément admise que le contrat tire en sa force obligatoire non pas de la volonté des parties, mais du droit objectif qui la lui confère.

– Le recadrage du fondement économique

C’est l’impératif d’utilité qui conduit à ce réexamen. Aujourd’hui, l’utilité recherchée n’est plus la même : c’est une utilité concrète et réciproque qui s’accommoderait mal du maintien du contrat dans l’arrêt Canal de Craponne.

Si le contrat n’est obligatoire que dans la mesure où il respecte l’éradication d’une clause abusive ou la réduction d’honoraires ou d’une clause pénale manifestement excessive n’apparaisse que comme l’expression d’une force obligatoire soumise au droit objectif.

Ensuite, la force obligatoire des obligations greffées au contrat par le juge ou la loi, telles les obligations d’information, de sécurité, de bonne foi ou de conseil résultent des fondements objectifs d’utilité et de justice.

 

2 Les parties au contrat, une catégorie évolutive

Le contrat n’est plus seulement la chose des parties, il entre en interaction avec l’ordre juridique dans lequel il s’insère. Et cette évolution du contrat a conduit la doctrine au constat d’un élargissement de la notion de parties aux personnes liées par les effets obligatoires du contrat.

 

II. L’accueil de la transformation du contrat par la théorie générale

Si les textes du code civil qui régissent le contrat sont quasiment demeurés inchangés depuis 1804, la théorie générale, quant à elle, a considérablement évolué.

 

A. Les insuffisances de la transformation de la théorie générale par exception

Outre les atteintes à l’autonomie de la volonté, se multiplient les atteintes aux principes qui en étaient déduits ; la lecture absolue du principe de force obligatoire et de sa conséquence d’immuabilité du contrat a dû se nuancer devant l’extension du pouvoir du juge de modifier le contrat.

Devant les exigences accrues du formalisme protecteur et informatif, la simple rencontre des volontés s’avère aujourd’hui impuissante à sceller le contrat de consommation.

 

B. La nécessité d’une transformation de la théorie générale en expansion

1 L’évolution des fondements de la théorie générale

C’est la substitution de l’utile et du juste au dogme de l’autonomie de la volonté. Mais l’abandon du dogme de l’autonomie de la volonté en tant que fondement ne signifie pas pour autant un refoulement du rôle de la volonté dans le droit des contrats.

2 L’évolution des impératifs de la théorie générale

Si dans l’esprit du code, la liberté existe pour entrer dans le contrat, non pour en sortir, la formule pourrait presque s’inverser aujourd’hui.

3 L’émergence de nouveaux principes

a) Le principe d’égalité contractuelle

Il permet de sanctionner l’inégalité ou de rétablir l’égalité entre les parties dans la formation et dans l’exécution du contrat conclu, afin que la partie en situation d’infériorité puisse contracter…

– la sanction de l’inégalité : interprétation évolutive et extensive des vices du consentement : vice d’erreur sur la substance de la chose (objectif), sur les qualités substantielles (subjectif), extension de la notion de dol (régression du dolus bonus, dol par réticence, obligation de renseignement)

– l’égalité peut être rétablie par l’information de la partie en situation d’infériorité relativement au contrat conclu : le vendeur doit être loyal, interprétation du contrat en faveur de la partie en situation d’infériorité dans le contrat d’adhésion

 

b) le principe d’équilibre contractuel

Le contrat doit respecter un équilibre entre les prestations et un équilibre global entre les droits et les obligations des parties et entre les clauses.

– déséquilibre initial du contrat : le pouvoir de rééquilibrage du contrat par le juge s’est étendu par le biais de dispositions plus générales qui lui confèrent le pouvoir de réduire les clauses pénales manifestement excessives, d’annuler un contrat déséquilibré par l’absence de cause. Il apparaît en effet conforme aux exigences de la justice commutative de faire de l’existence d’une contrepartie une condition de validité de l’engagement.

– déséquilibre postérieur : la jurisprudence a admis de sanctionner la disparition de la cause lors de l’exécution du contrat. Quant à la révision du contrat pour imprévision, si la Cour de cassation en a refusé la possibilité, la loi et la jurisprudence postérieures y ont apporté des tempérament.

Les évolutions du droit positif traduisent un souci croissant de l’équilibre contractuel.

 

c) le principe de fraternité contractuelle

Chacun des contractants est tenu de prendre en compte, par delà son propre intérêt, l’intérêt du contrat et celui de l’autre partie, en se déployant à leur service, voire en acceptant certains sacrifices afin de favoriser la conclusion, l’exécution et le maintien du contrat compris comme la base d’une collaboration.

 

Conclusion

L’évolution contemporaine a démontré comment une liberté contractuelle totale conduit inévitablement à l’inégalité contractuelle et que le principe de force obligatoire entendu dans un sens absolu peut conférer à la loi contractuelle une rigidité qui la rend indifférente à ses déséquilibres.

Garantir la sécurité du contrat sans pour autant sacrifier la justice contractuelle, c’est dépasser la contradiction pour entrer dans la complémentarité de ces aspirations faites principes.

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