Responsabilité administrative : dommage, lien de causalité, cause d’exonération

Les principes généraux de la responsabilité de l’administration

Il faut rappeler quand pendant longtemps, c’est un régime d’irresponsabilité qui a prévalue. L’arrêt Blanco, du 8 fév. 1873, a consacré l’autonomie de la responsabilité administrative par rapport aux règles du Code Civil. Dans cette décision le Tribunal des conflits a également précisé que la responsabilité de l’administration n’est ni générale ni absolue. Parce que des intérêts contradictoires sont en jeux, d’un côté il ne faut pas laisser les victimes sans recours, mais d’un autre côté il faut tenir compte de la spécificité de l’action administrative et en particulier du principe de continuité des services publics. En effet, l’action administrative ne doit pas être paralysée.

On va d’abord étudier les principes généraux de la responsabilité de l’administration, puis on étudiera la responsabilité pour faute, puis la responsabilité sans faute à prouver et enfin les régimes spéciaux de responsabilité.

De façon générale, les conditions d’engagement de la responsabilité administratif diffèrent des règles de droit commun sur un certain nombre de point.

Section 1. Le dommage

Pour être indemnisé le préjudice doit comporter un caractère direct, certain et il doit constituer une atteinte à un intérêt légitimement protégé. Le préjudice est dit direct dès lors qu’il est étroitement lié à une action ou une inaction de l’administration. Le préjudice certain englobe un préjudice futur dès lors que sa réalisation est certaine. De plus, la perte d’une chance est indemnisable si elle est certaine. Par ex, un candidat irrégulièrement évincé d’un concours de la fonction publique pourra être indemnisé sur la base de la perte d’une chance. En revanche, un préjudice simplement éventuel ne sera pas réparé. Le juge apprécie souverainement les éléments de preuve apportés par le requérant.

Pour être réparé le préjudice doit constituer une atteinte à une situation légitime. C’est ainsi que lorsque la victime n’a subi le préjudice que parce qu’elle se trouvait en situation irrégulière elle ne pourra prétendre à être indemnisé.

Le préjudice moral

Le Conseil d’Etat a longtemps considéré que les larmes ne se monnaie pas. Mais il a fini par s’aligner sur la position de la Cour de cassation, arrêt d’assemblée du 24 nov. 1961 Ministre des travaux publics contre consorts Letisserand: le Conseil d’Etat accepte de réparer la douleur morale.

Il faut préciser qu’en matière de responsabilité sans faute à prouver, la victime devra prouver en outre qu’elle a subi un préjudice spécial et anormal. La spécialité du préjudice tient au faible nombre de personnes victimes et l’anormalité tient à la gravité du préjudice. Cette exigence supplémentaire repose sur le fait que la responsabilité sans faute apparait comme une dérogation au principe selon lequel la responsabilité de l’administration repose sur une faute qu’elle a commise. Cela repose sur la volonté de ne pas étendre démesurément les cas d’engagement de ce type de responsabilité. Le juge distingue en la matière selon la nature du dommage. Les dommages corporels sont évalués à la date du jugement et les dommages matériels sont évalués à la date de leur réalisation.

Section 2. L’imputabilité du dommage

  • .1. Le lien de causalité

Il faut savoir et c’est logique que le droit à réparation n’est ouvert que si la preuve d’un lien de causalité suffisamment direct entre le dommage et le fait dommageable est établit. Arrêt du Conseil d’Etat du 16 février 2009, Madame Hoffman Glemane. Ca concerne la responsabilité de l’Etat du fait de la déportation pendant la 2nd Guerre Mondiale. Quel que soit le régime de responsabilité applicable, c’est à la victime de prouver l’existence d’un lien de cause à effet entre le fait dommageable et le dommage. Le juge acceptera de considérer que le dommage a été causé par un évènement s’il parait en être la conséquence inévitable. Il a été jugé qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la faute administrative que révèle l’évasion d’un détenu, et les meurtres qu’il a commis 48 jours plus tard.

  • .2. La détermination de la personne publique responsable

L’action de la victime doit être dirigée contre une personne publique déterminée et non contre l’administration en générale. La personne publique responsable c’est celle pour le compte de laquelle était effectuée l’activité cause du dommage. La personne publique responsable ne sera pas forcément celle qui rémunérait l’auteur du dommage au moment où ce dernier est survenu. Il s’agit souvent de celle qui donnait les ordres à l’auteur du dommage. Les règles de responsabilité administrative s’étendent aux personnes privées chargées de la gestion d’un service public administratif. En revanche si la personne privée est chargée d’un SPIC c’est le juge judiciaire qui est compétent. Si plusieurs personnes sont coauteurs d’un dommage, à ce moment-là la victime peut réclamer réparation de la totalité de son préjudice à une seule d’entre elle.

  • .3. Les causes d’exonération

Dans certains cas, la responsabilité de la personne publique peut être atténuée voire exclue. On distingue deux catégories de cause d’exonération.

Les causes d’exonération valables quel que soit le régime de responsabilité

Il s’agit d’une part de la faute de la victime, d’autre part de la force majeure.

La faute de la victime

La faute de la victime peut atténuer voire exonérer totalement l’administration de sa responsabilité. C’est le cas par exemple de l’imprudence de la victime.

Le cas de force majeur

C’est un évènement imprévisible, irrésistible et extérieur à la volonté des personnes en cause. Ce sera le cas par ex d’une tempête d’une exceptionnelle puissance. Mais il faut savoir que le juge adopte une notion restrictive de la notion de force majeure (un cyclone en Calédonie n’est pas un cas de force majeur car ils se produisent souvent). Le juge constitutionnel ne retient plus la condition d’extériorité pour définir la force majeure et ce depuis 2006. Il n’y a plus que deux critère, la Cour de cassation est plus clémente que le Conseil d’Etat qui lui maintient la condition d’extériorité.

Les causes d’exonération qui ne jouent qu’en cas de responsabilité pour faute

Il s’agit du fait du tiers et du cas fortuit.

Le fait du tiers

Le fait d’un tiers n’exonère pas l’administration lorsque sa responsabilité est engagée sans l’exigence d’une faute. Mais dans ce cas-là l’administration dispose tout de même d’une action récursoire contre ce tiers.

Le cas fortuit

On appelle cas fortuit toutes hypothèses dans laquelle le dommage a une cause inconnue. Cas dans l’affaire d’un barrage Malpassé, Arrêt d’assemblée 28 mai 1971, département Var. le Conseil d’Etat en l’état des connaissances scientifiques à ce moment-là a considéré que la rupture du barrage été dû à la pression de l’eau et donc il a considéré que c’était un cas fortuit. Le cas fortuit peut être invoqué par l’administration que dans le cadre d’une responsabilité pour faute. Pour un cas fortuit l’évènement n’est pas extérieur au défendeur. Le cas fortuit c’est un évènement imprévisible, et non extérieur au dommage lui-même, au défendeur (pas de tremblement de terre par ex : chose extérieure). Différence avec le cas de force majeur.

Section 3. L’action en responsabilité

L’action en responsabilité est fondée sur la règle de la décision préalable. La victime doit d’abord demander une indemnisation à l’administration et elle doit attendre son éventuel refus pour saisir le juge. Cette règle de la décision préalable connait quelques exceptions : cette règle ne joue pas en matière de dommages de travaux publics. Il faut rappeler aussi que le juge administratif n’est pas compétent dans tous les cas de responsabilité de l’administration. Dans certains cas, même si l’administration engage sa responsabilité elle le fera devant le juge judiciaire (ex : en matière de dommages causés par tous véhicules, même administratif), loi du 31 déc. 1957.

Par ailleurs, de façon générale il faut savoir que les dettes des personnes publiques, s’éteignent le 31 déc. de la quatrième année qui suit celle au court de laquelle s’est produit le dommage. On parle de prescription quadriennale. Dernière précision : les recours en indemnité extracontractuels ne peuvent être présentés que par le ministère d’avocat.