Cours de Responsabilité Civile Délictuelle

RESPONSABILITÉ CIVILE DÉLICTUELLE

  La responsabilité civile délictuelle permet la mise en œuvre de la responsabilité des personnes qui causent un dommage à autrui avec pour obligation la réparation du préjudice subi par la victime.  La responsabilité civile délictuelle correspond à l’obligation de réparer le préjudice causé à une personne par la commission d’un délit civil, voire d’un délit pénal. Sur cette page, se trouve 2 cours :

Les autres fiches de cours :
  •  Le 1er cours est à jour de l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
  •  Le 2nd cours n’est pas à jour de la réforme mais les principes essentielles de la responsabilité restent d’actualité.

Être responsable c’est répondre des conséquences de certains actes, de certains faits. D’un point de vue philosophique, la responsabilité est une condition essentielle de la liberté : l’homme libre est celui qui a conscience de ses actes et qui en répond.

 —         Cette responsabilité est d’abord morale (face à soit même, à ses actes,…) politique, et elle peut prendre un aspect juridique : administrative (juridiction administrative, pénale et civile (obligation de réparer le dommage qu’une personne cause à une autre :

  • –          Responsabilité contractuelle,
  • –          Délictuelle,
  • –          Quasi-délictuelle.

Ces deux dernières ne concernent pas l’inexécution d’une obligation contractuelle qui causerait un dommage à un contractant. Les délits au sens civil sont des actes dommageables commis avec intention de nuire. En revanche, les quasi-délits sont des actes dommageables commis sans intention de nuire.

 

COURS n°1 sur la responsabilité délictuelle (à jour de la réforme du droit des obligations).

 Les obligations peuvent être créées  volontairement, mais ces engagements volontaires ne sont pas les seuls en droit des obligations

Pour en prendre conscience il faut se reporter au titre 3 nouveau du livre 3 consacré aux sources des obligations tel qu’il a été repris par une ordonnance du 10 février 2016. Ce titre est illustré par l’article 1100 nouveau du code «  les obligations naissent d’acte juridique, de fait juridique …. » cet article succède à l’article 1300 ancien qui avait la même finalité, c’est-à-dire annoncer les différentes obligations mais qui comportait des exemples surprenant, il énonçait notamment les obligations qu’assument les tuteurs envers leurs pupilles. L’article 1100 abandonne ces exemples. Ces obligations naissent d’actes juridiques, de faits juridiques ou de l’autorité seule de la loi

Pour les obligations nées d’actes juridiques il s’agit d’un contrat. Pour les obligations qui naissent de l’autorité de la loi, ces obligations sont extrêmement transverses, on les trouve dans de multiples matières (les obligations alimentaires, les obligations entre voisins, ces obligations sont non seulement transversales mais aussi universelles car la force obligatoire d’un contrat existe parce que la loi protège cette force obligatoire.

Les obligations nées de faits juridiques sont également marquées par l’ordre de la loi puisque c’est la loi qui détermine dans quelles circonstances une personne est tenue d’indemniser autrui pour le dommage qu’elle a causé.

Les obligations nées de faits juridiques, ce sont celles-ci qui vont nous occuper car on trouve aussi bien la responsabilité extra contractuelle que les quasis contrat. L’article 1100 consacre maintenant l’obligation  naturelle, qui peut se transformer en obligations civile dans deux cas : soit parce que on a promis de l’exécuter, soit parce qu’on l’a exécutée, dans ce cas on ne peut pas obtenir  la répétition de ce qui a été versé au titre de cette obligation naturelle car elle est contraignante.

Les faits juridiques sont des circonstances qui peuvent ou non créer des obligations (la possession d’état ne crée pas d’obligations au  sens stricte), la notion de fait juridique est  plus large que  le terme d’obligation mais les faits juridiques peuvent aussi faire naitre des obligations au sens de créateur d’un lien entre créancier et débiteur.

Il faut aussi se référer à l’article 1100-2 nouveau du Code civil qui donne des précisions sur les faits juridiques et les obligations qui s’y rattachent « les faits juridiques sont des agissements ou évènements auxquels la loi rattache des effets de droit… ». Cet article est un article introductif consacré cette fois ci uniquement aux faits juridiques. On peut dire que les faits juridiques  créateurs d’obligations renvoient à toutes les circonstances qui engagent un débiteur sans que celui-ci ait choisis de se retrouver dans cette position.

 Il y a eu deux types de circonstances qui aboutissent à ce type d’obligations :

à Soit parceque l’obligation nait d’un évènement, naturel, aléatoire qui créent des devoirs (ex : le fait de devoir assumer les conséquences de l’éboulement d’une maison lorsqu’il a créé des dommages à autrui)

à Soit en  cas d’agissements qui sont volontaires mais qui ne sont pas conçus pour faire naitre des engagements. Quels sont ces agissements ? Il en existe deux sous catégories :

  • Une série d’agissements licites qu’on appelle les quasis contrats: ils sont visés au sous-titre 3 du titre 4 du Code civil. Ces quasi-contrats sont par exemples les cas dans lesquels une personne prend en main les affaires d’autrui pour le bien de celle-ci, par exemple en son absence pour éviter des inondations par exemple, on a la gestion des affaires d’autrui, c’est un geste d’entraide entre le gérant d’affaire et le maitre de l’affaire. Dans ce cas la loi prévoit aux articles 1301 et suivant une obligation pour le maitre d’affaire (celui dont on a géré les intérêts en son absence à d’indemniser le gérant d’affaire. On a donc une volonté du législateur d’encourager la solidarité. On est face à un acte volontaire, un agissement mais on n’est pas face à une obligation créée volontairement car le maitre d’affaire va assumer un engagement auquel il n’a pas consenti, ce sont les quasi-contrats, on trouve cette logique dans d’autre domaines comme l’enrichissement injustifié.
  • Il faut aussi prendre en compte au titre des agissements le titre 4 sous-titre 2 consacré à la responsabilité extra contractuelle aux arts 1240 et suivant, c’est cette responsabilité qui va ns occuper. Il s’agit d’un fait juridique puisque si la source du dommage résulte d’un agissement, d’une action, l’obligation de réparer ce dommage n’a pas été voulu comme tel par le débiteur ni par le créancier, on ne choisit pas sa qualité de victime. On est ici face à des agissements mais qui crée des obligations involontaires liées aux conséquences que la loi oblige.

La responsabilité civile extra contractuelle

Introduction

Ici on va parler de « responsabilité civile extra contractuelle »

On parle de responsabilité civile car elle finit toujours par peser sur un débiteur identifié que ce soit une personne physique ou morale.

 La responsabilité extra contractuelle renvoie au choix qu’a opéré le législateur et spécialement au sous-titre 2 intitulé la responsabilité extra contractuelle. Cette responsabilité extra contractuelle a pour objet d’identifier toutes les circonstances dans lesquelles une dette d’indemnisation pèse sur l’auteur d’un dommage qui n’était pas engagé dans les termes d’un contrat avec la victime. . La difficulté est de savoir à partir de quel moment on passe de contractuel à extracontractuel.

 

On délaisse donc une autre façon de présenter les choses qui consiste à parler de responsabilité civile délictuelle ou quasi délictuelle. C’est une terminologie la plus ancienne, elle permet de saisir 2 circonstances qui peuvent créer une dette de responsabilité civile :

  •     Les délits civils qui sont les faits dommageables infligés volontairement à autrui.
  •     Les quasi délits civils : l’acte dommageable est la conséquence d’une imprudence, d’une négligence et totalement involontaire. Pas de volonté de causer un dommage à autrui.

A-  La notion de responsabilité

  1. Préambule

  Que signifie le concept de responsabilité ? Ici, on ne peut pas commencer un cours de responsabilité civile extracontractuelle sans se référer l’article 1240  du code civil et l’ancien article 1382. L’ordonnance n’a pas touché le droit de la responsabilité. Il y a simplement la modification de numérotation d’articles sans en changer de contenu. Donc article 1240 = ancien article 1382.

Mais il y a eu une petite modification, on parle de responsabilité extracontractuelle en général et la responsabilité du fait de produits défectueux. L’article 1240 énonce « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » C’est un texte intemporel, il est né en 1804 mais l’article 1382 reprenait déjà des dispositions coutumières qui allaient en ce sens. C’est un texte de bon sens, c’est un objet d’équilibration sociale. Dans l’avant-projet de réforme de la responsabilité qui date du 29 mars 2016, on trouve de manière plus détaillée des principes identiques. Par exemple, l’article 1241 du projet énonce que toute faute oblige son auteur à réparer le préjudice qu’elle a causé. Ce texte de base est à l’abri de réforme et il paraît difficile de se passer d’une telle clause générale de responsabilité. Certains auteurs disent que dans le droit civil il y a 2 choses fondamentales, le principe de l’enrichissement injuste et l’article 1240.

     Qu’est ce qu’on trouve dans ce texte ? Il renvoie à un fait générateur de responsabilité, « tout fait quelconque ». Il renvoie à l’exigence d’un dommage causé à autrui, et il impose également un lien de causalité entre le fait générateur et ce dommage. En d’autres termes, il faut 3 conditions cumulatives : fait générateur, dommage, et lien de causalité. On verra que parfois, paradoxalement une faute lourde a pu ne pas causer de dommage à autrui.

 

  1. L’historique du droit de la responsabilité

   L’article 1240 résulte d’une lente maturation historique. Il a fallu des siècles pour arriver tant au concept de responsable que de responsabilité contemporaine.

   Le terme de « responsable » initialement était ambivalent. Ce terme avait 2 significations initialement. Ce terme renvoyait autant au latin sponsor (débiteur), celui qui s’engage qu’au responsor, celui qui garantit le paiement d’une dette par autrui. Progressivement, seul le 1er terme a été consacré. Le responsable est celui qui doit répondre de, ou encore répondre devant.

  • Répondre de : répondre d’un dommage en assumant les conséquences.
  • Répondre devant : assumer sa dette de réparation devant la victime voire devant le juge.

   Le terme de « responsabilité » n’est réellement apparu en tant qu’institution qu’au détour des 18ème et 19ème siècles avant que le Code de Napoléon n’en tire toutes les conséquences. Lorsqu’on a parlé de la responsabilité, on a d’abord visé la responsabilité politique. Ce n’est qu’à la charnière des siècles précités qu’on est passé à une responsabilité juridique, qu’il s’agisse donc de responsabilité civile mais encore de responsabilités pénale, administrative ou disciplinaire. Il a fallu au droit romain et au droit révolutionnaire. Beaucoup d’institutions ne peuvent se comprendre que par une approche historique qui commence au droit romain.

    Le droit romain n’était pas si élaboré en terme de responsabilité qu’en terme de contrat. En droit romain, il n’y avait pas de règles générales de responsabilité que l’on trouve dans l’article 1240. Il n’y avait que des  délits particuliers. Pourquoi cette logique de délit spécial ? Parce que le droit romain, c’est pour la première fois abstrait de la responsabilité pénale avec laquelle il se confondait jusqu’alors. Auparavant, le fait de causer un dommage à autrui relevait nécessairement d’une incrimination pénale dont la victime pouvait obtenir réparation en utilisation des mécanismes d’ordre pénal tel que la Loi de Talion. La victime pouvait aussi obtenir une réparation via une amende qu’on appelait une composition légale qui avait à la fois une finalité répressive et une finalité d’indemnisation. Le droit romain a donc pour la 1ère fois distingué entre l’indemnisation civile et la répression pénale. Mais cette évolution qui est majeure était encore imparfaite car tout comme en matière pénale, l’indemnisation supposait de rentrer dans une liste de délits spéciaux préétablie par le magistrat rendant la justice à Rome qu’on appelait le préteur. Cette liste a été révisée tous les ans par le préteur. Dans cette liste on trouvait un certain nombre d’atteintes aux personnes et également aux biens. Le droit romain liait le fond de droit (la responsabilité) aux actions ouvertes aux victimes. On ne pouvait engager la responsabilité qu’au moment où on se voyait reconnaître un droit en justice par une liste de préteur. ll n’y avait pas la notion de clause de responsabilité civile.

    Progressivement, l’idée de principe général de RC, de réparer tout dommage causé à autrui s’est inscrite dans l’évolution du droit. D’abord, le droit romain lui-même a évolué. La liste n’a cessé d’augmenter et parfois les termes employés étaient tellement vagues que cela devenait clause générale. Il faut se référer à une loi très importante, la Loi Aquilia du nom du tribun romain Aquilus. Cette loi a marqué un progrès majeur au 5° siècle après JC. Il n’y a pas d’abandon de délits spéciaux, mais pour la 1ère fois, on a la réflexion d’ordre général sur la notion de dommage. Quel type de dommage donne droit à une réparation par exemple. À partir de cette loi, on perçoit la théorisation de mouvement général de définitions et de trilogie.

    Après le droit romain, on a l’époque du droit franc. La loi salique marque un grand retour

Le droit canonique est aussi important. Grotius (doit naturel). Dans le traité, on trouve un certain nombre de points qui concernent la responsabilité. Notamment, l’apparition de l’idée selon laquelle il est dans la nature de l’homme d’assumer les conséquences de ses actes et notamment de réparer le dommage qu’on a causé à autrui.

Si on continue, on arrive à Domat à la période pré révolutionnaire qui a systématisé le principe d’une responsabilité pour faute. Domat fait de la faute l’alpha et méga de la responsabilité. Quand un animal crée des dommages, c’est nécessairement que le propriétaire était en faute car pas bien surveillé.

On arrive à Pothier. Il distingue pour la 1ère fois les délits (les faits intentionnels) et les quasi délits (les faits involontaires de l’homme).

 Quand on additionne tous ces travaux, on trouve l’article 1382 parce que la responsabilité est liée à la faute. On y trouve également un caractère universel de cette responsabilité (tout fait quelconque).

Dans cette construction, on trouve également le caractère individuel de la responsabilité. Droit naturel renvoie à l’homme, à l’individu. La responsabilité apparaît comme un principe universel, moral et individuel. Cette conception avant qu’elle est reçue par le Code civil, est dans les décennies suivantes, elle a persisté de manière inflexible. 

 Le 19° post napoléon est marqué par l’importance du fondement de la faute, l’irrédentisme de la faute. Les écoles importantes comme les écoles exégétiques ont passé le temps à justifier la responsabilité pour faute.

Planiol est revenu sur la distinction entre délit et quasi délit dans son traité de droit civil en montrant qu’il y a une unité liée à la faute et qu’entre les deux il y avait plus une différence de degré que de nature. Ceci explique pourquoi la faute délictuelle, article 1240 nouveau du code civil, et la faute quasi délictuelle, article 1301, cette distinction n’a que très peu de conséquence même si elle est consacrée dans les textes.

  1. L’époque contemporaine du droit de la responsabilité

   Notre responsabilité telle qu’elle est accouchée dans le code civil est fondée sur la faute. Dès 1804, on observe qu’il existe d’autres textes qui envisagent la responsabilité du fait des choses ou du fait d’autrui. On trouve également l’article 1385 qui envisage la responsabilité du fait des animaux ou encore l’article 1386 relatif à la responsabilité du fait des bâtiments. Pourquoi ajouter  à la responsabilité pour faute ces dispositions ? Les tenants de la faute et spécialement l’école exégétique n’y voit aucune difficulté, aucune rupture logique parce qu’elle considère que la responsabilité du fait d’autrui, du fait des choses, etc sont des applications particulières du principe général de l’article 1382. La faute serait en quelque sorte présumée, faute d’entretien d’un bâtiment, faute de surveillance d’un animal, faut dans le choix des employés, etc. La seule concession est que la victime va bénéficier de présomption de faute dans ces cas particuliers. La victime n’a rien à prouver, la faute est présumée. Ce raisonnement en réalité est artificiel, parce que dès le 19°, dès après le Code civil, sont apparues les hypothèses dans lesquelles le responsable ne pouvait pas s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’avait pas commis de faute. Ainsi, un employeur ne pouvait pas à l’époque s’exonérer de sa responsabilité en démontrant parfaitement que son employé a commis une faute.

    Dès 1804, le simple fait d’ajouter aux articles 1382 et 83 des dispositions pas seulement rattachables à la faut montre que l’édifice de la faute commençait déjà à se fissurer.

Pourquoi on ajoute des dispositions supplémentaires ? Dès 1804, le législateur était conscient que dans certains cas, il fallait améliorer le sort de victime non seulement par une présomption de faute mais aussi par des hypothèses de responsabilité objective, c’est à dire de responsabilité d’imputer une dette d’indemnisation au responsabilité sur la foi de circonstances matérielles ou juridiques extérieures ou distinctes de la faute. En 1804, on s’aperçoit que les bâtiments s’effondrant étaient des circonstances réelles de dommage causé à autrui mais sans que le propriétaire était réellement fautif. Ces quelque cas bien que marginaux n’étaient pas la mesure de la jurisprudence future.

    À la fin du 19° et au début du 20°, on connaît la révolution industrielle. Sont apparus des dommages, des sinistres en nombre considérable qui ne pouvaient pas toujours être rattachés à une faute. Tout cela appelait de nouveaux besoins d’indemnisation, on sentait que la théorie de la faute ne suffisait plus. La jurisprudence a été confrontée à des besoins d’indemnisation et ne possédait que les outils  du code civil. Mais la doctrine, la théorie du risque, poussait déjà à réviser les textes et à sortir de ce poids de la faute. Un texte est spécialement réinterprété, c’est l’ancien article 1384 alinéa 1er lorsqu’il aborde la responsabilité du fait des choses. « on est responsable non seulement de la faute… »  Ce texte a servi pour dégager le principe qu’une responsabilité générale du fait des choses que l’on a sous sa garde. Au départ, ce texte était censé annoncer les choses visées dans les articles suivants, par exemple les bâtiments, les animaux. La Cour de cassation a complètement repris ce texte et a considéré qu’il fallait dissocier ce texte des autres, ce texte est devenu le socle de responsabilité générale sans faute du fait des choses. Il y a eu une affaire célèbre, c’est l’affaire Teffaine du 16 juin 1896. On avait un accident qui avait blessé un ouvrier à la suite de l’exposant de la chaudière. Dans cette affaire, la victime demandait la réparation sans pouvoir démontrer la faute du propriétaire et de l’employeur. Pour la 1ère fois, la Cour de cassation a considéré que l’article 1384 al.1 pouvait être invoqué dans ce type de circonstance en rendant le propriétaire du navire responsable du dommage causé  par l’explosion alors même qu’il n’avait causé aucune faute. La Cour de cassation  a repris l’article 1384 al.1 en y trouvant la base d’un principe de la responsabilité sans faute. Cela a totalement modifié la philosophie de la responsabilité qui a basculé d’une responsabilité moraliste à une responsabilité indemnitaire. La méthode d’interprétation de cet article a ensuite été très largement étendue au cours du 20ème par exemple à propos des accidents de transport ou des accidents de véhicules automobiles.

 

Qu’est ce qu’on peut tirer de cette évolution ? 

  • 1er enseignement: La responsabilité concrétise de plus en plus un besoin d’indemnisation. La fonction répressive de la faute s’estompe, et on bascule donc vers l’analyse du sort des victimes qui est progressivement privilégié. Ce phénomène d’indemnisation accru, l’idéologie de la réparation, n’a cessé de développer au cours du 20° et au 21°. On se rend compte que bien souvent, l’identification d’un responsable n’est pas fait par les tribunaux pour le stigmatiser mais tout simplement pour le désigner comme le débiteur d’indemniser et ce d’autant plus facilement que ce responsable est très fréquemment assuré pour sa responsabilité. L’idée de cette indemnisation est de canaliser la responsabilité vers une personne qui est apte à s’assurer et qui sera donc solvable. On est très loin de la répression d’un comportement fautif. Dans certaines hypothèses, le législateur lui même officialise ce que les tribunaux ne peuvent écrire. Dans certains cas, le législateur lui-même a désigné le responsable comme étant celui qui est apte à s’assurer. Ainsi, dans les accidents automobiles, tout le système naît de la loi Badinter du 5 juillet 1985 a pour but de permettre à la victime d’accéder dans de bonnes conditions à l’assurance du véhicule appliqué. Cette logique n’aurait pas été possible si derrière le responsable il y avait le phénomène de socialisation des risques grâce à l’assurance privée et à des fonds de solidarité publique.
  • 2ème enseignement: L’arrêt Teffaine a ouvert la voie à un phénomène d’éclatement du droit de responsabilité. Le 9 avril 1898, une loi apparaît et fait sortir les accidents du travail du droit commun des articles 1382 et suiv. À partir de cette date, sauf à l’exceptionnel, la responsabilité civile telle qu’on la connaît sort du jeu et est remplacée par un régime particulier. Vont apparaître tout une série de régime spécial d’indemnisation. La loi du 5 juillet 1985 (loi Badinter). La loi du 19 mai 1998 a instauré à la suite d’une directive européenne un régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux alors qu’il figure dans le Code civil au sein d’une section spéciale, article 1245 et suiv du code civil.

La loi du 4 mars 2002 Kouchner réforme l’indemnisation des accidents médicaux. On pourrait multiplier les exemples, indemnisation des victimes de l’amiante, indemnisation des victimes d’acte de terrorisme et d’autres infractions. Le fond médiator pour l’indemnisation des victimes de ce produit de santé utilisé au-delà de son champ thérapeutique causant des insuffisances cardiaques. Ce mouvement de morcellement a un lien avec le mouvement d’idéologie.

Quand on fait le bilan de tous ces textes, on ne peut qu’être insatisfait. Plus on accroît le nombre de régimes spéciaux, plus on crée des risques d’inégalité entre victimes. On est dans un système où les victimes qui ne choisissent pas leurs conditions seront indemnisées différemment ou selon qu’elles ressortent du droit commun. On peut aller plus loin, dans un hôpital public et un hôpital privé, le montant d’indemnisation peut être différent.

  • 3ème enseignement: Dès 1896, on s’est rendu compte que le droit de la responsabilité était en permanence le fruit d’un dialogue entre ses sources principales, en l’occurrence la jurisprudence et la loi. Réaction en 1898. Exemple, les accidents de la route. Avant la loi du 5 juillet 1985, on fait l’objet d’un arrêt du 21 juillet 1982, arrêt Desmares. La Cour de cassation a changé sa jurisprudence la plus acquise en considérant une faute commise par une victime ne pouvait plus exonérer partiellement le responsable du fait de la chose qu’il avait sous sa garde. Dans cette affaire, la Cour de cassation a considéré que le sort des victimes devait être revu. La loi du 5 juillet 1985 a pris acte de ce besoin d’indemnisation de victimes piétonnes, elle a amélioré leur sort. Une fois la loi votée, la Cour de cassation est revenue à sa jurisprudence antérieure et a de nouveau déclaré la faute de la victime opposable au responsable.

La loi Kouchner est aussi un dispositif anti perruche. Finalement, on retrouve un droit casuiste, on est face à un droit prétorien et un droit qui se détache de la faute, un droit qui s’objectivise. On retrouve un mouvement moderne.

 

  1. La prospective

   Quelles évolutions peut-on encore attendre du droit de la responsabilité civile ? Va-t-on ou pas réformer notre droit de la responsabilité ? Va-t-on changer les choses sur le fond ? Est ce que la réforme de l’ordonnance du 10 février va connaître son équivalent sur le plan de la responsabilité extracontractuelle ? La logique de la réforme s’impose. C’est nécessaire pour différentes raisons. D’abord, parce que l’ordonnance a développé les règles d’inexécution du contrat mais n’a pas abordé le concept de responsabilité contractuelle, qu’il appartiendra donc à la réforme à venir de développer et notamment en situant cette responsabilité contractuelle face à face des règles de la responsabilité extracontractuelle.

 

   Par ailleurs, certains concepts utilisés dans l’ordonnance tels que la force majeure, la cause étrangère ont nécessairement un équivalent en matière délictuelle. La force majeure s’applique aussi à un accident sans aucun rapport entre l’auteur et la victime. On pourrait multiplier les exemples. La réforme s’impose d’autant plus qu’on a des textes, des projets. Le plus connu est le projet Catala de septembre 2005. On dispose aussi d’un autre projet, le projet Terré. On dispose encore d’une proposition d’une loi sénatoriale du 9 juillet 2010. Surtout, on dispose de l’avant-projet de réforme de la responsabilité civile qui a été rendu public le 29 mars 2016 pour être soumis à consultation publique. On espère que cet avant-projet se transformera en un projet. Il faut qu’il soit déposé avant la fin avril.

  • Les finalités de la responsabilité

La réflexion est portée sur la fonction d’indemnisation de la responsabilité civile. Certains courants doctrinaux estiment que le droit français de la responsabilité est beaucoup trop généreux, qu’on indemnise trop les victimes et qu’il faudrait peut-être hiérarchiser les intérêts des victimes. En d’autres termes il faudrait mieux indemniser des intérêts mieux protégés que d’autres, par exemple les dommages corporels doivent être les mieux indemnisés possibles, à côté de ça les dommages éco et matériels ne mériteraient une aussi forte indemnisation car ils sont moins essentiels que les intérêts du corps humain, c’est un peu l’esprit du projet Terré mais pas celui de la chancellerie qui lui applique des règles distinctes aux corporels et autres dommages mais sans esprit de hiérarchie ;

En revanche tous les projets se  retrouvent sur sa fonctionnalité sanctionnatrice, il faut se servir des dommages et intérêts parfois pour punir des auteurs de comportement particulièrement graves, il faut aller au-delà de la simple compensation des préjudices subis par les victimes. Pour arriver à cela il y a plusieurs façons :

  • A l’américaine ou anglaise : l’introduction des dommages et intérêts punitifs : l’auteur d’un dommage grave pourra être condamné à verser à la victime des dommages et intérêts supplémentaires en guise de répression
  • Les dommages et intérêts restitutoires: c’est imposer à un responsable fautif de restituer à la victime les avantages économiques qu’il a retiré de son comportement
  • Le mécanisme de l’amende civile : il ne s’agit plus de verser des dommages et intérêts supplémentaires à la victime mais de prononcer une amende civile, avec un montant maximum, cette amende civile ira dans les caisses d’un fond de garantie voire directement à l’état. Cette solution a été adoptée par l’avant-projet du 29 avril

 

Il y  a une autre fonction qui est apparue ces dernières années, c’est la fonction préventive de la responsabilité civile qui n’interviendrait plus seulement après le dommage pour réparer et sanctionner mais en amont, c’est à dire avant que le dommage ne soit constitué, on pourrait donc se servir de la responsabilité civile pour prévenir et empêcher des comportements potentiellement dangereux, on  obligerait le responsable potentiel à agir afin d’éviter que ces risques ne se transforment en dommage. Cela renvoie notamment à ce principe de précaution qui a été consacré en droit de l’environnement que l’on trouve dans l’art L110-1 du code de l’environnement. Cet article  affirme que les espace naturels et font partie du patrimoine de la nation, ce texte inspire les politiques publiques car il prévoit que les décideurs édictent des principes tel que le principe de précaution, il imposerait d’agir afin de parer à la survenance d’un risque qui est encore incertain (évite que des produits ne créent  des dommages environnementaux irréversibles)  Ce principe a valeur constitutionnelle.

Le principe de précaution guide donc les politiques publiques, il pourrait être invoqué à l’appui de recours contre des textes qui ne respecteraient pas un tel principe. Mais est  ce qu’on peut traduire ce principe en termes de responsabilité civile ?  Est ce qu’on peut engager une responsabilité civile alors qu’aucun dommage n’est causé ? C’est toute la problématique de la responsabilité pour risque, ici on ne peut pas indemniser car il n’y a pas de victime mais on se demande si d’autres mesures peuvent être imposées à celui qui provoque ce risque. Une loi de 2008 relative à la responsabilité environnementale impose à l’exploitant d’une activité potentiellement dangereuse (polluante) en cas de menace imminente d’un dommage de prendre toutes les mesures et à ses frais pour empêcher la survenance de la pollution. Cette loi est avant tout une loi de police administrative, pas les victimes potentielles, ce n’est pas une loi de responsabilité civile au sens stricte. Certaines décision de la cour de cassation semblent parfois admettre ces obligations inter individuelles de prévention, précaution dans des circonstances déterminées, c’est toute le problème par exemple des antennes relais, c’est aussi le cas des sondes cardiaques qui sont potentiellement défectueuses, on a pu en jurisprudence imposer à celui qui les avait implanté de supporter le cout de leur retrait à titre de précaution.

L’avant- projet de la chancellerie dans son  article 1237 se limite à déclarer réparable les dépenses permettant de prévenir la réalisation imminente d’un dommage si elles ont été raisonnablement engagées par la victime potentielle, ce qui supposera une appréciation judiciaire

 

  • Le morcellement de la responsabilité

Il y a du droit spécial partout, est ce qu’on ne peut pas revenir à un droit commun de la responsabilité ? Pas tout à fait on peut encore relever certaines timidités des projets notamment pour le projet Catala et le projet de la chancellerie.  La principale mesure  est de réintégrer dans le code civil la loi de 2005 Badinter.

Le plus audacieux dans le domaine est le projet Terré, lui revient à une série de délits spéciaux, un ensemble de circonstances qui ouvrent droit à l’indemnisation, mais que se passe-t-il quand on ne rentre pas dans ces circonstances ? La limite est ici, certaines victimes ne seraient alors jamais indemnisées.

Il  y a quand même une chose positive, tous les projets s’accordent pour remettre de l’ordre dans le droit commun, par exemple la responsabilité du fait d’autrui, elle est devenue aujourd’hui très désorganisée, les avant projets essayent de  réunifier tout cela

 

  • Les sources de l’avenir de notre responsabilité

Notre droit de la responsabilité est marqué par l’influence européenne et le sera probablement de plus en plus. On peut déjà observer le poids croissant des directives européennes, il y a un exemple très célèbre qui est la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux, cette directive a été transposée en droit français mais par une loi du 19 mai 1998 soit 13 ans après. Cette transposition a été complexe car derrière cette transposition il y avait des enjeux éco majeurs qui étaient l’étendue de la responsabilité des industriels du fait des produits qu’ils mettent sur le marché.

Cela va donner lieu aux arts 1245 et suivants du Code Civil

Durant ces 13 années la jurisprudence a dû interpréter le droit interne à la lumière  de la directive en voie de transposition, c’est un principe européen

Exemple : l’obligation de sécurité en matière de transport, elle est née parce qu’elle figure dans la directive.

Même transposée cette directive a été couteuse pour l’état français qui a été condamné par la CJCE pour transposition inexacte de la directive (arrêt du 25 avril 2002)

On ne peut plus faire actuellement de droit de la responsabilité dans prendre en compte le droit européen. Quand on parle de droit européen on pense aussi à la convention européenne des droits de l’homme, le droit de la responsabilité n’échappe pas à cette emprise des droits de l’homme, il y aura des exemples de plus en plus fréquents de la cour européenne, comme par exemple droit pour les victimes du VIH d’être indemnisées rapidement

Autre exemple : l’Affaire Perruche, la loi du 4 mars 2002 a voulu mettre  fin au droit à l’indemnisation fixé par la Cour de Cassation. Cette loi a été soumise à l’appréciation de la Cour européenne des droits de l’homme qui a refusé que la loi soit applicable aux instances  en cours au nom du principe de respect des biens.

Est-ce qu’on peut créer un droit européen de la responsabilité, unifié ? Des recherches sont faites en ce sens, le groupe EGTL (european group of tort law) et le groupe de Vienne mais ce sont des affaires encore doctrinales.

 

B- Les responsabilités 

L’idée est placer ici la responsabilité extra contractuelle et parfois contractuelle parmi les autres types de responsabilités qui existent en droit français 

  • La place de la responsabilité civile parmi les autres responsabilités
  • Responsabilité civile et responsabilité pénale

La différenciation entre les deux responsabilités est acquise depuis longtemps. On sait  que la finalité de ces deux responsabilités n’est pas la même.

La responsabilité civile a avant tout une fonction indemnitaire, elle vise les intérêts privés alors que la responsabilité pénale a une fonction répressive, sanctionnatrice qui protège l’intérêt générale.

Néanmoins il y a des passerelles entre les deux, dans certains cas la responsabilité pénale peut aussi prendre en charge des intérêts civils et la responsabilité civile peut aussi parfois intégrer des considérations répressives

  • En quoi la responsabilité pénale peut-elle intégrer des préoccupations d’ordre civil ?

Il  y a de multiples circonstances dans lesquelles une infraction pénale touche des intérêts particuliers

Ex : quand un excès de vitesse blesse des personnes

Ceci explique que les poursuites d’ordre pénal ne sont pas toujours le monopole du parquet, il est possible pour les victimes de se porter partie civile. Bien souvent la victime a un choix pour se faire indemniser entre la voie civil  (indemnisation)  et la voie pénale (demander son indemnisation à l’occasion d’une poursuite pénale)

  • Pourquoi choisir d’aller vers tel ou tel juge ? Quand on est dans la voie pénale on va bénéficier d’une instruction gratuite, c’est-à-dire que ce sont les juridictions d’instruction qui vont aider la victime à démontrer telle ou telle circonstance en sa faveur. En matière pénale les expertises sont gratuites. Mais il n’y a pas que des avantages avec la voie pénale parce que le juge pénal quand il se prononce sur l’existence d’une faute pénale doit aussi pour pouvoir indemniser relever en principe le pendant civil de la faute pénale, c’est à dire un délit ou quasi-délit. En d’autres termes le juge pénal ne peut pas utiliser d’autres règles de responsabilité civile sans faute telle que la responsabilité du fait des choses. Par ailleurs le juge pénal en principe ne connait pas de la responsabilité contractuelle, c’est une auto limitation qui date de plusieurs siècles. Il y a quand même des exceptions notamment l’art 470 du code de procédure pénale qui dispose que la relaxe par le juge répressif du chef d’une infraction non intentionnelle ne lui interdit pas d’indemniser la victime en application des règles du droit civil. La jurisprudence considère que les règles de droits civil vont permettre au juge répressif de  statuer sur le fondement d’une responsabilité sans faute ou  encore sur la base de la responsabilité contractuelle

La jurisprudence pousse ça très loin car elle l’applique pour les régimes spéciaux de responsabilité comme la loi Badinter, elle l’applique aussi en cas de condamnation.

 

  • Dans d’autres aspects la supériorité de la voie pénale s’affirme, il y a un principe essentiel qui est l’autorité de la chose jugée au pénal sur la chose jugée au civil : cela veut dire qu’un juge civil doit considérer comme exacte toutes les énonciations que le juge pénal aura retenu au soutient de sa décision. Un juge civil ne pourra alors pas nier l’existence d’un fait délictueux (excès de vitesse) de même qu’il ne pourra pas contester le caractère volontaire ou involontaire de l’infraction, il pourra seulement distinguer la faute lourde de la faute intentionnelle. Ce principe s’émiette et connait des dérogations de plus en plus importantes, lorsque le juge pénal écarte une responsabilité pour faute, rien n’interdira au juge civil d’indemniser la victime non pas sur la base d’une faute mais sur le fondement d’une autre responsabilité comme la responsabilité du fait des choses (responsabilité sans faute)

Plus récemment depuis une loi Fauchon du 10 juillet 2000 a été inscrit dans le code de procédure pénale  un nouvel art, l’art 4-1 , il  donne un nouveau souffle à la responsabilité civile au regarde de son homologue pénal. Ce texte a eu pour but de rompre avec un principe ancien qui est le principe d’identité des fautes civiles et pénales d’imprudence : cela voulait dire que lorsqu’aucune faute pénale d’imprudence n’était retenue par le juge répressif, aucune faute civile ne pouvait non plus être retenue. Résultat lorsque un juge pénal avait en face de lui un médecin dont il ne savait pas vraiment s’il avait commis une imprudence au sens pénal du terme, ce juge pénal avait tendance à retenir « des poussières de  fautes  pénales » selon Carbonnier, non pas pour sanctionner le praticien mais pour permettre ensuite de retenir une faute civile d’imprudence ouvrant droit à l’indemnisation de la victime.

Désormais avec l’art 4 il est  possible de retenir une faute civile d’imprudence même si aucune faute pénale de la même nature n’a été retenue par le juge répressif. L’art 4-1 n’a pas totalement rompu ce  principe d’unité des fautes civiles et pénales d’imprudence, il y a un cas ou le juge pénal a retenu la faute pénale, dans ce cas le juge civil ne pourra pas le retenir et devra lui aussi considérer que la faute est constituée sur le plan civil.

La cour de cassation a admis son application dans un arrêt de principe du 30 janvier 2001

 

  • Il y a des cas aussi où la responsabilité civile va au pénal : on en revient à la problématique de la fonction répressive que l’on pourrait trouver dans la responsabilité civile ou dans le droit civil en général, le droit civil peut assumer une fonction répressive, il existe en droit français une gamme de peines privées. (ex : quand on oublie un bien en matière de déclaration d’un patrimoine). Est-ce qu’on peut transposer cette pratique de peine privée en responsabilité ? oui et non. Le juge le fait souvent mais sans le dire car il serait fracassé par la cour de cassation. Quand on a une faute très grave, lourde, presque intentionnelle et qu’il y a des atteintes corporelles, très naturellement le juge pourra avoir tendance à majorer le montant des dommages et intérêts en considération de la gravité de la faute commise alors qu’en principe cela ne devrait pas rentrer en ligne de compte, dans certains cas le juge aura tendance à majorer les montant des dommages et intérêts sans le dire

A terme les différents projets prévoient le prononcé d’amendes civiles, c’est l’article 1266 du projet de réforme

  • Responsabilité civile et responsabilité administrative

Quand on parle de responsabilité administrative on envisage la responsabilité des agents publics lors de la défaillance des missions de service publique qu’ils assument. Il a fallu attendre un arrêt du tribunal des conflits de 1873 pour que l’on admettre la responsabilité administrative.

Lorsqu’on est face à ce type de responsabilité, la victime dispose d’un recours de plein contentieux devant le juge administratif, ce recours se prescrit par quatre ans. Dans ce type de resp, le principe est que l’agent public bénéficie d’une immunité, il ne peut pas être poursuivit personnellement, c’est le service public qui répond de ses défaillances, ce principe est de plus en plus contesté, de plus il y a des hypothèses où on peut aller chercher l’homme derrière le service public :

  • Quand le dommage résulte d’une faute intentionnelle de l’agent qui est détachable du service public
  • Quand on est face à une faute détachable du service public mais non dépourvue de tout lien avec celui lui: ce sont des fautes graves, lourdes mais pas intentionnelles. Exemple ; un médecin refuse de se déplacer pour aller voir son patient car il estime que son état ne le nécessite pas, c’est détachable mais reste en lien avec le service public. Dans ce cas la victime en matière médicale a la possibilité soit d’agir devant le juge judicaire contre l’agent public soit la possibilité de poursuivre le service public comme l’hôpital devant le juge administratif sachant que s’il y a condamnation l’hôpital peut se retourner contre son 

Cela montre bien que la responsabilité civile peut parfois être engagée même au titre de l’exécution d’un service public. On peut se demande à l’heure actuelle pourquoi deux ordres de juridiction (judiciaire et administratif) continuent de traiter de questions qui souvent sont identiques ? Une personne victime  d’un accident chirurgicale demandera réparation devant le juge judiciaire ou administratif selon que l’accident a eu lieu en clinique privée ou en hôpital public, et  pourtant la nature des dommages est identique. Cela pose un vrai problème, mieux vaut pour une victime avoir un problème dans le domaine privé qu’en public, car le juge administratif est beaucoup moins généreux que le juge judiciaire.

Dans certains cas la loi a créé des blocs de compétence, c’est-à-dire qu’elle a donné une compétence unique à l’un ou l’autre pour tous les dommages quel que soit leur régime

Une loi du 31 décembre 1957 a confié au juge judiciaire une compétence pour tous les accidents de la circulation que ce soit un accident privé ou public

 

  • La place de la responsabilité civile extra contractuelle au regard des engagements contractuels
  • La responsabilité extra contractuelle et la responsabilité contractuelle

L’ordonnance du 10 février 2016 a remis en ordre les règles applicables à l’inexécution du contrat. Il y  a maintenant une section 5 consacré à l’inexécution du contrat, on trouve toutes les mesures dont va pouvoir disposer un créancier insatisfait dont la réparation du préjudice résultant de l’inexécution d’un contrat qui figure aux articles 1231 et suivants. Dans cette sous-section on trouve le régime des dommages et intérêts que peut exiger un créancier insatisfait, les textes rappellent la nécessité d’une mise en demeure préalable du débiteur, distingue les dommages et intérêts moratoires et compensatoires, il évoque aussi le régime des clauses pénales. On  a un certain nombre de règles mais qui concernent cette réparation du préjudice qui résulte de l’inexécution du contrat, est ce que ces dispositions consacrent une responsabilité contractuelle qui serait le pendant d’une responsabilité extra contractuelle

Comme en matière extra contractuelle, il faut ces trois éléments que sont le fait générateur le lien de causalité et le dommage pour engager cette responsabilité contractuelle. L’ordonnance s’est bien gardée de parler de responsabilité contractuelle, elle parle ici d’inexécution du contrat. On peut se demander pourquoi les rédacteurs n’ont pas admis cette responsabilité contractuelle. Pourtant il y a des textes en dehors du code civil qui évoquent la responsabilité contractuelle (ex : article L224-3 du code de la conso qui évoque la responsabilité contractuelle d’un fournisseur d’énergie). De plus à l’article 1217 de l’ordonnance, celui-ci se termine par «  les sanctions qui ne sont compatibles peuvent être cumulées…. »

Enfin quand on  regarde l’exposé des motifs de l’ordonnance, il se prononce en faveur de l’existence d’une responsabilité contractuelle. On n’a pas assez d’éléments à ce jour pour écarter le courant doctrinal qui consiste à dire que la responsabilité contractuelle n’existe pas, qu’en réalité ces dommages et intérêts ne  sont pas le signe d’une responsabilité mais une variété d’exécution du contrat qui n’a pas lieu en nature mais en équivalent sous forme monétaire, dans cette conception moniste, toute la sous-section serait une façon pour le créancier d’obtenir  le paiement de sa créance mais d’une façon parmi d’autres

Quand on regarde l’avant-projet, la responsabilité contractuelle existe, une section 3 est relative à la responsabilité contractuelle, il y aurait donc une dualité. On retrouve dans cette section un article  1250 qui fait presque écho à l’article 1240, c’est une clause générale de responsabilité contractuelle. Après ce principe non trouve deux petits textes, l’article 1251 qui cantonne la réparation du dommage au dommage prévisible lors de la formation du contrat et l’article 1252 qui rappelle qu’en matière de responsabilité contractuelle il faut une mise en demeure préalable du débiteur. Peut-on se satisfaire de ces arts ? On n’aura qu’un embryon de responsabilité contractuelle.

 

La question de la prescription  de l’action : jusqu’à la réforme de 2008 on différenciait la responsabilité contractuelle (par 30 ans) et délictuelle (se prescrivait par 10 ans). Désormais le principe est le même pour les deux responsables, il y a des cas pour lesquels l’action est beaucoup plus courte, par exemple en matière d’assurance.

 

Le juge pénal, sauf exception ne connait pas de la responsabilité contractuelle, de même un incapable peut être responsable extra contractuellement ou délictuellement mais pas contractuellement car par hypothèse le contrat qu’il a conclu est nul compte tenu de son incapacité

En matière contractuelle il est possible d’aménager l’étendue de sa responsabilité, qu’on appelle les clauses limitatives de responsabilité à condition que ces clauses respectent les arts 1170 et 1171 du code civil. En matière extra contractuelle cela n’est pas possible car on considère que la responsabilité extra-contractuelle est d’ordre public qui comporte notamment le principe de réparation intégrale auquel peut prétendre la victime

L’avant-projet est plus nuancé, il  ns dit qu’on ne peut pas aménager sa responsabilité extra contractuelle, mais ne l’applique qu’en cas de responsabilité pour faute, ce qui serait alors possible en cas de responsabilité du fait des choses

Qu’en est-il du droit actuel et de sa jurisprudence ? Clairement la cour de cassation est favorable à la dualité, il y a  de nombreux arrêts qui parlent de responsabilité contractuelle d’un débiteur (arrêt du 12 novembre 2014), cette responsabilité contractuelle va être utilisée pour sanctionner la méconnaissance d’obligation de moyen, de résultat ou d’information.

L’assemblée plénière de la Cour de Cassation a accrue l’emprise de la responsabilité extra contractuelle sur l’inexécution du contrat

« Le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage » arrêt du 6 octobre 2006 : un immeuble avait été donné à bail commercial, le locataire commerçant avait confié son font de commerce en gérance à une entreprise, elle se plaint d’un défaut d’entretien de l’immeuble et agit contre le propriétaire. Dans cette affaire la cour de cassation considère que les manquements du propriétaire peuvent être invoqués de la même façon par le cocontractant du proprio et aussi par le tiers locataire gérant. Le manquement contractuel vaut faute délictuelle à l’égard du tiers. Jusqu’à maintenant la chambre commerciale exigeait que la victime démontre une faute délictuelle indépendamment d’une faute contractuelle.

Depuis cette date la solution a été réitérée plusieurs fois, notamment dans un arrêt du 6 février 2014 : une entreprise assurée est victime d’un sinistre, ne peut plus payer ses dettes, attend de l’assureur qu’on rembourse le sinistre mais l’assureur traine.

L’effet pervers de cette solution est aussi en sens inverse, comme on est en matière de responsabilité délictuelle, tous les aménagements auxquels a pu souscrire le débiteur de son contrat ne sont pas opposables aux tiers victimes.

 

La Cour de Cassation a proposé de moduler dans son rapport annuel de 2006 la portée de l’arrêt de l’assemblée plénière en distinguant des obligations qui seraient uniquement invocables par le cocontractant (obligation de non concurrence) tandis que d’autres obligations contractuelles pourraient être invoquées par des tiers intéressées (locataire gérant) et enfin il y aurait des manquements contractuels que n’importe quel tiers pourrait  invoquer (obligation de sécurité). La cour de cassation elle-même est parfois un peu confuse, tantôt elle applique la position de l’assemblée plénière tantôt elle impose la vérification d’une faute quasi délictuelle ayant causé un dommage au tiers au contrat :

  • Arrêt de la 2ème chambre civile du 6 février 2014: dans cette affaire un assureur avait tardé à verser une indemnité d’assurance à la suite d’un sinistre à l’égard de l’entreprise assurée
  • Arrêt de la 3ème chambre du 22 octobre 2008 : à propose de la responsabilité d’un expert immobilier, la cour de cassation a demandé aux juges du fond de vérifier si le manquement contractuel constituait une faute délictuelle permettant au tiers d’agir

D’abord, on peut supprimer le problème, et c’est dans l’intérêt de la réforme, l’article 1234 dans l’avant-projet n’autorise l’action du tiers (contraire à la Cour de Cassation) qu’à la condition que ce tiers démontre en quoi l’inexécution du contrat était fautive à son égard en tant que faute non contractuelle.

La seconde façon d’éviter cette problématique est de considérer que certaines obligations contractuelles en réalité ne le sont pas même si elles sont conclues entre cocontractants. Là il faut distingue l’effet d’engagement d’un contrat et la situation contractuelle qui est créée y  compris entre cocontractants : ce n’est pas parceque on contracte avec un cocontractant t que tout ce qu’on a contracté nécessairement est contractuel, cela se vérifie avec l’obligation de sécurité en matière corporel, le fait de subir un accident corporel n’est pas lié à la qualité de contractant ou non contractant de la victime (si un objet explose cela peut aussi bien toucher le cocontractant qu’un passant) la qualité de contractant est donc indifférente à la réparation. C’est pourquoi certains proposent de sortir l’obligation de sécurité en matière corporelle du champ du contrat et de permettre l’indemnisation des dommages causés à l’occasion du contrat sur une base extracontractuelle qui sera donc commune à la victime contractante et à la victime non contractante

Qu’en est-il en pratique ?

On peut dire qu’il y a deux choses à distinguer :

  • En droit positif l’idée que la sécurité est extra contractuelle se propage : par ‘exemple la victime d’accident de la route aura les mêmes droits qu’elle soit tiers à l’accident ou qu’elle soit cocontractante du responsable par exemple vis-à-vis d’un conducteur de taxi. Pour les produits défectueux l’article 1245 donne les mêmes droits aux victimes qu’elles soient cocontractantes ou tiers par rapport à l’auteur du dommage. En matière médicale selon l’art L1142-1 du CSP les victimes quel que soit leur relation avec le médecin ont les mêmes droits à l’égard de l’établissement
  • L’article 1233al 2 le consacre dans l’avant-projet : « le dommage corporel sur le fondement d’un acte extracontractuel alors même qu’il serait causé à l’occasion de l’exécution du contrat »

 

  • Le non cumul ou la non option entre la responsabilité contractuelle et extra contractuelle

C’est une conséquence directe de la division de ces deux responsabilités. Cela veut dire qu’il faut écarter l’évidence : une victime ne peut prétendre cumuler les avantages de la responsabilité contractuelle et extra contractuelle dans une même action.

Plus précisément le principe de non cumul vise à priver la victime d’un autre choix : celui de choisir à sa guise une action en responsabilité contractuelle ou une action en responsabilité extra contractuelle. Lorsqu’on a une situation en responsabilité contractuelle, l’action contractuelle s’impose et inversement pour une situation non contractuelle

Rien n’interdit à une victime d’invoquer les deux fondements contractuel et extracontractuel au sein d’une même action, c’est une stratégie procédurale qui consiste  à développer un argument principal fondé par exemple sur la responsabilité contractuelle et un argument accessoire fondé sur le terrain extracontractuel, on les invoque hiérarchiquement  (arrêt 2006 Césaréo : impose dans une instance de concentrer les moyens)

L’avant-projet consacre ce principe de non cumul dans l’article 1233 al 1.

La jurisprudence de l’avant-projet de 2006 : elle est aussi critiquable car elle aboutit à cumuler les avantages des  deux responsabilités, on peut prévaloir en tant que tiers l’engagement contractuel  et en même temps on ne peut pas se voit imposer des clauses limitatives de responsabilité car on n’est pas cocontractant. On a une action extra contractuelle qui est bâtie avec des éléments avantageux en matière contractuelle et extra contractuelle

Il faut savoir si on est dans une situation contractuelle ou pas, il y a des conventions qui sont assez artificielles comme les conventions d’assistance tacite entre la victime d’un dommage et  celle qui lui porte secours.

La cour de cassation a admis des entorses au principe de non cumul, spécialement à l’égard des accidents de transport lorsque la victime de l’accident est décédée  et que ses proches entendent se faire indemniser en tant que victime par ricochet. Dans ce cas-là la cour de cassation dans certains cas a ouvert à ces victimes une option en considérant t qu’elles pouvaient soit se prévaloir des arts 1382 et suivant, soit agir sur le terrain contractuel en se prévalant d’une stipulation pour autrui tacite en leur faveur

Il  y a quelques décisions consacrant la stipulation pour autrui implicite : arrêt du 28 octobre 2003

 

Titre I – L’exigence invariable du dommage

Bien souvent, on parle aussi de préjudice, est- ce la même notion ou deux concepts différents ? D’un point de vue technique on peut distinguer dommage et préjudice :

  • Le dommage est le siège de l’atteinte subie par la victime
  • Les préjudices sont les conséquences que la loi tire de cette atteinte en terme de droit à réparation. Il faut non seulement vérifier l’existence d’un dommage mais aussi que ce dommage a créé des préjudices ouvrant droit à réparation

Exemple :

  • Un camion percute une maison qui s’effondre : il y a dommage puisqu’il y a une atteinte à un bien immobilier, le propriétaire va pouvoir revendiquer l’indemnisation, sauf qu’il était prévu que cette maison allait être démolie, il n’y a donc pas préjudice même s’il y a un dommage

 

  • Un patient n’a pas été informé d’un risque, ce risque survient, il y a un dommage sauf que le bénéfice global de l’opération même avec le risque qui ne lui a pas été signalé est largement supérieur à son état avant l’opération

 

En pratique on peut constater que cette distinction ne cesse d’être reçue en droit positif et même en droit prospectif. Ainsi en matière de dommage corporel la nomenclature  Dintilhac permet de viser une série de préjudice consécutifs à une atteinte corporelle et demande aux avocats de vérifier ces préjudices les uns après les autres, certains seront indemnisables d’autres pas

Dans le projet chancellerie on a une définition  du dommage et une classification selon les préjudices corporels, matériels, environnementales etc, l’avant-projet lui aussi distingue dommage et préjudice

Si on en revient au droit positif on s’aperçoit que d’autres lois distinguent dommage et préjudice comme l’art 2226

Cette distinction n’est pas universelle. Quand on a les préjudices économiques purs, il est presque impossible de distinguer le dommage du préjudice

A partir de là on va assimiler dommage et préjudice car la distinction n’est pas systématique

 

Chapitre I – Le dommage réparable

Section I – Les conditions requises du dommage réparable

24 novembre 1942, la cour de cassation exige du dommage qu’il soit « actuel direct et certain ». Cette trilogie est reprise par certains auteurs.

  • Cependant, dire qu’un dommage est actuel n’apporte pas grand-chose car la jurisprudence répare de la même façon les conséquences immédiates et à terme d’un dommage, ce qui est important c’est que les conséquences immédiates et futures soient certaines.
  • Dans la définition de 1942 on trouve aussi le caractère direct du dommage, on l’écarte aussi, c’est un avant tout un problème de lien de causalité entre le fait générateur et le dommage dont on prétend réparation

 

  • 1 – Condition de certitude

C’est la première condition requise d’un dommage pour qu’il soit réparable. Dire qu’on repart un dommage veut dire qu’on écarte la réparation d’un dommage ou préjudice dès lors qu’il est jugé impalpable, cela renvoie à deux sous hypothèse : 

  • Dommage certain et risque de dommage

Il n’y a pas de responsabilité civile sans victime d’un dommage, en ce sens la responsabilité civile se distingue de la responsabilité précontractuelle. Il pourrait non seulement y avoir une responsabilité rétrospective qui vient réparer un dommage causé mais une responsabilité prospective appelée par Thivierge la responsabilité pour l’avenir. On pourrait donc faire jouer à la responsabilité civile un rôle préventif et non seulement indemnitaire

Est arrivé par la suite le principe de précaution qui obligé à prendre un certain nombre de mesure pour éviter un simple risque de dommage

La responsabilité pour risque questionne à la fois le dommage et le fait générateur

On n’est pas dans une logique classique d’indemnisation, on est dans une logique d’allocation de dommage et intérêts avant même l’existence du dommage qui ont pour but de sanctionner un comportement qui n’est pas conforme

Est-ce qu’on trouve dans la jurisprudence des traces de cette resp préventive sans dommage ? on a quelques cas

  • Un voisin demandait des mesures d’éloignement de paille pour éviter le risque d’incendie, il n’y avait pas de dommage, et par un arrêt du 24 février 2005 la cour de cassation a considéré que ce voisinage de la paille qui était à moins de dix mètres de la frontière entre les deux terrains que ce stockage de la paille faisait planer une menace d’incendie et ordonne une mesure de cessation du trouble c’est-à-dire l’éloignement de la paille et l’indemnisation du voisin.

Quand on regarde de plus près cet arrêt les choses sont plus compliquées, l’évacuation d’autres déchets avait aussi été demandé, la Cour de Cassation avait évoqué la gêne esthétique qu’entrainait cette accumulation, là on est dans la réparation d’un dommage car la gêne est présente.

La Cour de cassation a admis l’indemnisation des mesures destinées à éviter l’éboulement d’une falaise sur le terrain de la victime potentielle , cette victime avait décidé de faire une parade confortative, elle a demandé ensuite réparation du dommage certain qui a été pour elle le cout économique de cette stabilisation de la falaise, là encore l’avant-projet article  1237 autorise dans ce type de circonstance l’indemnisation des dépenses raisonnablement engagées

Sous l’angle du préjudice d’angoisse ou d’anxiété : le risque qui pèse sur un patrimoine ou une personne peut très bien créer chez cette personne un sentiment d’angoisse et ce sentiment est indemnisable aux yeux de la cour de cassation dans un certain nbe  de circonstances et de plus en plus nombreuses.

Exemple :

  • Affaire des sondes cardiaques défectueuses : la cour de cassation a admis que la victime puisse obtenir la réparation de l’anxiété que lui a causée ce risque de défaillance de la sonde cardiaque, cependant la cour de cassation a refusé d’indemniser le patient pour les frais de réparation arrêt du 19 décembre 2006, cour d’appel de Paris 12 septembre 2008

 

  • Téléphonie mobile. 4 février 2009, cour d’appel de Versailles: la cour a reconnu le droit à indemnisation du voisin de celui qui était proche de l’antenne litigieuse et a été réparé le préjudice moral née de l’angoisse créée chez le voisin et ordonné le retrait de l’antenne. Cette affaire a fait grand bruit car l’angoisse a couté à l’exploitant 7000 euros. Ce n’est pas de la responsabilité ici, c’est un trouble anormal de  voisinage qui a été sanctionné. Il semble qu’au minimum l’angoisse ne pourrait être sanctionnée qu’à la condition d’être extériorisée par des symptômes pathologiques qui justifierait l’indemnisation (arrêt de la cour d’appel de BASTIA 21 juillet 2010)

 

Le TC a considéré que le juge judiciaire n’avait pas de compétence pour ordonner le démantèlement de l’antenne, cela relève du juge administratif

La cour de cassation est intervenue dans ce domaine dans un arrêt du 18 mai 2011, la cour de cassation considère qu’il n’y a pas de lien de causalité suffisant entre fait  générateur et préjudice, elle a donc écarté l’indemnisation

 

 

  • Dommage certain et perte de chance

C’est le point de savoir si le fait d’avoir perdu une chance de se trouver dans une situation plus favorable qu’elle ne l’est effectivement peut être qualifié de dommageable ?

  • Si un accident ns empêche de composer à un examen prestigieux est indemnisable sachant que le succès n’était pas garantie ?
  • Est-ce que le même accident empêchant ce cheval d’arriver sur un champ de course va pouvoir donner lieu à l’indemnisation d’une perte de chance de son propriétaire de concourir ?
  • Est-ce que un parieur peut demander l’indemnisation de perte de chance de gain consécutive à la faute commise par un jockey durant la course ?
  • Est-ce que un patient victime d’une erreur opératoire peut se prévaloir d’une perte de chance de guérison ?
  • Est-ce que un patient privé d’un choix dans sa décision parce qu’il n’a pas été correctement infirmée des risques d’un traitement peut revendiquer une perte de chance d’accomplir un choix éclairé quant au traitement réalisé
  • Est-ce qu’un avocat qui a tardé pour exercer une voie de recours peut être condamné pour perte de chance de gagner le procès engagé pas son client

Depuis longtemps la jurisprudence accepte la réparation de la perte de chance, car en réalité ce n’est pas la réparation de l’éventualité qui est demandée, ce qui est certain c’est la perte de l’occasion favorable. La cour de cassation dit qu’il s’agit de réparer la disparation de la probabilité  d’un évènement favorable encore que par définition la réalisation d’une chance ne soit jamais certaine

Cette perte de chance est reprise dans l’avant-projet

Mais il faut encore distinguer la perte de chance sérieuse et la perte de chance purement hypothétique, en d’autres termes pour perdre une chance il fallait en avoir une : la cour de cassation exige que les juges du fond procèdent à un certain nombre de vérifications

Il y a quand même de vrais problèmes juridiques à ce stade

  • Le patient se plaint d’un défaut d’information sur un risque médical qui est survenu finalement, il n’a pas pu choisir correctement le bon traitement, on va considérer qu’il y a une perte de chance d’obtenir un traitement plus satisfaisant. Mais parfois il n’y a pas d’alternative thérapeutique, même si le patient a été correctement informé de ce risque, il aurait choisir de courir ce risque parce qu’en réalité il n’avait pas vraiment le choix. Est-ce qu’on peut parler de perte de chance dans ce cas, il n’y a plus de perte de chance d’effectuer ce choix, il n’y avait pas d’alternative thérapeutique. La question rebondit et la jurisprudence du CE et de la Cour de Cassation a admis que l’on puisse réparer non pas une perte de chance, mais un préjudice dit d’impréparation c’est-à-dire le fait que la patient n’a pas pu se préparer psychologiquement au risque qui est survenu
  • CE 10 octobre 2012
  • CC 23 janvier 2014

 

  • La perte de chance de survie: est ce que les héritiers de la victime décédée peuvent invoquer en son nom l’indemnisation d’une perte de chance de survie du fait de sa mort, c’est ce qu’on appelle en latin le prix de la mort, ce n’est en principe pas indemnisable. la Cour de Cassation a semblé admettre cette indemnisation notamment dans un arrêt du 13 mars 2007 : une jeune femme était décédée à la suite d’une faute médicale, ses proches demandaient une indemnisation de cette perte de survie, la cour de cassation va indemniser la famille, mais quand on regarde de plus près ce n’est pas le prix de la mort qu’elle revendique, ce qu’elle a indemnisé c’est la souffrance  morale liée à l’approche inéluctable de la mort, la jeune femme s’est vue mourir dont l’indemnisation peut être transmise par voie héréditaire.
  • Comment calcule-t-on cette perte de chance ? la cour de cassation impose qu’elle corresponde à une fraction du préjudice ou du gain dont a pu être privé la victime
  • La cour de cassation a admis qu’une perte de chance extrêmement minime puise être indemnisé, il n’y a pas en d’autres termes de pourcentage minimum. Dans une affaire rendue le 16 janvier 2013, la Cour de Cassation a considéré qu’une perte de chance avec taux minime est indemnisable, elle considère que toute perte de chance est indemnisable dès lors que la perte de chance présente un caractère sérieux et raisonnable

 

  • 2 – Condition de légitimité

Ici il s’agit simplement de rappeler  qu’un dommage est réparable que si sa réparation ne heurte pas l’ordre public, la morale publique. La cour de cassation ns parle de lésion d’un intérêt légitime juridiquement protégé.

Jusqu’aux années 70, on avait une vision très stricte de cette notion (le concubinage, pas question d’indemniser la concubine par suite du décès de son concubin) et puis progressivement tout cela s’est fissuré, la cour de cassation s’est divisée entre une chambre civile et une autre criminelle et il a fallu un arrêt célèbre de chambre mixte du 27 février 1970 : l’arrêt Dangereux contre veuve Gaudras, la chambre mixte a abandonné l’exigence préalable d’un lien de droit entre le défunt et le demandeur à l’indemnisation pour que soit recevable une telle demande, elle a ouvert l’indemnisation des proches même si la relation entretenue avec le défunt n’était que de pure fait et en l’occurrence de concubinage

Jusqu’où peut aller cette logique ? Quelques questions se posent ? Est-ce que la jurisprudence de 1970 vaut pour tous les concubinages y compris pour le concubinage adultérin ? Il y a peu de doutes là-dessus puisque la Cour de Cassation valide des donations dans une relation adultérine

En toute hypothèse lorsqu’on est face à une situation de pur fait, cette situation comporte quand même des difficultés propres car ici il faut établir la preuve du lien entre la victime décédée et le proche qui demande réparation. On en revient ici à la condition de certitude, ainsi la jurisprudence exige que la victime indirecte démontre la stabilité du concubinage. La nomenclature Dintilhac autorise cette indemnisation, elle permet la réparation du préjudice d’affection  subit pat les proches sans aucune restriction si ce n’est quand même l’obligation de prouver « l’existence d’un lien affectif direct avec le défunt »

La jurisprudence a été assez accueillante : ont été admises les relations affectives, amicales.

Est-ce qu’on peut dire qu’il ne reste plus rien de la condition de légitimité, on ne peut pas aller jusque-là. La question qui se pose est de savoir si on peut revendiquer l’indemnisation d’un préjudice réel mais dont la cause n’est pas licite. Est-ce sue par exemple une personne qui travaillait au noir peut demander indemnisation des pertes réelles qu’elle va subir alors que ce travail était irrégulier ? la Cour de Cassation l’a refusé dans un arrêt du 24 janvier 2002.

Le joueur qui est privé de gain non pas à la suite d’un accès licite au casino, le joueur interdit de casino et qui du fait des circonstance estime avoir été privé de gain peut-il demander réparation ? Non selon la Cour de Cassation (arrêt du 22 février 2007 / arrêt du 30 juin 2011)

 

Dissertation td : principe de non cumul

Est-ce qu’on peut demander à une victime de minimiser son dommage par des mesures appropriées et ceci dans l’intérêt dans la victime et surtout du responsable puisque cela diminuera la dette de la réparation ?

La Cour de Cassation est ferme là-dessus, l’arrêt de principe du 19 juin 2003 : une personne accidentée ne peut plus travailler pendant quelques mois, elle ne pouvait plus exercer son travail dans une boulangerie, est ce que la victime pouvait ou pas se voir imposer ce type de mesure pour son activité pour limiter le dommage économique, dans cette affaire la Cour de Cassation a considéré que la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable, il y a la liberté de la victime

Le débat n’est pas clos, dans l’avant-projet  on a une obligation de minimiser très restreinte à l’article 1263 en matière contractuelle. Pour le domaine du dommage corporel on a une jurisprudence encore plus ferme, car pour la cour on touche à l’intimité de l’individu la Cour de Cassation a condamné toute obligation de réduire le dommage dans l’intérêt du responsable

  • Arrêt de la chambre criminelle du 27 septembre 2016 : on ne peut pas reprocher à une victime d’avoir interrompu un traitement d’anti dépresseur
  • Arrêt du 15 janvier 2015 : une personne était soigné dans un hôpital, la clinique privée avait contracté une infection nosocomiale, elle avait décidé de partir de la clinique et de se soigner elle-même, le résultat avait été catastrophique, son état s’était aggravé, ce qui aurait pu être évité à l’hôpital. Elle demande réparation à l’hôpital, de sa souffrance mais aussi de son état en quittant l’hôpital, la Cour de Cassation a considéré qu’elle pouvait obtenir réparation car elle n’avait pas d’obligation de se soumettre à un protocole particulier parce que son état final a été la conséquence de son état initial
  • L’affaire Perruche , c’est aussi un problème de légitimité du dommage ; est-il légitime d’indemniser une personne lourdement handicapée , est ce que la vie d’handicapé vaut moins qu’un avortement

 

  • 3 – Condition de personnalisme (le caractère personnel)

Il faut que le dommage réparable soit subit par quelqu’un. Ce quelqu’un on peut  l’appréhender de trois façons : 

  • Les personnes physiques

Ici, il faut différencier la victime immédiate et les proches de celle-ci qu’on appelle les victimes par ricochet, même si elles ne sont pas directement exposées au dommage, elles n’en subissent pas moins des conséquences indubitables, ces  conséquences peuvent être :

  • patrimoniales le décès d’un chef de famille qui va priver les proches de ressources
  • morales : le préjudice d’affection des proches de la victime immédiate, qui peut être lié au décès d’un proche mais il peut aussi être indemnisé lorsque la victime immédiate survit, comme côtoyer une personne lourdement handicapée. Quel est le cercle des proches recevable à agir ? La nomenclature Dintilhac évoque des liens suffisamment réels. Qu’en est –il d’un enfant qui n’a jamais pu connaitre son  frère décédé avant que cet enfant ne naisse ?  on  a des hypothèses qui peuvent aller très loin, il faut d même montrer cette proximité. On vise ici les proches de la victime, on ne vise pas exclusivement les successeurs de la victime quand elle est décédée, le cercle des proches peut aller au-delà du cercle des seuls successeurs même si ces successeurs peuvent cumuler sur leur tête deux qualités : la qualité de successible et la qualité de victime par ricochet. Quand une personne décède la jurisprudence admet que la créance de réparation à l’égard du responsable fait partie de l’actif successoral du défunt ‘est  à dire que ses successeur vont recueillir dans le patrimoine du défunt la créance de dommages et intérêts, les enfants vont pouvoir agir à la place du défunt. Mais ces successeur peuvent aussi subir un préjudice par ricochet dont ils pourront demande cumulativement réparation. Cela avait des conséquences importantes du point de vue fiscal, les créances transmises par voie héréditaires étaient taxées comme un actif successoral, la loi fiscales s’est  adoucie dans ce domaine, l’article 175 bis du code général des impôts écarte la taxation des créances successorales  liées au dommage corporel
  • Les personnes morales

Quels sont les préjudices ou dommages dont peut se prévaloir une personne morale ? Une personne morale sur le principe peut être indemnisée comme une personne physique. Elle peut être indemnisée sur un plan patrimonial (perte du chiffre d’affaire) et mêmes les atteintes patrimoniales (atteintes à la réputation). Ainsi une décision a admis qu’un hôpital victime de l’action musclé d’un commando anti IVG a pu obtenir réparation d’un préjudice morale par suite du trouble causé à son fonctionnement. De même les atteintes à la réputation d’une société peuvent être indemnisées

  • Arrêt de la ch commerciale du 15 mai 2012

Est-ce qu’on peut considérer qu’une personne morale est sujette à la souffrance, est ce qu’on peut indemniser ce qui s’apparenterait à une souffrance morale de la personne morale. Certaines décisions sont allées assez loin, une décision ou un Groupement d’exploitation agricole  a été victime d’un incendie a pu obtenir la réparation d’un dommage moral distinct de son préjudice matériel (sentiment de dévastation des efforts fournis ces dernières années)

Article de Véronique Wester Ouisse : le préjudice morale des personnes morales, JCP 2003 première partie n°145

On peut également se demander dans quelle mesure on peut les autoriser à agir pour la protection de l’intérêt collectif qu’elle représente (association).

  • Les choses ont bougé l’année dernière, il y a des hypothèses où les personnes morales telles que les associations ne vont pas agir pour un intérêt collectif mais pour la défense d’une somme d’intérêts individuels qu’elle représente.

Ex : quand un aéroport est susceptible de se créer, il n’est pas interdit à des personnes de se regrouper, de créer une association qui aura pour objet leur défense (celle des riverains) contre l’implantation de l’aéroport. Là on un intérêt associatif qui est l’addition de l’intérêt des adhérents.

Loi du 17 mars 2014 dite loi Hamon : cette loi a introduit en France des actions de groupe dans le domaine de la consommation mais des actions qui sont beaucoup plus prudentes que les actions de groupe que l’on peut par exemple trouver aux USA. En France   l’initiative de ces actions de groupes qui appartient à des associations agréées et non pas à des avocats comme c’est le cas aux USA. La procédure qui est instaurée se fait en deux temps : l’association va agir au nom des consommateurs pour obtenir une condamnation de principe , dans une seconde phase les individus concernés par cette décision disposeront d’un délai pour se faire connaitre afin d’obtenir une indemnisation, qui peut être amiable ou contentieuse. Dans ce type de configuration les associations portent les intérêts individuels des consommateurs.

Cette action qui valait uniquement pour le modèle de consommation a été étendue l’année dernière au domaine de la santé, de l’environnement, à la lutte contre les discriminations et par une loi du 18 novembre 2016, on a donné un cadre général à l’action collective en France

  • Il y des cas où l’association va porter un intérêt véritablement collectif, une CAUSE, toutes ces associations qui jouent un rôle important en matière de lutte contre l’alcoolisme, le tabagisme, de protection de l’environnement. Ne peuvent agir en justice que les associations habilitées au titre d’une longue présente aux arts 2-1 et suivants du code de procédure pénale mais on remarque la jurisprudence des chb civiles de la Cour de Cassation est très souple sur cette  habilitation elle accepte parfois des actions associatives au-delà du champ de leur habilitation et même parfois sans habilitation précise
  • Arrêt de la 1ère chambre civile du 18 septembre 2008: association de lutte contre la myopathie autorisée à agir alors même que le cadre légal n’est pas respecté

 

  • Personne ?

Peut-on  engager la responsabilité civile alors qu’il n’y a aucune victime identifiée, c’est ce qu’on appelle l’indemnisation du préjudice économique pur. Ce préjudice correspond à l’hypothèse dans laquelle la nature est victime, il y  a une atteinte à l’écosystème, à la faculté de renouvellement des espèces, qualité de l’eau ou de l’ai, à l’esthétique des lieux, mais pas de répercutions particulière sur telle personne physique ou morale. Ce sont des choses dotées d’aucune valeur, est ce qu’on peut engager la protection de ces cas de figures ?

Il y a eu des débats incommensurables depuis une trentaine d’années. La loi du 2 février 1995 (une des premières lois sur la protection de l’environnement) a reconnu un droit d’action aux associations agréées pour la protection de la nature, c’est l’art L142-2 du code de l’environnement. La Cour de Cassation a été très souple, dans une décision du 26 septembre 2007, la Cour de Cassation a admis qu’une association même non habilitée pouvait se prévaloir de cette disposition. Les associations peuvent donc agir, mais quelles sont les atteintes dont elles peuvent demande réparation ? Est-ce que on peut envisager que de telles associations agissent en réparation d’un préjudice strictement écologique, celui qui atteint la nature.

L’affaire du pétrolier Erika est très emblématique dans ce domaine qui s’est fini en 2012 par un arrêt de la chambre criminelle du 25 septembre 2012, il s’agissait de l’action  d’association qui demandait d’obtenir une indemnisation pour la dégradation de l’éco système, cela pose des difficultés de principe puisque il n’y a pas de victime identifiée, il y  a aussi des difficultés de chiffrage quand on veut obtenir des dommages et intérêts. Dans certaines hypothèses on peut y arriver facilement comme en replantant des arbres, on a des mesures de restaurations  donc on peut chiffrer les dommages et intérêts. Quand la restauration est impossible que se passe-t-il, comment évaluer un préjudice qui n’est plus remplaçable, l’affaire Erika pour la première fois est admis la réparation du préjudice économique pur, l’atteinte à l’écosystème, ensuite on découvre beaucoup d’éléments techniques sur le chiffrage, la Cour d’appel avait accordée 13 millions d’euros au préjudice éco pur sur une somme totale de 200 millions

Depuis il y a eu quelques autres affaires, dont une de la cour d’appel de Nouméa, arrêt du 25 février 2014

  • Arrêt du 22 mars 2016: pollution par hydrocarbure de l’estuaire de la Loire, une association avait agit devant la cour d’appel de Rennes, elle avait rejeté la prétention à réparation au nom de préjudice économique pur en considérant que l’association n’avait pas bien chiffré sa demande

Cette doctrine est maintenant consacrée par la loi avec la loi du 8 aout 2016 qui a inscrit dans le code civil l’indemnisation du préjudice économique pur aux articles 1246 et suivants nouveau. C’est une loi pionnière qui comprend des dispositions très innovantes :

  • La consécration du préjudice économique pur
  • Le principe de la réparation en nature et à défaut la possibilité pour les associations d’obtenir des DOMMAGES ET INTÉRÊTS qui doivent être affectés à la cause environnementale
  • La possibilité d’obtenir l’indemnisation des dépenses préventives dès lors que le dommage est imminent (on trouve cette dimension préventive de la responsabilité)

On peut se demander si cette loi est encore réellement une loi de responsabilité. Par exemple l’article 1247 du code civil nouveau n’envisage la réparation que des atteintes non négligeables, c’est-à-dire ayant un certain seuil d’importance à l’environnement. Or en droit de la responsabilité classique, tout préjudice quelque soit son montant y compris le plus mince est indemnisable

L’art L161-1 du code de l’environnement vise le risque d’atteinte « grave » à la santé humaine, là  aussi on a un seuil de gravité  qui est posé

  • Arrêt du 29 septembre 2007 de la 3ème chambre: il applique l’art du code de l’environnement, il refuse ici de faire droit au demandeur. On a une action d’une association qui se plaignait des nuisances occasionnées par le passage d’une randonnée à moto. Le juge avait donnée raison à l’association, la Cour de Cassation censure la décision pour une raison, l’art du code ne vise pas la responsabilité de ce type de professionnel, il faut qu’on soit en face d’un exploitant professionnel. De plus ce type de nuisance relève de la vie en société

 

Section II – La classification des préjudices réparables

Quand on veut classer ces préjudices on peut avoir pls approches, traditionnellement, on distingue préjudices matériels et moraux en y ajoutant parfois les préjudices corporels.

Les préjudices matériels correspondent aux atteintes aux  biens mais aussi à des pertes de ressources économiques

Les préjudices moraux sont des souffrances physiques, morales, cela peut aussi être des atteintes à l’honneur, la réputation

Cette présentation n’est pas tout à fait satisfaisante, par ex une atteinte corporel a à la fois des conséquences matérielles et morales. Face à cela on pourrait réserver la notion de préjudice moral à tous ceux qui sont subis hors du corporel (atteinte à l’honneur) et traiter à part le préjudice corporel. Mais cette présentation n’est pas plus satisfaisante car elle revient à confondre l’atteinte, le corps et les conséquences de l’atteinte, le préjudice qui en découle qui peut être matériel ou moral

En réalité il y a une autre façon de distinguer les préjudices :

  • Extra patrimoniaux quelque en soit sa source 
  • Patrimoniaux
  • 1 – Les préjudices extrapatrimoniaux

Ce sont ceux qui n’ont pas d’incidence économique.

L’indemnisation du prix de la douleur n’est pas toujours allée de soi car certains trouvaient immoral de monétiser cette douleur et donc de la marchandiser.  C‘est un débat qui a été résolu il y  a un peu plus de quelques semaines, l’arrêt de principe date du 25 juin  1833. La CJUE n’a statué sur la question qu’en 2002

Il y a énormément en droit français désormais des déclinaisons des préjudices extra patrimoniaux

  • Les préjudices extra patrimoniaux découlant d’un dommage corporel

Ces préjudices extra patrimoniaux sont maintenant classés par la nomenclature Dintilhac qui date de juillet 2006, elle met de l’ordre dans l’indemnisation des préjudices corporels et aussi pour répondre à l’exigence légale qui est celle du recours des tiers payeurs : ce sont les organismes de sécurité sociale (caisse accident, maladie) qui vont prendre en charge un accident. Ces organismes sociaux qui payent pour le compte du responsable ont le droit de se retourner contre l’auteur de l’accident afin d’obtenir le remboursement de leur prestation, ils peuvent se rembourser sur tous les préjudices patrimoniaux et exceptionnellement non patrimoniaux .

Mais depuis une loi de 2006, qui a modifié l’art L376-1 du code de la SS, ces recours en remboursement doivent se faire poste par poste, c’est-à-dire que la SS doit démonter qu’elle a versé pour le poste médicament, arrêt de travail. C’est du fait de cette exigence légale que la nomenclature Dintilhac a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de Cassation puis celle du CE alors même qu’elle n’a pas actuellement de force règlementaire

Quels sont les postes qui relèvent des préjudices extra patrimoniaux

  • Le prix de la douleur, ce sont les souffrances physiques, psychiques
  • Le préjudice esthétique: cicatrice
  • Le préjudice d’agrément: il fait partie de la nomenclature mais sa définition a varié. On peut concevoir ce préjudice de façon étroite ou de façon large. Au sens stricte c’est la privation de quelque plaisir bien précis de la vie (activité sportive, de loisir, culturelle) il appartient à la victime de démontrer qu’elle pratiquait cette activité dont elle a été privée. Au sens large, on peut assouplir le préjudice d’agrément en renvoyant à la perte d’agrément d’une vie normale, on présume que chaque individu est apte au sport, loisir, culture et on indemnise l’atteinte à l’agrément sans preuve particulière. Une 3ème étape a été tentée, certains ont proposé le préjudice fonctionnel d’agrément, cela veut dire qu’il y a non seulement les pertes de loisirs mais aussi le désagrément des atteintes physiologiques en elle-même comme par exemple une gêne dans la motricité. Mais la Cour de Cassation réunie en assemblée plénière par un arrêt du 19 décembre 2003 a rejeté cette proposition doctrinale. Là-dessus est arrivée la nomenclature de 2006, celle-ci distingue le préjudice d’agrément qui redevient au sens stricte et qui à côté prévoit l’indemnisation du déficit fonctionnel, ce déficit est entendu comme la perte de la qualité de vie au sens large, les troubles et les gênes du quotidien liés à l’invalidité. La nomenclature n’a donc pas entériné une vision globale du préjudice d’agrément, mais ce n’est pas grave pour les victimes car il est précisé aussi bien le déficit fonctionnel que l’agrément au sens stricte échappe au recours des organismes sociaux qui restent limités aux conséquences éco de l’invalidité, c’est-à-dire aux diminutions de revenus, frais en tt genre qui sont pris en charge par notre SS
  • Le préjudice sexuel que la Cour de Cassation a définit précisément dans un arrêt du 17 juin 2010 et 28 juin 2012

Est-ce qu’une victime en état neuro végétatif à supposer qu’elle finisse par décéder petit transmettre à ses héritiers une créance successorale fondée sur des préjudices extra patrimoniaux (souffrance) ? la Cour de Cassation a tranché dans un arrêt du 22 février 1995 et elle a admis cette transmissibilité sans exclure aucun poste d’indemnisation

 

Même si le principe a été acquis il y a encore des marges de discussion :

  • Dans certains arrêts rares, la cour de cassation semblait exiger la conscience au sens strict du moins la connaissance de la victime avant qu’elle ne décède : arrêt du 22 novembre 2012: une personne avait été atteinte par une double contamination virus du sida et de l’hépatite C, elle est décédée au final, mais aussi étonnant que cela puisse paraitre sans avoir eu connaissance de son vivant de sa double maladie alors qu’elle avait été hospitalisée 146 fois, personne et aucun de ses proches ne lui avait dit, une fois décédée ses proches se réveillent et demandent en justice l’indemnisation des préjudices extrapatrimoniaux liées à la maladie, la Cour de Cassation refuse en considérant que la victime n’avait pas eu connaissance de son atteinte de son vivant. Il est probable que la Cour de Cassation ait voulu infligé une sanction aux héritiers
  • Réapparait l’exigence de conscience du préjudice avant le décès, dans le cas ou la notion de conscience fait partie de la définition même du préjudice qui serait éventuellement transmissible, le préjudice d’angoisse de la mort imminent, l’anxiété suppose la conscience alors que pour une douleur physique on ne sait pas à quel moment celle-ci devient palpable, il n’y a pas transmissibilité faute de conscience, arrêt du 27 septembre 2016

 

  • Les préjudices extra patrimoniaux non liés à un dommage corporel

Ce sont les atteintes à l‘honneur, à la vie privée, la réputation, les atteintes au droit de la personnalité

S’agissant des atteintes à la vie privée la Cour de Cassation considère que la nature même de l’atteinte suppose  un dommage que la victime n’aura pas à établir.

Ces préjudices peuvent être revendiqués non seulement par la victime directe et les successibles si elle est décédée mais aussi par les victimes par ricochet

Ces préjudices des victimes par ricochet ne sont pas critiquables, ce qui est critiquable est le cumul avec l’action successorale

Sans doute y a-t-il quand même quelques dérives dans ces préjudices par ricochet, la jurisprudence les a parfois consacré consécutivement non pas à la perte d’un être humain mais d’un animal (affaire du cheval Lunus du 16v janvier 1962

Arrêt du 23 octobre 2003 

 

  • 2 – Les préjudices patrimoniaux

Ils ont une incidence économique mais la source de ces préjudices peut aussi bien être matérielle que corporelle. Ce sont ceux qui posent le moins de difficulté d’évaluation, il se concrétise par une perte financière immédiate du côté de la victime

Cette perte financière est subdivisée en deux :

  • Lucrum cessans : c’est le gain manqué, la perte de revenu qui est lié à un arrêt provisoire ou définitif d’une activité professionnelle
  • Le damnum emergens: c’est l’atteinte directe à un patrimoine, que ce soit la destruction d’un bien ou l’apparition d’une dette telle que l’impossibilité de rembourser un prêt

Quand on parle de dette, lorsqu’on est auteur d’un dommage et que cela ne crée pas de dette de responsabilité qui va imputer le patrimoine de l’auteur, celui-ci ne saurait se prétendre comme victime, la dette de responsabilité est le préjudices à l’égard de la victime et non de l’auteur du dommage

Ces préjudices on les retrouve en matière corporelle puisqu’une atteinte corporelle a des conséquences financières et en particulier la perte des revenus

Jusqu’à la nomenclature de 2006 les conséquences patrimoniales et extrapatrimoniales d’une atteinte physique, d’un déficit fonctionnel étaient globalisés, réparés en même temps en attribuant à la victime un point d’incapacité permanente partielle (IPP), on y faisait rentrer le déficit fonctionnel et les conséquences économique, ce qui était gênant  car le poste de préjudice était soumis au recours des tiers payeur, de plus une gêne physiologique n’a pas les mêmes conséquences selon les professions. Cette méthode était très critiqué et a été supprimée par la nomenclature qui mtn distingue les postes extrapatrimoniaux et les conséquences patrimoniales de l’invalidité avec dedans les pertes de gains professionnels futurs et également l’incidence professionnelle (la diminution des possibilités de faire carrière.

Les postes patrimoniaux eux peuvent être sujet à remboursement des organismes sociaux

 

Chapitre II – La réparation du dommage

Section I – Les voies de l’indemnisation

  • 1 – Action en justice ou transaction ?

Cette matière a été l’objet de controverse et retouché par des textes importants l’année dernière. Pour faire valoir ses droits le premier réflex qu’on a est contentieux, on va attaquer en justice. Le souci est que si on raisonne comme ça, apparait le spectre de la société américaine, où l’on est indemnisé de tout et n’importe quoi

Face à ce risque de contentieux les pouvoirs publics se font efforcés de développer le processus transactionnel qui sont alternatifs à l’engagement contentieux de la responsabilité,  ce processus est largement ouverte t spécialement dans les régimes spéciaux de responsabilité

Dans la plupart des régimes spéciaux (indemnisation accidents de la route, victime d’accidents médicaux, d’acte de terrorisme) on trouve quasiment à chaque fois des procédures transactionnelles, on va tenter de régler l’indemnisation hors du juge et dans des délais très stricte, car il s’agit de dé judiciariser  et d’accélérer le règlement (article L211 9 du code des assurances)

La transaction est un contrat par lequel les parties soit mettent fin à une contestation soit préviennent une contestation ou un litige qui est encore en germe. La transaction n’est pas un contrat comme un autre, ses effets sont puissants puisque l’article 2052  du code civil prévoit qu’une une fois conclue la transaction fait obstacle à la poursuite  entre les parties d’une action en justice ayant le même objet, il est très difficile par exemple de remettre en cause l’évaluation des Dommages et Intérêts versés. Cela permet de stabiliser l’indemnisation.

Cette transaction a eu chaud il y a quelques années, tout est parti d’un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence à propos d’un accident de la circulation : la victime, ou son représentant légal avait renoncé à l’indemnisation d’un poste de préjudice important (l’assistance par une tierce personne, aide au quotidien), par la suite le père décède, se pose le pb de savoir qui va assister cet enfant et comment prendre en charge la tierce personne qui lui était nécessaire, une demande est introduite en justice qui se heurte à l’autorité de la chose jugée en action, mais la Cour d’Appel refuse de qualifier l’accord conclut de transactionnel, elle considère plutôt qu’il s’agit d’un règlement amiable qui n’est pas soumis à l’autorité de la chose jugée il est donc plus facile à remettre en cause : «  dans cet accord il n’y a pas de concession réciproque entre les parties » alors que la Cour de Cassation exige dans toute transaction de pouvoir vérifier qu’il y a des concessions réciproques. Or, en matière d’accident de la route, la victime ne réalité ne concède  rien, elle a le droit à une réparation  intégrale, s’il n’y a pas de concession il n’y a plus de transaction. la Cour de Cassation censure la Cour d’Appel, elle considère que s’agissant du régime de la loi Badinter, on est face à un  régime spécial, dérogatoire au droit commun qui  qualifie de transaction le règlement des indemnités et que ce régime dérogatoire par exception n’impose pas des concessions réciproques. La écarte cette exigence car les juges considèrent sue l’équilibre de l’accord est garanti non pas par ce jeux de concessions réciproques mais par l’encadrement légal du processus transactionnel dans la mesure où la loi du 5 juillet permet de sanctionner l’assureur auteur d’une offre insuffisante par rapport à la réalité du préjudice

  • Arrêt du 16 novembre 2006

Il y  a maintenant deux types de transactions :

  • Une transaction ordinaire
  • Les transactions de droit spécial ou c’est la loi elle-même qui va garantir l’équilibre en imposant des sanctions à l’assureur

Il y a maintenant depuis la loi du 18 novembre 2016 un nouvel article  2044 qui formalise l’exigence de concessions réciproques. La question qui se pose est de savoir si la position de la Cour de Cassation antérieure à ce texte sera ou pas modifiable du fait de ce nouvel article  2044 qui formalise une exigence dont la Cour de Cassation était jusqu’à maintenant maitre. L’art reste cependant un texte de droit commun auquel les textes spéciaux peuvent déroger dès lors qu’ils se réfèrent à une  transaction et qu’il l’encadre par un autre dispositif

Les montants finalement accordés aux victimes sont-ils identiques à ce que la victime aurait obtenu si elle avait agi en justice ? On ne sait pas gd chose, on ne sait pas si l’indemnisation amiable est au même niveau que l’indemnisation judiciaire

 

Il y a une procédure spécifique : celle du référé provision article 809 al 2 du code de procédure civile :

C’est une procédure accélérée qui n’a pas vocation en principe à trancher le fond du litige mais à permettre à la victime d’obtenir des provisions si l’existence de sa créance n’est pas sérieusement contestable

En matière de responsabilité, il est fréquent que cette créance ne soit pas contestable, cette procédure s’est développer considérablement et les juges des référés acceptent maintenant parfois d’accorder des provisions  égales à la totalité du préjudice  subit : cela devient un concurrent redoutable des transactions

 

  • 2 – Contraintes communes

Ces règlements obéissent à des contraintes communes

Il y a une principalement :

  • La contrainte de prescription extinctive: depuis 2008 on parle de la prescription du droit commun, elle est établie à 5 ans alors qu’avant elle variait selon qu’on était en responsabilité contractuelle (30 ans) ou délictuelle (10 ans)

L’article 1226 est une exception et prévoit une durée particulière allongée s’agissant des actions en responsabilité ayant pour but l’indemnisation du dommage corporel, dans ce cas, ce texte prévoit u  doublement du délai ordinaire puisque la prescription est portée à dix ans en faveur de la victime

Il s’agit d’un délai de prescription, ce qui veut dire que ce n’est pas un délai préfix (qui ne peut pas être suspendu ou interrompu)

Le point de départ de ce délai est la date de consolidation du dommage, c’est le moment où l’état de la victime est stabilisé et cesse d’évoluer (ex : fracture refermée) mais il y a des cas où la consolidation est difficile à constater, par exemple pour les troubles psychologiques ou les infections liées à des contaminations, dans ce cas la Cour de Cassation parlera plutôt de stabilisation

Ce texte a été reproduit dans d’autres dispositions plus spécifiques : code de la santé publique article L122 pour les victimes d’accidents médicaux, du secteur privé ou public 

Ce délai de prescriptions que ce soit un délai de droit commun ou droit spécial s’impose non seulement aux victimes directes mais aussi à leur ayant cause, (ceux qui agissent par voie successorale) il s’applique aussi aux victimes par ricochet, qui auront dix ans pour agir

 

Section II – L’étendue de l’indemnisation 

Il y a un principe essentiel en droit français qui n’est pas sans nuance, c’est le principe de réparation intégrale

  • 1 – L’affirmation du principe de réparation intégrale

Il s’agit d’une règle fondamentale en responsabilité extra contractuelle (qui n’a pas d’équivalent en responsabilité contractuelle) cela veut dire qu’il faut s’efforcer de replacer, rétablir  aussi exactement que possible l’équilibre détruit par le dommage et replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si le dommage n’avait pas eu lieu.

Ce que veut dire cette formule c’est qu’il ne doit résulter pour la victime une fois indemnisée, ni perte ni profit, il y a des hypothèses dans lesquelles la réparation peut se faire en nature mais parfois elle ne pourra que se faire sous forme monétaire et l’absence d profit et de perte prend alors tout son sens.

L’article 1258 de l’avant-projet de réforme reprend ces idées, c’est une règle recopiée de la Cour de cassation, ce n’est pas un principe à valeur constitutionnelle, mais il y a d’autres régimes d’indemnisations qui ne permettent pas la réparation intégrale, en matière d’accident du travail par exemple on a une indemnisation forfaitaire sauf si l’employeur a commis une faute lourde.

Néanmoins, la réparation intégrale permet d’indemniser tout le dommage, mais rien que le dommage :

  • Tout le dommage : il n’y a pas de proportionnalité entre la gravité de la faute et l’étendue de la dette du responsable, la réparation est totale, qu’il y ait une négligence la plus légère ou une faute la plus lourde. Là où la règle pose problème est du côté de la victime : est-ce que le comportement de la victime peut dans certains cas venir réduire son droit à indemnisation ?
    • En l’état il n’y a pas d’obligation pour la victime de minimiser son dommage.
    • Il se peut néanmoins que la victime ait commis une faute, dans ce cas-là sauf des cas précis, la faute de la victime vient diminuer son droit à indemnisation dès lors que sa faute a concouru à la réalisation de son dommage.

A partir de là on se demande si l’opposabilité de la faute de la victime directe pouvait être projetée au-delà , c’est-à-dire vers l’indemnisation des victimes indirectes, par ricochet ? il  y  a eu un débat mais la Cour de Cassation a tranché dans un arrêt du 19 juin 1981 qui considère que la faute de la victime directe est susceptible de réduire l’indemnisation des victimes par ricochet

  • Rien que le dommage: le fait d’être victime n’est certes pas enviable mais ce n’est pas une raison pour y trouver les motifs d’un enrichissement injuste, on ne saurait trouver dans l’indemnisation  matière à enrichissement de la victime qui serait indemnisée au-delà de ce qu’elle supporte concrètement. Tout cela renvoie au mode de calcul de préjudices, la règle des omniprésente, la plus difficile à mettre en  œuvre est en matière de dommage corporel, il faut éviter que la victime s’enrichisse et la difficulté tient au fait que les débiteurs d’indemnisation sont parfois nombreux et qu’il faut articuler leur intervention pour éviter que la victime ne soit indemnisée deux ou trois fois pour le même préjudice. La plus part du temps en effet la victime a devant elle deux débiteurs : l’assureur du responsable et les organismes sociaux (tiers payeurs) qui l’ont prise en charge au titre des prestations sociales, or l’assureur doit verse la totalité des dommages et intérêts dus par le responsable et si on autorise la victime à avoir la totalité de cette  somme, elle se trouvera enrichie car elle aura par ailleurs bénéficié de la sécurité sociale. C’est pourquoi la loi organise le droit de recours des tiers payeurs qui peuvent se rembourser de leur prestation auprès de l’assureur, tandis que les sommes versée par celui-ci à la victime seront minorées du montant des sommes versées aux organismes sociaux

 

  • 2 – La traduction du principe de réparation intégrale)
  • Questions de montant
  • en matière de préjudices patrimoniaux : C’est assez facile de répondre à cette question en matière de préjudices patrimoniaux, on peut facilement évaluer des pertes de revenus

Dans ces atteintes patrimoniales il y a quand même quelques difficultés : comment va-t-on évaluer la dégradation des biens ?  la Cour de Cassation a imposé le calcul de la valeur de remplacement du bien et pas de la valeur vénale de ce bien, on peut aussi obtenir la remise en l’Etat d’un bien dégradé à condition que le cout de cette remise en état : ne soit pas supérieur à la valeur du remplacement

Il y a quand mêmes quelques cas où la victime va se trouver malgré tout enrichie : quand un immeuble est détruit, on va indemniser pour permettre la reconstruction à neuf  du même immeuble, on ne pas appliquer un coefficient, on se retrouve face à un immeuble plus récent que celui détruit, on est devant une forme d’enrichissement :

  • Arrêt du 19 février 2014 

A cette dérogation il y a d’autres sous dérogations : si l’immeuble détruit était déjà dans une phase de destruction la victime ne va pas prétendre à la reconstruction d’un immeuble qu’elle avait déjà commencé à détruire

 

  • S’agissant des préjudices extra patrimoniaux,comment évaluer un préjudice esthétique, un déficit fonctionnel, une souffrance endurée ? La réponse est simple, c’est ce que le juge estime devoir être indemnisable, ce sont les lumières des magistrats qui vont trancher et la Cour de Cassation est claire : il y a une appréciation souveraine des juges du fond dans l’évaluation des dommages soumis toutefois à certaines contraintes (postes par postes). Si le juge peut librement évaluer, il est obligé de le faire car sans cela il s’expose à deux règles : la sanction du déni de justice (article 4  du code civil) et la sanction de l’interdiction des arrêts de règlement (article 5 : le juge  ne saurait dépasser la cas particulier  qui lui est  soumis pour trancher de manière générale, il ferait alors œuvre de législateur ou d’exécutif, un juge ne peut énoncer qu’il jugera de la même façon à propos de toutes les actions en responsabilité identiques qui lui seront présentées, et un juge ne saurait se référer à un sa jurisprudence antérieure pour évaluer un préjudice, mais en réalité il peut le faire, il peut consulter  des quantum d’indemnité, des publications de décisions, c’est ce qu’on appelle aussi des référentiels d’indemnisation qui vont jouer le rôle d’assistant dans sa décision, de s’y référer pour évaluer l’indemnisation qui lui est demandée  dès lors qu’il ne laisse pas transparaitre cette règle de précédent

Ce n’est pas de préserver la liberté du juge qui est le plus important, c’est aussi de reconnaitre de nouveaux postes de préjudices ; on indemnise des préjudices qu’on n’indemnisait pas avant, comme le préjudice sexuel.

La réparation par forme monétaire n’est qu’une forme de réparation, il en existe deux autres :

  • Les dommages et intérêts : lorsque des Dommages et Intérêts sont accordés, il faut distinguer deux types :
    • les dommages et intérêts compensatoires qui viennent remettre en l’état antérieur
    • Les dommages et intérêts moratoires qui indemnisent le retard : ils ne peuvent courir qu’à partir d’une mise en demeure de payer, c’est ce prévoit l’article 1231 -6 du code civil
  • Les mesures de cessation de l’illicite : par exemple la fermeture d’un fonds de commerce, elles se combinent parfois aux dommages et intérêts
  • La réparation en nature: il y a des cas où on peut replacer la victime dans la même situation qu’avant le dommage (reconstruction d’un bien, le remplacement). L’article 1261 de l’avant-projet prévoit que par principe la victime a le droit d’une réparation en nature quand c’est possible mais qu’elle peut préférer une allocation de dommages et intérêts

 

  • Questions de temps

Quelle date choisir pour l’évaluation du dommage ? à quel moment une victime recueille-t-elle dans son patrimoine une créance de dommages et intérêts ?

Est-ce que la créance nait dès le fait générateur ou au moment où  une décision de justice  la déclarer fondée, est ce que la décision de justice est déclarative d’un droit préexistant ou est ce qu’elle est constitutive d’un droit à indemnisation ? Le jugement est simplement déclaratif d’un droit antérieur qui est constitué dès l’atteinte, c’est inévitable car si la seule décision est constitutive d’un droit à indemnisation, il serait impossible de transmettre ce droit alors que la jurisprudence l’admet pour une victime décédée avant d’avoir agi

Comment va-t-on concrètement liquider la créance de dommage et intérêts, est ce que le montant de la créance doit être estimé au moment du fait dommageable ou au moment où le juge rend sa décision, la situation de la victime a pu évoluer entre le moment où elle est touchée et  le moment où elle touche les Dommages et Intérêts. Les tribunaux considèrent que la date à prendre en compte est celle du jugement ou de l’arrêt définitif. On a dans ce domaine une dette de  valeur, la valeur de la dette est attachée à l’état de la victime, elle pourra évoluer, Il faudra prendre en compte jusqu’au jugement toutes les circonstances qui vont faire évoluer le dommage depuis le moment où il a été causé, il a pu s’aggraver, s’améliorer ou changer totalement de nature, il faut que cette évolution soit la conséquence du fait dommageable initial, si une autre circonstance est venu s’intercaler, modifier le dommage, on n’est plus dans un phénomène d’évaluation mais de causalité.

Il faut s’entendre sur la notion même d’évolution du dommage, en matière par exemple de douleur morale, le temps fait son œuvre et adoucit la douleur mais ce n’est pas pour  autant qu’il  faudra minorer l’indemnité due. Il est possible que le dommage ait provoqué une circonstance favorable mais celle-ci sera neutralisée si elle est sans rapport avec le fait générateur

Ex : mon concubin décède, je ne l’aimais pas beaucoup, je retrouve l’amour par la suite, l’accident m’a été favorable, le fait que la victime ait retrouvé des circonstances plus favorable n’est pas une cause pour minorer son indemnisation, arrêt du 29 juin  2010

Une fois que la décision est rendue, que se passe-t-il si l’état de la victime par la suite s’aggrave ?  Cette aggravation est indemnisable à titre complémentaire, on pourra revenir devant le juge encore faut-il que cette aggravation soit en lien avec le fait générateur

Si l’état de la victime s’améliore, est ce qu’elle doit restituer les dommages et intérêts versés ? Non, la Cour de Cassation a neutralisé l’incidence de l’amélioration pour des raisons d’équité et d’autorité de la chose jugée

 

Titre II – La responsabilité civile saisie par le droit commun

Généralités : Les fondements de la responsabilité civile

Pourquoi une personne qui cause un dommage à autrui est tenue de réparer ? Ici il faut aller au-delà du dommage, ce n‘est pas pcq on a subi un dommage qu’on a un droit à réparation, il faut donc pouvoir atteindre  le débiteur de la dette de réparation

Il faut identifier, aller chercher un débiteur d’indemnisation, et expliquer pq il l’est, cette démarche d’identification d’un responsable distingue la responsabilité civile de la solidarité, car en effet il est possible d’être indemnisé en l’absence de responsable identifié lorsque se met en œuvre la solidarité nationale, publique, qui ne veut pas laisser une catégorie de victime au bord du chemin. En matière d’accidents médicaux par exemple, il y  a des cas où on peut identifier un médecin fautif, mais certains cas vont être liés au hasard, dans ce cas on a un mécanisme de solidarité publique, un  fonds de garantie qui prendra en charge cette indemnisation à défaut de responsable.

Cette solidarité doit aussi de distinguer de la mutualité ou mutualisation des risques car en effet bien souvent le responsable dispose d’un relai qui est l’assurance de responsabilité  qui va prendre en charge sa dette de réparation, cette assurance fonctionne selon un principe de mutualisation des risques mais ce n’est  pas un mécanisme de solidarité car toute assurance pour se mettre en œuvre postule un responsable identifié

Quand on parle de fondement de la responsabilité, il faut différencier ce fondement de la notion de fait générateur de la responsabilité. Quand on parle de fait générateur on distingue trois hypothèses

  • La responsabilité du fait personnel
  • La responsabilité du fait d’autrui
  • La responsabilité du fait des choses

Bien souvent, on assimile un fait générateur à un fondement de responsabilité alors que ce sont deux notions différentes : très souvent on considère comme synonyme responsabilité du fait personnel et responsabilité pour faute. En réalité ce sont deux choses différentes en théorie il serait parfaitement envisageable de déclarer quelqu’un personnellement responsable pour un fondement autre que la faute, par exemple une participation personnelle dans le dommage mais non fautive. Cela veut dire que ‘l’intervention d’une personne, le fait d’une chose et le fait d’autrui ne suffisent pas à renseigner sur le pourquoi de leur dette d’indemnisation

En pratique on assimile  responsabilité personnelle et responsabilité pour faute car le droit français  a fait le choix d’assigner uniquement le fondement de la faute à cette responsabilité personnelle. De même la responsabilité du fait des choses a un fondement objectif, elle est détachée de la faute. En revanche la responsabilité du fait d’autrui a pls fondements, tantôt elle repose sur la faute de l’auteur du dommage, tantôt  elle est détachée de cette faute

La faute est historiquement le premier fondement de notre responsabilité civile, mais ce fondement est devenu progressivement vulnérable, du fait de circonstances que la faute ne pouvait satisfaire. Du fait de la révolution industrielle, sont apparue de multiples hypothèses dans lesquelles la sanction d’un responsable fautif devenait totalement artificielle.

Différents auteurs (Josserand) ont proposé un fondement alternatif à la faute pour expliquer la dette de responsabilité. A la théorie de la faute est venu s’ajouter la théorie du risque comme deuxième fondement de la dette d’indemnisation, c’est une théorie objective, qui peut se mettre en œuvre sans l’identification d’un responsable fautif ? La théorie du risque consiste à dire qu’une personne physique ou morale quid éploie une activité (industrielle, de transport) fait nécessairement courir des risques à autrui et doit indemniser toute victime de son activité alors même qu’elle n’est pas fautive, c’est la contrepartie du risque qui est imposée à autrui. La théorie du risque  a largement accompagné la responsabilité du fait des choses.

Pour expliquer la responsabilité on a la faute, le risque mais également la théorie de la garantie proposé par un auteur Boris Starck, il a complètement renversé la perspective, au lieu d’analyser le comportement de l’auteur du dommage il part de la situation de la victime et considère que la victime. Il   a le droit socialement à être garantie de l’indemnisation des dommages qu’elle subit. En d’autres termes il y aurait un droit à la sécurité qui est un droit absolu en matière corporelle  et un droit assez large en matière matérielle mais si pour certains dommages la garantie est quand même plus réduite, c’est première fois  qu’apparait un « droit à » en droit de la responsabilité. Cette théorie a connu des développements récents, certains auteurs ont parlé de droit à la sureté,  la sécurité

Le problème est que si on permet à toutes les victimes d’être indemnisés à tout moment du simple fait  du dommage qu’elle subit, le cout social va devenir énorme et risque en plus de paralyser toute initiative. D’ailleurs, Starck modulait sa théorie en matière d’atteinte économique, d’atteinte   à la concurrence, il n’imposait pas une garantie systématique.

 A l’heure actuelle, la théorie de la faute et celle du risque continuent d’expliquer la plupart des responsabilités, même si l’idée de garantie affleure, apparait mais moins dans le droit commun de la responsabilité que dans les régimes spéciaux d’indemnisation où l’on veut systématiquement indemniser les victimes. Ces fondements traditionnels sont d’autant plus présents qu’ils  ont se renouveler au fil du temps. La faute de 2017 n’est plus la faute de 1804 ; la faute de 2017 peut être objective, c’est-à-dire détachée de l’état de son auteur, on va simplement s’intéresser si le comportement était anormal quelque soit le comportement de l’auteur. Certains auteurs ont parlé de verdeur de la faute. Et puis de nouvelles fautes sont apparues telle que la faute de précaution (ne pas avoir anticipé un risque éventuel), sont aussi apparues des fautes plus graves, inexcusables, peut-être qu’elles seront consacrées dans l’avant-projet de réforme

La théorie du risque s’est aussi modernisée, certains ont proposé de la durcir en isolant une catégorie de choses à risques, celles qui sont liées à des activités spécifiquement dangereuses

L’abandon de la faute était expliqué par la contrepartie d’un risque de profit, on a voulu transposer le concept pénal de mise en danger d’autrui par le concept d’activités dangereuses

Certains auteurs ont tenté de lier le droit de la responsabilité à une théorie plus générale, celle des droits  subjectifs, il y aurait chez l’être humain un certain nombre de droits, dont le droit de nombre pas souffrir d’une atteinte corporelle, droit dont la protection serait automatique dès lors que l’atteinte serait constaté, on s’affranchirait ici de l’exigence de fait générateur ou de causalité. Cette théorie a été parfois validée : atteintes à la vie privée, mais la jurisprudence n’a jamais affranchis de l’obligation pour la victime de démontrer le dommage, le fait générateur etc

 

Chapitre I – Les faits générateurs de responsabilité civile

Section I – La responsabilité du fait personnel (ou responsabilité pour faute) 

L’article 1240 nouveau du code civil évoque  tout fait quelconque de l’homme, on pourrait donc envisager que toute intervention de l’homme engage une responsabilité personnelle objective, mais immédiatement l’art évoque la faute « qui cause à autrui un dommage »

La responsabilité du fait personnel est à l’évidence une responsabilité pour faute.

L’article 1241 évoque plus spécifiquement les fautes d’imprudence ou de négligence, ce qui permet de distinguer les fautes volontaires (1240 : délits civils) et les fautes involontaires (article 1241 nouveau du code civil, quasi délits civils) mais cette distinction a peu d’importance en pratique du moins ne droit commun. En revanche la gravité de la faute (volontaire, inexcusable) emporte des conséquences importantes dans les régimes spéciaux de responsabilité

 

  • 1 – La constitution de la faute

Pour qu’il y ait une faute, on pourrait se référer au droit  pénal, qui exige toujours deux éléments pour constituer une faute :

  • Un élément intentionnel : la conscience d’un acte
  • Un élément matériel : la violation d’une norme de comportement

En droit civil on pourrait penser qu’il en va de même, mais c’est là ou le droit civil montre son originalité, l’aspect d’imputabilité de la faute a disparu, on peut être fautif  alors même qu’on n’est pas conscient d’en avoir commis une.

 

  • L’imputabilité de la faute (ancienne)

C’est l’élément subjectif de la faute, il s’agirait de l’exigence d’un lien entre la volonté de l’agent (auteur du dommage)  et l’acte accomplit

Cela peut sembler évident, au départ la faute civile imposait ce degré de conscience au nom de considérations morales, comment sanctionner quelqu’un n’ayant pas eu conscience de son acte ? Mais la morale est double en droit de la responsabilité, une morale appréciée du côté du responsable et une autre du côté de la victime, il serait injuste qu’elle ne soit pas indemnisée au motif que l’auteur du dommage n’avait pas conscience de son acte. C’est pourquoi le droit français s’est débarrassé dans cette dynamique indemnitaire de l’exigence d’imputabilité de la faute de l’auteur du dommage, cette mise à l’écart vient d’une loi du 3 janvier 1968, l’art 414-3 énonce que « celui qui a  causé un dommage à autrui alors qu’il  était sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins obligé à réparation »

Cet abandon de l’imputabilité a été posé pour répondre à des préoccupations indemnitaires

La question est de savoir quel est le périmètre assigné aux personnes ne disposant pas de la conscience de leur acte. Avant la réforme, la jurisprudence s’était saisie et avait admis certaines dérogations au principe d’irresponsabilité des personnes aliénées, ainsi les tribunaux faisaient très attention en disant qu’au moment  de l’acte dommageable la personne avant retrouvé sa  conscience ce qui permettait d’indemniser la victime. A partir de 1968 on dispose d’un texte, l’article 414-3  du code civil, deux façons de voir les choses :

  • Soit le texte reste une exception à un principe qui n’a pas été abolit qui est celui de l’imputabilité de la faute dans ce cas il faut ‘l’interpréter restrictivement
  • Soit le texte n’a qu’une vocation d’illustration, il illustre parmi d’autres possibilités l’abandon pure et simple du principe d’imputabilité

Il y a en dehors du trouble mental d’autres cas où la personne n’a pas conscience de son acte

La Cour de Cassation a rapidement englobé dans le périmètre de l’article 414-3  non seulement les majeurs aliénés  mais aussi aux mineurs n’ayant pas conscience de leurs actes pour des raisons de trouble mentaux

Reste le cas des enfants en bas âge, qui n’ont pas conscience de leurs actes et n’ont pas non plus de troubles mentaux, peut-on les considérer comme des personnes comme les autres dans le but de leur imputer une dette de responsable, la Cour de Cassation a hésité et a tranché en 1984, notamment dans 5 arrêts du 9 mai 1984 : la Cour de Cassation a abandonné l’exigence d’imputabilité pour l’infans en dispensant les juges de vérifier s’il était conscient de ses actes : dans une des affaires un enfant de trente mois était tombé d’une balançoire avait éborgné son camarde de jeu avec un bout de bois en tombant, l’enfant sera déclaré responsable

Dans ces affaires il n’y avait pas seulement ce cas de figure, il y avait le cas où l’enfant était victime d’un accident pour partie imputable à un comportement anormal de sa part, il y a non seulement l’infans auteur mais aussi l’infans victime de sa propre faute, pourra-t-on  alors minorer son indemnisation : on a aussi admis l’opposabilité à l’infans de sa propre faute, laquelle pouvait être invoquée en faveur du responsable poursuivi

Ex : un enfant qui s’était électrocutée en dévissant une ampoule

On peut reprocher tout et n’importe quoi à l’infans victime comme auteur

Face à cela, les auteurs se sont effrayés à  l’époque, la solution peut venir d’une réforme, ce serait une solution d’assurance. En principe c’est l’assurance des parents qui payent sans recours contre l’enfant, s’il n’y a pas d’assurance les parents vont payer. Mais l’assurance peut aussi avoir une autre utilité quand il s’agit de l’enfant victime de sa propre faute, là il existe des contrats qui se diffusent qui permettre de couvrir ce type de circonstance

Certain sauteurs pensent qu’on pourrait tenter de distinguer le dommage causé à autrui du dommage causé à soi-même en considérant que la faute opposée à l’infans est une sorte de peine privée qui ne porte pas son nom et qui devrait  dès lors être écartée. Le problème est qu’on est face à 5 arrêts de l’assemblée plénière qui ont autorité absolue, néanmoins il y a quelques décisions du fond qui passent entre les grilles

  • Arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry du 12 avril 2005

Cet abandon de l’imputabilité est maintenant général

Deux observations :

  • Cet abandon de l’imputabilité vaut à l’égard des quasi délits ( aute de négligence) en revanche elle ne concerne pas l’article 1240 du code civil qui parle des délits (faute volontaire)
  • Cet abandon d’imputabilité (objectivisation de la faute) permet qu’elle soit commise par des personnes morales, une société qui n’est pas consciente personnellement de ses actes peut être responsable sur la base de l’article 1241 du code civil.

 

  • La matérialité de la faute

C’est le comportement anormal que l’on va réprimer chez son auteur, ce n’est pas facile de déterminer ce qui est normal ou pas

  • Le critère de l’élément matériel

C’est une question intemporelle, dès qu’on a voulu réprimer la faute on s’est demandé comment définir l’acte civilement répréhensible, quand on regarde l’article 1240, il vise tout fait quelconque de l’homme, on pourrait dire qu’est  fautif un comportement illicite ou immoral

Planiol a considéré que la faute est le manquement à une obligation préexistante, mais quelle obligation préexistante ? On peut peut-être distinguer les obligations définies par la loi, d’objet limité et les obligations plus générales. On a des obligations précises qui apriori ne posent pas de problème, mais il y a d’autres  règles assez précises dont la transposition en responsabilité civile n’est pas si évidente : c’est le cas des fautes disciplinaires, ce sont des fautes assez cadrées, on peut se demander si on peut transposer tous les manquements déontologiques en terme de responsabilité civile. La jurisprudence est assez  mesurée voire incertaine dans ce domaine, elle considère qu’un manquement déontologique peut accréditer l’idée d’une faute civile mais qu’elle ne doit pas nécessairement se confondre avec celle-ci, cela veut dire que la Cour de Cassation autorise les juges du fond à vise au soutient de leur décision les textes déontologiques, simplement elle exige qu’au-delà de ce visa les juges du fonds vérifient qu’il y a bien eu tous les éléments  d’anormalité nécessaires à la qualification de faute civile :

  • Arrêt du 10 septembre 2013: dans cette affaire un expert-comptable avait repris une clientèle au détriment d’un confrère dans des circonstances contraires aux règles déontologiques, le confère s’était plaint d’une faute, la Cour de Cassation a dit qu’il y avait bien faute déontologique mais pas en matière de responsabilité civile

Il n’y a dons jamais d’asservissement de l’article 1241 aux codes de déontologie

Même problématique en matière de manquements sportifs, est ce qu’une faute d’imprudence commise sur un  terrain de foot, rugby, hand, qui blesse un adversaire est nécessairement une faute au sens des arts 1240 et suivant ?  Ici encore les tribunaux s’agissant de la violation des règles sportives exige des fautes caractérisées d’une certaine gravité car on considère que sur le terrain il y a une forme d’acceptation des risques de blessure de la part des participants, il faut donc une violation volontaire des règles sportives, pour qu’il y ait faute civile. La jurisprudence considère qu’une violation des règles du juge n’emporte pas nécessairement une qualification de faute civile, e, sens inverse elle admet aussi qu’une faute civile peut être retenue alors même qu’aucune sanction n’avait été sifflé par l’arbitre :

  • Arrêt du 10 juin 2004 : sport de polo à cheval, chute provoquée par un cavalier
  • Arrêt du 20 novembre 2014: tacle d’un joueur de foot sur un autre

Jamais la Cour de Cassation n’a défini de manière générale ce qu’est apriori  un comportement prudent, il y a encore le droit à une certaine imprudence légitime

Le conseil constitutionnel lui a été saisit dans un arrêt du 16 novembre 1999 qui concernait une problématique de responsabilité et de droit de la famille, il s’agissait de la rupture unilatérale d’un pacse, le Code Civil a évoqué un devoir général de ne pas nuire à autrui dont l’article 1240 serait la suite nécessaire.

On s’aperçoit par la suite que cette généralité que semble imposer le Code Civil est de plus en plus battue en brèche, on a d’autres textes que l’article 1240 qui réduisent ce devoir général de ne pas nuire à autrui qui pourtant a été validé constitutionnellement, par exemple une loi du 21 juin 2004 (dite loi pour la confiance dans l’économie numérique) cette loi a limité  la responsabilité des hébergeurs de sites internet en se bornant à permettre de sanctionner un défaut de réactivité face à des alertes, on est très loin du tout fait quelconque de l’article 1240. Autre exemple en matière de délit de presse, il existe une ancienne loi revue plusieurs fois, celle du 29 juillet 1981a a également des dimensions civile, permet d’indemniser des victimes de délits de presse, mais la question qui se pose est de savoir si cette lois spéciale qui vise seulement quelques cas de faute supplante l’article 1240 nouveau du code civil ?  Il semble que non et que la Cour de Cassation écarte l’article 1240 et ne permette aux victimes de dommages de délits de presse d’agir que sur le fondement de la loi de 1881

  • Arrêt du 10 avril 2013 « l’éviction de l’article 1382 en matière de liberté d’expression » JCP 2014 n° 384

Cela reste un principe général, mais a place est de plus en plus virtuel

 

Mais quel est le critère matériel de la faute ? L’avant-projet article  1243 ne révolutionne pas la matière et n’apporte rien de plus. La faute reste un concept très grave, en plus la jurisprudence aggrave parfois les choses

Pour autant il faut se fier à une méthodologie qui est en vigueur depuis que les juges existent, les juges vont se demander ce qu’aurait fait dans les mêmes circonstances une personne raisonnable, ce que va faire le,  juge c’est de déterminer le comportement moyen qu’on peut attendre d’une personne moyenne, c’est une méthode très générale  aussi utilisée en droit administratif (méthode du standard) qui permet d’avancer un petit peu. Sous le terme de standard on peut observer des sous standards plus précis, par exemple le standard du profane moyen n’est pas identiques à celui du professionnel, on attend beaucoup plus d’un professionnel que d’un particulier. Dans ces sous standards il y a des méthodes assez affinées, quand on à faire à un professionnel dont on va détermine si son comportement était négligent ou pas, on va situer le niveau d’attente à un  degré supérieur à celui d’un particulier, mais faut-il prendre en compte d’autres éléments en plus, notamment être plus sévère selon que le professionnel est plus ou moins âgé, qualifié (ex : médecin très jeune et médecin avec beaucoup d’expérience) quelques soient les circonstances, on n’a pas à prêter attention à l’expérience, aux facultés, on attend la même chose du tout début de carrière jusqu’à la fin , on attend le même standard de diligence.

Cette notion de standard permet quand même d’éviter des procès. Il y a des cas ou c’est  tempéré pour des raisons d’équité, l’état d’inconscience n’est plus un obstacle à l’élément psy de la faute, en revanche certains tribunaux semblent faire resurgir l’état de conscience des actes non pas au stade de l’élément psy mais au stade de l’élément matériel, en d’autre termes, certains arrêts semblent prendre en compte la particulière jeunesse d’un responsable pour revoir à la baisse le niveau d’exigence que l’on pourrait attendre de lui, il y aurait donc dans la personne raisonnable un sous standard, le standard de la personne adulte et le standard du jeune :

  • Arrêt du 7 mars 1989: un enfant fait une chute sur un chemin dangereux, la Cour de Cassation a considéré qu’il était en mesure de remarquer la dangerosité de ce chemin

La jurisprudence utilise donc des standards plus ou moins affinés.

  • Les juges du fond sont souverains pour apprécier la matérialité des faits fautifs, de même que leur degré de gravité. En revanche la Cour de Cassation vient parfois sanctionner des erreurs de qualification de fautes, des contractions de motifs :
  • 2ème ch civile 14 avril 2016 :
  • C’est toujours à la victime de démontrer qu’une faute a été commise

 

  • La mise en œuvre du critère de l’élément matériel

Même si la faute renvoie à tous les cas de la vie social, on a dans ce domaine une typologie qui est pratique même si elle n’est pas toujours convaincante. On oppose alors la faute de commission et le faute d’abstention, d’omission

  • La faute de commission: ce sont tous les comportements extériorisés, identifiables, positifs (violation de règles sportives, déontologiques). Ce type d’agissement se retrouve aussi dans les faits de concurrence déloyale mais aussi en droit de la famille (rupture de concubinage, pacse)
  • La faute d’omission: elle est plus compliquée à appréhender car sanctionner une absentions revient quelque part à imposer une obligation d’agir, se profile alors derrière tout ça la liberté individuelle. On peut subdiviser encore les fautes d’omission que la jurisprudence utilise non officiellement :
    • L’omission dans l’action: c’est tout proche de la faute de commission
    • L’omission pure et simple: est -ce qu’on peut reprocher à quelqu’un de s’être abstenu. Il se peut que l’abstention soit motivée par une volonté de nuire à autrui, dans ce cas l’abstention sera à l’évidence sanctionnable. Lorsqu’il n’y a pas d’intention de nuire on n’a plus de difficulté, sur le principe rien n’empêche de sanctionner ce type de comportement, mais pour les trouver il faut peut-être de nouveau d’en revenir à la norme qui est transgressée. Quand il y a le devoir général de prudence il sera assez difficile de caractériser cette abstention, en revanche quand il existe des textes spéciaux (code de la route, urbanisme) la Cour de Cassation utilise l’existence et surtout l’absence d’impératif particulier pour qualifier ou rejeter la faute d’abstention pure et simple

Ex : si un passant glisse sur une plaque verglacée et que cette plaque est à côté de la maison d’un particulier, est ce que le passant peut se retourner contre le proprio, la Cour de Cassation a considéré qu’il n’y a aucune obligation dans le code de l’urbanisme imposant ce type de sécurisation, l’abstention ne sera alors pas qualifiée de faute civile.

 

  • 2 – La dénégation de la faute
  • La revendication de droits par l’auteur de l’acte

« J’ai agi fautivement parceque j’avais le droit de le faire »

Il y a deux d’hypothèses d’inégale importance :

  • Dans certaines circonstances il y a une sorte d’analogie du droit pénal, l’auteur d’un acte objectivement anormal peut se prévaloir de circonstances de fait justificatif qui vont neutraliser l’anormalité de son comportement, on trouve certains cas de légitime défense, d’excuse de provocation
  • C’est la question de l’abus de droit : il s’agit de savoir si le fait pour un individu d’exercer un droit subjectif, c’est-à-dire reconnu par la loi, peut malgré tout dans certains cas fonder une responsabilité pour faute. Il y a deux façons de voir l’abus de droit :
    • Une façon individualiste: à partir du moment où la loi confère un droit subjectif, son exercice doit être sans limites car si on  posait ces limites cela reviendrait à nier la titularité du droit par le sujet qui le revendique
    • Une façon sociale: Une autre conception consiste à dire que la titularité d’un droit subjectif ne se conçoit que dans la limite souvent implicites qui lui est accordée, et ce droit va disparaitre à partir du moment où on en abuse

C’est la conception sociale qui prévaut, mais depuis longtemps on a admis sue l’on puisse abuser d’un droit subjectif, toute la question étant alors de définir le critère de cet abus.

Il y a en effet quelques droits discrétionnaires :

  • Le droit d’exhéréder
  • Le droit de renoncer à un contrat d’assurance vie jusqu’en 2014 on pouvait se rétracter

Globalement le nombre rare des droits discrétionnaires se réduit, la catégorie des droits susceptibles d’abus ne cesse alors de s’étendre.

 

Il convient donc de revenir sur le critère de l’abus, il y a eu une controverse célèbre qui a opposé Ripert  et Josserand

  • RIPERT a proposé de rattacher l’abus à l’intention dolosive, de nuire au titulaire du droit, c’est un critère subjectif. la Cour de Cassation a été sensible à cette théorie car dans un arrêt du 26 novembre 1953 elle a énoncé que l’exercice d’un droit peut constituer une faute lorsque le titulaire de ce droit en fait à dessein de nuire un usage préjudiciable à autrui (cet arrêt synthétise d’autres décisions antérieures)

La 1ère illustration de l’abus de droit est la question de l’abus du droit de propriété avec une affaire célèbre, l’affaire Clément Bayard du 3 aout 1915, il concerne l’abus du droit de propriété  que l’article 544  qualifie d’absolu : dans cet affaire on avait des dirigeables étaient stationnés sur un terrain et les mouvements de ces dirigeables ont eu pour effet d’irriter un des voisins et a décidé de mettre des pieux le bord de ses palissades, il  y  a eu un contentieux, sauf que pour la première fois la Cour de Cassation a considéré que l’exercice de ce droit n’avait été mis en œuvre que dans le but de nuire au voisin, ainsi la responsabilité civile liée à l’abus de droit a été considérée par la Cour de Cassation.

La question est de savoir si on peut développer l’abus de droit dans d’autres domaines : oui et non, on l’a retrouvé dans un autre cas mais qui maintenant régresse, c’est le cas des œuvres d’art, catalogues. Il y a une affaire célèbre « affaire Branly » datant d’un arrêt du 27 février 1951 dans cette affaire un historien avait retracé l’histoire de la transmission sans fil avec un problème, il avait oublié son inventeur dont les héritiers ont agi en justice pour abus de liberté d’expression, par omission, il y a eu condamnation civile retenue pour faute d’abstention. cela devient de plus en plus dur d’agir en resp dans ces domaines car face à ce contrôle d’une œuvre artistique il y a d’autres principes concurrents que l’on peut mobiliser :  la liberté d’expression et la Cour de Cassation dans un arrêt du 22 janvier 2014 a considéré qu’un catalogiste d’art n’est pas tenu d’être exhaustif

Sur le plan européen, l’article 10 de la CEDH consacre la liberté d’expression et dont la cour de cassation se sert dans ses visas (arrêt du 12 juillet 2000)

De plus, le nouvel article  1112  du code civil consacre l’extension du principe de bonne foi, au stade de l’exécution du contrat mais aussi durant sa formation, c’est une variété de l’abus, puisque la bonne foi renvoie à l’intention de nuire

  • Face à cela, JOSSERAND propose un critère finaliste de l’abus de droit, ce que dit Josserand c’est que tout droit subjectif est concédé à l’individu sous réserve du respect de sa finalité sociale. En d’autres termes, peu importe que celui qui exerce ce droit de façon abusive l’ait fait de façon intentionnelle ou par négligence, ce qui importe c’est de vérifier la concordance entre les modalités d’exercice du droit et ce pourquoi il a été accordé. En pratique, la jurisprudence est très mesurée, on trouve quelques traces de ce critère dans les recueils de la Cour de Cassation : ainsi, l’exercice du droit d’agir en justice peut être déclaré abusif de deux façons :
  • soit d’abord parce qu’il y a des obstructions systématiques à l’action de l’adversaire
  • Mais la jurisprudence accueille aussi l’abus de droit à propos du comportement de l’imprudence, de négligence mais surement pas de volonté de nuire à autrui

 

  • Le consentement de la victime

Est-ce qu’on peut être poursuivit lorsque celui à qui on a causé un dommage avait accepté le risque de ce dommage ? Est-ce sue l’acceptation des risques peut être opposé par quelqu’un dont le comportement a été matériellement anormal ? Ici on n’est pas dans une circonstance d’exonération au sens stricte, ici on se demande si face à une faute de l’auteur du dommage qui existe au moins virtuellement dans une première étape, le comportement de la victime peut-il venir s’intercaler entre cette faute virtuelle et la répression par l’allocation de dommages et intérêts

L’acceptation des risques au regard de l’article 1240 existe mais dans des circonstances assez cadrées, les principales de ces circonstances sont les compétitions sportives, dans les sports rugueux la jurisprudence considère que la faute de l’auteur doit être particulièrement grave parce qu’elle est compensée jusqu’à un certain niveau par l’acceptation du risque par la victime, ce n’est donc pas n’importe quelle faute qui est sanctionnable.

Ex : arrêt du 5 décembre 1990 

Concernant la responsabilité du fait des choses l’acceptation des risques est un problème, la Cour de Cassation depuis quelques années et plus précisément depuis un arrêt du 4 novembre 2010, la Cour de Cassation a considéré que l’acceptation des risques ne pouvait plus être opposé à la victime, c’est une jurisprudence très protectrice des victimes. Par exemple, si on a un régatier blessé lors de la compétition qui agit non pas en tant que fautif mais en tant que gardien du bateau, dans le cadre de l’article 1242 la victime ne pourra plus se voir opposée l’acceptation des risques. Une dérogation légale a été apportée par une loi du 12 mars 2012 qui a été transposée à l’article L321-3-1 du code du sport qui neutraliser la jurisprudence de la Cour de Cassation mais dans un cas précis, celui des compétiteurs automobiles évoluant sur un milieu dédié et subissant des dommages matériels, dans ce cas, l’acceptation des risques devient opposable (revirement de jurisprudence)

Section II – La responsabilité du fait des choses 

C’est un des cas de construction jurisprudentiel les plus importants, sous la pression indemnitaire il a fallu réviser l’art qui est devenu l’article 1240

  • 1 – Une brève histoire du temps

Ce droit commun a montré un certain nombre de limites et on s’est tourné  vers un droit spécial de la responsabilité du fait des choses.

On est partit d’un texte qui au départ semblait mineur, l’ancien article 1384 al 1  du code civil «  on est responsable de sa faute mais on est aussi responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde » ce texte était mineur car il n’avait qu’un but : annoncer les deux articles suivant articles 1385 et 1386 visant deux catégories de choses : les animaux (responsabilité du fait des animaux) et les bâtiments en ruine. Ce qui rendait aussi ce texte anecdotique c’est qu’il ne rompait pas ave la faute : on pouvait considérer que le fait des animaux ou bâtiments permettait de présumer la faute du propriétaire des animaux ou la faute du proprio du bâtiment laissant le bâtiment se délabrer, ces deux arts n’étaient alors que des déclinaisons de la responsabilité pour faute

Mais, à la fin du 19ème  la jurisprudence est confrontée à l’accélération des risques industrielles qui créent des dommages déliés d’une faute quelconque et la Cour de Cassation a radicalement transformé l’interprétation de l’article 1384 al 1 en considérant que ce texte n’était plus introductif mais énonciatif d’un principe général de responsabilité sans faute du fait des choses que l’on a sous sa garde, cette affaire résulte de l’affaire Teffaine du 18 juin 1996 , aucune faute ne pouvait être retenue à l’encontre du propriétaire du remorqueur. Pour autant le camp de la résistance s‘est organisé, on a essayé de restreindre le champ d’application de l’article 1384. L’apport de cette décision a fait l’objet de longues réactions, d’abord par le législateur , il a soustrait au principe de responsabilité du fait des choses les accidents du travail.

Ensuite on a tenté de restreindre ce principe nouveau en proposant de cantonner l’article 1384al 1 aux choses autonomes car si elles ne sont pas autonomes c’est qu’on est dans une responsabilité pour faute, ou encore aux seules choses dangereuses. Le débat a eu lieu longtemps jusqu’à un autre arrêt Jand’heur Cass, chambre réunie du 13 février 1930, ce cas concernait un accident de la circulation, la Cour de Cassation a énoncé une formule qui a marqué la jurisprudence, la Cour de Cassation a adopté la vision la plus large de la responsabilité du fait des choses puisqu’elle écarte le critère de l’autonomie, elle écarte aussi implicitement la notion de dangerosité, l’idée que la chose ait préalablement un vice la rendant dangereuse. Potentiellement, toute chose ayant causé un dommage à autrui, peut mobiliser l’article 1384al 1. Par ailleurs la Cour de Cassation précise que la faute du gardien n’est plus dans le débat, elle n’est plus présumée, et el gardien ne pourra plus non plus s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il n’a pas commis de faute. Ici la Cour de Cassation ouvre les vannes d’un principe général du fait des choses avec quand même une petite ambiguïté :  l’article 1384 al 1 rattache la responsabilité à la garde de la choses et non  la chose elle-même, là il y a une ambigüité, il aurait fallu viser exclusivement le fait de la choses pour l’objectiviser , ici on renvoie le fait de la chose à son gardien et on peut se demander si de façon voilée il n’y aura pas d’examen par les juges du comportement du gardien à l’égard de la chose. Le principe de responsabilité du fait des choses est donc né et n’a pas été remis en cause par l’avant-projet qui énonce « on est responsable de plein droit des dommages causée par le fait des choses corporelles que l’on a sous sa garde »

La faiblesse de ce principe est qu’il comporte de plus en plus d’exceptions via les régimes spéciaux, au point de le priver de sa substance

 

  • 2 – Le droit commun de la responsabilité du fait des choses

La responsabilité du fait des choses n’est pas une responsabilité de plein droit, il faut en vérifier des conditions préalables, ces conditions qui figurent dans l’article 1242 al 1 renvoie à trois choses : une chose, un fait de la chose, un gardien de la chose

  • Une chose

Depuis l’arrêt Jand’heur, l’article 1242 peut être invoqué, que la chose soit plus ou moins dangereuse ou qu’elle soit ou non maniée par l’homme. A partir de là on  

  • Les choses concernées

Ce sont aussi bien les choses mobilières qu’immobilières. Certes l’article 1244  du code civil s’attache à la responsabilité du fait d’immeubles, mais dans un cas spécial, celui de la ruine de l’immeuble, en dehors de ce cas, toutes les autres situations de dommages causés par un immeuble relèvent de l’article 1242. Ces choses peuvent être les arbres, les canalisations, les escaliers,  ils peuvent entre dans le cas de l’article 1242, peu importe que la chose au moment du dommage ait été inerte ou en mouvement

  • Cass 24 avril 2003 ( TD 3 p21)

On rencontre la problématique des res nullius, les choses qui n’appartiennent à personne, certaines décision acceptent de déclarer un gardien responsable, du fait de la neige  qui tombe d’un toit, du fait de la vapeur qui tombe d’une cheminée, la Cour de Cassation a aussi admis la responsabilité du fait de l’eau de mer,  de tout élément naturel. En effet, l’idée est de considérer que cet élément naturel peut à un moment ou un autre s’agglomérer, se relier, à une chose appropriée

  • Arrêt du 21 janvier 2016: concerne de l’eau dégagé des climatiseurs s’étant répandue sur le sol voisin, peut engager la responsabilité des gardiens de ces climatiseurs, un lien s’est fait entre l’eau glacé et les climatiseurs

La Cour de Cassation a admis après qu’une vague d’étrave qui était si puissante qu’elle a endommagé  des biens situés sur le rivage pouvait être rattachée au navire qui l’a provoquée

  • Cass 13 septembre 2012 (n°11S19941) Qui concerne la pollution d’une nappe phréatique à la suite du déversement de produits industriels. Cela indique que le droit de l’environnement peut s’appuyer sur l’article 1384

 

L’arrêt Jand’heur a écarté toute distinction entre les choses dangereuses et les choses non dangereuses, cependant, certains arrêts contemporains s’y réfèrent encore 

 

L’article 1242, vaut pour les choses certains arrêts se réfèrent encore à la notion de choses dangereuse, mais il ne s’agit pas ici de cantonner la responsabilité à ce type de chose mais pour en démontrer le comportement anormal qui est d’autant plus facile à établir que la chose a été dangereuse ou pour déterminer la gardien de cette chose lorsqu’on peut envisager plusieurs rattachements réapparait l’analyse du comportement du gardien et de la faute qu’il aurait pu commettre 

  • Les choses écartées

Des choses ne sont pas concernées par l’article 1242

La première chose est le corps humain : est-ce que cela peut être l’instrument du dommage, la question a été posée le 22 juin 1942, cela concernait un accident survenu dans un manège forain, il tournait à grande vitesse et un des passagers avait été éjecter atterrissant sur un passant se blessant, le passant avait tenté de faire jouer l’art à l’égard de la personne étant tombée sur lui en disant qu’elle était gardienne de son corps, la Cour de Cassation rappelle que le corps humain ne peut être considéré comme une chose.

Il arrive que le corps humain et une chose physique soient parfois indissolublement liée : e skieur avec ses skis, le cycliste avec son vélo, dans ce cas la jurisprudence  admet le jeu de l’article 1242, quand bien même le premier choc aurait été causé par le corps dub skieur et non pas par ses skis.

Par ailleurs, seules les choses corporelles devraient être du ressort de l’article 1242, ce qui permet d’exclure les choses incorporelles. Néanmoins un jugement du TGI de Paris a considéré qu’une image télévisuelle pouvait être assimilée à une chose au sens de l’article 1242 du fait de sa possible reproduction et de la possibilité de la conserver dans des archives (arrêt du 27 février 1991)

L’avant-projet lui ne vise que la responsabilité du fait des choses corporelles

  • Le fait de la chose

Il faut que la chose ait joué un rôle dans la commission du dommage, ce fait de la chose fazit l’objet d’un contentieux régulier, est ce que c’est le fait de la chose qu’on va examiner au sens stricte, ou le fait de son gardien

Certains ont voulu aller plus loin en considérant qu’il fallait trouver dans l’article 1384 une illustration de la faute dans la garde selon Denis Mazeaud , en d’autres termes plutôt que le fait de la choses il faudrait examiner la faute à l’origine du fait de la chose

La jurisprudence n’a jamais consacré cette idée de faute dans la garde, mais certains contrôles de l’anormalité du comportement de la chose sont très proches du contrôle de la normalité du comportement du gardien. La jurisprudence accepte d’appliquer l’article 1242 (1384 ancien) à des circonstances où le gardien fait  corps avec la chose et où on pourrait facilement identifier si besoin une faute de sa part :

 

  • Arrêt du 20 mai 1975 : coup de fourche, la Cour de Cassation a considéré qu’on pouvait faire jouer l’ancien article 1384 al 1.

Quand on parle de responsabilité du fait de la chose, ce qui est essentiel est d’analyser en quoi la chose a joué un rôle dans la commission du dommage causé à autrui, la jurisprudence emploie parfois le terme de cause du dommage, et délaisse par fois le fait de la chose pour parler du rôle de la chose. En quoi la chose dommageable a-t-elle été effectivement à l’origine du dommage ? Comment a-t-on dégagé cette notion de rôle causale de la chose

Un arrêt du 9 juin 1939 a considéré que la chose peut être présumée « constituée la cause génératrice du dommage dès lors qu’elle a contribué à la réalisation de celui-ci »  on trouve aussi dans cette décision l’obligation faite à la victime sur le plan probatoire de démontrer en quoi la chose a participé matériellement au dommage dont la réparation est demandée. Une fois que la victime a démontré cette participation matérielle, elle bénéficiera d’une sorte de présomption du rôle causale de la chose.

L’arrêt du 19 février 1941 a encadré cette présomption : une cliente d’un établissement de bai avait chuté sur une canalisation d’eau brulante, la Cour de Cassation considère que la présomption de rôle causale peut jouer y compris si la chose est une chose inerte. Par ailleurs, la Cour de Cassation a précisé quelles sont les limites de la présomption en admettant qu’elle puisse  être neutralisée dans deux cas :

  • Soit parceque le gardien réussit à démontrer une cause étrangère, il n’y pouvait rien
  • Soit parceque le gardien réussit à démontrer le rôle passif de la chose dans le dommage infligé (ne pas confondre inerte et passif)

A partir de là, le travail de la Cour de Cassation au 20ème a été de préciser le domaine de présomption. Comment fonctionne-t-elle, on va distinguer une série d’hypothèses :

  • La chose était en contact avec la victime et en mouvement: dans ce cas il y a présomption du rôle actif de la chose, sauf hypothèse de cause étrangère (clause générale d’exonération d’un gardien) en revanche il est impossible de se prévaloir du rôle passif de cette chose, d’invoquer le fait que la chose n’ait fait que subir le dommage infligé à la victime. Ex : accostage d’un navire qui endommage un quai, peu importe que la manœuvre ait été normale et que le quai endommagé n’ait fait que subir le dommage infligé, du moment qu’il a mouvement et contact
  • Arrêts du 2 avril 1997 : concerne un escalator en mouvement qui avait fait chuté un passant, il a été considéré que l’exonération d gardien n’est possible que s’il démontre un cas de force majeur, peu importe si l’escalator était passif

Dans l’avant-projet, cette présomption est reprise à partir du mouvement ou la chose est en contact et mouvement avec la victime

  • La chose n’était pas en contact avec la victime et le bien endommagé: l’absence de contact n’empêche pas l’application de l’article 1242, on peut donc poursuivre le gardien d’une chose qui n’a pas touché la victime.
  • Ex : une pierre projetée sur un véhicule par le passage d’un véhicule le précédant, on considère que le gardien du premier véhicule pouvait être invoqué alors même que les véhicules ne s’étaient pas touchés
  • Ex : la vague d’étrave, on peut remonter vers le gardien du navire même s’il n’y a pas de contact entre le gardien et le quai
  • Ex : on peut aussi faire jouer l’article 1242 à l’égard d’une personne ayant voulu éviter un skieur qui est tombée, a pu éviter le choc, en l’absence de ce choc on peut quand même invoquer la responsabilité du fait des choses à l’encontre de celui qui a provoqué la chute

La jurisprudence refuse d’aller plus loin et de faire bénéficier la victime de la présomption qui joue lorsque a chose était en contact et mouvement avec celle-ci, en d’autres termes, quand on est face à une chose qui n’ était pas en contact il faudra que la victime démontre en quoi le chose a joué un rôle anormal , actif, par exemple établir la vitesse excessive du skieur qu’on a voulu évité

 

  • La chose était inerte au moment du fait dommageable: depuis l’arrêt de 1941 sur la canalisation brulante, la Cour de Cassation n’est pas opposée à ce qu’une chose inerte puisse engager l’article 1384 (ancien), 1241. beaucoup de jurisprudence retient la responsabilité du gardien d’un escalier, d’un sol. Mais il faut aller plus loin, la Cour de Cassation n’ouvre pas la présomption de rôle actif de la chose, il faut donc que la victime démontre, outre le contact qui ne suffit pas, que le sol était anormalement glissant, que la vitre était anormalement transparente. Cette anormalité peut aussi être démontrée, non pas à partir du fait, mais de la nature du dommage, de ses circonstances, le fait qu’une vitre se brise.
  • Arrêt du 25 octobre 2001: chose inerte
  • Arrêt du 18 septembre 2003 : la Cour de Cassation a semblé oublier la condition d’anormalité face des choses inertes

La condition d’anormalité peut tantôt renvoyer à un comportement (sol pas assez nettoyé et donc glissant) mais le lien avec le comportement du gardien n’est pas systématique puisque qu’une vitre anormalement fragile ne renvoie pas à un tel comportement, c’est la chose qui est anormale, sa structure interne.

 

  • Le gardien

Il faut imputer la fait de la chose, le relier, à un gardien, cette détermination du gardien, est aussi fondamentale que complexe. Comment déterminer le gardien ? Il existe une règle constante dont on est certains mais aussi des hypothèses qu’il faut traiter au cas par cas 

  • La constante

La constante est que la garde dite matérielle prévaut sur la garde dite juridique

L’article 1242 (1384 ancien) ne donne pas de définition de la garde ou du gardien, le premier réflex serait de rattacher la garde à un titre juridique de la chose, c’est à dire rattacher la chose à son propriétaire, ou le locataire de la chose. On va titrer quelque part le gardien et ceci quelque soit les circonstances d’intervention de la chose dans la commission du dommage

Cette conception très juridique de la garde a des avantages : cela simplifie la détermination du gardien, la jurisprudence parfois utilise cette notion de titre juridique car elle est obligée de le faire : lorsqu’on a des res nullius, il faudra bien trouver une circonstance de rattachement à un gardien.

Il peut aussi y avoir des choses inappropriées qui trouveront leur gardien alors même que celui-ci n’en est pas le propriétaire

Ex : la pierre qui se détache sous les pieds d’un alpiniste, on va le déclarer gardien de la chose (la pierre)

Par ailleurs si on voulait absolument prôner une conception juridique de la garde (la rattacher à son propriétaire) cela pourrait être une source d’injustice grave lorsque le propriétaire de la chose  a été involontairement dépouillé de cette chose, l’emprunteur indélicat ayant ensuite causé un accident en utilisant la chose empruntée

La question s’est posée dans une affaire célèbre du 2 décembre 1941 Franck contre Connot : une personne était propriétaire d’une voiture, qui avait été volée, le voleur ayant causé un accident mortel à Monsieur Connot, facteur, ses ayant droit voulaient agir, bien évidemment contre le propriétaire du véhicule, le voleur restant introuvable. C’est le droit commun qui s’applique à l’époque (avant la loi Badinter) la Cour de Cassation a considéré dans cet arrêt de principe que «  la garde la chose est caractérisée, par les pouvoirs d’usage de direction et de contrôle de celle-ci ».

Malgré tout,  il faut relativiser l’opposition entre garde matérielle et garde juridique. En effet, sur le terrain de la preuve, la jurisprudence accepte de présumer que le propriétaire d’une chose en est le gardien. Toutefois, il est parfaitement possible de renverser cette présomption et de démontrer que le propriétaire a été dépossédé de la garde de la chose soit de façon involontaire (vol) soit de façon volontaire (quand certaines opérations ont abouti à désigner un autre contrôleur de la chose)

L’avant-projet reprend cela, l’article 1243 al 4 énonce que le propriétaire est présumé être le gardien mais sous réserve d’une démonstration contraire. Cette garde matérielle est considérée comme compatible avec l’état d’inconscience du gardien, en d’autres termes, un infans, un aliéné peuvent être déclaré gardien d’une chose, cette solution est artificielle, mais elle est inéluctable à partir du moment où on a accepté que la faute elle-même puisse se dépouiller de son élément subjectif d’imputabilité  (CC : 9 mai 1984)

 

  • Des variables : de la garde aux gardes
  • La garde transférée

C’est l’hypothèse dans laquelle le gardien transfère volontairement la garde à autrui car il se dessaisit de la chose au profit de ce tiers. Ici on a toute la gamme des contrats qui permettent ce dessaisissement : le contrat de dépôt, le contrat de prêt à usage, le contrat de location, le contrat d’entreprise

Il est donc possible de transférer juridiquement la garde matérielle. Ce principe doit être nuancé à l’égard de trois de ces aspects :

  • Le tiers: nouveau gardien à la suite du transfert ne peut acquérir cette qualité que s’il a été correctement informé des dangers de la chose transférée.
  • Au même titre que la garde juridique, le transfert juridique de la garde ne suffit pas toujours à déterminer le nouveau gardien : il faudra vérifier à chaque fois que le nouveau gardien au sens juridique du terme avait bien lui-même reçu personnellement les pvs d’usage, de direction, et de contrôle de la chose
    • Un médecin se rend chez une patiente, une fois la consultation terminée la patiente l’invite à cueillir des cerises dans son jardin, le médecin monte dans le cerisier et tombe de l’échelle, dans cette affaire qui était le gardien de l’échelle ? la Cour de Cassation a considéré que certes le médecin avait emprunté l’échelle (prêt à usage) mais ce n’est pas pourquoi il y a eu ce transfert juridique de la chose que la garde matérielle de la chose a été transférée, ici le médecin était sous l’autorité de sa patiente, c’est donc elle qui est déclarée responsable en tant que gardienne
  • Il se peut qu’un transfert apparent d la garde matérielle se heurte à un obstacle juridique : lorsqu’on a des rapports entre un commettant (employeur) et un préposé (employé) il est fréquent que l’employé utilise des engins pour exécuter son travail, il en a donc a priori la garde matérielle, mais il ne peut pour autant être déclaré gardien de cette chose au terme de l’article 1242 car on considère que sa dépendance à l’égard de son employeur l’empêche d’acquérir le contrôle complet de la chose, en d’autres terme le lien de subordination continue d’imprimer la marque de l’autorité de l’employeur sur le préposé et les choses qu’il utilise.

 

  • La garde simultanée

La garde est nécessairement alternative, elle n’est jamais cumulative, elle peut parfois être collective cependant.

« La garde est nécessairement alternative » veut dire que deux personnes qui ont des titres juridiques différents à l’égard d’une même chose ne peuvent en même temps être déclarées gardien.

Ex : un employeur et un employé ne peuvent jamais être déclarés co gardien de la même chose

Ex 2 : un locataire et un propriétaire ne peuvent jamais être déclarés co gardien, il faut choisir entre l’un ou l’autre, on choisit toujours l’employeur, et le locataire (sauf dans certains cas)

En revanche, rien n’interdit qu’une garde soit collective, par pls personnes sur la même chose dès lors que cette garde collective s’exerce par des personnes ayant le même titre sur la chose : c’est l’exercice en commun de la garde.

 Ex : chasseurs qui ont blessé un tiers par « une gerbe de plombs» dans son arrière train, sans qu’on puisse identifier quel fusil était à l’origine de cette gerbe, dans ce cas c’est le groupe qui est déclaré cogardien. 

 

Cette notion a été réutilisée dans d’autres affaires que la chasse, pour un groupe de bucheron ayant abattu un arbre ayant porté un coup à un passant, sans déterminer lequel des bucherons était responsable.

Pour autant cette garde collective ne vaut que si les qualités de la chose sont homogènes au sein du groupe. A partir du moment où on arrive à identifier un leader dans ce groupe, les qualités se dissocient de nouveau par rapport au rapport avec la chose et logique de responsabilité de groupe s’efface

  • arrêt du 8 mars 1995

Cette solution d’indemnisation des dommages causés par un groupe, de co-gardien d’une chose,  obéit en principe à une logique d’indemnisation, cela permet à  la victime de surmonter l’impossibilité  d’établir le gardien effectif de la chose. Mais il se peut dans certains cas que cette notion de garde commune se retourne contre la victime. Telle est l’hypothèse où la victime est l’un des co-gardien de la chose, elle ne pourra alors pas se prévaloir de la responsabilité du fait de cette chose à l’égard des autres co-gardiens : arrêt du 6 février 2014

 

  • la garde scindée

Ici cette idée de garde scindée correspond à une thèse qui a trouvé ensuite son écho en jurisprudence soutenue en 1947 par  Berthold Goldman : cette thèse consiste à dire que dans certains cas, alors même qu’une personne a une emprise physique sur la chose, il reste possible d’imputer à une autre personne, en l’occurrence celle qui a conçu cette chose, la garde de celle-ci : c’est la discision entre la garde le structure de la chose et la garde du comportement de la chose.

La Cour de Cassation a validé cette proposition en admettant que dans certaines circonstances demeura le gardien de la chose celui qu’il l’a élaboré, qui en a conçu la structure alors même qu’elle était défaillante. L’affaire qui a consacré cette position date du 5 janvier 1956, c’est l’affaire dite de l’oxygène liquide, dans cette affaire, des bouteilles d’oxygène avaient été vendues et stockées avaient explosé dans son magasin alors même que l’entrepôt était parfaitement régulier, on aurait pu penser que le fournisseur au client avait l’usage la direction et le contrôle de la chose mais il n’en avait que la garde du comportement, très superficielle, car au-delà de cette apparence de contrôle c’est bien le fabriquant qui avait conçu la structure de la chose qui en avait conservé la garde « intellectuelle » et qui devait donc en répondre.

Cela a bouleversé les contrats d’assurance, mais cette jurisprudence a vieilli, elle a subi deux mvts contradictoires, on a voulu élargir cette notion de garde des structures, non seulement vis à vis du fabricant mais aussi en l’attribuant aux intermédiaires, aux distributeurs ce qui n’est plus cohérent, les intermédiaires n’ont pas le contrôle de la structure, il s’agissait en réalité d’identifier  de nouveaux débiteurs d’indemnisation.

De plus, certaines décisions ont voulu réduire cette thèse aux seules choses dotées d’un dynamisme propre, ce qui est le cas notamment des bouteilles d’oxygène

  • CC , 20 novembre 2003, affaire des cigarettes : Dans cette affaire le commerçant poursuivit était la SEITA, la cigarette ne comportait pas de défaut kes victimes du tabagisme entendaient agir directement en responsabilité car elle était selon eux responsable des pbs de santé publique dus au tabac. la Cour de Cassation rejette l’argumentaire et considère que seules les choses dotées d’un dynamisme propre peuvent entraine cette dichotomie entre garde de structure et garde de comportement

Néanmoins cette proposition de cantonnement a été abandonnée par la Cour de Cassation quelques temps après et est revenue  à la notion de garde de structure et de comportement dans des affaires où la notion de dynamisme était indifférente puisqu’elle a appliqué la notion de garde de structure à l’avion d’un aéroclub

Cette distinction entre garde de structure et de comportement est devenue très subtile car elle complique la position des victimes et surtout elle devient de moins en moins utile car la question des produits défectueux, dangereux est maintenant de plus en plus souvent traitée par le droit spécial de la responsabilité du fait des choses, hors de l’article 1242

 

  • 3 – Le droit spécial de la responsabilité du fait de choses
  • Les choses spécialement visées par le code napoléon

Dès le code civil de 1804, les arts 1243 et 1244 réservaient une responsabilité du fait des animaux et du fait des bâtiments tombant en ruine.

En ce qui concerne la responsabilité du fait des animaux, la jurisprudence applique les mêmes principes que pour les quatre choses c’est  dire la présomption de garde pesant sur le propriétaire, des possibilités de transfert de garde ou encore la possibilité d’une garde en commun des animaux, mais quand on est face à des animaux sauvages, on a un régime spécial prévu par les articles L426-1 et suivants du code de l’environnement

S’agissant de la responsabilité du fait des bâtiments tombant en ruine (article 1244) il y a quand mêmes des exigences propres à ce texte : il faut démontrer que le dommage a été causé par la ruine  du bâtiment et que cette ruine est liée à un défaut d’entretien ou à un vice de la construction, vice qui crée la ruine. Cette responsabilité est concentrée sur le propriétaire du bâtiment.

Quand on est dans le cadre de l’article 1244, on ne peut pas invoquer alternativement l’article 1242 (le fait général de la chose), en revanche la jurisprudence depuis un arrêt du 23 mars 2000 (grange qui s’était effondrée) admet que l’article 1242 alinéa 1 (principe général de responsabilité du fait des choses) peut resurgir  lorsque les conditions spécifiques de l’article 1244 ne sont pas réunies, lorsque par ex le pouvoir d’usage de direction et de contrôle du bâtiment a été transféré à autrui par son propriétaire.

La responsabilité du fait des choses en matière d’animaux comme celle des bâtiments est replacée sous le régime de droit commun du fait des choses dans l’avant-projet

  • Les choses spécialement visés par des lois particulières

Il y a une loi ancienne particulière qui date du 7 novembre 1922 qui correspond à une crispation des assureurs  après une interprétation accueillante en jurisprudence du principe  général de responsabilité du fait des choses. Les assureurs se sont manifestés et étaient peut contents, notamment dans le cadre de la communication d’incendie d’un bâtiment  à un autre, on a alors introduit dans l’article 1242 les alinéas 2 et 3 qui prévoient que  la responsabilité en cas de communication d’incendie d’un immeuble vers un autre ou plus largement la responsabilité des dommages causés par un incendie ne peut être retenue à l’encontre du détenteur (propriétaire) qu’en cas de faute prouvée de celui-ci ou des personnes dont il doit répondre.

Par ailleurs, l’essentiel des lois particulières sont beaucoup plus récentes, progressivement l’article 1384, 1242 a été vidé de sa substance même si’ existe encore u contentieux récurrent le concernant. Une loi a vraiment ôté l’art de sa substance, c’est la loi Badinter du 5 juillet 1985 qui a écarté du droit commun les accidents de la circulation causés par des véhicules terrestres à moteur

Cela étant, quelques circonstances d’accident de la route relèvent encore de l’article 1242, comme les collisions entre cyclistes

  • Arrêt du 9 juin 2016 n°15-17958

La loi du 19 mai 1998 relative à la responsabilité des produits défectueux (transposition d’une directive) crée u régime distinct du régime général de responsabilité (1242), ici la responsabilité la responsabilité est concentrée sur e producteur sans qu’il y ait à distinguer la garde des structure et la garde de comportement du produit. Le défaut lui-même est très différent du fait de la chose car il est définit comme un manquement à la sécurité à  laquelle on peut légitimement s’attendre. Cette loi met  de côté la distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle. (article 1245-3 qui définit le défaut)

Il y a des textes encore plus spécialisés comme la loi du 4 mars 2002 qui crée un régime particulier de responsabilité du fait des produits de santé

Néanmoins il ne faut pas  oublier l’article 1242 car :

  • il peut être utile pour appréhender le fait de nouvelles choses (ex : responsabilité du fait des robots)
  • Ce texte a été à l’origine d’une relecture du code civil, cette méthodologie est peut-être ou pas transposable à la responsabilité du fait d’autrui

 

Section III – La responsabilité du fait d’autrui

Il s’agit d’aborder d’autres éléments de l’article 1242 nouveau du code civil, on peut se demander si l’on a une systématisation  d’un régime général du fait d’autrui e la même manière qu’en matière de responsabilité du fait des choses ?

Cette transposition est quand même plus complexe : la relecture de l’article 1384 était liée à une répression indemnitaire, or, s’agissant des responsabilités du fait d’autrui, à l’exception peut-être de celle des employeurs, cette pression est moindre qu’elle ne l’était vis-à-vis du fait des choses

Par ailleurs on remarque que la règle générale article 1242 al 1 et les hypothèses particulières figurent dans le même article actuel 1242, pour el coup il est peut être lus difficile de trouver dans l’al 1 un principe général en rupture avec les cas particuliers que porte le même texte

On va aborder la responsabilité du fait d’autrui c’est-à-dire d’une autre personne que soi-même on va déclarer quelqu’un responsable alors que ce n’est pas lui l’auteur direct du dommage, face à cette responsabilité très dérogatoire, est ce qu’on ne doit pas en adopter une  lecture très étroite pour éviter qu’elle ne se diffuse dans des circonstances très étroites (cette responsabilité est d’ailleurs écartée en droit pénal). Pourtant, la jurisprudence a procédé à l’extension des cas légaux de responsabilité du fait d’autrui, peut être avec plus de prudence qu’en matière de responsabilité du fait des choses

 

  • 1 – La singularité de la responsabilité du fait d’autrui

La responsabilité du fait d’autrui implique trois personnes ou catégories de personne alors que l’o avait avant l’auteur direct du dommage et la victime, désormais il faudra raisonner à trois : la victime, le primo responsable c’est-à-dire l’auteur direct des faits, et la personne qui va répondre du ait de ce primo responsable appelé responsable secondaire civilement responsable du fait d’autrui ou encore le répondant celui qui répond du fait d’autrui.

1°/ Pour tenter d’y voir clair, il faut d’abord déterminer quelle est la nature du fait générateur causé ou commis par le resp (primo resp) qui pourra don mobiliser, engager son répondant. En d’autres termes, faut-il établir chez le resp une faute, un fait causal anormal ou une simple application dans le dommage causé aux tierces victimes ? Dans les resp ordinaires, on a tendance à assouplir le fait générateur, repousser l’exigence d’imputabilité de la faute, mais on exige encore l’anormalité du comportement fautif ou du fait de la chose, est ce qu’on ne peut pas aller plus loin  en responsabilité du fait d’autrui et se débarrasser de cette exigence de normalité, c’est à dire que le répondant devrait prendre en charge des cas dans lesquels le primo responsable n’aurait pas été personnellement responsable s’il avait été seul poursuivit. En effet un comportement normal ne peut être qualifiée de faute au sens de l’article 1240, mais en matière de responsabilité du fait d’autrui a-t-on franchit le pas de déclarer le répondant tenu d’assurer la responsabilité du fait d’autrui alors même que le fait dommageable n’est pas issue d’une faute.

 

2°/ Quel est le fondement qui explique  qu’une personne assume le fait dommageable d’autrui, si on revient à l’article 1384 il peut être lu comme une nouvelle façon d’engager la responsabilité pour fate car on pouvait considérer que l’employeur avait été fautif pour ne pas avoir suffisamment encadré son employé, ne pas l’avoir correctement choisis ou que les parents étaient fautifs pour ne pas avoir suffisamment éduqué leur progéniture. Mais ce fondement de la faute est largement dépassé en jurisprudence car les responsabilités du fait d’autrui peuvent être engagés indépendamment d’une faute même présumée du répondant, il faut alors réfléchir à un fondement de substitution, cela peut être notamment la notion d’autorité d’une personne sur une autre

3°/ Il faut se demander quel est le périmètre des liens entre le répondant et le responsable qui justifie que le premier prenne en charge l’acte dommageable du second, en d’autre termes, faut-il un lien juridique entre le répondant et  le responsable, ou peut-on se cantonner à des liens plus ponctuels, factuels ce qui alors démultipliera les possibilités d’engager la responsabilité du fait d’autrui.

 

4°/  Quel sont les actions dont va pouvoir bénéficier la victime ? Il s’agit d’envisager la notion d’obligation à la dette, c’est celle qui régit l’indemnisation de la victime dans ses rapports avec le ou les responsables. Cette obligation à la dette se différencie de la contribution à la dette c’est à dire celle qui gouverne la répartition de la dette de responsabilité entre les responsables s’il y en a plusieurs et ceci une fois la victime indemnisée. En d’autres termes, est ce que la victime doit diriger ses poursuites contre le répondant (celui qui assume une responsabilité du fait d’autrui) ou est ce qu’elle peut également alternativement ou cumulativement poursuivre l’auteur direct du dommage qu’elle a subit. Traditionnellement la victime avait la plus grande  liberté qui soit, elle pouvait poursuivre l’auteur direct de son dommage selon le droit commun c’est-à-dire pour faute ou responsabilité du fait des choses mais pouvait aussi poursuivre le répondant en invoquant cette fois une responsabilité du fait d’autrui et aussi les poursuivre ensemble afin d’obtenir leur condamnation in solidum : cette option s’est notablement réduite, il y a des cas où certains fondements ne peuvent plus être invoqué à l’égard d’un primo responsable, par exemple un employé n’est jamais gardien de la chose qu’il emploie pour son travail.

Par ailleurs on observe en jurisprudence de plus en plus de cas d’immunités des primos responsables, ce qui interdit à la victime de les poursuivre personnellement et au répondant de se retourner contre le bénéficiaire de l’immunité une fois la victime indemnisée. De même il faut maintenant prendre en compte des cas dans lesquels le primo responsable entraine la responsabilité du répondant dans de situation sou lui-même ne peut être déclaré responsable car il n’est ni fautif ni gardien d’une chose etc.

Par ailleurs, lorsque la victime aura agi contre le primo responsable (ce qui est encore possible dans certains cas) ce primo responsable ne peut pas agir en garantie contre son répondant, il doit assumer seul la dette de responsabilité.

En sens opposé, le répondant bénéficie s’il a été condamné du fait d’autrui, théoriquement, d’un recours récursoire contre l’auteur direct du dommage, ce recours s’exerce une fois la victime indemnisée, c’est-à-dire au stade de a contribution à la dette. Mais en pratique on constate que ce recours est de moins en moins exercé, d’abord pour des raisons morales (des parents pourraient en théorie se retourner contre leur enfant quand il sera mineur, ce qui est très rare) ensuite pour des raisons, techniques, d’assurance, lorsque l’assureur des parents, ou de l’employeur, a payé pour leur compte, un texte, l’article L121-12 du code de l’assurance interdit à l’assureur de se retourner contre l’auteur direct du dommage (enfant, employé).

Le recours  récursoire est enfin de plus en plus rare car lorsque le primo bénéficie d’une immunité, elle vaut aussi bien à l’égard de la victime qu’à l’égard du répondant agissant à titre récursoire

 

En toute hypothèse, le cumul ou l’option entre les différentes hypothèses de responsabilité du fait d’autrui n’est pas possible, on n peut pas agir à la fois sur le fondement de la responsabilité du fait des commettant et sur le fondement de la responsabilité parentales.

 La jurisprudence ayant élargi les cas de responsabilité du fait d’autrui au-delà des hypothèses légales, il faut inévitablement se demander comment cet élargissement va cohabiter avec les hypothèses reconnues, nommées de responsabilité du fait d’autrui. En d’autres termes, est ce que l’on va aboutir à une responsabilité hors commettant, hors père et mère. Il est possible que la jurisprudence aplanisse ces difficultés de régimes spéciales en uniformisant le régime  de toutes les responsabilités du fait d’autrui, mais peut être cette évolution jurisprudence sera elle-même rattrapée par l’avant-projet de réforme qui consacre une sous-section à la responsabilité du fait d’autrui et qui s’efforce de remettre en ordre les règles actuelles telles qu’elles résultent de la loi et de la jurisp

  • 2 – Les cas spécifiques de responsabilité du fait d’autrui
  • La responsabilité des père et mère du fait de leurs enfants mineurs

Art 1242 al 4 : « le père et la mère, en tant qu’ils exercent le droit de garde, sont solidairement responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux ».

La responsabilité des parents est la contrepartie d’une part de l’autorité parentale, d’autre part de la cohabitation qui permet de contrôler l’enfant et il est toujours possible aux parents de se dédouaner de leurs responsabilités s’ils démontrent l’impossibilité pour eux d’empêcher le fait générateur du dommage. Ces deux al 4 et 7 étaient traditionnellement rattaché à une présomption de faute, faut présumée de surveillance d’éducation, mais d’une présomption simple. Cette conception traditionnelle de l’article 1241 offrait un avantage aux victimes dans la mesure où la loi dispensait les victimes de démontrer la faute des parents, celle-ci étant présumée, car la solvabilité des parents est supérieure à celle des enfants

Cet article a été légèrement modifié par une loi du 4 mars 2002 qui a remplacé la référence à la garde de l’enfant par celle à l’autorité parentale. Par ailleurs, depuis le Code Civil la jurisprudence est intervenue en reprenant totalement l’équilibre initial du texte.

En 1804, il y avait la superposition de deux responsabilités: la responsabilité personnelle de l’enfant et la responsabilité du fait d’autrui des parents, chacune de ces responsabilités devaient être vérifiées cumulativement.

Or depuis la Cour de Cassation a neutralisé la notion de responsabilité de l’enfant, elle n’est plus exigée que l’enfant soit personnellement responsable et symétriquement elle a alourdi la responsabilité des parents créant sans doute un déséquilibre qui appelle soit une reprise par l’assurance soit pas une réforme qui est en cours, et d’ailleurs les nouveaux arts de l’avant-projet mettent fin à beaucoup d’aspects du régime actuel de l’article 1242 dans les articles 1245 et 1246 de l’avant-projet 

  • Les conditions de la responsabilité des parents

Il faut les vérifier des deux côtés

  • Les conditions du point de vue du répondant : les parents

La loi, article 1242 al 4 affirme un lien entre responsabilité et autorité parentale, sont responsables du fait de leurs enfants ceux qui exercent l’autorité parentale sur ces enfants. L’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents, elle vaut aussi bien pour le couples mariés que non mariés, mais également en cas de séparation des parents. On a donc une responsabilité solidaire des deux parents avec contribution à la dette de responsabilité par moitié, par ex quand il y a liquidation du régime matrimonial à la suite d’une séparation des pères et mère

Beaucoup de circonstances vont venir focaliser l’autorité parentale et la responsabilité associée à un seul des parents, il y a l’hypothèse du décès de l’un des parents, si la filiation a été établie plus d’un an après la naissance

S’agissant de la filiation adoptive : s’il y a adoption plénière (article 356 alinéa 1) rompt les liens avec la famille d’origine ou adoption plénière

Le texte est d’interprétation stricte , la responsabilité du fait d’autrui ne vaut que pour les parents, ce qui écarte la responsabilité des autres proches de l’enfant sur ce fondement, comme les grands parents, les établissements  auxquels l’enfant a pu être confié, cela ne veut pas dire que ceux-ci ne sont jamais responsables personnellement en cas de dommage causé par un enfant mais cette responsabilité n’est pas celle de l’article 1242, cela peut être une responsabilité pour faute (faute de surveillance), une responsabilité du fait des choses, une responsabilité des établissements en vertu de l’extension des cas de responsabilité civile du fait d’autrui.

  • Arrêt du 24 mai 1989: un enfant s’était emparé d’un fusil de chasse, ses grands parents devaient en avoir le contrôle
  • Arrêt du 18 mars 2004, 2ème chambre civile :

L’al 4 de l’article 1242 semble en second lieu imposer une cohabitation entre le mineur et ses parents, sauf que peu à peu les tribunaux non certes pas remis en cause l’exigence de cohabitation mais en ont réduit considérablement réduit la substance. En effet, à l’origine, la Cour de Cassation exigeait une conception réelle au sens de matériel de la cohabitation, il fallait une  communauté de vie effective entre les parents et l’enfant auteur du dommage même s’il n’était pas exigé que cette cohabitation de vérifier à l’instant précis du dommage, cela voulait dire qu’à chaque fois que l’enfant était éloigné de la résidence de ses parents et que cet éloignement était prolongé, il était possible pour les parents d’écarter leur responsabilité à titre de l’article 1242 (long séjour chez les grands parents, chez un des parents, dans un centre pédagogique), la seule hypothèse d’exception était quand l’éloignement de l’enfant était imputable à une faute du ou des parents :

  • Arrêt de la ch crim du 28 juin 2000: jeune criminelle

Peu à peu cette définition concrète matérielle a évolué au profit d’une conception intellectuelle de cette cohabitation. Cela veut dire que dorénavant la Cour de Cassation neutralise l’éloignement prolongé de l’enfant dès lors que cet enfant a même virtuellement sa résidence habituelle chez le ou les parents titulaires de l’autorité parentale : on va s’éloigner progressivement des circonstances de fait. Cette évolution résulte notamment d’un arrêt du 20 janvier 2000

Lorsque les deux parents ont conservé l’autorité parentale conjointe mais que a résidence habituelle a été attribuée à l’un d’entre eux, celui-ci continuera d’assumer la responsabilité du fait de son enfant  même si le dommage a été commis alors que cet enfant e trouvait chez l’autre parent bénéficiaire d’un droit de visite et d’hébergement. La seule façon de rattraper l’autre parent  en terme de responsabilité est de quitter le terrain de l’article 1242 et de basculer vers une faute du parent : arrêt du 29 avril 2014 et 6 novembre 2012. Si en revanche il a une résidence alternée, il semble que les deux parents continuent d’assumer solidairement la responsabilité du fait de leur enfant. La Cour de Cassation a donc changé de position par rapport à cette présomption de faute. La Cour de Cassation est allée très loin dans cette voie, désincarnation de la notion de la cohabitation,  puisque dans un arrêt du 8 février 2005 la Cour de Cassation a continué de déclarer les parents responsables du fait de leur enfant âgé de 13 ans alors qu’il vivait chez sa grand-mère depuis l’âge d’un an.

En résumé, cette évolution n’est pas simplement une question de preuve e la résidence habituelle, on est vraiment passé  d’une responsabilité justifiée par la faute et par la cohabitation qui en était le pendant à une responsabilité complètement désincarnée et de plein droit. Son seul avantage c’est ce que cela met fin à un débat qi était sur le point de savoir quelle était la durée d’éloignement nécessaire pour que la responsabilité bascule des parents vers autrui (grands parents, centre éducatif) pour éventuellement déroger à la responsabilité parentale

  • Les conditions du point de vue du responsable : l’enfant

Quelles sont les conditions pour que l’enfant puisse mobiliser la responsabilité parentale : il doit d’abord être mineur et non émancipé, il doit aussi être « la cause du dommage », quel est le fait générateur du dommage qui va permettre de justifier la responsabilité de ses parents ?

  • Arrêt du 9 mai 1984 :abandonne l’exigence d’imputabilité, qui vaut pour les aliénés mais aussi les enfants en bas âge.

Reste qu’il faut discuter non pls de l’imputabilité mais  de l’élément matériel  c’est-à-dire de l’anormalité du comportement de l’enfant. Dans un arrêt du 9 mars 1984 affaire FULLENWARTH, la Cour de Cassation semblait pencher vers le simple faisait causal.

La jurisprudence après 2004 a hésité, puis la 1ère ch ci dans un arrêt LEVERT du 10 mai 2001 puis l’assemblée plénière dans deux arrêts du 13 décembre 2002 ont définitivement écarté l’élément matériel de la faute : la Cour de Cassation considère que la participation matérielle de l’enfant même non fautif au dommage, suffit à engager la responsabilité de ses parents. Dans l’arrêt du 10 mai 2001 il était question d’une partie de rugby, un plaquage d’un enfant en blesse un autre il était conforme aux règles du jeu, au sens matériel.

Cette jurisprudence n’a jamais été démentie depuis, elle fait partie d’une constante de la Cour de Cassation qui a pourtant beaucoup été critiquée. Certains auteurs parlent de mutation génétique de la responsabilité parentale, on n’est plus du tt dans la superposition de deux responsables (celle de l’enfant et celle du parent), on est ici face à une responsabilité encourue à la suite d’une non responsabilité personnelle de l’auteur direct du dommage (enfant), en d’autres termes on est vraiment dans l’idée ici que les parents sont là pour garantie en toute circonstances ou presque les dommages causés à autrui par leurs enfants, cela alourdit considérablement la responsabilité des parents.

Cet alourdissement est très critiqué on rend autrui plus responsable que ne l’est l’auteur direct du dommage, face à cela il y a deux positions possibles, soit on considère que cet alourdissement n’est supportable  que s’il est pris en charge par l’assurance (rend la responsabilité parentale obligatoirement assurée). L’autre solution figure dans l’avant-projet qui consiste à rétablir l’exigence d’une cause de responsabilité de l‘auteur direct (responsabilité personnelle) soit pour faute, soit du fait des choses (article nouveau 1245 du code civil)

 

  • La portée de la responsabilité des parents

La solution a été apportée par un arrêt BERTRAND du 19 février 1997, il s’agissait d’une collision entre un enfant cycliste et un cyclomotoriste. La Cour de Cassation a écarté cette notion de faute des parents même présumée et dont ils pouvaient quand même s’affranchir en démontrant avoir correctement éduqué et surveillé l’enfant au moment des faits. La seule possibilité pour les parents à partir de 1997 de s’exonérer est la « force majeure ou la faute de la victime »

Il est vrai que la notion de faute  de surveillance devenait artificiel à l’égard des pré-adultes, ce n’est donc pas illogique mais la conséquence est que la responsabilité parentale est encore plus lourde, on parle maintenant de responsabilité de plein droit.

 

Quel sont les causes d’exonération qui demeurent ?  L’article 1242 al 7 est maintenant vidé de sa substance, la seule utilité de ce texte est de démontrer que la force majeure éventuelle doit s’apprécier à l’égard des parents et non à l’égard du fait de l’enfant ce qui est logique car si les enfants avaient été exposés à la force majeure, celle-ci  n’aurait pu se répercuter sur les parent

Les parents ne peuvent pas soutenir que le fait de leur enfant puisse constituer à leur égard une cause d’exonération car ce serai confondre cause d’engagement de la responsabilité et cause d’exonération de celle-ci

En pratique les causes d’exonération sont très rares :

  • CA de Chambéry du 4 janvier 2000

L’avant-projet dans son article  1246 évoque une responsabilité de plein droit des parents, il ne parle pas des conditions d’exonération donc on peut supposer qu’elles sont maintenues

 

La responsabilité des parents est donc très lourde, elle a lieu de plein droit sans presque pas de possibilités de s’exonérer et sans qu’il soit exigé que l’enfant soit personnellement responsable, c’est pourquoi les parents ont tout intérêt à s’assurer, il est regrettable que cette assurance ne soit pas obligatoire, quand l’assurance existe l’assureur qui a payé pour le compte des parents ne dispose pas d’un recours contre l’enfant, l’article L121-12  du code des assurances l’interdit sauf malveillance de l’enfant, faute intentionnel de celui-ci. S’il n’y a pas d’assurance en pratique les parents seront le plus souvent débiteur définitif de la réparation car le recours contre l’enfant et rare, soit pour des raisons morales, soit pour des raisons juridiques, car on ne peut pas  se retourner contre l’enfant quand il  n’a pas été personnellement responsable.

 

  • La responsabilité de commettants du fait de leurs préposés (employeur/employés)

Art 1241 al 5 nouveau du code civil

Sur quel fondement  un employeur doit-il répondre des actes dommageables commis par ses employés ?

Le fondement classique est celui de la faute, mais il s’est vite évaporé, même si la faute perdure du côté de l’action du préposé

S’il y a exigence de faute du côté du préposé, c’est qu’on n’est pas dans le fondement de responsabilité pour risque, sans faute

La responsabilité du commettant serait alors la contrepartie de l’autorité dont il jouit à l’égard de son préposé, c’est une idée séduisante mais elle rencontre quelques obstacles car la jurisprudence considère que le commettant ne peut pas s’exonérer en invoquant un cas de force majeure qui l’aurait privé de toute autorité sur son employé

Finalement, on peut dire que la responsabilité des commettant du fait e leur préposé est la contrepartie non pas de l’autorité mais des risque inhérents à la recherche d’un profit par l’activité du préposé. Cette idée s’accentue dans la jurisprudence récente car la Cour de Cassation depuis 17 ans a accordé au préposé une immunité  lorsque celui-ci agit sans excéder sa mission, on ne peut alors plus le poursuivre personnellement, cela montre bien que l’entreprise est responsable, et non pas l’employé

Tout cela ne vaut que pour un préposé salarié, or il peut y  avoir des préposés qui ne le sont pas, et pour eux c’est le grand flou, le Cour de Cassation ne fait pas la distinction.

 

  • Les conditions de la responsabilité du commettant
  1. L’exigence d’un rapport de préposition

La préposition est le lien de subordination du préposé vis-à-vis de son commettant.

La Cour de Cassation dit qu’être préposé « c’est se soumettre à des ordres, des instructions, sur la manière de remplir les fonctions auxquelles le commettant l’emploie, autorité et subordination corrélatives sans lesquelles il n’y a pas de véritable commettant et préposé »

En pratiqué il y a de multiple cas dans lesquels il est difficile de vérifier ce lien de subordination affirmé par la Cour de Cassation.

Le cas le plus simple est quand il existe un contrat de travail entre le commettant et  le préposé : dans ce cas le contrat de travail postule qu’il y ait subordination du salarié à l’égard de l’employeur, et ceci selon la jurisprudence quelque soit le degré d’autonomie de la personne ayant signé ce contrat de travail

Par ex, un médecin salarié de la croix rouge est bien le préposé de l’association la croix rouge, cela ne veut pas dire qu’il n’a pas d’indépendance technique, en revanche c’est  la croix rouge qui fixe les modalités du travail générales

  • Arrêt du 8 juin 1958: un curé ne peut être qualifié de préposé de son évêque

Qu’en est-il quand le salarié d’une entreprise accomplit un stage dans une autre entreprise, ou quand il est « prêté » par une entreprise à une autre ? Il y  a dans ce cas pls commettant :

  • Le commettant ordinaire
  • Les commettants occasionnels

La jurisprudence très exceptionnellement admet qu’il  puisse y avoir soit cumul soit division d’autorité, par ex la Cour de Cassation a considéré qu’un berger gardant les troupeaux de pls personnes était le préposé de chacune d’entre elles. De même, une infirmière dans un établissement privé peut être qualifiée de préposée à la fois du chirurgien et de l’anesthésiste si elle commet un acte dommageable.

Il peut y avoir une division de l’autorité et donc des resp, par ex quand on a la location d’un bien à une entreprise qu’un dommage est causé à l’occasion de la mise ne œuvre de ce bien, la Cour de Cassation a amis que l’entreprise propriétaire du bien restait commettante si l’accident  est lié aux aspects techniques du bien loué, en revanche sera qualifiée de commettant l’entreprise si le dommage est lié à l’usage du bien (usage imprudent etc) à arrêt  de principe du 4 février 1997

  • Arrêt du 19 octobre 2006 : maintient malgré tout intégralement la responsabilité du loueur d’un camion

En revanche quand il y a prêt ou location de main d’œuvre par une entreprise à une autre on considère qu’il y a transfert d’autorité et qu’il y a création d’un lien de préposition occasionnel, temporaire à la charge de l’entreprise qui recourt au service de tel ou tel salarié.

Cette jurisprudence vaut qu’il y ait ou pas rémunération du salarié :

  • Arrêt du 6 février 2003: avion de lutte contre incendie
  • Arrêt du février 2016 

Cela montre qu’en dehors du contrat de travail il peut y avoir rapport de préposition, par ex, un mandataire n‘est pas subordonné à son mandant et peut être parfois considéré comme le préposé à son mandant.

 

  1. L’existence d’une faute du préposé

Cette intervention il fat l’envisager sous deux angles :

  • Il faut voir comment on qualifie l’acte du préposé : une action

L’article 1242 al 5 ne dit rien quant à cette nature, cependant la Cour de Cassation n’a jamais abandonné l’exigence d’une faute personnelle du préposé. Cette faute qui demeure incontournable est cependant appréciée comme l‘est toute faute et notamment en abandonnant son élément intentionnel, un employeur pourra donc être responsable de son employé frappé par une crise de démence (faute objective)

La Cour de Cassation vérifie par ex quand il s’agit de dommage causé lors d’une rencontre pro, et que la victime veut engager la responsabilité du club, qu’il y a bien eu d côté du joueur à l’origine du dommage une faute caractérisée :

  • Arrêt du 8 avril 2004: championnat de la première division

Un préposé s’il peut être fautif ne peut jamais être qualifié de gardien d’une chose car on considère que c’est le commettant qui a gardé le pouvoir d’usage e direction et de contrôle de la chose même si la maitrise e fait a été transférée au préposé

  • Il faut aussi voir si cet acte est en lien ou pas avec l’activité du préposé : une relation

Il faut un rapport de connexité entre l’acte dommageable est les fonctions de préposé l’article 1242 est clair sur ce point, car il énonce que les commettant sont responsables du dommage causé par leur préposé dans les fonctions auxquelles ils les ont employés.

Le problème est la connexité entre la  définition  de l’acte dommageable aux fonctions du préposé, on a eu à fait à une jurisprudence complexe ; confuse parfois

On peut avoir deux conceptions :

  • Une conception très large: il y aurait une connexité d’ordre matérielle à chaque fois que l’on peut trouver le moindre indice de rattachement de l’acte aux fonctions.
  • Une conception plus étroite: elle consiste à subordonner le lien de connexité à la vérification du fait qu’au moment de l’acte dommageable, le préposé poursuivit l’intérêt de l’entreprise, agissait bien pour le compte de son employeur, ici on est face à une conception finaliste de ce lien de connexité

Il y a des cas qui ne posent pas de difficulté : si par ex un préposé cause un dommage en dehors de l’enceinte de l’entreprise, de son temps de travail et sans utilisé le moindre instrument à l’entreprise, l’employeur ne sera alors pas responsable. En sens inverse, si l’employé a exécuté sa mission sur son lieu de travail, pendant son temps de travail et avec les moyens qui lui sont donnés, l’employeur sera responsable des dommages qu’a pu causer le préposé.

Mais il se peut que les circonstances de rattachement existent en terme de lieu, de moyen, mais que le préposé ait agit sans poursuivre  l’intérêt de son entreprise et de son employeur, il a causé le dommage à l’occasion de ses fonctions, est ce que on va engager la responsabilité de l’employeur ? Qu’en est-il par ex d’un vigile qui blesse un collègue avec son arme de service ? Il y a bien une circonstance de rattachement mais ce n’est pas une finalité de l’entreprise. C’est ce qu’on a qualifié d’abus de fonction, c’est une situation complexe avec une jurisprudence complexe. Cela a commencé par une opposition entre eux chambres : la chambre criminelle avait la conception la plus souple du lien de connexité et donc la plus étroite de l’abus de fonction et qu’à chaque qu’il y a une circonstance de rattachement  matériel la responsabilité de l’employeur est encourue. Face à  elle la 2ème chambre civile à une conception opposée car elle exigeait que le préposé ait respecté les finalités de sa mission lors de son acte dommageable, la chambre se rangeait donc à la conception finaliste de l’abus de fonction. Les chambres réunies sont donc intervenues dès mars 1960.

  • Mais surtout l’arrêt du 10 juin 1977 de l’assemblée plénière : «  le commettant n’est pas responsable du dommage causé par le préposé qui utilise sans autorisation à des fins personnelles le véhicule confié pour l’exercice de ses fonctions ». cet arrêt a été interprété comme factuel car il ne vise que les accidents de la circulation, en dehors de ce cas l’affrontement entre les deux  chambres a donc persisté
  • Le 17 juin 1983, l’assemblé plénière intervient à nouveau «  les dispositions de l’article 1384 al 5 ne s’appliquent pas aux commettants en cas de dommage causé par la préposé qui agissant sans autorisation à des fins étrangères à ses attributions s’est placé hors des fonctions auxquelles il était employé». Dans cette affaire la Cour de Cassation n’a pas retenu la responsabilité de l’employeur. Est-ce que dans cette formulation il y a deux ou trois conditions pour pouvoir qualifier l’abus de fonction
  • Assemblée plénière 17 novembre 1985: un gardien de nuit avait volontairement allumé incendie dans l’immeuble qu’il était censé surveiller. Dans cette affaire la préposé avait agi sans autorisation à des fins étrangères à ses fonctions la Cour de Cassation a considéré que comme ces deux conditions étaient vérifiées le commettant n’était pas responsable. En conséquence le placement hors des fonctions n‘est qu’une conséquence des deux autres conditions.

 

La chambre criminelle s’est ralliée à celle de la chambre civile abandonnant sa conception souple du lien de connexité à 23 juin 1988

  • Arrêt du 19 mai 1988: la Cour de Cassation «  affirme que le commettant ne s’exonère de sa responsabilité que si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Dans cet arrêt la Cour de Cassation revient à une solution opposée, l’abus de fonction est subordonné non plus à deux mais à trois conditions cumulatives. la Cour de Cassation imposé définitivement ces 3 conditions

La 2ème chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt du 19 juin 2003 a fini par l’appliquer.

Par la suite la jurisprudence n’a pas été parfaitement limpide, certes la  2ème chbe civile s’est ralliée à la chambre criminelle  mais dans certains cas on aurait pu attendre un abus de fonction ou pas, certains arrêts ont été surprenants. Ce qui explique cette fluctuation c’est peut être que la question de l’abus de fonction a été mal posée dès le départ, on est toujours parti d’une analyse du fait du préposé alors qu’en réalité il fallait peut être prendre les choses à partir de la position de la victime. Ici on peut faire une typologie et dégager une certaine cohérence de la jurisprudence :

  • Il se peut d’abord que cette victime ait été placée accidentellement au contact du préposé, dans ce cas il sera normal que cette victime puisse accéder à la garantie de solvabilité que représente le commettant et son assurance
  • Il se peut que la victime ait entretenu avec le préposé auteur du dommage un rapport juridique préexistant, le plus souvent il sera de nature contractuel. Dans ce cas-là, il faut distinguer des sous hypothèses :
    • L’article 1242 al 5 ne saurait servir de prétexte pour un employeur afin d’échapper à sa responsabilité quand il a contracté un engagement avec le client en invoquant l’abus de fonction de son préposé, dans cette hypothèse, quand l’employeur s’était engagé contractuellement vis à vis d’une victime qi avait la qualité de client, l’intervention du préposé doit être neutre, pour ne pas être un prétexte pour l’entreprise sous couvert de l’abus de fonction pour échapper à son engagement contractuel : arrêt du 21 mai 2015: détournement de fond en exécution d’un contrat
    • Lorsque la victime a cru sur la foi d’une apparence que le préposé qu’elle avait en face d’elle agissait normalement, en tant que préposé de l’employeur, cette victime pourra revendiquer l’apparence de régularité créée pour poursuivre l’employeur en responsabilité : arrêt du 4 mars 1999
  • Il reste des hypothèses dans lesquelles la victime pourra se voir opposer l’abus de fonction et ne pas poursuivre l’employeur, ce sont les cas où la victime était dans une situation de collusion avec le préposé ou encore dans lesquelles elle avait pris des risques dont elle ne pouvait pas ignorer l’importance, elle ne pourra pas agir contre l’employeur.

Si on regarde l’avant- projet on remarque qu’il écarte la responsabilité du commettant «  si la victime ne pouvait légitimement croire que le préposé agissait pour le compte du commettant »

  • Arrêt du 2 avril 1997 : la victime avait nécessairement connaissance du caractère anormal des opérations proposées par l’employé

La Cour de Cassation n’est cependant pas toujours claire : arrêt du 3 juin 2004 : un préposé livreur s’était introduit dans le camion d’une autre société causant un accident, la Cour de Cassation a considéré qu’il y avait bien placement hors des fonctions

 

 

  • La portée de la responsabilité du commettant

Il y a une question  fondamentale : quelle conception on adopter de la responsabilité du fait d’autrui, de ‘l’employeur sur son préposé, est ce qu’on considère qu’il  a superposition de deux responsables ou est ce qu’il n’y en a qu’une qui se concentre sur la tête du commettant (responsabilité par autrui)

Traditionnellement ton considérait qu’il y avait deux responsabilités et ce tant au stade de l’obligation à la dette que la contribution à la dette.

Au state de l’obligation à la dette, il était possible pour la victime de poursuivre personnellement le préposé plutôt que d’actionner l’article 1242 al 5

Au stade de la contribution à la dette (une fois la réparation obtenue),  la jurisprudence autorisait le retour récursoire de l’employeur contre le préposé à une exception : la responsabilité du  fait des choses.

Cette dualité est devenue progressivement intenable, le fait qu’on puisse poursuivre le préposé en obligation ou contribution :

  • Il y a d’abord une question d’équité, en dehors de l’abus de fonction le préposé agit normalement pour le compte de l’entreprise et il peut apparaitre inéquitable de le rendre personnellement responsable d’une faute qu’il a commise lors de cette activité normale 
  • Ensuite la plupart du temps, l’employeur est assuré, et s’il est assuré l’article L121-12 du code des assurances prive l’assureur subrogé dans les droits de l’employeur après indemnisation de tout recours contre le préposé sauf acte de malveillance caractérisé. En d’autres termes, la situation du préposé va dépendre du point de savoir l’employeur avait pris le soin de s’assurer ou pas 
  • Enfin cette notion de responsabilité personnelle des employés a depuis longtemps été abandonnée dans le secteur public, puisque dès lors qu’il n’y a pas faute détachable du Service Public, c’est le Service Public qui assume sans recours et tt seul la responsabilité du fait de ses agents 

C’est pourquoi la Cour de Cassation a fini dans un arrêt célèbre du 25 février 2000 Costedoat, a fini par étendre au salarié d secteur privé l’immunité  dont bénéficiait jusqu’alors leurs homologues du secteur public : « n’engage pas sa responsabilité à l’égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par le commettant » : un pilote d’avion de société avait survolé un mauvais champ en détruisant les cultures du mauvais champ, la question s’est posée de savoir si on pouvait le poursuivre personnellement, la Cour de Cassation a considéré qu’il y a une immunité de ce préposé. Cela veut dire que a victime ne peut pls poursuivre personnellement le préposé et dans cette logique le commettant s’il a été poursuivi ne pourra plus ensuite se retourner contre le préposé fautif et auteur direct du dommage, il y a donc une immunité tant au stade de l’obligation que de la contribution.

 

Malgré tout, cette mutation de la responsabilité du fait des commettants n’est pas sans poser de difficultés :

  • La Cour de Cassation fait jouer cette immunitédès lors que le préposé a agi sans excéder les limites de sa mission, là cette notion de limite de la mission fait penser à l’abus de fonction, on peut alors se demander si la notion de limite de la mission et d’abus de fonction ne sont pas identiques ? En d’autres termes est ce qu’on perdra son immunité à chaque fois qu’on abusera de ses fonctions ? ou alors est ce qu’on sera immune de toute responsabilité personnelle à chaque fois qu’on reste dans le cadre de ses fonctions ? en réalité il n’y a pas de superposition complète entre ces deux notions, on le sait depuis un arrêt d’assemblée plénière du 14 décembre 2001, dans l’arrêt COUSIN «  la préposé condamné pénalement pour avoir intentionnellement commis, fusse sur l’ordre du commettant une infraction ayant causé un préjudice à un tiers engage sa responsabilité civile à l’égard de celui-ci ». il s’agissait d’un comptable condamné pénalement pour faux et usage de faux l’employeur était complice du comptable. Ici, les conditions de l’abus de fonction ne sont pas réunies, il faut notamment une absence d’autorisation donnée par l’employeur, or ici l’autorisation a été donnée, la responsabilité civile de l’employeur du fait de son préposé est donc engagée. Même s’il n’y a pas d’abus de fonction, le préposé ne peut pas revendiquer d’immunité  dès lors qu’il a commis une infraction  pénale intentionnelle. En résumé on peut très bien être dans ses fonctions pour engager l’employeur au titre de l’article 1242 al 5 tout en perdant son immunité personnelle dès lors que l’acte en cause est une faute pénale intentionnelle. La notion d’abus de fonction et  d’immunité ne se regroupent donc pas.

 

Dès lors qu’on admet des exceptions au principe d’immunité la question et de savoir jusqu’où aller dans ce périmètre d’exception, dans quels cas le préposé va-t-il perdre l’immunité qu’il a conquise en 2000, il n’y a aucun doute dans le cas de la faute pénale intentionnelle, mais aussi pour certains comportements qualifiés, notamment relevant de l’article 121-3 du code pénal :

 

à Arrêt du 28 mars 2006

Jusqu’où aller dans cette logique, notamment dans cette logique de lien avec l’infraction pénale ? la perte de l’immunité semble avoir été étendue dans des cas d’infraction par simple négligence, en évoquant une perte d’immunité dans les cas « où le préjudice de la victime résulte d’une infraction pénale ou d’une faute intentionnelle » or les hypothèses où un salarié peut être négligent sont très nombreuses. (arrêt du 21 février 2008 )

L’avant-projet de réforme énonce dans son article 1249 «  que le préposé n’engage sa responsabilité personnelle  qu’en cas de faute intentionnelle ou lorsque sans autorisation il a agi à des fins étrangères à ses attributions » ici on réintroduit les critères de l’abus de fonction pour déterminer ceux de l’immunité

Si jamais un assureur a payé, la Cour de Cassation             a considéré qu’un recours subrogatoire est possible contre l’assureur qui a payé : arrêt du 12 juillet 2007 : un pb médical, une clinique face à un médecin, la clinique avait été poursuivi, son assureur aussi, le médecin était aussi assuré, la Cour de Cassation a admis que l’assureur ayant payé pour le compte de la victime puisse se retourner contre le primo responsable, le médecin 

 

  • L’immunité de l’arrêt Costedoatn‘est affirmée qu’au profit du salarié, cela veut dire que tous les autres cas de prépositions hors salariales, hors rémunération ne permettent pas de bénéficie de cette immunité, ce qui est très critiquable. Une autre question se pose, est ce que tous les salariés sont concernés par cette immunité, est ce qu’on ne pourrait pas considérer qu’il existe une resp variable selon le degré d’autonomie dont dispose les salariés vis-à-vis e leur employeurs, cela ne semble pas totalement incohérent, cela vaut notamment en matière médicale, la Cour de Cassation a hésité, commencé par refuser la solution mais a finalement considéré que l’autonomie d’un préposé ne fait pas obstacle à son immunité dans les termes de la jurisprudence de l’arrêt Costedoat :

 

  • Arrêts du 9 novembre 2004

En responsabilité du fait d’autrui il y a également la responsabilité des artisans d fait des apprentis, qui est quasiment devenu un contrat de travail on est donc presque dans le même régime que celui des commettants, il y a aussi la responsabilité des instituteurs du fait de leurs élèves, cet article  a été modifié, ce n’est plus une véritable responsabilité du fait d’autrui.

 

  • 3 l’extension de la responsabilité du fait d’autrui

Les hypothèses de l’article 1242 al 1 de la responsabilité du fait d’autrui  sont-elles limitatives ou simplement énonciatives ?

La Cour de Cassation est allée au delà des hypothèses du texte mais beaucoup plus tardivement car il n’y a pas plusieurs textes comme en matière de responsabilité du fait des choses mais un seul texte qu’il est difficile de contredire, de plus la pression indemnitaire est peut être moindre en responsabilité du fait d’autrui. Cette idée  d’extension de responsabilité du fait d’autrui n’est pas nouvelle, un article de Sabatier de 1933 se posait cette question. Ce qui a accéléré la réflexion est que la société contemporaine depuis les années 70 a élargi les cas de contrôle d’une personne par une autre qu’il s’agisse des activités scolaires et extra scolaires organise de plus de plus, qu’il s’agisse de formules semi ouverte qui concernent aussi bien les délinquants que les handicapés ou encore le rôle accru des grands parents dans la prise en charge de leur petits enfants : pour ces cas traditionnellement la responsabilité était fondée sur la faute, ce qui  contrariait l’aspiration indemnitaire des victimes. Le premier à voir réagi est  le conseil  d’état à propos de la responsabilité de la puissance publique en cas de dommage causé par des mineurs délinquants, dans un arrêt THOUZELLIER du 3 février 1956 : Le Conseil d’Etat a imposé une responsabilité plus objective de la puissance publiques, dissocié de l preuve d’une faute. Du côté de la jurisprudence judiciaire il a fallu attendre un arrêt  du 29 mars 1991 BLIECK qui a élargi les hypothèses de responsabilité du fait d’autrui : un handicapé mental pensionnaire d’un CAT en milieu  semi ouvert, à l’occasion d’une de ses sorties il me  le feu  une forêt et les propriétaires de la forêt se sont tournées vers le centre pour obtenir réparation sans prouver une faute quelconque, la Cour d’Appel a condamné le CAT en trouvant un présomption de responsabilité du fait des personnes dont on doit répondre dans l’article 1384 al 1. La Cour de Cassation  a repris la solution mais de façon plus brève, paradoxalement c’est un arrêt factuel, elle reprend les faits et considèrent que au vu de ces circonstances de fait le CAT devait répondre du dommage causé par son pensionnaire «  au sens de l’article 1384 al1 », la haute juridiction valide donc l’idée que les hypothèses de l’art e sont plus limitatives. A partir de là c’est un peu e brouillard car on ne savait pas ce qu’était la portée de cette extension,   est e qu’on avait un principe général de responsabilité. 

  • Les critères de la responsabilité prétoriennes

Le CAT qui est une association est déclarée responsable «  car il avait accepté la charge d’organiser et de contrôler à titre permanent le mode de vie de cet handicapé » en d’autres termes l’arrêt  ns fournit le noyau dur de la responsabilité du fait d’autrui, on est responsable du fait d’autrui quand on organise et contrôle à titre permanent ce mode de vie d’autrui. Par la suite ces hypothèses de contrôle permanent du mode de vie d’autrui ont été repris et la Cour de Cassation a réitéré sa solution à propos de mineurs délinquants ou d’enfants ayant fait l’objet de mesures de placement judiciaire dans une structure  au titre de l’assistance éducative : arrêt de la 2ème ch du 22 mai 2003

Dans ces hypothèses le Code Civil a donc élargi sa jurisprudence et a continué dans ce sens en déclarant responsables des associations tutélaires ou encore des instituts médico pédagogique ou départements gérant des foyers d’accueil.

Des hypothèses plus compliquée ont  été examinées par la Cour de Cassation : la question s’est posées de savoir si lorsque l’auteur du dommage était potentiellement sous le contrôle de plusieurs personnes morales ou physiques, comment déterminer le répondant, responsable du fait d’autrui ? Par ex, un mineur est pris en charge par un établissement d’éducation et se trouve chez ses parents pendant une journée, dans ce cas la Cour de Cassation a considéré qu’à défaut de suspension judiciaire de la mission de cette structure c’est toujours l’établissement qui répond du fait de ce mineur même s’il est toujours chez ses parents, ici la Cour de Cassation considère que le contrôle de mode de vie est une notion abstraite.  Même chose pour un département qui délègue  des missions de surveillance à une association, elle reste  responsable même si elle a placé le mineur en famille d’accueil

Parfois cela reste flou : arrêt du 25 mars 1998 : les pères et mères dont l’enfant a fait l’objet d’une assistance éducative restent quand même responsables

Jusqu’à présent on a évoqué des personnes de droit morale agissant à titre professionnel, la question  s’est posée de savoir si on pouvait aller au-delà, notamment décliner la jurisprudence Blieck à un tuteur désigné par le conseil de famille, particulier, qui n’agit pas à titre professionnel, s’il pouvait être responsable du fait de l’enfant dont il a la charge ? Dans un arrêt du 28 mars2000 la Cour de Cassation a accepté d’étendre le jurisprudence Blieck à ce cas .

Est-ce qu’on peut étendre cette jurisprudence à d’autres cas concernant des personnes morales et physiques, professionnelles ou non ? Est ce qu’on peut élargir la RFA aux grands parents, oncles et tantes etc aux assistantes maternelles  ou baby-sitter ? la Cour de Cassation n’est pas allée actuellement jusque-là, car dans ces cas, il manque ce contrôle permanent d’un mode de vie qui est vraiment le noyau dur de la jurisprudence Blieck. la Cour de Cassation dans un types de circonstance a accepté de délaisser ce critère du contrôle permanent de mode de vie, c’est un arrêt du 22 mai 1995 qui a énoncé «  les associations sportives ayant pour mission d’organiser, de diriger et de contrôler l’activité de leurs membres au cours de compétitions sportives auxquelles ils participent sont responsables des dommages qu’ils causent à cette occasion. Un arrêt d’assemblée plénière du 29 juin 2007 a réitéré la solution à propos de la blessure grave d’un joueur lors de la mise en place d’une mêlée de rugby, dans ce cas l’on a plus la permanence du contrôle, l’idée de mode de vie contrôlé par autrui.

Au vue de ces décisions certains auteurs ont proposé un autre critère, la responsabilité du fait d’autrui serait justifié par la dangerosité de l’activité en cause, la jurisprudence n’a pas validé ce critère car elle a accepté par ex de déclarer responsables du fait d’autrui un club de majorette à arrêt du 16 décembre 2002. A contrario, la Cour de Cassation s’agissant d’une association de chasse a écarté le responsable du fait d’autrui en se référant l’attendu de l’arrêt Blieck à arrêt du 11 septembre 2008

Sont responsables des structures ou personnes morales qui contrôlent ponctuellement l’activité d’autrui à condition que cet autrui  soit au moins membre de l’association

Arrêt du 26 octobre 2006 : refuse de considérer le syndicat responsable du fait des dommages causés par l’un de ses membres lors d’une manifestation, on a donc des frontières poreuses

Est-ce que la Cour de Cassation va accepter de généraliser ces hypothèses et d’aller a delà de l’hypothèse de l’arrêt Blieck et des associations sportives pour toucher les baby sitter, grands-parents etc.  

  • La portée de la responsabilité prétorienne

Jusqu’où peut-on engager cette responsabilité ?

  • Le répondant

S’agissant du répondant, la solution est claire, depuis 3 arrêts de la Che criminelle du 26mars 1997 : les personnes tenues de répondre du fait d’autrui au sens de l’article 1384 al 1 ne peuvent s’exonérer de la responsabilité de plein droit résultant de ce texte en démontrant qu’elles n’ont commis aucune faute. Ici on n’est pas dans un système de faute présumée dont on pourrait s’affranchir, ici la seule cause d’exonération est la force majeure

Ce qui est beaucoup moins claire est le rôle du responsable direct

  • Le responsable direct

Est-ce qu’on exige qu’il ait commis une  faute un fait causal ou une implication ?  Ici on est déjà au-delà du code et si on admet une responsabilité pour implication, détachée de la faute on va donner à cette jurisprudence une portée considérable alors qu’il n’y a aucune obligation d’assurance

Au regard de la jurisprudence de la Cour de Cassation, elle continue d’exiger  une preuve de la faute caractérisée du primo responsable, mais cette solution n’a été rendue qu’à propos des clubs sportifs à arrêt du 22 juin 2007 : identifier une faute caractérisée par une violation des règles du jeu

Avant-projet :

L’avant-projet en son article  1245, exige en toute hypothèse la preuve d‘un fait de nature à engager la responsabilité de l’auteur direct du dommage, il faut donc toujours un primo responsable, et en général fautif. L’avant –projet confirme l’extension apportée par la jurisprudence Blieck puisqu’il confirme une responsabilité de plein droit d la personne physique ou morales chargée par décision judiciaire ou administrative d’organisation et de contrôler à titre permanent le mode de vie du mineur, dans ces hypothèses la responsabilité des parents de ces mineurs ne peut être engagée (référence à l’affaire ou le mineur avait violé sa demi sœur). Dans l’article 1248, on a une responsabilité pour faute présumée, des autres personnes qui par contrat, assument à titre professionnel, une mission de surveillance d’autrui. L’avant-projet ne dit rien sur les clubs sportifs ceux si sont les grands gagnants de la réforme, il n’y a pas non plus de principe général de responsabilité du fait d’autrui.

Chapitre II – Le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage

La causalité est un peu « le nez de Cléopâtre de notre  système de responsabilité»

Quelle est la conception plus ou moins large du lien de causalité, on ne le sait pas vraiment.

Il s’agit ici de traduire en une forme d’équation juridique la complexité de fait qui sont souvent l’objet de débats d’expertise mais dont on sort parfois dubitatifs. De plus dans notre société complexe il y a de plus en plus de facteurs qui concourent peu  ou  prou à un dommage terminal. C’est le problème de l’enchainement causal. On doit considérer comme causal, le facteur, la source, l’origine d’un dommage, c’est à dire le fait qui peut être retenu comme ayant produit ce résultat dommageable. Il s’agit de relier un fait générateur (faute, fait d’autrui, fait des choses) à un dommage

Il s’agit de préciser les termes : pour qu’il y ait responsabilité il faut 3 conditions :

  • Fait générateur
  • Dommage
  • Lien de causalité entre les deux

Mais, il y a l’heure actuelle une partie de la doctrine qui ajoute dans certains cas une 4ème condition à l’engagement d’une responsabilité civile : une opération supplémentaire est nécessaire, c’est une imputation personnelle, il s’agit d’attribuer un fait à une personne, la fonction de l’imputation  personnelle est de désigner un responsable. Par  ex, dans la responsabilité du fait des choses on s’interroge sur le rôle actif ou passif de la chose, on est dans une démarche de causalité, mais on doit ensuite rattacher le fait de la chose (anormal etc)  à un gardien de la chose, il s’agit donc d’imputer le fait de telle chose à telle personne et pas à une autre. Dans le fait d’autrui,  il ne suffit pas de s’interroger sur l’action du primo resp, il faut savoir dans quelle conditions on peut rattacher le fait causal, la faute à un répondant, dans ce cas il s’agit  de discuter du rattachement de cette action dommageable à un responsable, qui est considérée comme une 4ème condition par certains.

Le législateur n’y comprend rien, par ex l’article 102 de la loi du 4 mars 2002 qui concerne l’indemnisation des contaminations post transfusionnelles, on se demande si la transfusion a été contaminant ou pas ? On parle de l’imputabilité de la contamination

 Dans la distinction entre dommage et préjudice il y a aussi de la causalité : on se demande si une attente corporelle ou matérielle a entrainé des préjudices réparables ou pas, c’est une démarche d’enchainement causal (arrêt du 4 novembre 2010)

La causalité est donc partout.

 

  • 1 – Définir : les conceptions du lien de causalité

il n’y a pas de définition du lien de causalité dans les textes actuels, et pas plus dans l’avant- projet,  l’article 1239  exige la démonstration d’un lien de causalité. Il a  fallu s’en remettre à la doctrine, elle a émis certaines propositions

 

  • Les propositions doctrinales

Il y a des tas d’exemples qui posent problème, est-on dans une causalité universelle ou focalisée ?

Certains disent que la causalité est juste une affaire de sentiment judiciaire, c’est la subjectivité

On est arrivé au final à des propositions doctrinales : notamment la causalité économique, c’est la théorie dite des parts de marché, cela correspond à ‘l’analyse éco du droit, cela consiste à dire que dans le doute du lien causal te spécialement de produits industriels dommageables mis sur le marché, on va partager la responsabilité en fonction de parts de marché détenu par les industriels ou prestataires de service ayant fourni le service  ou le produit dommageable, cette théorie s’applique dans des pays voisins.

Deux théories d’origine allemandes sont résumées sous « la causalité adéquate » imaginée par un juriste allemand KRIES à la fin du 19ème et la théorie de « l’équivalence des conditions » par BURI

  • La causalité adéquate de KIES : c’est une théorie qui a pour but de faire du tri entre les différents facteurs du dommage, il faut réussir à déterminer lequel rendait à lui seul le dommage inévitable, la méthodologie est qualifiée de pronostic rétrospectif.
  • L’équivalence des conditions de BURI: il s’agit de considéré comme causal tout facteur, tt élément sans lequel le dommage final ne se serait pas produit, toue condition dite sinequanone et ce quel que soit l’éloignement physiques, temporel, vis à vis du dommage final, dans cette logique je suis responsable de tout

 

Ces  deux théories ne sont pas totalement satisfaisantes :

Du côté de l’équivalence des conditions, l’avantage est claire du point de vue des victimes, elles vont trouver devant elles un grand nombre de débiteurs, mais cela peut créer des iniquités car on peut rendre alors responsable d’un sinistre majeur une personne très éloignée dans la chaine causale alors qu’elle a commis une faute minime

La causalité adéquate elle est plus juridique, on a plus de rigueur dans l’évaluation de l’enchainement, on pose des critères. Mais, sous couvert de logique juridique on énonce parfois des contradictions. De plus il y a aussi un risque d’arbitraire car c’est le juge qui va souverainement qualifier tel ou tel facteur de prépondérant

Face à cela, il y a l’école de l’auteur Noel de jean de Batie, qui s’efforce de synthétiser les eux théories précédentes. Selon lui, un facteur ne peut être qualifié de causal quelque soit sa distance avec le dommage qu’à la condition que son anormalité et pas seulement sa simple existence explique le dommage final. Selon lui, il faut rechercher dans l’enchainement causal l’empreinte continue du mal, cette empreinte continue se divise en deux : il faut rechercher l’empreinte du mal et ensuite la continuité de cette empreinte. Lorsqu’on considère tel ou te évènement pour la qualifier de causal, on va se demander si c’est son anormalité qui explique le dommage, mais il faut aussi rechercher la continuité de l’empreinte en recherchant si  dans une succession d’évènement anormaux, il n’y a pas eu une rupture de continuité par suite d’une circonstance externe par exemple du fait du comportement de la victime

 

Ex : si on autorise des skieurs à s’entrainer en contrevenant au règlement de la compétition, cette faute ne justifiera l‘indemnisation du dommage subit par un concurrent que si celui-ci n’a pas commis une imprudence venant rompre le lien entre l’autorisation anomale et le dommage qu’il subit. Dans ce cas on a une rupture dans l’enchainement causal qui écarte l’indemnisation alors que le comportement est fautif.

En sens inverse, quand il existe une succession de faute qui ont toutes concourue au dommage final, chacun des auteurs de cette faute pourra être poursuivit personnellement quelque soit la gravité de la faute commise, et ici en opposition  à la théorie de la causalité adéquate qui veut qu’on sélectionne le dommage le plus grave. Cela veut dire que quand on a un médecin qui tarde à adresser un patient à l’hôpital, il est mal surveillé au moment du réveil, on peut poursuivre n‘importe qui quelque soit la gravité des fautes respectives, on a une logique cii d’empreinte continue du mal.

 

  • Les positions jurisprudentielles

On pourrait être rassurée, car la Cour de Cassation impose son contrôle dans le raisonnement causal, elle contrôle la causalité, les juges du fonds vont alors expliquer pq tel facteur a été ou non causal. Mais les juges du fonds qui ont respecté cette exigence (expliquer en quoi un facteur était essentiel pour le dommage terminal peuvent choisir n’importe quelles conception du lien causal :

  • Arrêt du 24 janvier 2006: s’agissant des dommages causés par l’hormone de croissance

On a  des décisions qui s’inspirent de l’équivalence des conditions :

  • Arrêt du 27 janvier 2000: intervention chirurgicale à l’œil qui s’était mal passée et avait été rendue nécessaire par un accident de la circulation, l’intervention avait été rendue nécessaire par l’accident, de tel sorte que l’accident est la cause directe et certaine du dommage causé par l’opération

Des décisions parlent du principe de l’équivalence des causes dans la production d’un même dommage, dans cette affaire un automobiliste avait fini sa course dans la devanture d’un magasin, l’assureur avait tardé à indemniser le commerçant ce qui avait contribué à sa faillite, la Cour de Cassation admet donc que l’auteur de l’accident peut être poursuivit malgré la faute de l’assureur

D’autres arrêts parlent d’avantage de causalité adéquate :

  • Arrêt du 24 février 2000: une première personne détourne des munitions, qui les stocke et se les fait volé, les voleurs font exploser les munitions, la question était de savoir si on pouvait se retourner contre l’auteur du détournement, la Cour de Cassation a considéré que seuls les voleurs étaient susceptibles de poursuites en responsabilité

L’application de la causalité adéquate se distinguer de l’empreinte de la théorie du mal

La théorie de l’empreinte de la théorie du mal aussi ses adeptes en jurisprudence : la jurisprudence accepte parfois une rupture du lien causal lorsque vient s’intercaler entre une faute et le préjudice un facteur qui détruit le potentiel d’explication de la faute initiale. Par ex, un commerçant décède à la suite d’une faute, et sa veuve reprend l’exploitation pendant une longue durée qui donne la  pleine mesure de son incompétence, l’entreprise fait faillite, dans ce cas la Cour de Cassation a refusé de déclarer responsable l’auteur de la faute l’ayant conduit au décès du commerçant, il y a une rupture de l’empreinte du mal.

  • Arrêt du 20 novembre 2003: problèmes liés au tabagisme, la CEITA avait été poursuivie pour défaut d’info sur les méfaits du tabac, la Cour de Cassation a considéré que cette faut était indifférente dans la mesure où le fumeur qui avait succombé au cancer était indifférent à toute prévention, les éléments personnels ont rompu le caractère continu de l’empreinte du mal

La jurisprudence est souveraine, mais certains proposent de remettre de l’ordre dans la jurisprudence avec des critères différents : pour Letourneau notamment il faut pondérer La théorie choisie en fonction du fondement de la responsabilité recherchée, il veut éviter la double peine.  Quand on a une responsabilité sans faute, il serait  déplacé d’aggraver le sort du responsable  en lui appliquant la théorie de l’équivalence des conditions. En sens inverse quand on est face à une responsabilité plus exigeante du point de vue de son fait générateur (responsabilité pour faute) on peut être plus souple s’agissant du lien de causalité et on peut donc remonter très loin dans un enchainement de faute successive.

Cette pondération ne fonctionne pas

D’autres auteurs proposent de distinguer entre l’obligation à la dette et la contribution à la dette de la respnsable 

S’agissant de l’obligation à la dette, on peut accueillir la théorie la plus protectrice, celle de l’équivalence de conditions, ce qui permet à la victime d’avoir la protection la plus grande. Mais une fois indemnisée, la contribution à la dette pourra être déterminée par le rôle respectif des facteurs de causalité, on fera supporter  à l’auteur principale du dommage la majorité voire l’exclusivité du poids de l’indemnisation. Certains arrêts y font référence

Néanmoins c’est au cours de ce stade de contribution que l’on dispose des règles les plus solides, de principes dégagés en jurisprudence et liés à la causalité. Ainsi, quand plusieurs personnes sont déclarées co responsables d’un dommage terminal la Cour de Cassation applique entre ces personnes une responsabilité in solidum quelque soit le rôle effectivement joué dans la production du dommage, c’est la théorie dite de la causalité intégrale, on ne va pas obliger la victime à diviser les poursuites en fonction du rôle causal de chacun des co auteurs. Au stade de la contribution, la victime  été payée, c ‘est là que l’appréciation des comportements de chacun va prendre tout son intérêt

  • Premier principe : Un co auteur fautif ne peut jamais recourir contre un co auteur non fautif
  • 2ème principe : quand on a des co auteurs fautifs ; les recours entre ces co auteurs se répartissent selon la gravité respective des fautes
  • 3me principe : quand on a que des co auteurs non fautifs, les recours entre co obligés vont être divisé selon le nombre de co auteurs

 

  • Arrêt du 16 mai 2013

Ces principes sont majoritaires mais pas systématiques, il y a des cas où l’analyse de la causalité réapparait au stade de la contribution, quand on considère que la  gravité d’une faute est telle qu’elle absorbe l’autre faute commise et qu’elle suffit à expliquer le dommage

La faute de la victime qui va donc réduire son indemnisation simplifie la problématique puisque cette faute ne conduit pas à différencier obligations et contribution à la dette dans la mesure où elle réduit d’emblais l’obligation à la dette du responsable

 

  • 2 – Etablir : la preuve du lien de causalité

Quelle que soit la conception du lien de causalité, la preuve repose toujours sur la victime, l’avant-projet le rappelle dans l’article 1239 du code civil.

Cette preuve est délicate, elle l’est tout autant en cas d’enchainement causal qu’en cas de fait générateur unique

Ex : un époux est blessé dans un accident de la route, la femme apprend la mauvaise nouvelle, quelque semaines elle tombe enceinte et fait une fausse couche, est ce que c‘est ou pas la conséquence de l’annonce

De manière générale, dès lors qu’on est face à un dommage corporel, les questions de causalité sont de loin les plus délicates, particulièrement pour les accidents médicaux car ces accidents viennent toucher une victime qui par hypothèse n’était pas en bonne Santé. Il  faut alors distinguer les Facteurs endogènes –conséquences de l’état antérieur de La victime– et les Facteurs exogènes de ceux qui découlent de l’intervention médicale. Ceci explique que bien souvent les juges résolvent le problème est indemnisant à hauteur d’une perte de chance, ce qui n’est pas une solution satisfaisante. la victime subit la charge de la preuve mais il existe quand même une roue de secours pour la victime, la possibilité de prouver par présomption. Il faut distinguer différentes fonctions des présomptions :

 

  • elle peut avoir un rôle d’imputation à autrui d’un fait dommageable (ex : dommage causé par le membre d’un groupe impossible d’identifier au sein de ce groupe) pour résoudre cela il y a deux solutions : soit on résonne sur le fait générateur, on élargit la notion de garde, soit on dit qu’il faut présumer une responsabilité in solidum entre membre du groupe pour permettre grâce à cette présomption d’imputer à chaque membre du groupe, une dette de responsabilité in solidum. Cette jurisprudence est consacrée dans l’avant-projet à l’article 1240. Cela vaut aussi pour les produits nocifs mis sur le marché par plusieurs fabricants sans qu’on puisse déterminer lequel a produit le dommage (arrêt du 24 septembre 2009) : dans ce cas la Cour de Cassation a admis qu’on pouvait in solidum déclarer chacun des fabricants responsables.

 

  • il peut aussi y avoir des présomptions de causalité au sens stricte: pour ce type de présomption on a un raisonnement qui consiste à écarter des facteurs explicatifs concurrents d’un dommage pour aboutir finalement à un facteur qui sera la cause du dommage. L’ex célèbre date d’un arrêt de 1969 : le passage du mur du son avait détruit un mur au sol, pouvait –on relier la destruction au passage du mur du son, la Cour de Cassation a dit qu’il y avait eu plusieurs bang, en second lieu qu’il n’y avait eu ni tempêtes ni secousses, ni ouragan, comme il n’y avait pas de facteur explicatifs concurrents c’était l’avion responsable. On a donc ici u raisonnement par exclusion du fait par lequel on peut rapprocher des facteurs de proximité, dans le temps dans l’espace.

C’est une aide puissante pour les victimes ce type de raisonnement s’applique souvent en matière environnemental, sanitaire, là ou des dommages se produisent en masse sur une série de victimes. Par ex, en matière de produits de santé, la Cour de Cassation de longue date a admis  qu’on pouvait « imputer » une contamination à une transfusion dès lors qu’il n’y avait pas chez la victime de facteurs concurrents, liés à son mode de vie, de facteurs d’ordre familiaux, en bref que la victime n’était pas une victime à risque. La loi a pris le relai e la matière, une loi du 31 décembre 1991 et du 4 mars 2002 ont rendu légales ces présomptions, s’agissant e contamination par le virus du sida et par le virus de l’hépatite . Le grand problème actuel est l’hépatite B, plus précisément la question du vaccin contre l’hépatite B, qui est  un problème car celui-ci peut favoriser le développement de maladies telles que la schlérosanplaque, par 6 arrêts du 22 mai 2008,  la Cour de Cassation a considéré que « la preuve de la causalité entre vaccin et maladie  peut être établie par présomption dès lors qu’elles sont graves précises et concordantes » ces présomptions sont par ex la proximité entre la vaccination et la date d’apparition avec les premiers symptômes.

 

Il y a  deux façons d’appréhender le lien de causalité dont une juridique qui consiste à dire que le doute scientifique sous tel ou tel enchainement causal ne doit pas interdire de reconnaitre une causalité juridique. La Cour de Cassation est assez frileuse car elle se retranche très souvent derrière l’appréciation souveraine des juges du fonds, quitte à aboutir à des situations contradictoires, dans certains cas il y avait l’admission d’une présomption au vue de l’apparition d’un délai d’une maladie, alors que dans d’autres cas le délai sera écarté (arrêt du 24 septembre 2009, la Cour de Cassation a écarté la présomption sous couvert de l’appréciation des juges du fonds)

La frilosité de la Cour de Cassation s’exprimer aussi car elle a posé une question préjudicielle à la CJUE le 12 novembre 2015 qui porte sur la compatibilité entre le recours à des présomptions et l’art 4 de la  directive du 25 juillet 1985 sur les produits défectueux alors que ce texte ne concerne pas les modes de preuve, mai la charge de la preuve (qui pèse sur la victime)

  • 3 – Détruire : la rupture du lien de causalité par la cause étrangère exonératoire

On est face à une problématique complexe, car cette notion de cause étrangère est parfois délicate à déterminer 

  • la place de la cause étrangère exonératoire

Tout ce qui est déf, preuve et postule que lien de causalité ne se heurte pas à cette cause étrangère, il appartient au défendeur à l’action pour le coup de rapporter la preuve d’une cause étrangère, c’est le jeu de l’article 1353  du code civil (1315 ancien)

Quand on parle de cause étrangère  il faut apporter des précisions. Il y des facteurs tout d’abord qui sont étrangers au responsable et qui vont venir réduire sa responsabilité sans la supprimer : c’est la faute de la victime, la jurisprudence considère que cette faute peut réduire l’indemnisation qui est due à cette victime, sauf dans un cas particulier, celui du transport ferroviaire, lorsque la responsabilité de la SNCF est recherchée sur le terrain contractuel, (Arrêt du 13 mars 2008 n°05-12551 : la Cour de Cassation écarte la réduction de la responsabilité de la SNCF pour faute de la victime sauf si celle-ci revêt les caractères d’une cause étrangère totalement exonératoire). Cette jurisprudence est d’autant plus curieuse car la Cour de Cassation ne l’applique pas si la responsabilité des transports ferroviaire est poursuivie sur le terrain délictuel, dans ce cas la faute de la victime lui redevient opposable, la Cour de Cassation a voulu aligner les droits des victimes sur les droits des accidentés de la route (arrêt du 3 mars 2016 : s’applique en matière extra contractuelle RCA 2016 commentaire 174) en dehors de ça il est considéré que la faute de la victime peut partiellement exonérer le responsable.

Pour être reconnue comme telle, cette cause étrangère doit revêtir les caractères d’une force majeure, qui rend le responsable impuissant à faire quoi que ce soit, cette force majeure peut résulter d’un fait naturel (cas fortuit), elle peut résulter du fait de la victime mais que si elle présente les caractères de la force majeure, ou encore du fait d’un tiers, sous certaines conditions.

En pratique on avait tendance à utiliser comme synonyme force majeure et cas fortuit, dans certains arrêts de la Cour de Cassation on trouve ce terme, ce qui n’est pas exacte, car le cas fortuit n’est qu’une variété de force majeure, imputable à la nature. Cette confusion vient de l’ancien article 1148 en matière contractuelle qui évoquait l’exonération du débiteur par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, l’ordonnance du 10 février, avec le nouvel article 1218 ne parle plus que de cas fortuit, l’avant-projet quant à lui en son article 1252 cite « le cas fortuit, le fait du tiers ou de la victime sont totalement exonératoires s’ils remplissent les caractères de la force majeure ». Il faut rappeler que cette cause étrangère peut être exonératoire de responsabilité à deux niveaux :

  • elle peut venir rompre le lien de causalité au sens stricte entre le fait générateur et le dommage. Ex : il y a une tempête qui rompt les amarres d’un bateau.
  • Il y a des cas où le cas fortuit va rompre l’imputabilité du dommage à un auteur. Ex : une tempête fait tomber des pots de fleur sur la tête du passant, la tempête va rompre l’attribution de ce dommage au propriétaire du pot de fleur

La cause étrangère tantôt rompt de lien de causalité tantôt empêche de remonter vers un responsable

La cause étrangère totalement exonératoire joue un rôle important dans les responsabilités sans faute, objective, en revanche son rôle est marginal voire exclut  dans les responsabilités pour faute, subjective (car il faut démontrer l’anormalité d’un comportement, ce qui n’est jamais le cas lorsque la personne a agi sous l’emprise d’une contrainte insurmontable) dans ce cas, la cause étrangère empêche la qualification  d’acte fautif , il n’est pas alors question d’exonération d’une responsabilité  mais de non constitution des éléments requis pour la responsabilité. En revanche en cas de responsabilité objective, on est bien en première apparence face à une responsabilité constitués, il n’y a pas de difficultés pour établir les éléments requis pour la responsabilité. Les responsabilités objectives sont le terrain d’élection de la force majeure.

 

  • Les caractères de la force majeure

Longtemps le code a été silencieux sur la question, on avait une allusion à l’article 1147 du code civil, dans l’article 1218 ancien mais ces textes étaient imprécis et c’est la jurisprudence qui a posé comme principe  dans les années 50/60 qu’une cause étrangère exonératoire n’est constituée que si elle résulte « d’un évènement à la fois imprévisible irrésistible et extérieur »  (arrêt du 18 décembre 1964)

L’élément d’extériorité est souvent contesté, parce que la condition d’extériorité est difficile à identifier quant à son périmètre, est ce que c’est un phénomène extérieur à l’auteur du dommage ou extérieur aux personnes ou aux choses dont il doit répondre. La condition d’extériorité serait exigée en droit commun, mais pas toujours en droit spécial, par exemple, quand on a un produit de santé défectueux car il un vice de conception indécelable au moment de sa mise sur le marché, si le producteur revendique son exonération sur le fondement du droit commun, de la cause étrangère, on lui dira que c’était imprévisible, irrésistible mais pas extérieur car cela était interne au produit, dans ce cas la cause étrangère ne sera pas retenue. Si le même contentieux est placé sous l’empire de la directive des produits défectueux, elle permet aux risques de dév d’un produit  d’être exonératoire, on laisse alors tomber la notion d’extériorité.

L’exigence d’extériorité revient à confondre établissement de la responsabilité et exonération  de cette responsabilité. quand on a un préposé dont le commettant est poursuivi, on va vérifier que le préposé est bien dans la sphère d’autorité du commettant, on va vérifier qu’il n’a pas commis une action extérieur à l’autorité dont peut faire preuve l’employeur, mais si cette extériorité est établit, si le préposé est sortie de la sphère interne, les conditions nécessaires à la responsabilité du fait d’autrui ne seront pas réunis, il ne sert à rien ici d’invoquer une cause étrangère extérieure, puisque cette extériorité empêche l’apparition même de la responsabilité du commettant.

La  jurisprudence est parfois écartée : condition d’extériorité de la cause étrangère est spéciale lorsque le responsable poursuivit était malade, car l’exigence d’extériorité aurait empêcher le malade d’invoquer la force majeur, la maladie étant un élément interne.

 

Quant aux deux autres conditions les différentes chambres de la Cour de Cassation se sont divisées : d’un côté la 1ère chambre civile de l’autre les deux autres

  • La chambre commerciale et 1ère ch CIV a considéré que seule l’irrésistibilité suffisait à qualifier la cause étrangère, en d’autres terme un évènement même prévisible peut constituer une cause étrangère lorsque cette prévision ne permet pas de prendre des mesures empêchant que cette évènement survienne : arrêt du 6 novembre 2002. Un arrêt du 9 mars 1994 n° 91-17464: un vol à main armée (irrésistible) mais qui n’était pas totalement imprévisible car on aurait pu prendre des mesures de contrôle des entrées et lutter contre l’évènement à conception large de la cause étrangère

 

  • Les 2ème et 3ème ch civ, exigent deux voire 3 éléments pour que la cause étrangère soit reconnue : I et I voire extériorité à arrêt du 12 décembre 2002 n°98-19111: un glissement de terrain avait endommagé des bâtiments, liés à des pluies exceptionnelles (irrésistible) mais le cause étrangère ne pouvait être revendiquée car ces pluies n’étaient pas totalement imprévisiblesà conception stricte

 

L’assemblée  plénière est intervenue dans deux décisions du 14 avril 2006, en l’espèce on avait deux litiges avec un contentieux extra contractuel et contractuel. Dans la première affaire le corps d ‘une femme est découvert dans le métro parisien, on est ici face à une hypothèse de suicide, le mari agit en responsabilité contre la compagnie,  et échoue, la RATP n’y pouvait rien et la chute  présentait un cas de Force Majeure exonérant la RATP, la Cour de Cassation approuve cette solution en relevant au passage que   la faute de la victime totalement exonératoire doit «  présenter lors de l’accident un caractère imprévisible et irrésistible ». Deux conditions sont donc posées, ce qui semble renvoyer à une conception assez étroite. L’autre affaire est rendue en matière contractuelle, un entrepreneur s’était engagé à livrer une machine à un client, n’avait pas pu honorer son engagement car il est tombé malade et en est mort, le client agit contre les héritiers de l’entrepreneur (une dette de responsabilité se transmet), l’assemblée plénière admet l’exonération  pour force majeure en considérant que la maladie était exonératoire «  dès lors que cet évènement présentant un caractère imprévisible lors de la conclusion du contrat et irrésistible dans on exécution est bien constitutif d’un cas de force majeure »

Il y  a des points positifs, dans l’affaire de la machine, l’exigence d’extériorité est écartée dans le cas de la maladie du débiteur. De plus la date d’appréciation de la force majeure, de l’imprévisibilité de force majeure, en matière non contractuelle, c’est  au moment du fait dommageable, en matière contractuelle l’imprévisibilité doit s’apprécier mais au moment  de la conclusion du contrat, le caractère irrésistible s’apprécie au moment de l’exécution du contrat. Cette solution a été reprise par l’ordonnance dans l’article 1218

Mais qu’en est-il de l’imprévisibilité et irrésistibilité de la force majeure ? Quand on lit les arrêts, I et I laisse penser qu’il y a au moins deux conditions pour qu’un débiteur puisse s’exonérer. Dans l’arrêt de la victime se jetant contre une rame de la RATP, la C constate que l’exigence de force majeure est « satisfaite » personne ne conteste que quand on a I et I que l’exigence est satisfaite, mais ce que ne ns dit pas la Cour de Cassation c’est si la même qualification de force majeure serait satisfaite  si on avait juste eu l’irrésistibilité de l’évènement, la voie reste libre à l’hypothèse de la 1ère chambre civile, elle n’est pas totalement écartée.

La situation va s’éclairer  avec l’article 1218 de l’ordonnance en matière contractuelle, il se réfère à l’imprévisibilité et l’irrésistibilité. En matière extra contractuelle, l’article 1253 de l’avant-projet  dit que l’évènement doit être irrésistible, mais on vérifiera en plus si on disposait ou pas de mesures permettant de l’anticiper, notion d’inévitabilité.

 

Titre III – La responsabilité civile confrontée aux régimes spéciaux 

Ce sont des régimes détachés des règles communes, créer un régime spécial est introduire de la complexité voire de l’inégalité.  Le droit commun  même s’il est marqué par l’idéologie de la réparation est encore insuffisant pour protéger certaines catégories de victimes, les régimes spéciaux vont permettre de réduire encore la place de la faute,  ils vont permettre de créer des garanties spéciales d’indemnisation, qu’il s’agisse d’assurances ou de fond de garantie, ils vont aussi simplifier un certain nombre de règles, par ex en unifiant responsabilité contractuelle et extra contractuelle. Ils existent depuis longtemps puisque la première grande loi est celle du 9 avril 1998 relative aux accidents du travail, depuis on compte entre 25 et 30 régimes spéciaux. A chaque problématique social apparait un régime spécial, tous ces régimes ont plus ou moins un régime commun, on a une objectivisation de la responsabilité, unification des responsabilités, assurancialisation, déjudiciarisation on veut promouvoir les règlements hors du juge.

Chapitre I – Les régimes spéciaux procédant de la responsabilité

Section I – L’indemnisation des victimes d’accidents de la circulation (loi BADINTER du 5 juillet 1985)

La loi Badinter (loi Badinter aujourd’hui et demain RCA  de 2012 étude 15 à 29) est la résultante d’un dialogue à distance entre la Cour de Cassation et le législateur, la Cour de Cassation l’a forcé à intervenir

Les accidents de la route ont donné lieu à de multiples arrêts de principe, car avant de sortir du droit commun ils étaient l’un des principaux risques de la société industrielle

Arrêt DESMARTS du 21 juillet 1982 : jusqu’à cette décision, on considérait que la faute de la victime est de nature à limiter la responsabilité sans faute du gardien d’une chose, cela créait des situations injustes, car un piéton n’est pas créateur de risques et la Cour de Cassation s’est lassée d’appliquer cette jurisprudence classique aux accidents de la route. Dans cet arrêt la Cour de Cassation énonce que «  la faute de la victime ne saurait exonérer le gardien de sa responsabilité sauf dans le cas où elle présenterait les caractéristiques d’une cause étrangère » mais cette solution est incompatible avec le droit habituel de la responsabilité et ne pouvait s’appliquer qu’aux autres cas des accidents de la route car difficile à appliquer dans les autres domaines, l’appel au législateur  été entendu car la loi du 5 juillet a eu pour but « l’amélioration de la situation des victimes d’accident de la circulation et l’accélération des procédures d’indemnisation »

Une fois la loi appliquée, la Cour de Cassation est revenu à sa jurisprudence antérieure, un arrêt du 6 avril 1987 dalloz 88p 32 note de Mouly, en revient à la jurisprudence antérieur rendant opposable aux victimes el fautes qu’elles ont pu commettre sur la base de l’article 1242.

La loi Badinter article 2 et suivant se caractérise par l’affirmation des droits des victimes, un certain nombre de catégories de victimes voient leur situation améliorée (piétons, cyclistes, passagers transportés). Par ailleurs les règlements transactionnels sont envisagés, encouragés entre l’assureur du responsable et de la victime qui évite de passer devant le juge. Cette amélioration passe aussi par une refonte du fait générateur de la responsabilité, c’est l’implication d’un véhicule terrestre à moteur.

On s’est demandé si cette loi est un système totalement imperméable au regard du droit général de la responsabilité.  A chaque fois que les conditions d’application de la loi Badinter sont réunies, on ne peut pas invoquer droit commun, ce qui tend à considérer que ce texte est autonome, pour autant cette autonomie n’est pas complète, elle continue en effet d’avoir besoin de certains éléments du droit commun de la responsabilité :

  • notamment l’indemnisation du dommage
  • les droits des victimes qui partent de l’implication d’un véhicule, s’exercent toujours contre un assureur de responsable (Aticle L211-1 du code des assurances), il faut toujours identifier un responsable du dommage qui peut être le conducteur du véhicule ou le gardien de ce véhicule, on retrouver ici un concept de droit commun. Il faut donc continuer de ‘s’interroger dans cette logique sur la notion de garde d’un véhicule, sur la compatibilité de gardien et de préposé, dans un arrêt du 28 mai 2009 la Cour de Cassation a considéré qu’on ne peut pas être à la fois gardien et préposé même sous le régime Badinter. Cette qualifié de conducteur et gardien est d’autant plus importante quelle est nécessaire à catégoriser les victimes, celles qui seront conductrices seront beaucoup moins bien traitées que les autres catégories.

C’est pourquoi, les vieux réflexes du droit commun, notamment la causalité, ont refait surface par moment pour apprécier ce qui distingue ou pas l’implication et la causalité. De même, le droit commun est réapparu quand il a fallu régler les recours entre les co auteurs de l’accident une fois la victime indemnisée, la loi Badinter s’appliquer au stade de l’obligation à la dette mais aussi de la contribution du droit commun. La loi est autonome, mais pas indépendante du droit commun de la responsabilité

  • 1 – L’exigence d’implication d’un véhicule terrestre à moteur dans un accident de la circulation

L’article 1 de la loi Badinter vise les accidents de la circulation

  • la notion d’accident de la circulation

Tous les accidents ne sont pas forcément soumis à cette loi. L’accident doit être le fruit d’un hasard malheureux, les évènements intentionnellement causés par leur auteurs ne relèvent pas du régime de cette loi. Cela ne veut pas dire pour autant que les victimes seront dépourvues de toute indemnisation, on dispose d’un dispositif public qui est le fonds de garantie des victimes d’infraction et d’acte de terrorisme qui permet d’accorder une indemnisation à ces victimes.

La notion même de circulation est fluide ;  il y a toujours des décisions qui ont dû préciser ce qu’était cette notion de circulation. On a par ex des véhicules terrestres à moteur qui sont complexes car on deux fonctions : une fonction de déplacement et une fonction de travail car ce sont en même temps des machines-outils, lorsque l’accident est provoqué par la fonction outil, travail du véhicule, il ne relève pas de la loi Badinter même si ce véhicule outil était présent sur la chaussée (ex d’une route qui est en train d’être refaite et provoque un accident)

  • arrêt du 19 octobre 2006: un camion-citerne immobile au moment du sinistre
  • arrêt du 22 mai 2014 : tondeuse autoportée

La loi Badinter   peut cependant resurgir, même à propose des véhicules outils si le véhicule en cause était en déplacement, en mouvement lors de l’accident.  Etre en mouvement ne veut pas forcément dire être en marche, cela peut être le cas d’un véhicule ayant basculé et s’est couché, dans ce cas cela justifie à qualifier un accident de la circulation il faut une notion de déplacement à arrêt du 14 janvier 1999

Indépendamment de ces cas des véhicules outils, de manière générale les véhicules terrestres à moteur monofonctionnelle pourront être impliqués dans un accident  de la circulation même s’ils ne sont pas en mouvement. Cela veut dire que quand un véhicule en stationnement prend feu, les conséquences de cet incendie sont pris en charge par la loi du 5 juillet 1985.

  • Arrêt du 25 octobre 2007 RCA 2007 commentaire 351

La circulation suppose aussi d’examiner les voies de circulation : ce sont les voies aménagées comme telle selon la jurisprudence, mais il suffit pour que cette notion soit vérifiée que le lieu en cause soit compatible avec un déplacement automobile même si ce lieu n’a pas une vocation habituelle au trafic routier (garage, aire privée de stationnement, chantier d’autoroute non encore ouverte, champs, piste de ski). Le plus compliqué a été le cas des circuits de compétition car dans ce cas deux qualifications sont possibles : l’accident sportif et l’accident de la circulation dès lors qu’on sort de la pratique du sport, par ex on crée des dommages aux spectateurs venus assister à la compétition, ici la loi retrouvera son empire.  (Spectateurs ayant assisté au tournage de Taxi 2 : la loi de BADINTER était-elle applicable ? en l’espèce oui à l’égard des victimes spectatrices 14 juin 2012)

  • Arrêt du 4 janvier 2006 : rejette la loi pour les entrainements de compétition

L’article 1 de la loi écarte de son champ d’application les accidents de la circulation qui sont survenus en site propre c’est  à dire les accidents concernant les dommages causés par des tramways, chemin de fer, lorsque ceux-ci surviennent sur la voie ferrée , ce qui pose problème quand on est face à des accidents de passage à niveau, d’un côté on a le chemin de fer et de l’autre la route qui le traverse : la jurisprudence ns di que l’automobiliste victime de la collision ne peut pas se prévaloir de la loi Badinter contre la SNCF car le train était sur un site propre. En revanche quand la SNCF suit des accidents suite à un accident de passage à niveau, elle peut se prévaloir de la loi Badinter car elle n’agit pas contre un véhicule qui se trouvait en site propre (arrêt du 16 juin 2011 : tramway)

 

  • l’implication d’un véhicule terrestre à moteur

Code la route article L110-1 «  c’est véhicule qui est doté d’un moyen de propulsion automne » (voiture, cyclomoteur, engin de chantier dans sa fonction de déplacement, remorque, semi-remorque)  peu importe qu’il soit en marche ou non au moment de l’accident

Ce qui exclut : les bicyclettes, les rollers, des voitures miniatures télécommandées

Il faut aussi l’implication de ce véhicule dans l’accident, c’est l’innovation de la loi, l’élément déclenchant du dispositif de la loi, c’est l’implication qui va déterminer les droits des victimes.

La loi du 5 juillet a voulu fortifier les droits des victimes en les libérant d’une démonstration classique du fait générateur et du lien de causalité entre ce fait et leur préjudice.  Ce qu’exige la loi est une implication d’un véhicule terrestre dans l’accident. On veut faire sortir du débat toute discussion du rôle causal du véhicule dans les dommages subis par la victime. L’article 1 de la loi  parle du rapport du véhicule avec l’accident et non pas du rapport du véhicule avec le dommage, l’article 2 de la loi rompt encore plus nettement avec la causalité puisque ce texte interdit d’opposer aux victimes y compris au conducteur des causes d’exonération telles que la force majeure ou le fait d’un tiers.

C’est pourquoi, on ne peut qu’être d’accord avec les arrêts qui admettent l’implication d’un véhicule dès lors qu’il « est intervenu d’une manière ou d’une autre dans l’accident » ou encore cet arrêt qui souligne que l’absence de causalité entre la faute du conducteur et dommage subit n’écarte pas que le véhicule soit impliqué. Cela veut dire qu’on peut considérer comme impliqué dans l’accident un véhicule en stationnement, un véhicule sans contact avec la victime, ou un véhicule n’ayant pas perturbé la circulation.

Il faut quand même établir l’implication même si le concept est assez fluide, ici on retrouve une variété de sous hypothèses :

  • quand il y a contact entre le véhicule et la victime, l’implication sera présumée irréfragablement, que le véhicule soit en mouvement ou immobile
  • quand il n’y a pas de contact, l’implication demeure possible, que le véhicule ait été en mouvement ou pas (arrêt du 14 janvier 2016), c’est à la victime de démontrer l’implication du véhicule dans l’accident, ce sera plus simple à prouver lorsque le véhicule était en mouvement

 

  • arrêt du 5 juin 2003: un moto cycliste était poursuivi par un gendarme au volant de son véhicule personnel, qui lui a fait des appel de phares et a eu un accident, le véhicule du gendarme est impliqué dans l’accident

On peut aussi considérer qu’il y a implication du simple fait de l’émission de fumée, même sur  le véhicule est à l’arrêt, ou le fait qu’un piéton soit surprise par la présence d’un véhicule à côté de lui, la coïncidence ne suffit pas mais qu’il y a perturbation même sans contact ou immobilisation il y a implication du véhicule.

Cette preuve de l’implication doit donc être apportée, mais est ce qu’elle est suffisante ? Pas toujours car il se peut qu’un véhicule soit impliqué au moment de l’accident mais que les conséquences de l’accident ne se développent que quelques temps après (ex une victime sort indemne d’un accident et dévient quelques mois après des troubles psychologiques graves, pourra-t-on relier ces séquelles avec l’implication du véhicule ?) La jurisprudence à ce stade va en revenir au droit commun pour apprécier le lien entre l’accident et les séquelles, avec les arts 1240 et suivants, la Cour de Cassation parle alors parfois de lien causal ou lien d’imputation entre l’accident et le dommage, la Cour de Cassation a posé dans ce domaine des présomptions limitées, il y aura présomption d’imputation des séquelles à l’accident pour toutes les lésions qui lui sont proches dans le temps y compris les séquelles dont on pourrait penser qu’elles n’ont aucun rapport comme une crise cardiaque (arrêt du 19 février 1997) mais dès qu’on s’éloigne dans le temps la charge de la preuve évolue et ce sera à la victime de rapporter cette preuve. Les juges considèrent cette durée comme étant le temps requit, c’est l’appréciation souveraine des juges du fond. la Cour de Cassation a parfois été trop loin dans cette résurgence de la causalité car en cas d’accident complexe,  quand il y a plusieurs véhicule, des carambolages, elle a exigé que la victime ou ses héritiers démontrent non seulement l’implication es véhicules dans l’accident mais aussi l’implication des véhicules dans le dommage subi par la victime, la Cour de Cassation a abandonné cette idée et permet maintenant de poursuivre l’assureur de n’importe quel véhicule dans l’accident même  si les circonstances du dommage ne sont pas clairement établies  à arrêt 2ème chambre civile 24 juin 1998

  • 2 – L’indemnisation des victimes de l’accident de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur
  • l’étendue du droit à indemnisation

Il faut distinguer les conducteurs victimes et les autres victimes

  • les conducteurs victimes

Ce sont elles les plus maltraitées par la loi Badinter, le seul bien concédé aux conducteurs est l’inopposabilité à leur égard de la force majeur

Cette faute ne doit être examinée qu’à l‘égard du conducteur victime, on n’a pas a comparer le comportement de ce conducteur avec celui d‘un automobiliste adverse pourtant pdt un temps la Cour de Cassation avait écarté toute indemnisation même partielle du conducteur fautif dès lors qu’en face l’autre conducteur n’avait commis aucune faute, cette position a été abandonnée, maintenant le conducteur fautif pourra quand même obtenir une partie de son indemnisation si sa faute n’explique que partiellement le dommage, même si le conducteur adverse a eu un comportement parfait à arrêt chambre mixte 28 mars 1997 dalloz 97 P294

La Cour de Cassation s’est montrée sévère quant à la nature des fautes que l’on peut reprocher au conducteur, on peut lui imputer des fautes de conduite pour réduire son indemnisation mais peut on lui reprocher des fautes comportementales ? C’est le cas du conducteur qui a bu mais sans que cet alcool n’ait eu de rapport avec l’accident, la Cour de Cassation a dit oui, la faute comportementale a été assimilée à la faute de conduite. la Cour de Cassation réunie en as plénière est revenue sur cette jurisprudence dans un arrêt du 6 avril 2007 JCP 2007 2ème partie N°1078 Jourdain, les fautes de comportement ne suffisent plus à réduire l’indemnisation dub conducteur victime.

Le conducteur victime peut aussi parfois agir contre un non conducteur (cycliste, piéton) dans ce cas il devra recourir au droit commun

  • Les autres victimes

Ce sont les bénéficiaires de la réforme, ce sont les piétons, cyclistes, passagers transportés, qu’ils soient transportés ou non en vertu d’un contrat

La force majeure ne leur est plus opposable, l’article 3 de la loi proclame le droit à indemnisation des atteintes à leur personne, sans que leur propre faute puisse leur être opposée, (reprise de l’arrêt DESMART) sauf faute inexcusable, cause exclusive de l’accident. Il faut distinguer deux catégories de victimes :

  • Les victimes privilégiées: (piétons, cyclistes) il est très difficile de leur opposer leur faute, il faut que cette faute quelque soit la gravité soit la cause exclusive de l’accident, mais il faut aussi que la faute qu’on lui reproche soit inexcusable, ce ne sont pas les simples fautes d’imprudence, il a fallu attendre 10 arrêts pour avoir une définition de la faute inexcusable « c’est la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » àarrêts du 10 novembre 1995. On trouve quand même quelques hypothèses qui relèvent ce caractère inexcusable : arrêt de 2ème ch civile du 5 février 2004 : un piéton fuyait la police qui se fait renverser comportement inexcusable.

 La faute inexcusable est celle du piéton cycliste etc, il est essentiel de savoir alors ce qu’est un piéton cycliste etc, il y a une série d’hypothèses où la distinction entre automobiliste et non automobiliste est complexe, par ex un automobiliste est éjecté de son véhicule et se retrouve à rouler sur la chaussée avant de se retrouver immobilisée, tant qu’il est dans l’orbite du véhicule il reste conducteur, quand il atterrit sur la chaussée la qualification devient plus difficile, il peut revenir piéton dans le cas seul sa faute inexcusable lui sera opposable, s’il est encore automobiliste sa simple faute de négligence lui sera opposable. la Cour de Cassation  semble attacher beaucoup d’importante à la chronologie de l’accident si on est face ou pas à un  accident unique dans un espace de temps très bref. Si en revanche du temps s’écoule entre les deux on bascule dans deux accidents successifs dans lesquelles la victime avait les deux qualités dans chaque accident. Quand un automobiliste lâche les commandes du véhicule, si il continue de rouler,  il continue d’être conducteur mais s’il a lâché els commandes  au moment où il s’arrêtait et qu’une voiture le heurte il deviendra un passager transporté

 

  • Les victimes super-privilégiées : elles sont mieux loties par la loi, ce sont les piétons cyclistes et passagers mais âgés de moins de 16 ans ou plus de 70 ans et ayant un taux d’invalidité de plus de 80%, dans ce cas seule leur faute intentionnelle leur sera opposable (tentative de suicide par ex)

Remarque :

  • Toutes ces règles ne valent qu’à partir du moment où un véhicule terrestre à moteur est impliqué dans l’accident
  • S’agissant des atteintes aux biens (aux véhicules) tous à l’exclusion des fournitures et appareils médicaux traités comme un dommage corporel, l’article 5 de la loi Badinter en revient au droit commun, car toute faute même la plus légère de n’importe quelle victime lui est opposable
  • L’article 6 de la loi aligne formellement le sort des victimes par ricochet sur celui des victimes directes, la faute de la victime directe va venir réduire l’indemnisation des victimes par ricochet

 

  • La procédure d’indemnisation

La loi du 5 juillet a voulu déjudiciariser le contentieux, faire sortir l’indemnisation des victimes des voies judiciaires classiques, c’est pourquoi les articles L211-8 du code des assurances ont imposé  une procédure de règlement transactionnelle entre l’assureur du véhicule impliqué et les victimes

Lorsque la responsabilité est établie et que le dommage est quantifié il n’y a pas de difficulté, l’assureur qui garantit la responsabilité civile du fait du véhicule terrestre à moteur doit présenter une offre d’indemnité dans un délai de trois mois en réponse à le demande d’indemnisation présentée par la victime. Si jamais la situation est plus complexe (si le dommage n’est pas consolidé) l‘assureur doit spontanément  faire une offre à la victime dans un délai max de 8 mois à compter de l’accident

Lorsque l’offre n’a pas été présentée dans ses délais ou qu’il n’y a pas du tout d’offre, la loi prévoit que le montant de l’indemnité finalement dû par l’assureur portera intérêt de plein droit au double du taux d’intérêt légal entre l’expiration de délai et le jour d jugement définitif

Si le juge qui fixe l’indemnité s’aperçoit que l’offre était manifestement insuffisante,  dans ce cas, le juge peut condamner d’office l’assureur à verser au fonds de garantie des assurances obligatoires de dommage (FGAO) une pénalité qui peut aller jusqu’à 15% de l’indemnité versée à la victime finalement (article L211 du code des assurances) la Cour de Cassation a alourdie le poids de cette sanction dans un arrêt du 3 décembre 1997 en considérant qu’une offre insuffisante valait aussi absence d’offre tellement elle était faible, on va alors cumuler les pénalités

Toute cette procédure est applicable au fonds de garantie d’assurance obligatoire qui prend le relai en l’absence d’assurance de véhicule non identifié, en bref dans tous les cas où l’assurance de responsabilité ne peut pas marcher

La loi du 5 juillet a voulu que les transactions soient un équivalent juridictionnel, c’est à dire que les indemnités allouées aux victimes par l’assureur en dehors de l’avis du juge soient respectueuses du principe de réparation intégral, l’article L211-23 du code des assurances rend obligatoire une publication périodique des indemnités versées à titre transactionnel ou juridictionnel. La Cour de Cassation dans un arrêt du 16 novembre 2006 a précisé que les transactions de Badinter n’exigeaient pas des conceptions réciproques des parties

L’avant-projet change certaines choses :

La notion de site propre disparait, tout relève de la loi du 5 juillet

La  faute intentionnelle est toujours prise en charge quelque soit la victime

L’article 1287 nouveau améliore partiellement le sort des conducteurs victimes, ceux-ci sont éligibles au dispositif de la faute inexcusable, seule leur faute inexcusable peut désormais peut être opposée, même lorsqu’elle n’est pas la cause exclusive de l’accident

 

Section II – Les autres régimes spéciaux procédant de la responsabilité (florilège) 

Il y a les troubles anormaux de voisinage, il y a une possibilité d’indemnisation, le projet de réforme en fait un cas de régime spécial responsable

Il en va de même pour les dommages environnementaux

En cas d’accident nucléaire il y a la convention de Paris de 1960, en cas d’accident l’exploitant nucléaire qui est obligatoirement assuré va être poursuivit sans faute, mais  l’assurance privée ne peut pas tout couvrir, le montant de l’assurance est donc plafonné, au-delà c’est l’Etat du lieu d’exploitation qui prend le relai, mais là aussi de façon plafonnée, au-delà de ce plafond ce sont tous les états signataires qui sont solidaires.

S’agissant des dommages causés par les transporteurs maritimes d’hydrocarbure on est face au protocole de Londres du 27 novembre 1992 qui prévoit que le propriétaire du navire est le seul responsable sans faute de tout dommage de pollution causé par le navire.

 

Le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux figure au chapitre 2 du sous-titre du titre 3 du livre 3 du code civil.  Ce régime spécial a été codifié contrairement à la loi BADINTER depuis que la France a transposé la directive européenne du 25 juillet 1985 portant sur la responsabilité du fait des produits défectueux, c’est la loi du 19 mai 1998, ce régime figure aux articles 1245 et suivants du code civil

Jusqu’à cette directive, on disposait certes d’outils permettant d’indemniser les victimes des produits défectueux, la responsabilité du fait des choses (distinction garde de structure et de comportement)

La loi prévoit que le producteur d’un produit défectueux est responsable à l’égard de la victime dans les mêmes termes qu’il y ait ou pas contrat avec cette victime. Elle permet de prendre en charge les dommages résultant d’atteinte à la personne et d’atteinte aux biens, dès lors que ce dommage au bien ne touche pas le produit défectueux lui-même et que ce dommage est d’un montant supérieur à 500 euros (article 1245-1)

Un produit est défectueux lorsqu’il n’offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre, des précisions sont apportées par l’article 1245-3, il faut prendre en compte toutes les circonstances, et notamment la présentation du produit, l’usage qu’il peut en être raisonnablement attendu et le moment de sa mise en circulation.

Pour les produits de santé, notamment concernant le vaccin de l’hépatite B, la question est de savoir si cette sécurité à laquelle on peut légitimement s’attendre doit s’apprécier sur un plan global ou sur un plan individuel, en d’autres termes, on doit faire un rapport bénéfice risque sur l’ensemble de la population française ou uniquement sur la victime qui se prétend contaminée par le virus, cela change tout, si le bénéfice risque s’apprécie sur l’ensemble de la population il ne sera jamais défectueux, toute la responsabilité des produits de santé sera éradiquée, si on l’apprécie eu regard de la victime , le dommage sera majeur. La Cour de Cassation a fini par trancher en considérant qu’il faut adopter une appréciation in concreto, victime par victime et ceci dans un arrêt du 10 juillet 2013 n°12-21314, c’est un raisonnement parfaitement valable. Selon l’article 1245- 3 il faut aussi prendre en compte la présentation du produit, qui pourra être déclaré défectueux du simple fait que la notice n’informe pas assez des risques, même normaux qui s’attachent à ce produit

Celui qu’on va poursuivre est le producteur ou le fabriquant, mais si il ne peut être identifié la victime pourra se tourner vers le vendeur, le loueur ou tout autre fournisseur professionnel avec les mêmes droits et mêmes conditions que vis-à-vis du producteur, c’est le cas pour les produits faits à l’étranger.

Les délais d’action sont doubles : la victime doit agir en respectant une durée de dix ans après la date de mise en circulation du produit et de trois ans à compter de sa connaissance du dommage et de l’identité du producteur.

Le producteur est responsable de plein droit selon l’article 1245-10.

C’est une responsabilité objective, il y  a quand même quelques cause d’exonération :

  • Faute de la victime
  • Selon l’article 1245-10-4, ce qu’on appelle le risque de développement, c’est lorsque le producteur réussit à démontrer que l’état des connaissances scientifiques et théoriques au moment où il a mis le produit en circulation n’a pas permis de déceler l’existence du défaut. Il y a cependant une exception, les produits issus du corps humain sont exclus (article 1245-11) le législateur

 

Cette transposition a causé de nombreux problèmes, il a fallu du temps pour transposer la directive, on est en présence de 3 couches de systèmes juridiques :

  • Les produits qui sont antérieurs à la directive de 1985, c’est le droit antérieur qui va s’appliquer
  • Pour les produits antérieurs à la loi du 19 mai 98, on applique les règles évoquées
  • Pour les produits être 1985 et 1998, on applique un système intermédiaire, le droit national mais à la lumière de la directive en voie de transposition

 

Même après les transpositions l’état français a continué d’être condamné, pour ne pas l’avoir transposé assez tôt, et pour l’avoir « trop bien transposée » et il y a  eu deux lois rectificatives.

Article 1245-17 : ouvre à la victime une option entre le régime spécial et le droit  commun, la CJCE  a énormément réduit cette option car elle n’est plus possible que si le droit commun procède d’un fondement différent du droit des produis défectueux à arrêts du 25 avril 2002 , cela veut dire que si la  victime est face à un responsable fautif elle pourra se prévaloir du droit commun, s’il n’y a pas de faute elle devra exclusivement se fonder sur le droit spécial, il n’y a plus d’option entre les arts 1245 et suivants et l’article 1242 de le RFC. Cela a des conséquences énormes : le producteur sur le fondement de la directive peut invoquer le risque de dév pour s’exonérer, la Cour de Cassation se refuse à voir dans ce risque de dév un cas de force majeur exonératoire.

L’avant-projet de mars 2016 a envisagé de revenir sur l’exonération pour risque de dév mais l’avant-projet de cette année retourne en arrière, au profit des producteurs et fabricants article  1298 4°

Chapitre II – Les régimes spéciaux dissociés de la responsabilité 

On est dans une sortie complète de la responsabilité, on est dans une logique de garantie, le droit français connait beaucoup d’hypothèses où l’indemnisation des victimes n’est plus tributaire de l’identification d’un responsable mais simplement de la nature et des circonstances du dommage qui suffisent à accéder à un mécanisme de garantie. la responsabilité n’est quand même pas totalement évacuée dans les régimes : au stade de l’obligation la victime a accès de plein droit au fonds, elle sera indemnisable, mais au stade de la contribution il arrive que l’organisme payeur dispose d’un recours contre un éventuel responsable e en général si ce responsable a commis une faute.

Les cas sont nombreux :

  • Les victimes d’accidents du travail et maladies professionnelles : articles L411-1 et suivants du code de la Sécurité Sociale, la victime a droit à une indemnisation de plein droit par la Sécurité Sociale. la responsabilité peut resurgir et va permettre de pallier un niveau d’indemnisation qui est très réduit si on en reste aux prestations de la SS, la loi prévoit que la victime démontrant une faute inexcusable de l’employeur pourra obtenir des compléments d’indemnisation qui vont permettre d’arriver à une quasi réparation intégrale de ses préjudices.
  • de l’amiante : La jurisprudence s’est employée à améliorer les droits des victimes l’employeur est coupable d’une faute inexcusable dès qu’il manque à son obligation de sécurité et de résultat vis-à-vis des salariés : arrêt ch soc 28 février Le conseil constitutionnel a considéré que le complément d’indemnisation devait toujours être calculé selon le droit commun pour tous les préjudices qui ne sont pas pris en charge par la SS. Le 23 décembre 2000 est créé le fond d’indemnisation des victimes de l’amiante qui assure la réparation intégrale dans ce cas précis, ce qui a inspiré la création de d’autres fonds.
  • d’actes de terrorisme et d’autres infractions : loi du 6 juillet 1990  
  • les transfusés et hémophiles contaminés par le VIH : loi du 31 décembre 1991, création du FITH  
  • les victimes d’accidents médicaux, du benfluorex : ONIAM (office national d’indemnisation des accidents médicaux, créé par la loi Kouchner du 4 mars 2002 qui permet de prendre en compte par la solidarité nationales les accidents médicaux non fautifs les plus graves

 

 

COURS n°2 sur la responsabilité civile (avant la réforme du droit des obligations).

La responsabilité délictuelle est l’obligation de réparer le dommage causé à autrui par son fait personnel, par le fait des choses dont on a la garde ou par les personnes dont on répond (responsabilité du fait d’autrui)

INTRODUCTION

Section 1ère : Evolution de la responsabilité délictuelle :

Evolution de la notion de faute avec sanction moralisatrice mais elle est en déclin.

§1er. De la responsabilité pour faute à la responsabilité pour risque et à la responsabilité-garantie :

A.     La période antérieure à la révolution industrielle, fondement classique de la faute :

La faute est un manquement à la règle de bonne conduite sociale. Cette notion est consacrée au 16e siècle comme un principe général de responsabilité. En droit romain, le concept de faute n’existait pas, sauf dans certaines hypothèses qui donnaient lieu à des actions en justice. Le code civil de 1804 fonde cette responsabilité délictuelle sur la faute : article 1382 Code Civil On est dans une conception moralisatrice. Il faut réparer le préjudice subit par la victime mais aussi punir l’auteur du dommage dont la cause est une faute (un comportement blâmable). Nous sommes dans un pays plutôt rural avec des possibilités de responsabilité réduites. Il y a la responsabilité du fait des animaux : article 1385 Code civil : c’est le propriétaire d’un animal qui est responsable des dommages causés par ce dernier.

B.     La période postérieure à la révolution industrielle, apparition du risque et de la garantie :

Fin 19e, révolution industrielle, occasion d’accidents (explosion de chaudière,…), les ouvriers se déplacent (voitures,…). La faute n’est alors pas adaptée : impossible d’attribuer une responsabilité. Le législateur intervient et la faute n’est plus la condition essentielle de la réparation. En 1896 (loi sur les accidents de travail), en 1924 (loi sur les avions) et en 1941 (loi sur les accidents de téléphériques.) La Cour de cassation prend artificiellement appuis, dès 1896, sur la 1ère phrase de l’article 1384 Code civil (On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde.) pour reconnaitre d’un principe général de responsabilité du fait des choses. Il n’a pas de valeur normative mais il s’agissait d’introduire les différents cas de responsabilité du fait d’autrui et du fait des choses. Il y a une création du juge qui donne naissance à une responsabilité de plein droit (indépendante de l’idée de faute). Le fondement est la garde de la chose. La doctrine a proposé de nouveaux fondements à l’obligation de réparation. Il y a plusieurs théories.

—        La théorie du risque : proposée par Saleilles et Josserand.

–          La 1ère variante est intitulée « théorie du risque et profit » : la personne qui a profité de l’activité à l’origine du risque ayant entrainé le dommage doit être considéré comme responsable. Cela permet d’expliquer la responsabilité de l’employeur en cas de dommages subis par le salarié. Cela explique également la responsabilité du commettant du fait de ses préposés. Egalement responsabilité du fait des produits défectueux introduite en 1998 : article 1388-1 et s.

–          La 2e variante, « théorie du risque crée »  dit que celui qui a donné naissance au risque de survenance du dommage est responsable. Toute activité crée un risque et cette théorie conduirait à l’immobilisme si elle était appliquée.

–          La 3e variante : « théorie du risque autorité » est plus récente : responsabilité du fait d’autrui (des parents du fait de leur enfant mineur,…) On est obligé de réparer le dommage.

—         La théorie de la garantie : exprimée par un auteur : Boris Starck.

On ne se place pas du coté de l’auteur mais on recherche le fondement de la responsabilité du coté de la victime. Toute personne a droit au respect de sa vie et de ses biens : dès qu’il y a une atteinte à ces droits, la victime doit bénéficier d’une indemnisation par le responsable ou par l’assurance. En revanche, s’il ne s’agit que d’un préjudice économique ou moral, la victime n’obtient réparation qu’en établissant une faute de l’auteur du dommage. Cela dépend donc du droit considéré. Certains droits jugés essentiels doivent être garantis — Indemnisation facilité : se retrouve dans la loi Badinter de 1987 relative à l’indemnisation des

victimes de la circulation. C’est une loi qui ne tient pas compte du comportement de l’auteur et qui distingue le type de dommage subi. Cette 1ère partie est séduisante mais la suite peut susciter des critiques car il pose un droit à la sécurité de ses biens, à l’intégrité corporelle. Or, il est plus affirmé que démontré.

 

  • 2. De la responsabilité à l’indemnisation :

     Le préjudice de la victime va être réparé par le ou les responsables. Ce qui est nouveau c’est que dans certains cas, la mise en jeu de la responsabilité de l’auteur n’est plus nécessaire à la réparation du préjudice.

 

A.     D’une responsabilité individuelle à une responsabilité pesant sur la collectivité :

Ce phénomène a été constaté par Geneviève Viney. Etant donné la fréquence et la gravité potentielle des accidents, les patrimoines individuels ne suffisent pas à désintéresser la victime. On observe donc une collectivisation de la responsabilité à travers le système de l’assurance. Certaines sont mêmes devenues obligatoires. Le potentiel auteur d’un dommage s’assure pour pouvoir répondre des dommages qu’il causera. La pratique de l’assurance a facilité la responsabilité. Les juges n’hésitent plus à condamner la personne puisqu’elle est couverte par une assurance. La responsabilité est supportée par l’ensemble des assurés — sur la collectivité.

B.     D’une responsabilité pesant sur la collectivité à la prise en charge par la collectivité détachée de toute responsabilité :

Deux exemples récents illustrent cela.

–          La Sécurité Sociale : dès qu’il y a un dommage corporel, l’assuré social est remboursé de ses frais de soin.

–          Les Fonds de Garantie : (une personne va être indemnisée par la collectivité). En 1951 : fond de garantie automobile devenu fond de garantie des assurances obligatoires de dommage. Dans le cadre d’un accident de la circulation ou de chasse, si le responsable est insolvable ou inconnu, la victime peut demander une indemnité à la commission d’indemnisation des victimes d’infractions (créé par une loi du 3 janvier 1977).

Pour les victimes d’autres infractions, des fonds existent comme à celui crée à la suite de l’affaire du sang contaminé (loi de 1991) = fond d’indemnisation des transfusés ou hémophiles contaminés par le VIH. Existe aussi le fond d’indemnisation des victimes d’actes de terrorismes (1986). Enfin, crée en 2000, le fond d’indemnisation des victimes de l’amiante.

 

§3. Nouvelles fonctions de la responsabilité civile :

Sa fonction traditionnelle est de réparer un dommage certain qu’il soit existant ou futur. De nouveaux dommages menacent la société. Ce sont les dommages sériels (subis à l’identiques par de très nombreuses personnes), les dommages graves, irréversibles et collectifs (dommages écologiques), les dommages prévisibles, possibles mais sans certitudes scientifiques (OGM,…) Certains auteurs proposent de conférer à la responsabilité une fonction préventive. Cette nouvelle fonction qu’on se propose d’assigner à la responsabilité est d’agir a priori, de prévenir ce mal. Il y a des exemples dans le droit positif qui traduisent la prise en compte de cette fonction : Emergence du principe de précaution. Ce principe est fondé sur des conventions internationales : Déclaration de Rio de Janeiro des 3 et 14 juin 1992 sur l’environnement et le développement, Traité de l’union également (article 174 du traité d’Amsterdam) et le droit interne (art L 110-1 C.env). Principe selon lequel l’absence de certitude compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ne doit pas retarder des mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommage grave et irréversible à l’environnement à un coût économiquement acceptable. Cela est aussi visible dans l’article 5 de la charte de l’environnement. Cette définition est vague et on peut se demander s’il s’agit d’une véritable norme juridique. La loi du 1er aout 2008 relative à la responsabilité environnementale transpose une directive du 21 avril 2004. Cette loi a été codifiée aux articles L160-1 C.env : responsabilité qui se fonde sur le principe du pollueur payeur. L’exploitant à l’occasion d’une activité professionnelle doit réparer les dommages causés à l’environnement et mettre tout en œuvre pour prévenir un dommage imminent ou l’aggravation du dommage existant.

 

Section 2e : La place de la responsabilité délictuelle :

 

  • 1. Responsabilité civile et pénale :

     Longtemps, ces deux responsabilités ont été confondues. Prévalait à la loi du Talion et ensuite le système de composition pécuniaire. On les sépare bien depuis le 16e s. Elles répondent à des buts différents : le but de la responsabilité civile est de réparer. Au pénal, on veut punir, c’est une action spécifique, publique, elle abouti à une peine alors qu’au civil, on débouche sur une réparation en nature ou en équivalent. Il y a pourtant des liens étroits entre ces responsabilités, à chaque fois qu’un fait dommageable constitue en même temps une infraction pénale, certaines règles tiennent compte de cette coexistence.

  1. L’exercicede l’action en responsabilité civile

La victime quand il y a un fait dommageable, peut demander réparation devant la Juridiction civile ou la Juridiction pénale.

— Si on choisit le pénal, l’action civile va se joindre à l’action publique. Ce choix a des conséquences.      

—  Quand on choisit le civil, il peut y avoir parallèlement une action publique, pénale. La juridiction civile saisie doit attendre la solution du procès pénal pour pouvoir statuer. Le criminel tient le civil en état (article 4 al 2 Code de Procédure Pénale). Le juge civil n’est pas libre de dire qu’il n’y a pas de faute alors que le juge pénal déciderait qu’il y en a. Le principe de l’identité des fautes pénales et civiles demeure même s’il a été écorché.

La 2e manifestation est historique : longtemps a prévalu le principe de solidarité des prescriptions selon lequel lorsque la victime agissait devant la juridiction civile, elle restait soumise au délai de prescription de l’action publique : 10 ans pour les crimes, 3 ans pour les délits et 1 an pour les contraventions. Depuis une loi de 1980, cette solidarité est supprimée. L’action en responsabilité devant les juridictions civiles est soumise à son propre délai : 10 ans avant et depuis la réforme de la prescription en matière civile par la loi du 17 juin 2008, de 5 ans pour toutes les actions personnelles et mobilières (dont les actions en responsabilité) : article 2224 Code Civil Il y a quelques délais particuliers : l’action en responsabilité née d’un événement ayant entrainé un dommage corporel se prescrit par 10 ans à compter de la consolidation du dommage : article 2226 al 1 Code civil et en cas de préjudice causé par des tortures, des actes de barbarie ou par des violences ou par des agressions sexuelles commises sur un mineur, l’action en responsabilité se prescrit par 20 ans : article 2226 al 2 Code Civil

 

  1. L’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil :

Fondement et corollaire de ce principe : ce qui a été jugé au criminel doit être tenu pour vérité. Ce principe peut se justifier par le but d’intérêt général poursuivit par le procès pénal alors que le procès en responsabilité concerne l’intérêt privé. Les moyens d’investigations du juge en matière pénale sont plus importants et lui permettent davantage d’appréhender de la vérité. Ce principe a pour corollaire l’identité des fautes pénales et civiles, principe posé par la Cour de cassation, 18 décembre 1912. La Cour a affirmé que le juge répressif ne pouvait pas relaxer le prévenu du chef de blessures involontaires tout en lui imputant une faute civile d’imprudence. Il y aurait contradiction de motif. Ce principe a pour domaine les fautes d’imprudence et de négligence. C’est-à-dire que la faute pénale d’imprudence s’entendait de la faute même la plus légère susceptible d’engager la responsabilité civile également. Ce principe est aujourd’hui remit en cause à la suite de la loi du 10 juillet 2000 relative à la responsabilité pénale des élus locaux car elle a modifié la définition de la faute pénale d’imprudence qui est donnée à l’article 121-3 C.pén. Désormais le législateur établit une distinction entre les auteurs directs du dommage et les personnes physiques qui n’ont pas causé directement le dommage mais qui on contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou personne qui n’ont pas pris les mesures permettant de l’éviter. Ils bénéficient d’une faveur puisque la responsabilité pénale ne sera établie que si leur est imputable une faute qualifiée (violation manifestement délibéré d’une obligation de prudence ou de sécurité, ou commission d’une faute caractérisée exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’elle ne pouvait ignorer). La définition de la faute pénale est donc plus étroite que la faute civile maintenant. A la suite, il a été insérer un article 4-1 CPP qui énonce que l’absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l’article 121-3 C.pén ne fait pas obstacle à l’exercice d’une action devant les juridictions civiles afin d’obtenir réparation d’un dommage sur le fondement de l’article 1383 Code civil si l’existence de la faute civile prévue par cet article est établie.

Domaine du principe : décision n’a autorité de chose jugée que si elle émane d’une juridiction de jugement et qu’elle concerne l’action publique devenue irrévocable. Cette autorité ne s’applique qu’à certaines constatations : les constatations nécessaires (qui ont du immanquablement être faites par le juge pénal pour justifier sa décision, comme l’existence d’un lien de causalité entre l’agissement du délinquant et le dommage subit), les constatations certaines  du juge pénal. Cette autorité s’impose non seulement au juge civil statuant sur l’action en responsabilité mais aussi au juge pénal statuant sur l’action civile.

Les applications du principe :

–          Déclaration de culpabilité de la personne : le principe de l’autorité de la chose jugée au criminel sur le civil s’applique pleinement. Le juge civil doit faire droit à la demande de réparation de la victime.

–          Relaxe ou acquittement de la personne : il peut quand même y avoir condamnation au civil.

1er cas : quand s’applique encore le principe d’identité des fautes civiles et pénales, il ne concerne que l’élément matériel de la faute. Si l’absence de culpabilité est fondée sur la démence de l’individu, il peut être responsable au civil. Et l’article 489-2 Code civil dispose que celui qui cause un dommage alors qu’il est sous l’empire d’un trouble mental n’en est pas moins tenu à réparation. Le principe d’identité des fautes civiles et pénale ne s’applique qu’aux fautes d’imprudence. Si le jugement de relax porte sur une faute intentionnelle, le juge civil reste libre de relever une faute d’imprudence.

2e cas : La personne pourra être condamnée civilement sur le fondement d’une responsabilité de plein droit ou objective : indépendante de l’idée de faute. Ex : responsabilité du fait des choses. Dans tous ces cas, possibilité de condamnation civile mais sans remise en cause du principe d’identité des fautes civiles et pénales.

–          Condamnation possible de la personne pour faute civile malgré l’absence de faute pénale d’imprudence : article 4-1 CPP.

  • 2. Les frontières entre la responsabilité civile délictuelle et contractuelle :

A.    Critères de distinction entre responsabilité contractuelle et délictuelle :

Principe : Toute responsabilité qui n’est pas contractuelle est délictuelle, sauf s’agissant des régimes spéciaux uniformes de responsabilité comme la loi du 5 juillet 1985 = systèmes spéciaux pour lesquels le régime est le même que la victime soit tiers ou contractant.

Hors de ces cas, on recherche si on est dans le domaine de la responsabilité contractuelle, ce qui suppose la réunion de 3 conditions :

–          Préexistence d’un contrat entre la victime et l’auteur du dommage au moment où il se produit,

–          Dommage résultant de l’inexécution d’une obligation entrée dans le champ contractuel,

–          Inexécution de l’obligation imputable au débiteur et causant un préjudice au créancier.

Ex : rupture fautive de pourparlers = responsabilité délictuelle car il n’y a pas de contrat.

Ex : le notaire, selon ses rapports avec son client engage soit sa responsabilité contractuelle ou délictuelle (le plus souvent, notamment quand est en cause sa fonction d’authentificateur. Ses obligations en la matière sont de nature statutaire : ne naissent pas du contrat passé avec le client mais des textes régissant la profession notariale. Cela est aussi le cas quand est en cause son devoir de conseil quelque soit le type d’acte considéré. Pourquoi ? la jurisprudence rattache cette obligation de conseil à la fonction d’officier public du notaire.) Il engage se responsabilité contractuelle quand il va au-delà des fonctions découlant de son statut et quand il agit comme un mandataire pour le compte de ses clients (ex : cherche un préteur, un acquéreur pour ses clients,…)

L’inexécution doit être imputable au débiteur et causer un préjudice au créancier : si l’inexécution cause un dommage à un tiers au contrat, la responsabilité est de nature délictuelle. La jurisprudence n’a jamais eu de difficulté à admettre que le tiers puisse mettre en jeu la responsabilité du débiteur, or, cela n’allait pas nécessairement de soit puisqu’il existe en droit des contrats le principe de l’effet relatif des contrats : article 1165 Code civil :

Les conventions ne nuisent ni ne profitent aux tiers. Ce principe signifie 2 choses :

–          1°) Au moment de la formation du contrat, on interdit les parties de lier les tiers.

–          2°) Au moment de l’exécution du contrat, le principe de l’effet relatif réserve aux parties le droit d’exiger cette exécution. L’article 1165 ne signifie donc pas que le contrat n’existe pas pour les tiers et qu’il n’aura aucuns effets indirects sur eux. Il créer une situation juridique dont les tiers ne peuvent méconnaitre l’existence. C’est l’opposabilité. Elle a deux conséquences :

o        Il est opposable aux tiers par les parties : le tiers complice de la violation d’un contrat commet une faute et engage sa responsabilité délictuelle.

o        Le contrat est opposable aux parties par les tiers. Ils invoquent l’inexécution contractuelle par un débiteur qui leur cause un dommage pour engager sa responsabilité. Ex : vendeur livre une chose de mauvaise qualité qui blesse ultérieurement un tiers au contrat de vente. Le 1/3 peut agir contre le vendeur. — Définition du manquement dont le tiers peut se prévaloir pour mettre en œuvre la responsabilité du débiteur : Nature de la faute. Quelle est-elle ? Il faut constater une évolution majeure de la jurisprudence. Pendant longtemps, la Cour de cassation a clairement imposé une certaine spécificité de la faute susceptible d’engager la responsabilité du débiteur : faute délictuelle envisageable en elle-même, indépendamment de tout point de vue contractuel. A partir des 1980’s, la 1ère civ admet l’action judiciaire fondée sur le seul manquement contractuel du débiteur. La 2e et 3e chambre civile se rallient à la 1e dans les 1990’s. Par contre, la chambre commerciale résiste en restant favorable à la thèse de l’autonomie de la faute délictuelle par rapport au simple manquement contractuel. L’Ass Plén, 6 octobre 2006 a consacré la thèse de la 1ère chambre civile : « Le tiers à un contrat peut invoquer sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors qu’il lui a causé un dommage. » Quelle est la nature de la responsabilité ? C’est une responsabilité délictuelle. S’il y a débat, c’est en doctrine car certains auteurs critiquent la solution dégagée par l’ass plén car elle peut aboutir à mieux protéger le tiers que le contractant. En effet, le contractant, victime d’une inexécution contractuelle du débiteur peut ne pas obtenir la réparation totale de son préjudice par ex si dans le contrat figure une clause limitative de responsabilité. Le tiers lui obtient toujours réparation intégrale.

 

B.     Les intérêts de la distinction :

1.     Les intérêts quant aux effets de la responsabilité :

Les clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité sont en principe valables en matières contractuelle alors qu’elles sont sans effets en matière délictuelle. Le principe en matière délictuelle est la réparation intégrale (article 1382 Code civil). Les dommages pouvant être réparés en matière contractuelle sont les seuls dommages prévisibles (article 1150 Code civil).

2.     Les intérêts quand à la mise en œuvre de la responsabilité :

Un enjeu majeur  a disparu depuis la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile puisqu’il concernait les délais de prescriptions en matière délictuelle et contractuelle. Avant cette loi, en matière contractuelle le délai était de 30 ans et de 10 ans en matière délictuelle à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation. La loi de 2008 a réduit le délai de prescription de droit commun à 5 ans (article 2224 Code civil) et sont désormais visées par ce délai toutes les actions personnelles et mobilières. Par conséquent, toutes les actions en responsabilité civile sont soumises à ce délai de 5 ans, délictuelle ou contractuelle. Le point de départ du délai est appelé flottant puisqu’il s’agit du jour ou le titulaire d’un droit a connu ou aurait du connaître les faits lui permettant d’exercer ce droit. Cependant, afin d’éviter une trop grande insécurité juridique, la loi a prévu un délai butoir et aucune action ne peut plus être intentée plus de 20 ans après la naissance du droit : article 2232 Code Civil Il y a tout de même des différences :

Une mise en demeure est nécessaire en matière contractuelle (article 1146 Code civil). Cela n’est pas le cas en matière délictuelle.

Par ailleurs, le demandeur à une action en responsabilité contractuelle bénéficie d’une option de compétence (entre le tribunal du domicile du défendeur ou du lieu de la prestation de service) tandis que le demandeur à une action en responsabilité délictuelle peut choisir le tribunal du domicile du défendeur, du lieu du fait dommageable ou encore du lieu où le dommage a été subit. 

Quand la situation comprend des éléments d’extranéité : Ex : litige à Rome entre un français et un anglais. Le contrat est inexécuté par l’une des parties. L’autre veut mettre en jeu la responsabilité contractuelle. On donne compétence à la loi choisie par les parties = la loi d’autonomie. Si la loi n’a pas été prévue par les parties, le juge doit trancher en fonction d’un faisceau d’indice quelle loi a été tacitement choisie par les parties. En matière délictuelle, la loi applicable est la loi du délit ou du quasi-délit et selon le droit international privé, la loi du fait générateur ou la loi du lieu où le préjudice se réalise. En cas de conflit, le juge tranche. Il y a des principes régissant ces responsabilités.

C.    Le principe du non cumul :

1.     Le principe :

Ce terme est mal choisi, c’est plus une absence de choix. La victime ne peut pas cumuler deux indemnités différentes. Elle ne peut pas non plus, même si elle n’exerce qu’une action en réparation, exercer une action hybride. Aucune action n’est possible entre les deux responsabilités. La victime ne peut pas librement choisir. Cette règle a été fondée par la Cour de cassation, Civ 1ère, 11 janvier 1922. Le 1er fondement est le souci de respecter l’autonomie de régime de l’action en responsabilité contractuelle et on peut aller plus loin en disant que finalement c’est le principe même de la force obligatoire du contrat : article 1134 Code Civil On respecte ce que les parties on prévu au contrat. Si les parties ont prévu des exonérations de responsabilité, on doit s’y tenir.

2.     Exception au principe :

L’inexécution contractuelle qui consiste en une faute pénale. Ex : un vol commis par un employeur d’entreprise de gardiennage. Si la victime porte son préjudice devant les juridictions pénales, la chambre criminelle considère que les faits doivent êtres jugés selon les principes délictuels, seule une faute délictuelle peut renfermer les éléments constitutifs d’une infraction, ce qui fait que la chambre criminelle refuse de prendre en considération le caractère contractuel de la faute. On redonne indirectement une option à la victime : soit elle agit devant les juridictions civiles et elle se fonde sur la responsabilité contractuelle, soit elle se porte devant les juridictions répressives et on se place sur la responsabilité délictuelle.

 

Section 3 : Les différents types de responsabilité délictuelle :

  • 1er. Selon le domaine de responsabilité : responsabilité délictuelle et régime uniforme de responsabilité ; responsabilité générale et spéciale :

 

—        La responsabilité non contractuelle : trois éléments à remplir 3 conditions pour qu’elle soit engagée.

–          Un dommage subi (+ contrat préexistant pour la responsabilité contractuelle)

–          Un fait générateur de responsabilité (inexécution contractuelle pour la responsabilité contractuelle)

–          Un lien de causalité entre le dommage et le fait générateur (l’inexécution pour la responsabilité ©).

 

Les régimes uniformes de responsabilité se sont développés à la fin du 19e et s’appliquent quelque soit le statut de la victime. Certaines responsabilités ont un domaine d’application délimité alors que d’autres ont un domaine beaucoup plus général. Ex : le régime d’indemnisation des victimes de la circulation ; régime spécial de responsabilité du fait des choses = Domaine restreint.

Les conséquences de la distinction entre responsabilité générale et spéciale : « specialia generalibus derogant » maxime célèbre (les règles spéciales dérogent aux règles générales). La responsabilité spéciale va primer sur la responsabilité générale. Ex : loi Badinter de 1985 : quand les conditions de cette loi sont remplies, la victime ne peut agir que sur ce fondement. Elle prime sur le droit commun.

 

  • 2. Distinction selon le fait générateur de la responsabilité : responsabilité du fait personnel, du fait des choses et du fait d’autrui :

 

–          Responsabilité du fait personnel : pour faute : article 1382 et 1383 Code civil

–          Responsabilité du fait des choses : le responsable est le gardien de la chose : article 1384 al 1er.

–          Responsabilité du fait d’autrui : le responsable n’est pas l’auteur du dommage mais répond du fait d’une autre personne. Ex : les parents d’un mineur, les commettants, les instituteurs, etc.

 

  • 3. Selon le fondement et le régime de la responsabilité : objective ou fondée sur la faute

–          Les responsabilités fondées sur la faute :

–         Pour faute prouvée : victime doit prouver la faute qui a causé le dommage : article 1382 et 1383 Code Civil

–         Responsabilité pour faute présumée : anciennement le cas de la responsabilité des parents du fait de leurs enfants mineur, jusqu’à Cour de cassation, arrêt Bertrand, 1997, la jurisprudence estimait qu’il y avait un défaut de surveillance ou d’éducation présumé. Il y a aussi une différence en cas de faute exonératoire du coupable : faute étrangère : imprévisible et irrésistible, s’il y a une présomption de faute.

–          Les responsabilités objectives ou de plein droit : indépendantes de l’idée de faute.

 

  • .4 Distinction propre à la responsabilité du fait d’autrui : responsabilité directe et dérivée :

 –          La responsabilité dérivée : le responsable pour le fait d’autrui n’engage sa responsabilité que si l’auteur du dommage engage la sienne par son fait. La responsabilité prend alors la forme d’une garantie de solvabilité pour la victime. c’était le cas de la responsabilité parentale jusqu’à un revirement de jurisprudence. Elle était une responsabilité dérivée. Si le fait de l’enfant n’était pas un fait générateur de responsabilité, les parents n’étaient pas responsables.

–          La responsabilité directe : le responsable pour autrui peut engager sa responsabilité alors même que l’auteur du dommage n’engage pas la sienne. C’est désormais le cas de la responsabilité parentale des enfants mineurs.

 

Partie Œ : Responsabilité du fait personnel :

ChapitreŒ. Le fait générateur de la faute : article 1382 et 1383 Code Civil

 

Section 1 : La notion de faute :

L’article 1382 Code civil affirme seulement l’obligation de réparer. L’article 1383 apporte quand même une précision puisqu’il ressort de cet article que l’imprudence et la négligence sont des fautes involontaires, des quasi-délits. La doctrine classique distingue dans la faute l’élément matériel (illicéité de l’acte) et l’élément intentionnel (imputabilité morale).

§1er. Elément matériel de la faute :

A.     Le critère général de la faute :

Selon Planiol, c’est la violation d’une obligation préexistante. Cette définition présente certains inconvénients et notamment d’être vague. La faute apparaît comme un fait illicite, comportement blâmable qui trouble plus ou moins gravement l’ordre social. C’est une erreur de conduite, comportement que n’aurait pas eu une personne normalement prudente et raisonnable placée dans les mêmes circonstances.

B.     L’appréciation de la faute :

Le système d’appréciation in concreto tend à comparer le comportement dommageable de l’auteur à son comportement habituel. On juge l’auteur du dommage par rapport à la prudence et la diligence dont il fait preuve habituellement. Le système de l’appréciation in abstracto est retenu : les juges ne tiennent pas compte des caractéristiques propres de l’auteur du dommage : son ignorance, sa maladresse habituelle, son intelligence, son émotivité,… sont indifférents. Le comportement de l’auteur est comparé à celui d’un individu moyen normalement avisé. Cette appréciation ne signifie pas que la personne raisonnable sert de modèle unique. En effet, les juges doivent tenir compte de certains éléments de l’espèce.

Type sociologique auquel appartient l’auteur (Ex : dans telle affaire concernant des blessures causées par un chasseur, le modèle de référence sera un chasseur normalement habile et prudent.)

Certaines circonstances particulières : faits justificatifs qui abolissent le caractère fautif que revêt apparemment le comportement dommageable. Cette notion de faits justificatifs ne paraît dans aucun texte du droit civil, elle est empruntée au droit pénal : doivent être pris en compte avec le sens qu’ils ont en droit pénal, l’ordre et la permission (article 122-4 Code Pénal), le commandement de l’autorité légitime (article 122- 4 al. 2), la légitime défense de (article 122-5) et l’état de nécessité (article 122-7 Code Pénal).

En outre, le droit civil fait une place particulière au consentement de la victime (pas la même chose en droit pénal) qui est à rapprocher de la notion d’acceptation des risques : il résulte de la participation de la victime à une activité dont elle connaissait les dangers. Cette acceptation joue un rôle en matière sportive. Quand la responsabilité du sportif est recherchée sur le fondement de la faute, la théorie de l’acceptation des risques se confond avec l’appréciation in abstracto de la faute. Ex : boxeur blessé ne peut obtenir réparation de son préjudice que si l’adversaire a violé les règles du jeu. On regarde quel aurait été le comportement d’un sportif normalement prudent et normalement raisonnable. La théorie des risques reprend son autonomie lorsque la responsabilité recherchée est une responsabilité objective, notamment pour la responsabilité du fait des choses où la notion est très utilisée. La théorie empêche alors le jeu de la responsabilité du fait des choses, sauf s’il s’agit de risques anormaux.

C.     Constatation judiciaire de la faute :

  • La preuve de la faute :

Il appartient au demandeur, à la victime de prouver la faute : par écrit pour un acte juridique et par tout moyen pour un fait juridique.

 

  • Rôles respectifs des juges du fond et de la Cour de Cassation :

Lorsque le juge recherche si une faute a été commise il procède en 2 temps. Il cherche d’abord à établir ce qu’il s’est passé, il s’agit d’une reconstitution objective des faits, autrement dit de la constatation des faits. Le juge établit dans un deuxième temps si le comportement constaté entre dans la catégorie juridique de la faute. C’est l’opération de qualification des faits. Les juges du fond sont souverains pour constater les faits et la Cour de cassation contrôle la qualification des faits.

 

§2. L’imputabilité de la faute :

   On met une faute au compte de quelqu’un :

–          Au sens matériel : on identifie l’auteur de l’acte.

–          Au sens moral : on reproche à la personne l’acte qu’elle a commis.

 

  1. Maintien de l’exigence de l’imputabilité matérielle :

Qui a commis l’acte illicite ? Cette condition ne pose généralement pas de problèmes.

Deux hypothèses sont toutefois souvent délicates :

–          L’auteur dont l’identification est impossible agit à titre isolé : aucune action en responsabilité n’est possible. Or, la victime n’est pas dépourvue de toute ressource. Que peut-elle faire ? Il peut profiter des fonds de garantie.

–          L’auteur fait parti d’un groupe de personnes connus sans pour autant qu’on sache lequel d’entre eux a commis l’acte : Il y a un obstacle à toute action en responsabilité. Pourtant, dans un souci d’indemnisation de la victime, la jurisprudence a du retenir la responsabilité collective, commune à tous les membres du groupe. Chaque membre a participé à une action dangereuse qui a favorisé la réalisation du dommage. La Cour de cassation globalement demeure assez réticente à l’égard d’une telle faute collective.

 

  1. Disparition de l’imputabilité morale :

On fait un reproche au coupable. Pour que ce reproche ait un sens, il faut que l’auteur ait eu conscience de son acte. Il devait, au moment de l’acte, savoir discerner le bien du mal. La doctrine classique retenait cette exigence morale et la jurisprudence en tirait les conséquences logiques : un personne aliénée mentale, un infans, dépourvu de raison, n’engageait pas sa responsabilité civile. Cela était un inconvénient pour la victime. Les juges retenaient à ce moment là et assez facilement la responsabilité d’autres personnes. La conception de la faute a évolué. Elle est devenue totalement objective. Il n’y a plus de vision morale de la faute civile.

ð      Cette évolution s’est faite en deux temps :

  • Loi du 3 janvier 1968 : réforme relatives aux incapables majeursarticle 489-2 Code civil = n’instaure pas un nouveau régime d’indemnisation spécifique pour les aliénés mentaux, il n’est pas autonome. C’est seulement une explication de l’article 1382 Code Civil L’aliéné ne réparera le dommage que s’il a commis une faute. On exige toujours l’élément matériel, mais plus l’élément moral. Pour les aliénés mentaux mais pour les incapables mineurs, que ce passait-il ? La jurisprudence a décidé : Cour de cassation, 20 juillet 1976, 1ère civ : la réglementation de l’article 489 Code civil s’applique aussi à eux.
  • Cour de cassation, Ass plén, 9 mai 1984 : pour les infans (enfants de – de 7 ans) par ces arrêts du même jour, la Cour de cassation a reconnu que les juges du fond n’avaient pas à vérifier la faculté de discernement du mineur pour mettre en œuvre sa responsabilité. Ils sont civilement responsables, souvent insolvables, la victime se tourne vers ses parents.

 

Section 2. Les diverses catégories de faute :

§1. Gravité des fautes :

     En matière délictuelle, la responsabilité est indépendante de la gravité de la faute, l’indemnisation est plus grande car elle dépend du préjudice. Il n’y a pas de différence de régime entre la faute intentionnelle (délit) et la faute non-intentionnelle (quasi-délit).

 Cependant, il y a des exceptions :

En matière d’assurance, la faute intentionnelle obéit à un régime particulier. Il est interdit de s’assurer contre les conséquences de ses fautes intentionnelles.

Dans certains régimes spéciaux d’indemnisation, il y a une faute particulière : la faute inexcusable. Ex : en matière d’accident du travail et de la circulation (loi Badinter de 1985.)

—         La victime d’un accident du travail a normalement droit à une indemnisation forfaitaire par la sécurité sociale. S’il y a une faute inexcusable de l’employeur, le salarié peut bénéficier d’indemnités complémentaires prévues par l’art L 452-1 et s Code de la sécurité sociale. Il bénéficie d’abord d’une majoration d’indemnité payée par la caisse de sécurité sociale mais il retrouve également son droit d’agir contre l’employeur pour demander réparation de certains préjudices :

–         Préjudice causé par les souffrances physiques et morales qu’elle endure,

–         Préjudice esthétique et d’agrément,

–         Préjudice résultant de la perte ou diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.

—         En matière d’accident de la circulation, pour les victimes conductrices et pour les non conductrices surtout (indemnisation facilité) : causes d’exonérations du responsable très limitées mais il y a quand même une cause qui tient à une faute inexcusable de la victime qui la prive de toute indemnisation si elle a été la cause exclusive de l’accident (jurisprudence très stricte pour l’adoption de cette faute).

§2.  La faute par action et par omission :

La faute de commission suppose un acte positif. Est-ce que ne rien faire peut constituer une faute ? Cela peut porter préjudice et on peut tout de même estimer de l’abstention est aussi grave. Loisel disait « Qui peut et n’empêche, pèche ! ». En droit positif, la jurisprudence accepte de retenir la faute par abstention ou omission mais elle n’opère pas d’admission générale.

La faute par omission est reconnue quand elle consiste en une inexécution d’une obligation légale ou réglementaire. Une personne qui s’abstient volontairement de porter assistance à personne en péril alors qu’il n’y avait aucun risque pour elle ou pour les tiers (article 223-6 du Code Pénal : faute pénale mais faute civile aussi). Il y a aussi des obligations professionnelles : si elles ne sont pas remplies, la Cour de cassation juge parfois une faute par omission.

Dans un autre cas, même en l’absence de textes imposant d’agir, la jurisprudence admet que ce que la doctrine appelle « l’omission dans l’action » constitue une faute. C’est une abstention qui se situe dans une série d’actes positifs avec lesquels elle fait corps. Ex : un automobiliste ne freine pas à temps. La jurisprudence prend donc en compte le comportement de l’automobiliste dans son ensemble. Il va être apprécié par rapport au comportement qu’aurait eu une personne raisonnable. Ne pas freiner revient à conduire imprudemment ce qui se rapporte à une commission : omission dans l’action.

Un 3e cas existe : la faute est reconnue quand il s’agit d’une abstention résultant d’une intention de nuire. Dans ce cas, la jurisprudence retient l’abstention comme faute. Il est rare que l’abstention sot retenue comme faute.

 

§3. La faute dans l’exercice d’un droit :

Peut-on, en exerçant nos droits, commettre une faute ?

A.   Abus des libertés :

L’exercice d’une liberté peut être tout de même sanctionné quand il en est fait un usage abusif. Ce problème se pose plus spécialement pour la liberté d’expression et de communication de la pensée. On assiste cependant à un refoulement de l’article 1382 Code Civil Il y a un recul de la faute. Ce mouvement de refoulement se manifeste de deux manières. Ces manifestations concernent :

 

—         Les atteintes à la personne :

La Cour de cassation décide depuis des arrêts de l’Ass Plén, 12 juin 2000, que les abus de la liberté d’expression prévus et réprimés par la loi du 29 juillet 1881 ne peuvent pas être réparés sur le fondement de l’article 1382 Code Civil Cette loi prévoit quelques incriminations pénales : La diffamation (article 29 de cette loi : toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne), L’injure (toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait), L’incitation à la haine raciale. La diffamation ou l’injure dirigée contre la mémoire des morts (article 34 de la loi) n’est punissable que dans les cas où les diffamateurs auraient voulu porter atteinte à l’honneur où à la considération des héritiers, de l’époux ou des légataires de la personne décédée. Il y a une prescription de 3 mois (article 65 de la loi). Ainsi, cela a des conséquences :

–         Dès lors qu’un fait peu entrer dans l’une des catégories des infractions prévues par la loi de 1881, l’action en responsabilité civile ne peut pas être détachée de l’action publique. Ainsi, si le court délai de prescription de l’action publique est dépassé, la victime ne peut pas se rabattre sur une action fondée sur l’article 1382 Code Civil

–         Si des propos peuvent s’analyser comme une diffamation contre la mémoire d’un mort, la responsabilité de l’auteur de ces propos ne peut pas être recherchée sur le fondement de l’article 1382 Code civil, et ce même si cette diffamation n’est pas punissable sur le fondement de la loi de 1881, faute des conditions requises. Il faut non seulement des propos diffamatoires, mais aussi l’intention de porter atteinte à l’honneur ou à la considération des proches du défunt.

 

     Il y a une immunité en matière de presse : la jurisprudence a étendu le champ de cette immunité dans deux arrêts : Cour de cassation, 1ère civ, 27 sept 2005 et Cour de cassation, 1ère civ, 25 janvier 2007. La Cour de cassation considère que les abus de la liberté d’expression ne peuvent être poursuivis et réparés sur le fondement de l’article 1382 Code Civil

Quelle différence avec les décisions de juin 2000 ? On parle ici d’abus de la liberté d’expression mais sans parler « des cas prévus et réprimés par la loi de 1881 ». La portée de cette décision est considérablement augmentée. Les propos litigieux doivent avoir été publiés par un organe de presse. L’extension de cette immunité n’est pas illimitée. En 2007, la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de l’article 1382 Code civil et non de la loi de 1881. Revirement de jurisprudence. On redonne à la victime le droit d’agir sur l’article 1382 car on observe une nouvelle évolution de la jurisprudence qui examine d’un point de vue strict de l’infraction de presse. Cour de cassation, 1ère civ, 6 décembre 2007 et Cour de cassation 1ère civ, 30 octobre 2008 : un locataire a envoyé des lettres à l’employeur de la gardienne qui porte atteinte à celle-ci. Elle veut agir contre le locataire sur le fondement de l’article 1382. La Cour de cassation dit que c’est possible parce que selon la cour, les agissements d’une personne portant atteinte à la réputation et à la dignité d’une autre par le biais de lettres adressées à l’employeur de celle-ci, ne relèvent pas de la loi de 1881. Ceci est de la dénonciation calomnieuse et non de la diffamation : conception stricte que l’infraction de presse.

 

—         Les atteintes à des produits et à des services commerciaux :

L’article 1382 Code civil n’est pas écarté par principe mais on observe un recul du seuil de la faute. Dans quels cas ? Lorsque le fait litigieux relève d’un comportement humoristique, parodique car par nature elle contient une certaine intention de nuire. La parodie est admise en France et donc la faute ne peut pas être constituée que par celle-ci. La Cour de cassation, le 12 juillet 2000 a refusé de qualifier de fautifs des propos de Canal + attaqués par la société Citroën car ils s’inscrivaient dans le cadre d’une émission satirique diffusée dans un cadre audiovisuel et ne pouvaient pas être dissociés de la caricature faite de M. Calvet. Ces propos relevaient de la liberté d’expression puisqu’ici il n’y avait pas de risque de confusion entre la réalité et l’œuvre satirique. Un autre Cour de cassation, 18 octobre 2006, lors d’une campagne anti tabac s’étant manifesté par un détournement humoristique du décor des paquets de cigarette Camel. — Pas de faute.

 

C.    Abus des droits :

Ce problème est beaucoup plus ancien. Il faut savoir que le droit positif et plus particulièrement la jurisprudence consacre certains droits dit discrétionnaires ou absolus qui ne sont pas susceptibles d’abus. Pourquoi ? Parce que l’exercice de certains droits relève d’une appréciation purement personnelle qu’un juge ne pourrait contrôler.

Ces droits sont quand même rares et cette catégorie est assez hétéroclite : Droit des parents de s’opposer aux mariages de leurs enfants, droit de ne pas consentir au mariage d’un enfant mineur, défense du droit de propriété contre un empiétement,… — pas de dégénérescence  en abus. Le principe est le suivant : l’exercice d’un droit subjectif peut donner lieu à abus, sauf ces droits discrétionnaires.

Quel est le critère de l’abus de droit ? Le principe est le libre exercice des droits (thèse des individualistes). Cependant, pour des raisons morales, on sanctionne l’intention de nuire à autrui. L’abus de droit se limite à l’exercice d’un droit en vue de causer un préjudice à autrui (thèse de Ripert). Selon la thèse sociale, les droits subjectifs sont accordés à l’individu moins dans l’intérêt propre de l’individu que pour servir certains fins sociales. Dans ce cadre, il y a abus de droit quand il est détourné de la fonction pour laquelle il a été institué (thèse de Josserand).

En jurisprudence, aucune thèse n’a été choisie, la jurisprudence reste pragmatique : elle utilise le mécanisme de la faute : il y a abus dès lors qu’un individu raisonnable n’aurait pas agit de la sorte. Dans certaines affaires, l’abus résulte d’une intention de nuire — Affaire Clément Baillard, 3 Août 1915 : un propriétaire d’un terrain avait planté des piquets avec des pointes en fer. Cela a été jugé comme un abus de droit car cela était fait pour nuire à son voisin, amateur de ballon dirigeable. En droit du travail, cela est reconnu aussi par exemple, quand il y a utilisation abusive d’une période d’essai.

 

Section 3. Faute et immunité : le cas du préposé fautif.

Le terme immunité vient du latin « immunitas » = dispense, remisePossibilité d’échapper à une action en responsabilité ici.

Le lien de préposition est un lien de subordination : le commettant donne des ordres au préposé pour qu’il remplisse les fonctions qui lui sont attribuées. Traditionnellement, en cas de faute du préposé, la victime avait deux choix possibles : une action contre le préposé (article 1382 et 1383 Code civil) et une action contre le commettant (article 1384 al 5 Code civil). Elle pouvait cumuler les deux. Il y a eu un revirement de jurisprudence et depuis un arrêt de l’Ass Plén, Costedoat, 25 février 2000, la victime ne peut plus agir contre le préposé fautif qui a agit sans dépasser les limites de la mission qui lui a été confiée par le commettant. L’idée de cette jurisprudence est de ne pas faire peser la réparation sur le préposé qui, même fautif, n’agit pas pour son compte et dans son intérêt.

S’il a agi sans excéder les limites de sa mission c’est uniquement contre le commettant, qui profite de l’activité du préposé, que le victime pourra agir.

C’est une immunité du préposé, car bien que fautif il échappe a une action en responsabilité délictuelle.

 

 

Chapitre. Le préjudice et sa réparation :

 

Section 1 : la notion de préjudice :

       On parle ici du préjudice qui n’est pas inscrit dans l’article 1382 Code Civil Est-ce la même chose que le dommage qui est l’atteinte portée à l’intégrité d’une personne ou d’une chose ? Le préjudice consiste dans les conséquences juridiques patrimoniales ou extrapatrimoniales de cette atteinte. Or, il n’y a pas d’intérêt à les distinguer.

       Pour être indemnisé, il faut un préjudice c’est-à-dire d’un intérêt qui a été lésé. Le préjudice peut être de différentes natures : moral, matériel,… peu de restrictions quant à la nature du préjudice. Il doit cependant revêtir certains caractères.

§1er. Existence d’un intérêt lésé :

          On se plaint de quelque chose en moins que ce qu’on avait avant l’accident ou que l’on pouvait espérer le jour de l’accident.

A.     Principe de comparaison entre les situations antérieures et postérieures au fait dommageable :

       On compare la situation actuelle à celle qui aurait existé si le fait générateur ne s’était pas produit. Pour qu’il y ait préjudice, la victime doit établir qu’elle a perdu quelque chose. Ex : un bien est détruit, souffrances endurées par la victime, etc.

B.     Difficulté d’application du principe en cas de naissance d’un enfant handicapé :

       C’est une hypothèse particulière : l’enfant nait handicapé à la suite d’une mauvaise information donnée par le médecin à la mère : Ass plén, 17 novembre 2000, Affaire Perruche : l’enfant nait handicapé en raison de la rubéole contractée par la mère durant la grossesse. Hors, une analyse médicale erronée avait indiqué à la mère que l’enfant ne courait aucun risque. Elle soutient que si elle avait eu une information exacte, elle aurait mis un terme à sa grossesse.

Les parents intentent contre le médecin et le laboratoire d’analyse médicale une double action en responsabilité :

–          Une 1ère action en leur nom propre en réparation du préjudice matériel et moral d’avoir à assumer la charge d’entretien et d’assistance d’un enfant handicapé. C’est une action qui porte aux Etats-Unis le nom de « Wrongful Birth ».

–          Une 2e action au nom de l’enfant en réparation du préjudice qui consiste à vivre avec un handicap : action en « Wrongful Life ».

       On ne conteste pas la faute du médecin et du laboratoire. On ne conteste pas non plus le fait que sans la fausse affirmation des médecins, la grossesse n’aurait pas été poursuivie. L’action des parents en leur nom propre est admise. Ces parents avaient fait un choix : ne pas avoir d’enfant plutôt que d’avoir un enfant handicapé. Ils subissent certaines charges sans l’avoir voulu et subissent donc un préjudice. Pour l’action de l’enfant : on veut réparer le préjudice du handicap. Il y a un problème car le handicap n’est pas du à la faute du médecin et du laboratoire mais à la rubéole contractée par la mère. Ils n’auraient pas pu empêcher le handicap : pas de lien de causalité entre la faute médicale et le handicap. Ce qui aurait pu ne pas avoir lieu, c’est la naissance : dans ce cas, effectivement, il y a un lien de causalité entre la faute du médecin et du laboratoire et la naissance de l’enfant. Hors, la naissance peut-elle être un préjudice ? La naissance ne peut pas être une perte (pas de lésion d’intérêt). Avant la naissance, aucun intérêt. Ce pose aussi un problème éthique, moral : la dignité humaine car reconnaitre dans ce cas que la naissance d’un handicapé est un préjudice pour ce dernier, c’est considérer que certaines vies ne méritent pas d’être vécues. Cela est grave. C’est pour cela que c’est la plus haute juridiction qui a tranché. L’assemblée plénière admet l’action de l’enfant dans un souci d’indemnisation. Cela a été rappelé plus tard dans d’autres arrêts de l’assemblée plénière. Ils sont très mal accueillis par les familles d’handicapés qui y voient une discrimination.

       Dans le même temps, en matière administrative : CE, 1997, Quarez : même action mais dirigée contre un hôpital public : ici, le CE n’accepte que l’action des parents ne leur nom propre. Il refuse l’indemnisation de l’enfant pour la raison qu’il n’y a pas de lien de causalité entre la faute et le handicap. Cependant, en pratique, la solution du CE parait proche de celle de l’arrêt Perruche puisqu’il a une conception très large du préjudice des parents puisque l’hôpital est condamné à verser aux parents une rente durant toute la vie de l’enfant.

       L’article 1er de la loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades condamne les solutions des arrêts Perruche et Quarez = Art L 114-5 Code de l’action sociale et des familles (dans le Code civil vers l’article 1382 Code civil). « Nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance… » Il faut que la faute soit la cause du handicap. « Les parents peuvent demander réparation pour leur seul préjudice, qui exclus les charges du au handicap… »

       La CEDH, dans l’arrêt Maurice, et arrêt Draon du même jour 6 octobre 2005 : l’enfant nait handicapé. Les parents agissent en indemnisation contre l’hôpital public et ils agissent en indemnisation des charges particulières découlant du handicap et la demande en justice est faite avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. Ils se prévalent de la jurisprudence Quarez. Les juges disent que la loi de 2002 est d’application immédiate (article 1er de cette loi). Les parents demande condamnation devant la CEDH en application du 1er protocole additionnel (article 1er) qui garanti le droit à la protection de ses biens. On les a privés de l’indemnisation. Privation d’une créance de réparation selon la CEDH et cette privation n’est pas proportionnée au but poursuivie puisqu’elle se fait sans compensation suffisante. La France est donc condamnée. La Cour de cassation tient compte de cette condamnation et elle refuse d’appliquer rétroactivement la loi du 4 mars 2002 à une demande d’indemnisation au nom de l’enfant formulée avant l’entrée en vigueur de la loi. 3 arrêts dans le même sens : Cour de cassation, Civ 1ère, 24 janvier 2006 : retour à la jurisprudence Perruche.

       La même solution est retenue par le CE, 24 février 2006. On avait à chaque fois une action en justice engagée avant l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002. Certains auteurs avait dit qu’il ne pouvait y avoir violation de l’article 1er du 1er protocole additionnel que lorsque l’action a été engagée avant l’EEV de la loi. Après cela, il n’y a plus de privation de l’espérance de légitime. Mais, changement d’interprétation de la Cour de cassation en Juillet 2008 : pour la Cour de cassation, l’existence d’une espérance légitime d’être indemnisée sur le fondement de la jurisprudence Perruche s’apprécie non pas en fonction de la date d’introduction de l’action en justice mais en fonction de la date de naissance du préjudice : date de naissance de l’enfant. Si la date de naissance de l’enfant est antérieure, il y a violation de l’article 1er du 1er protocole additionnel et la loi de 2002 doit être écartée au profit de la jurisprudence perruche. En revanche, on l’applique aux enfants nés postérieurement à son entrée en vigueur.

 

  • 2. Le préjudice matériel et le préjudice moral :
  1. Le préjudice matériel :

          Il concerne toute atteinte aux intérêts de la victime. Distinction entre la perte subie et le gain manqué. Dans un incendie de magasin : La perte subie ici concerne la valeur de l’immeuble affectée par le sinistre, les dépenses de reconstruction ainsi que les marchandises détruites. Le gain manqué concerne la perte d’exploitation puisque le magasin n’est plus en mesure de recevoir la clientèle.        

          Le préjudice matériel englobe d’une part le préjudice consécutif à l’atteinte aux biens et le préjudice consécutif à une atteinte à la personne. Les atteintes à la personne : un groupe de travail a été chargé d’élaborer la nomenclature des différents dommages corporels. Ce groupe dirigé par M. Dintilhac a rendu un rapport en janvier 2005  et on y trouve différents préjudices matériels indemnisables. Ce sont des atteintes à la personne avant la consolidation (stabilisation de l’état de la victime.) : Frais de soin, frais divers, perte des gains professionnels, frais de logements adaptés, frais d’assistance d’une tierce personne, frais de véhicule adapté, Perte des revenus professionnels (il faut une invalidité spécifique ou totale qui va entrainer une perte des revenus professionnels, perte de l’emploi ou obligation de temps partiel, dévalorisation de la victime sur le marché du travail.) Le préjudice matériel englobe d’autre part le préjudice économique pur : perte d’un profit ou d’une espérance de gain : la jurisprudence n’indemnise pas tous les préjudices économiques purs. 

  1. Le préjudice moral :
  2. L’admission de la réparation du préjudice moral :

 Si la réparation du préjudice matériel a toujours été admise, il y a eu débat sur le préjudice moral. Le préjudice moral est une atteinte à des intérêts extrapatrimoniaux.  Les objections à l’indemnisation d’un tel préjudice étaient de deux ordres : il est difficile de trouver une réparation adéquate à un tel préjudice, il peut être choquant d’aller monnayer ses larmes devant un tribunal. D’autres arguments militent en faveur d’une indemnisation du préjudice moral : il serait encore plus choquant que l’auteur du dommage échappe à toute responsabilité sous prétexte que ce préjudice n’est que moral. En matière de préjudice moral, l’indemnité joue le rôle d’une peine privée. De toute manière, même lorsqu’il s’agit d’un dommage matériel, l’octroi de DI tend moins à réparer qu’à compenser l’irréparable. Depuis longtemps, la jurisprudencece admet l’indemnisation du préjudice moral.

  

  1. Les différents préjudices moraux indemnisables :
  2. Les préjudices moraux subits par une victime directe :

—      Les atteintes à un droit de la personnalité :

 Ex : atteinte au droit à la vie privée, au droit à l’image, droit à l’honneur et à la réputation.

Le rapport suscité n’a pas de valeur juridique mais la jurisprudence commence à s’en inspirer.

—      Les conséquences extrapatrimoniales d’une atteinte à l’intégrité corporelle :

–        Les préjudices extrapatrimoniaux temporaires (avant consolidation) :

–          déficit fonctionnel temporaire : indemnisation de l’invalidité totale ou partielle de la victime jusqu’à la consolidation (hospitalisation de la victime, perte de qualité de vie et perte des joies usuelles de la vie courante comme la séparation de son entourage amical, souffrance endurées jusqu’à la consolidation, etc.)

–          préjudice esthétique  (atteinte portée à l’aspect physique de la personne susceptible de la faire souffrir ou de la gêner dans la poursuite d’activités normales,…)

–         Les préjudices extrapatrimoniaux permanents (après consolidation) :

–          déficit fonctionnel permanent  qui consiste en indemnisation de l’incapacité constatée de la victime (atteinte à aux fonctions physiologique de la victime, la douleur permanente qu’elle ressent, perte de qualité de vie, troubles dans les conditions d’existence qu’elle rencontre au quotidien, la perte d’autonomie,…),

–          préjudice d’agrément (vision restrictive au départ dans la jurisprudence : privation des activités sportives ou artistiques dans lesquelles la victime avait acquis une véritable compétence. Puis la jurisprudence est passé à une vision plus large : diminution des plaisirs de la vie causés notamment par l’impossibilité ou la difficulté de se livrer à des activités normales d’agrément. Puis, — Cour de cassation, civ 2e, 28 mai 2009 revient à une vision restrictive : c’est un préjudice lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisir. Il s’agit ici d’une reprise du rapport Dintilhac qui distingue bien entre le déficit fonctionnel permanent et le préjudice d’agrément. Or, ce déficit fonctionnel comporte la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions de l’existence).

–          préjudice esthétique permanent,

–          préjudice sexuel  (il y en a 3 types : préjudice morphologique : atteinte aux organes sexuels de la victime ; le préjudice lié à la perte du plaisir sexuel ; impossibilité ou difficulté de procréer),

–          préjudice d’établissement (perte d’espoir, de chance de toute possibilité de réaliser un projet de vie familial normal).

–         Les préjudices extra patrimoniaux évolutifs (hors consolidation) :

–          préjudices liés à des pathologies évolutives (maladies incurables susceptibles d’évoluer et le risque d’évolution est un chef de préjudice distinct devant être indemnisé).

 

  1. La victime par ricochet :

      Un tiers subit un préjudice du fait des dommages causés à la victime directe. C’est préjudice d’affection, préjudice moral provoqué par la perte d’un être cher ou par la constatation de sa déchéance physique ou morale… jurisprudence assez libérale, elle n’exige plus un lien de parenté ou d’alliance entre la victime directe et la victime par ricochet. Il n’est pas indispensable qu’il y ait une grande gravité.

 

  • 3. Les caractères de l’intérêt lésé :
  1. Un dommage certain :

          Aucun problème s’il est survenu mais un dommage future ne sera indemnisé que si les juges estiment qu’il surviendra avec certitude. Le préjudice éventuel lui n’est pas réparable. La distinction n’est pas forcément évidente et elle se manifeste dans la perte de chance. Ex : un étudiant est renversé par une voiture ce qui l’empêche de se rendre à un examen ou à un concours ; un auxiliaire de justice néglige d’interjeter appel dans les délais, le plaideur perd d’office ; une personne vivant en concubinage est tuée alors qu’elle survenait aux besoins de son concubin = perte de chance de la poursuite du concubinage et du versement des subsides ; perte de chance de survie d’un malade à la suite d’une faute médicale, qui elle doit être certaine mais on ne sait pas quelles sont exactement les causes de la mort : on admet d’indemniser la perte de chance de vie du patient (sans faute médicale, il aurait eu plus de chance de survivre). Cette perte de chance donne une difficulté non pas du point de vue du préjudice mais du lien de causalité. Dans les hypothèses précédentes, le lien de causalité est établi (accident empêche bien de se rendre à l’examen).

          A quelles conditions la perte de chance est-elle indemnisée ? Comment est évalué le montant du dommage ?

  • Les conditions :

–          La perte doit être certaine : exemple de l’étudiant : s’il est rétabli pour passer la 2nde session, toute chance n’est pas perdue. Pas de réelle perte.

–          La chance devait être sérieuse : les juges estiment les chances de succès avant la survenance du dommage. Cela est facile à savoir dans le cas de perte de chance de gain d’un procès.

  • L’évaluation du dommage :

Elle est partielle et mesurée à la chose perdue. Elle ne peut pas être égale à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée. Les juges prennent en compte l’aléa qui a fait que la chance a été perdu et plus la chance était sérieuse, plus l’indemnité est importante, sans égaler l’avantage qui aurait été réalisé.

 

  1. Un dommage personnel :

       Traditionnellement, ce caractère est exigé. Le dommage réparable doit être celui subit par le demandeur en indemnisation. La question du dommage personnel rejoint en fait la question procédurale de l’intérêt à agir en justice. Ce caractère n’empêche pas l’indemnisation de la victime par ricochet car celle-ci a un préjudice personnel, même s’il est lié à celui de la victime directe.

       En revanche, ce principe s’oppose en principe à la réparation de dommage collectif car il est impossible d’identifier une victime déterminée. Or, la jurisprudence puis le législateur ont permis la défense d’intérêts collectifs par les syndicats. Quant aux associations, elles ne sont pas autorisées pour agir en défense d’intérêts collectifs sauf si un texte spéciale les y autorise. Les dommages environnementaux ne sont en principe pas indemnisables car ce ne sont pas des personnes qui en souffrent en 1er, c’est l’environnement : le caractère personnel fait défaut. La reconnaissance de cette indemnisation s’est faite par la loi du 1er aout 2008 relative à la responsabilité environnementale : reconnaissances ponctuelles d’indemnisation d’un préjudice collectif : Art L 160-1 et s C.env. (= système du pollueur payeur : exploitant à l’occasion d’une activité professionnelle. Sont visés les atteintes à l’eau, au sol, aux habitats et aux espèces naturelles protégées. On répare les dommages causés et on met tout en œuvre pour prévenir un dommage imminent : prévention).

       Hors cette exception, la règle est que l’on ne reconnait pas l’indemnisation d’un préjudice collectif. Cependant, l’avant projet universitaire Catala de réforme du droit des obligations se montre favorable à cette indemnisation mais un rapport parlementaire avait été déposé en 2009 où l’on se montrait hostile à cette reconnaissance.

 

  1. Le caractère direct :

            Cette condition d’un dommage qui soit directement causé par le fait générateur de responsabilité renvoie en réalité à la condition du lien de causalité.            voir chapitre suivant.

Le dommage se présente comme une suite du fait générateur qui l’a produit. Par exemple, une automobile est endommagée du fait de la chute du mur d’un immeuble en ruine.

 

 

  1. Le dommage légitime :

            Question d’abord posée de manière particulière pour l’indemnisation du concubin à l’époque où le concubinage n’était pas reconnu par la loi (avant la loi de 1999). On se demandait si au décès d’un concubin, l’autre pouvait demander réparation du préjudice que lui présentait la disparition de son compagnon.

            Longtemps, la jurisprudence civile a refusé cela. — Cour de cassation, 1ère civ, 27 juillet 1937 disait que les relations de concubinages ne pouvaient pas, en raison de leur irrégularité, présenter un intérêt légitime pouvant être réparé. En même temps, la chambre criminelle acceptait cette indemnisation à condition qu’il y ait des relations stables et non adultérines. — Chambre mixte, 27 février 1970, arrêt Dangereux : un lien de droit n’est pas nécessaire pour permettre l’indemnisation. L’exclusion des relations adultérines a été supprimée par la loi de 1975 supprimant l’incrimination de l’adultère.

             Cette question s’est reposée récemment dans des conditions tout à fait différentes : une victime peut-elle obtenir des dommages et intérêts destinés à compenser la perte d’un avantage antérieur illicite ? La Cour de cassation répond par deux arrêts :

—                                           Cour de cassation, civ 2e, 24 janvier 2002 :

Une femme de ménage exerce son activité mais une seule partie de cette activité était déclarée aux organismes sociaux. Elle est victime d’un accident de la circulation et souffre d’une incapacité temporaire de travail. Elle demande l’indemnisation des salaires qu’elle n’a pas perçus. La Cour de cassation dit que les rémunérations d’un travail dissimuler n’ouvre pas droit à indemnisation.

 

—                                           Cour de cassation, civ 2e, 22 février 2007 :

Un joueur de casino invétéré est interdit de jeux sur sa demande mais va quand même au-delà de cette interdiction et gagne 4 000 €. Il tente d’encaisser cette somme par l’intermédiaire d’une tierce personne et le casino refuse de lui payer ses gains. Le joueur assigne le casino en paiement. Le juge de proximité qualifiera la relation entre le joueur et le casino de contrat de jeu et dépourvu de cause sur le fondement de l’article 1131 Code civil puisque le joueur était interdit de jeu. Rejet de la demande en paiement. Le juge de proximité estime que le casino avait une obligation légale de contrôler ses joueurs et en s’abstenant de le faire, un a engagé sa responsabilité envers se joueur : article 1382 Code Civil Cette décision est cassée par la Cour de cassation : une victime ne peut obtenir réparation de la perte de ses rémunérations que si celles-ci sont licites. Ce refus de l’indemnisation ne se justifie pas par la maxime « nemo auditur » qui a un domaine particulier auquel la responsabilité est étrangère : l’annulation de contrat pour cause immorale.         Ici, ce qui joue est le caractère illicite du préjudice. Il faut bien faire une différence : on fait une distinction entre une hypothèse d’une victime en situation irrégulière et d’une victime qui souffre d’un préjudice illicite.

             — La victime en situation irrégulière : la jurisprudence admet dans ce cas que cette situation irrégulière ou l’indignité de la victime ne peuvent pas faire échec à son indemnisation (ex : voyageur blessé dans un train alors qu’il voyage sans billet).

             — Il y a préjudice illicite quand il y a perte de profit, de rémunération ou d’économie qui était illicitement obtenue. La jurisprudence refuse l’indemnisation car admettre ces préjudices reviendrait à contourner les règles prohibitives en cause.

 

 Section 2 : La réparation :

Sous-section 1 : les parties à l’action en réparation :

  • 1. Le demandeur :
  1. La victime immédiate :

      Le cas le plus courant est que la victime directe agisse elle même. L’action peut-elle être faite par une autre personne ? Oui : les héritiers (en cas de victime décédée) et les créanciers de la victime peuvent agir.

  1. L’action des héritiers :

      En cas de décès de la victime, les héritiers peuvent exercer une action héréditaire en réparation. Ils peuvent réclamer d’une part ce que la victime aurait pu réclamer elle-même si elle avait survécu (frais de soins,…), les dépenses occasionnées par le décès de la victime (frais d’obsèques particulièrement) et ils peuvent agir en réparation du préjudice d’affection dont ils souffrent (c’est un préjudice qui leur est propre ici).

 

  1. L’action des créanciers :

      Ils peuvent exercer l’action en réparation du préjudice de leur débiteur, victime négligente : application du mécanisme général de l’action oblique (1166 Code civil) : un créancier dont le débiteur néglige d’agir en récupération d’actifs agit lui-même. Il agit en nom et lieu de la victime mais il y a des conditions : les créanciers ne peuvent exercer que les actions qui ne sont pas exclusivement attachées à la personne de leurs débiteur. En matière de responsabilité civile, les créanciers peuvent exercer l’action en réparation de tout préjudice matériel subi par la victime. Le préjudice moral lui est jugé personnel à la victime.

  1. La victime par ricochet :

       Elle a un droit à indemnisation car son préjudice est bien personnel et l’indemnisation de ces victimes n’est plus conditionnée par un lien de parenté ou d’alliance, ni par le décès de la victime directe. Quelle est l’étendue de l’indemnisation de la victime par ricochet ? La jurisprudence dit que le préjudice par ricochet doit être indemnisé dans la même proportion que le préjudice direct. Les conséquences sont importantes. La faute de la victime directe qui a contribué à son dommage est opposable à la victime par ricochet. Elle ampute l’indemnisation de la victime directe. La victime par ricochet n’ayant commis aucune faute ne pourra donc pas non plus obtenir une réparation intégrale.

 

§2. Le défendeur :

     C’est la personne responsable. S’il décède, les héritiers répondront de la responsabilité de leur auteur. Lorsque le responsable est assuré, la victime bénéficie d’une action directe contre l’assureur. L’assureur n’est tenu de payer que si la responsabilité de payer est établie. L’assureur peut opposer à la victime tous les événements qui peuvent affecter le contrat d’assurance. S’il y a plusieurs responsables, plusieurs défendeurs, ils sont tenus « in solidum » : la victime peut demander à n’importe lequel l’indemnisation de son préjudice. Cela lui évite de diviser ses actions.

 

Sous-section 2 : la possibilité d’une action en réparation : question du cumul d’indemnité :

§1. En cas d’indemnité versée par l’assureur :

La possibilité de cumuler l’indemnité de l’assurance et les dommages et intérêts de la part du responsable dépend du type d’assurance. Ces règles ont été fixées par la loi du 13 juillet 1930.

En cas d’assurance de dommage :

Il s’agit ici d’une assurance qui vise à compenser la dégradation de l’état du patrimoine de l’assuré soit par la dégradation d’un élément d’actif de ce patrimoine, soit par l’augmentation du passif. Ex : assurance vol, assurance incendie (compensent la baisse de l’actif) ou assurance de responsabilité (responsable couvert par l’assureur). Dans ces cas le cumul est interdit. Cependant, si l’indemnité d’assurance ne couvre pas la totalité du préjudice, la victime pourra agir contre le responsable pour le complément. L’assureur qui a versé l’indemnité a un recours contre le responsable fondé sur un mécanisme juridique appelé la subrogation : mécanisme de transmission d’une créance à celui qui a payer la dette : (celui qui pait se voit transmettre la créance et peut se retourner contre le responsable) = Art L121-12 C.assurances : ce recours subrogatoire est tout de même exclu quand l’auteur du dommage est un proche parent (descendant, ascendant, allié en ligne directe.) ou un employé de la victime ou plus généralement toute personne vivant habituellement au foyer de l’assuré.

En cas d’assurance de personne :

Ex : assurance sur la vie, assurance individuelle contre les accidents,… La victime peut agir réparation de la totalité du préjudice contre le responsable. Aucun recours de l’assureur contre le responsable : art L 131-2 C.aussurances.

  

§2. En cas de prestations versées par les organismes sociaux :

Loi Badinter de 1985 a été modifiée par une loi du 21 décembre 2006. Quels sont les principes quand la victime a déjà bénéficié de ces prestations ? La victime n’a le droit de demander au responsable qu’un complément d’indemnisation. Parallèlement il existe des recours pour les organismes sociaux contre le responsable. Recours modifiés par la loi de 2006 en faveur de la victime :

Le recours qui est un recours subrogatoire n’est pas global. Il va s’exercer poste par poste (chef de préjudice par chef de préjudice) sur les seules indemnités prises en charges par les organismes sociaux. Ex : recours pour ce qui a été versé pour les frais de soins mais pas pour ce qui a été versé au titre du préjudice esthétique car cela n’est pas indemnisé par la sécurité sociale.

Cette loi donne à la victime une priorité sur les organismes sociaux (les tiers payeurs) lorsque les prestations fournies par ces organismes n’ont pas intégralement indemnisé la victime pour tel ou tel poste de préjudice : hypothèse de partage de responsabilité entre le responsable et la victime. Dans ce cas, la part d’indemnité mise à la charge du responsable ne permettra pas toujours à la fois de rembourser le tiers payeur et de faire droit à l’action complémentaire de la victime. Dans ce cas là, la loi de 2006 attribue une préférence à la victime qui arrive en concurrence avec les tiers payeurs.

 

Sous-section 3 : L’étendu et les modalités de la réparation :

Le principe est la réparation intégrale (article 1382 Code civil). La victime a droit à indemnisation pour tous ses chefs de préjudice.

  • 1er. L’évaluation du dommage :
  1. La date dévaluation :
  2. Principe : au jour de la décision :

Au moment où il statue, le juge évalue le dommage : évaluation du préjudice intervenu en tenant compte de l’aggravation éventuellement survenue depuis le moment du fait générateur. Le juge doit opérer une variation de l’expression monétaire du dommage : valeur du dommage à la date de la décision sinon il n’y aurait pas restitution intégrale.

  1. Variation du dommage postérieurement à la décision :

Le juge, quand il a statué a pris en compte le préjudice futur qui continuera d’exister postérieurement à sa décision. Cependant, certains éléments du dommage peuvent varier dans le temps. C’est le cas notamment du déficit fonctionnel.

Si l’état de la victime s’améliore, il n’est pas permis de revenir sur ce qui a été définitivement jugé pour faire diminuer l’indemnité.

Si l’état de la victime s’aggrave, elle peut engager une nouvelle action en responsabilité pour obtenir une indemnité complémentaire. On admet cela car l’aggravation est considérée comme un nouveau préjudice sur lesquels les juges n’ont pas statué.

 

  1. Problèmes particuliers d’appréciation du préjudice :
  2. La perte de revenu :

Cas de la perte de salaire liée à une ITT. Par exception au principe d’évaluation des dommages au jour de la décision de justice, c’est le montant des salaires nets non perçus pendant la période où la victime est soumise à l’incapacité de travail qui est prise en compte. Pas de réévaluation du salaire au jour du jugement.

  1. Le préjudice corporel :

Les juges ne peuvent pas se référer expressément, dans leur décision, à un barème préétabli. Cela ne veut pas dire qu’ils n’existent pas. Chaque juridiction tente d’élaborer une jurisprudence cohérente en matière d’indemnisation de préjudices corporels mais les juges ne peuvent pas s’y référer. Cela reste une décision au cas par cas.

  1. Le cas de la détérioration d’un bien :

Dans ce cas, la victime ne peut pas exiger la réparation du bien si le coût des travaux excède la valeur de remplacement de l’objet. La victime n’aura droit qu’à la valeur de remplacement. En cas de destruction complète du bien, l’indemnité correspond à la valeur de remplacement du bien et non à la valeur actuelle du bien (pas d’abattement pour vétusté).

 

  1. Incidence de l’état ou du comportement de la victime dans l’évaluation du dommage :
  2. La question des prédispositions de la victime :

Une prédisposition pathologique non révélée au jour du fait dommageable ne peut diminuer l’indemnisation de la victime (Ex : victime ignorant être cardiaque).

En revanche, si la prédisposition se manifestait déjà par une incapacité de travail, le défendeur n’est tenu de réparer le seul dommage résultant de l’aggravation. La réparation ne sera totale que quand le fait dommageable à transformé radicalement la nature de l’invalidité (Ex : un borne se retrouve aveugle).

 

  1. La question de la limitation de son dommage par la victime elle-même :

Le dommage survient et dans certains cas la victime, par des mesures appropriées, pourrait tout à fait limiter les conséquences de ce dommage, si elle agit en se sens. Si elle le fait, elle ne sera indemnisée que du dommage souffert. Si elle ne fait rien pour éviter l’aggravation de son dommage, si elle refuse d’agir — Cour de cassation, civ 2e 19 juin 2003, dans deux arrêts, la Cour de cassation dit que la victime n’est pas tenu de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable :

–         1ERE affaire : Une victime voit son dommage aggravé par un accident de la circulation : La CA réduit le montant de l’indemnité au motif que la victime avait refusé de suivre une rééducation prescrite par son médecin. Ce refus de la part de la victime constitue une faute qui à concouru pour partie à la persistance des troubles psychiques. La Cour de cassation casse cette décision d’appel : pour elle il n’y a pas faute et elle motive sa décision par le fait que « la victime n’a pas l’obligation de se soumettre à des actes médicaux prescrits par ses médecins ».

–         2E affaire : Une victime réclame au responsable l’équivalent de la valeur de son fonds de commerce de boulangerie parce qu’il est resté inexploité pendant 6 ans à cause de son incapacité physique ; la fille de la victime demandait également réparation de la perte d’une chance d’avoir pu reprendre un fonds de commerce prospère : La CA déboute les deux victimes en considérant que la victime avait eu la possibilité de faire exploiter son fonds de commerce par un 1/3. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel car « la victime n’est pas tenue de limiter son préjudice dans l’intérêt du responsable. »

 

  • 2. Modalités d’indemnisation de la victime :
  1. Réparation en nature ou en équivalent :

La réparation en nature consiste à rétablir strictement l’état des choses antérieures au dommage en procurant à la victime ce dont elle a été privée (Ex : remplacement d’un bien détruit, remise en état d’un bien détérioré, cessation du trouble,…).

La réparation en équivalent consiste en une indemnité versée par l’auteur à la victime sous forme de dommages et intérêt qui viennent compenser ce que la victime a perdu en lui procurant une valeur équivalente.

Pour les préjudices moraux, la réparation en nature est impossible. Pour les cas où la réparation en nature est possible, les juges choisissent la forme de réparation qui leur paraît la plus adéquate. Si la réparation en nature permet un retour à la légalité, les juges doit l’ordonner. Par ailleurs, si la victime demande une réparation en nature, le juge n’a plus de pouvoir d’appréciation

 

  1. Indemnisation sous forme de rente ou de capital :

          Le juge choisit la forme qui lui parait la plus adaptée au regard du type de dommage concerné. Les juges ont longtemps préféré l’indemnisation en capital car Cour de cassation interdisait l’indexation des rentes. — Chambre mixte,  6 novembre 1974 : Cour de cassation admet cette indemnisation des rentes.

 

ChapitreŽ. Le lien de causalité :

La faute et le dommage ne suffisent pas : il faut un lien de causalité. Le préjudice subi doit être en lien direct avec la faute.

Section 1. Existence d’un lien de causalité :

La notion de causalité n’est pas définie dans le Code Civil

  • 1er. Analyses théoriques de la causalité :

Il y a deux théories principales.

  1. La théorie de l’équivalence des conditions :

 

—         Contenu de la théorie : Selon elle, est qualifiée de cause tout événement sans lequel le dommage ne se serait pas produit. Tous les événements ayant concouru à la réalisation du dommage sont placés sur un pied d’égalité. Ce sont des causes juridiques.

—         Conséquences : Dans cette théorie, la responsabilité ne peut pas être partielle et donc l’existence d’une pluralité de cause est indifférente. Dès lors qu’un fait générateur dont répond le défendeur peut être qualifié de condition sine qua none, ce fait est censé avoir causé tout le dommage et donc ce défendeur devra réparer l’intégralité du dommage.

—         Appréciation de cette théorie : Elle est simple à mettre en œuvre, le critère de l’événement « sine qua none » est facile à manier. Cependant, elle parait trop extensive du lien de causalité.

 

  1. La théorie de la causalité adéquate :

Contenu de la théorie : Elle prend le contrepied de la première, puisqu’elle consiste à établir une distinction entre les différents facteurs qui ont contribué à la réalisation du dommage. Est qualifié de cause du dommage tout événement qui était de nature à provoquer un tel dommage selon le cours normal des choses. En revanche, le fait qui n’a conduit au dommage que par suite d’un concours de circonstances plus ou moins exceptionnel n’est que l’occasion du dommage. Ce n’est pas la cause. Comment opérer la distinction entre ces faits qui sont des occasions et ces autres faits qui peuvent être qualifiés de faute ? Par une recherche de probabilité, mais qui se fait après coup.  Concrètement, le juge isole chaque facteur possible du dommage et recherche ce qui ce serait passé si toutes les autres circonstances avaient été normales. La question que l’on se pose alors : est-ce que ce fait en soi pouvait faire prévoir la survenance du dommage ? Les juges opèrent une sélection et ils ne retiennent que les événements présentant un degré suffisant d’adéquation entre le fait et le dommage.

 

—         Conséquences : la recherche de probabilité ne se fait qu’après coup. On isole chaque facteur possible de dommage et on recherche ce qui aurait pu se passer si toutes les autres circonstances avaient été normales. « Est-ce que ce fait, en soit, pouvait faire prévoir la survenance du dommage ? » Les juges ne retiennent comme cause du dommage que les faits qui ont un degré d’adéquation suffisant entre la cause et le dommage. la théorie admet la possibilité d’une responsabilité partielle puisqu’on veut déterminer l’importante respective des différents facteurs.

—         Appréciation de la théorie : il y a une sélection opérée dans les facteurs ce qui évite de remonter trop loin. Cette théorie est d’une mise en œuvre beaucoup plus délicate. Il est difficile de faire une recherche objective. Il y a une souplesse d’appréciation.

 

  • 2. Difficultés particulières d’appréciation du lien de causalité en droit positif :
  1. En cas de fait générateurs successifs :

–        Exemple 1 : un cycliste blesse un piéton qui doit subir une opération à la suite de cela. Le médecin commet une faute opératoire et le patient décède.

–         Exemple 2 : le propriétaire d’une voiture néglige de fermer son véhicule qui est ensuite volé. Un accident est causé au moyen de ce véhicule blessant un piéton.

–        Exemple 3 : un chasseur laisse une carabine chargée dans une pièce où devaient se réunir ses petits enfants. L’un des enfants blesse un autre par balle.

 Dans ces exemples, le lien de causalité entre le dommage et le 2nd fait générateur ne pose pas de problème. Le problème qui se pose est de savoir si l’on peut rattacher au dommage final le 1er fait générateur ? La solution sera le plus souvent différente selon la théorie de la causalité adoptée par les juges. Il y aura lien de causalité entre le fait du cycliste ou de l’automobiliste et le dommage (1 et 2) si on retient la théorie de l’équivalence des conditions. Si on prend la théorie de la causalité adéquate, il n’y aura pas de lien de causalité (1 et 2). Dans l’exemple 3, la solution sera la même dans les deux cas.

La jurisprudence n’a pas établit de principes généraux. Pas de choix entre les théories. La jurisprudence n’est pas unifiée. Cependant, dans la majorité des cas, la jurisprudence a une conception large de la causalité et elle retient le lien entre le dommage et le 1er fait générateur. Elle se rattache donc souvent, sans le dire, à la théorie de l’équivalence des conditions. C’est notamment le cas dans de nombreuses conditions où l’on a une personne blessée par un 1er fait générateur qui voit son préjudice s’aggraver à cause d’une faute médicale lors des actes médicaux nécessités par ce 1er fait. Lorsque plusieurs causes disproportionnées sont en concours, la jurisprudence retient que seule la faute la plus grave est la cause du dommage.

 

  1. En cas de fait générateur unique donnat lieu à des dommages en cascade :

Par exemple, il s’est vu en jurisprudence une personne victime d’un accident de la circulation et qui se suicide quelques mois après. Le problème ici se pose en termes de preuve sur la réalité du lien entre le fait générateur et le dommage invoqué. La suite de l’accident à conduit à un état dépressif chez la victime qui souffrait de sa diminution physique.

 

  • 3. La preuve du lien de causalité :L’art L414-3 à la place de 189-2

En principe, c’est à la victime demanderesse à l’action qu’il incombe de prouver ce lien de causalité. Cependant, la tâche probatoire de la victime se trouve facilité par la possibilité pour le juge de se fonder sur les présomptions du fait de l’homme de l’article 1353 Code Civil Ex : maladie suivant l’administration d’un vaccin défectueux. L’établissement du lien de causalité résultait jusqu’il y a peu d’un faisceau d’indices scientifiques et factuels. Les éléments médicaux, biologiques, objectifs rendant vraisemblables le lien entre le fait générateur d’un vaccin défectueux et le préjudice : la maladie. Les indices factuels quant à eux concernent le cas particulier de la victime (proximité temporelle entre la prise du produit et l’apparition de la maladie, l’absence apparente de cause autres de survenance de la maladie,…). Or, Cour de cassation, 24 janvier 2006 : problème de savoir s’il y avait un lien de causalité entre l’administration d’hormones de croissance et la maladie de Kreutzwald Jacob : PB car absence de démonstration scientifique.

Un vaccin contre l’hépatite B et développement de la sclérose en plaques, Cour de cassation, 3e civ, 2003 et 2007. Le Cour de cassation a assouplis sa jurisprudence en matière de préemption par 6 arrêts de la Cour de cassation, 1ère civ, 22 mai 2008 : elle estime que même si la preuve scientifique est impossible, les juges du fond peuvent se contenter, pour établir l’existence d’un lien juridique de causalité, de présomptions et indices factuels précis et concordants. Ces arrêts ont été confirmés à plusieurs reprises en 2009 (Cour de cassation, 1ère civ, 22 janvier 2009, 25 juin 2009, 9 juillet 2009 et 24 septembre 2009) L’existence de ces présomptions graves précises et concordantes est appréciée souverainement pas les juges du fond. Dans les affaires de 2009, les juges ont dans certains cas refusé de retenir l’existence de ces présomptions. Ils se montraient très exigeants. Le danger qui pointe ici est lié à l’appréciation souveraine du juge.

Par exception, il existe certaines présomptions de causalité qui opèrent renversement de la charge de la preuve. C’est notamment le cas en matière de contamination transfusionnelle par le VIH. Un fond de garantie spécial à été mis en place. Selon l’art L3122-2 CSP, dès lors que la victime établit qu’elle a subit une transfusion ou une injection d’un produit dérivé du sang et qu’elle établit également qu’elle est contaminée par le VIH, le lien entre la transfusion et la contamination est établi. C’est à ce fond de garantie de démontrer que la contamination a eu une autre cause. Cour de cassation, civ 1ère, 20 décembre 2007 : la personne avait reçu du sang de 4 donneurs, dont 2 étaient séronégatifs et les 2 autres n’avaient pas pu être contrôlés. Il était établi dans cette affaire qu’avant les transfusions, la personne actuellement séropositive, se droguait par voie intraveineuse. Cela ne suffit pas à détruire la présomption de lien de causalité.

 

Section 2. Solutions jurisprudentielles en cas de pluralité de causes :

L’une des causes élimine-t-elle toutes les autres ou l’existence d’autres causes n’exonère-t-elle pas l’auteur d’un fait générateur ?

  • 1. Plusieurs faits générateurs ont causé le dommage :

–          Dans quelle mesure la responsabilité des auteurs du fait générateur est-elle engagée ?

–          Question de la contribution à la dette.

 

  1. Obligation à la dette, « obligation in solidum » :

 Que peut demander la victime à chacun des co-auteurs ?

Selon une jurisprudence constante, la victime peut réclamer réparation de son entier préjudice à n’importe lequel des responsables : obligation in solidum. Elle n’a donc pas à diviser ses poursuites. Ce sera en général la personne la plus solvable. Par faveur pour la victime, la causalité est totale : chaque responsable doit réparer la totalité du préjudice.

De quelle théorie doctrinale s’inspire cette solution ?

Elle s’inspire de la théorie de l’équivalence des conditions.                 

 

  1. La contribution à la dette :

Le responsable qui a payé la totalité de l’indemnisation a un recours contre les autres auteurs du dommage : recours en contribution ou contributoire. Il doit diviser ses recours.

  1. Les fondements du recours :

Le fondement traditionnel du recours est la subrogation. C’est un mécanisme en vertu duquel la personne qui paye une dette qui ne lui incombait pas ou qui ne lui incombait qu’en partie acquiert les droits que la victime avait contre les autres débiteur. Il s’agit ici d’une subrogation légale visée à l’article 1251 3° Code Civil

–          Ce recours se prescrit par le même délai que celui de l’action de la victime. 

–          Un recours contre un auteur envers lequel la victime a renoncé à ses droits était exclu.

La jurisprudence a fini par reconnaitre au payeur une action personnelle contre les autres débiteurs : Cour de cassation, civ 1ère, 7 juin 1977 : elle peut être exercée même contre un débiteur que la victime avait renoncé à poursuivre.

 

  1. Les modalités du recours :

—         Les systèmes concevables :

–          La répartition égalitaire : répartition par parts viriles. Ex : 3 responsables, 3/3.

–          La répartition à proportion du rôle causal joué par chaque fait générateur.

–          La répartition d’après la gravité respective des fautes.

—         Quelle solution dans la jurisprudence ? il faut envisager plusieurs hypothèses :

–          Plusieurs responsables de plein droit : La jurisprudence dit que tous les responsables sont fautifs. Dans ce cas, la contribution est déterminée d’après la gravité respective des fautes.

–          Aucun responsable n’est fautif : répartition égalitaire.

–          Un responsable fautif et l’autre ne l’est pas : Si c’est le fautif indemnise la victime, il n’a aucun recours contre le non fautif. En revanche, si c’est ce dernier qui a indemniser la victime, il a un recours pour l’intégralité du paiement contre le fautif.

La jurisprudence fait primer l’équité sur la logique. Le fautif devrait bénéficier d’un recours subrogatoire car la victime avait une action contre le non fautif. Or, l’équité exige de faire peser le poids de la réparation sur le seul fautif.

 

  • 2. Un fait générateur et un fait de la nature ont causé le dommage :

—       Ex : inondation à cause d’un orage et à cause du fait qu’une digue ait été bâtie à un endroit inadéquat. C’est le système de tout ou rien. Soit on qualifie l’événement naturel de force majeure et à ce moment là, le défendeur est exonéré, soit l’événement ne revêt pas les conditions de la force majeure et la responsabilité du défendeur est totale.

  • 3. Un fait générateur de responsabilité et le fait de la victime ont causé le dommage :

         Ex : si le fait de la victime, qu’il soit fautif ou non peut être qualifié de cause étrangère, le défendeur est exonéré de sa responsabilité. En l’absence de faute étrangère, la faute de la victime exonère partiellement le défendeur. Une telle solution a toujours été admise quand la responsabilité du défendeur était recherchée sur le fondement de la faute.

En revanche, quand la responsabilité du défendeur était recherchée sur le fondement de l’article 1384 al 1er  (responsabilité du fait des choses), la solution n’est admise que depuis 1987. Dans un arrêt Cour de cassation, 2e civ, 21 juillet 1982, Desmares, on décide que la faute de la victime qui ne constitue pas une faute étrangère n’était pas une cause d’exonération partielle du gardien. Cela était une solution de faveur pour les victimes d’accident de la circulation puisque avant la loi Badinter, ces victimes étaient indemnisées sur le fondement de l’article 1384 al 1. Depuis l’adoption de cette loi en 1985, elle assure une protection efficace des victimes de la circulation et cette solution n’a plus eu lieu d’être : elle a été abandonnée par la Cour de cassation, 2e civ, 6 avril 1987, Arrêt Mettetal. L’exonération partielle du responsable est proportionnelle à la gravité de la faute de la victime. Le fait non fautif de la victime qui n’est pas une cause étrangère  n’est pas une cause d’exonération.

 

 

Section 3. La rupture du lien de causalité : la cause étrangère :

 

Tout événement qui présente les caractères de la force majeure exonère le défendeur : exonération totale. Ces événements présentant le caractère de la force majeure sont réunis par le terme de cause étrangère qu’il s’agisse de la de la faute ou du fait de la victime, qu’il s’agisse de la faute ou fait d’un tiers.

  • 1. Un événement imprévisible et irrésistible :

–          La jurisprudence et doctrine classique retenaient 3 caractères cumulatifs :

o        Imprévisibilité,

o        Irrésistibilité,

o        Extériorité.

Dans 2 arrêts de l’Ass plén, 14 avril 2006, la Cour de cassation ne mentionne plus la condition d’extériorité. Il semble qu’elle ne soit plus une condition de la cause étrangère.

–         La disparition de l’extériorité comme condition : celle-ci s’opposait à ce que la responsabilité d’une personne soit écartée en raison d’un événement interne et plus spécialement pour la responsabilité pour faute (maladie mentale), pour le fait des choses (indifférence du vice de la chose), ou du fait  d’autrui (maladie ou démence de l’auteur direct du dommage). Pourquoi ce n’est plus une condition de la cause étrangère ? C’est tout simplement parce que l’extériorité ne se situait pas sur le même plan que les deux autres conditions. Cela ne faisait qu’exprimer de manière négative les principes de la responsabilité personnelle, du gardien d’une chose et pour d’autrui.

–         L’irrésistibilité est l’impossibilité de surmonter l’événement. Elle est apprécier « in abracto ».

–         L’imprévisibilité s’analyse de la même manière mais est plus difficile à caractériser car dans l’absolu, rien n’est imprévisible.

Certains auteurs proposent que l’irrésistibilité soit seule constitutive de la cause étrangère, l’imprévisibilité n’étant qu’un simple indice de son caractère insurmontable. La jurisprudence n’a pas encore tenu compte de cette position doctrinale et continu d’exiger les deux conditions cumulativement.

 

  • 2. L’appréciation sévère de ces caractères par la Cour de cassation :

Ces critères sont appréciés avec beaucoup de sévérité : en jurisprudence, cette cause étrangère est très rare. La SNCF tente souvent d’invoquer cette cause sans y parvenir et certains auteurs parlent d’impossibilité de la cause étrangère. Ces décisions concernent souvent le fait de la victime.

–          Ex : comportement d’un voyageur arrivant tardivement sur le quai de la gare constate que le train qu’il veut prendre s’apprête à partir et monte donc dans le train en marche : comportement nullement imprévisible pour la SNCF et un tel comportement n’est nullement insurmontable car la SNCF dispose de moyens modernes : Cour de cassation, civ 2e, 21 décembre 2006.

–          Cour de cassation, 2e civ, 21 décembre 2006 : une personne veut s’arrêter à une gare intermédiaire. Or, le trajet est direct. Elle ouvre la porte et saute du train. Ce n’est pas imprévisible parce qu’il y a une manette qui peut être actionné pour déverrouiller les portes. Idem pour l’usager voulant échapper au contrôleur.

La Cour de cassation apprécie avec plus de souplesse les caractères d’imprévisibilité et d’irrésistibilité lorsque le fait de la victime est intentionnel. Ex : une personne se suicide sur une rame de métro. On juge le fait imprévisible.

 

  Conclusion :

Rapport entre responsabilité contractuelle et délictuelle dans l’avant projet Catala de 2005 : consacre la règle du non cumul des responsabilités, sauf en cas de dommage corporel. Dans ce cas, la victime peut opter en faveur des règles qui lui sont plus favorables. Ce projet permet également à un tiers au contrat de se prévaloir d’une inexécution d’une obligation contractuelle lui causant un dommage afin de demander réparation. Ce qui change c’est que le tiers est alors soumis aux règles de la responsabilité contractuelle. Il pourra toujours se poser sur le plan de la responsabilité extracontractuelle mais il devra apporter la preuve d’une faute délictuelle. C’est une exception à la règle du non cumul. On rétabli un équilibre.

 Sur la responsabilité du fait personnel :

Quant à la faute et au préjudice, pas de changement pour la faute, simplement, désormais, il y aurait une définition de la faute et du préjudice. La victime n’est pas tenue de limiter son dommage ou d’en éviter l’aggravation en faveur du débiteur de l’obligation mais, si elle en avait la possibilité par des moyens surs, raisonnables et proportionnés, il sera tenu compte de son abstention par une réduction de l’indemnisation, sauf si les mesures seraient de nature à porter atteinte à son intégrité physique.

On ne trouve pas de définition du lien de causalité. On a une définition de la cause étrangère, la force majeure (disparition de l’extériorité) mais persiste l’irrésistibilité tandis que l’imprévisibilité n’est pas toujours nécessaire. « La FM consiste en un événement irrésistible que l’agent ne pouvait prévoir ou dont on ne pouvait éviter les effets par des mesures appropriées. »

o        Les modifications quant aux solutions actuelles :

–          La victime dans l’avant projet, est privée de toute réparation lorsqu’elle a recherchée volontairement le dommage. Les critères de la cause étrangère ne sont pas à rechercher.

–          En cas d’atteinte à l’intégrité physique d’une personne, seule une faute grave de la victime peut entrainer une exonération partielle.

Exception : Ces règles ne sont pas applicables en cas de personne sans discernement.

 

Ci-dessous, d’autres cours de DROIT de la RESPONSABILITE CIVILE

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  Responsabilité délictuelle

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Le cours complet  Responsabilité civile délictuelle est divisé en 26 fiches

  1. Les évolutions récentes de la Responsabilité délictuelle
  2. L’action en responsabilité civile et responsabilité pénale
  3. Responsabilité contractuelle et délictuelle : critère et intérêt de la distinction
  4. De la responsabilité pour faute à la théorie du risque et la théorie garantie
  5. Les différents types de responsabilité délictuelle
  6. Le principe du non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle
  7. La Responsabilité pour faute : la gravité des fautes
  8. Responsabilité du fait personnel : la notion de faute (élément matériel et élément moral)
  9. Les caractères du préjudice réparable (certain, personnel, direct, légitime)
  10. Les différentes catégories de faute en Responsabilité délictuelle
  11. La réparation du dommage (modalité, évaluation du dommage…)
  12. La notion de préjudice
  13. La responsabilité en cas de pluralité de causes
  14. Existence et preuve du lien de causalité
  15. La cause étrangère
  16. Responsabilité du fait des choses : la notion de choses
  17. Responsabilité du fait des choses : le gardien
  18. Dommage des enfants, responsabilité des parents
  19. Responsabilités spéciales du fait des choses (incendie, animaux, bâtiments)
  20. La responsabilité du fait d’autrui : conditions et régime
  21. La responsabilité des enseignants pour le fait de leurs élèves
  22. La responsabilité des artisans du fait de leur apprenti
  23. La responsabilité du commettant
  24. Responsabilité du fait d’un produit défectueux
  25. Accidents de la circulation : Indemnisation et procédures
  26.  Accidents de la circulation : condition d’indemnisation

 

Partie II.  La responsabilité délictuelle du fait des choses :

 

ChapitreŒ. La responsabilité générale du fait des choses – article 1384 al 1 Code Civil

Cour de cassation, Civ, 16 juin 1896, arrêt Teffaine : c’est une responsabilité de plein droit (principe posé par l’Arrêt Jand’heur, 3 janvier 1930 : le gardien ne peut pas s’exonérer en prouvant l’absence de faute). Seule cause exonératoire : la cause étrangère (exonération totale) et faute de la victime (exonération partielle). Egalement exonération totale, en cas d’acceptation des risques pas la victime en matière sportive.

Section 1ère : les conditions de la responsabilité :

  • 1er. Les choses visées par l’article 1384 al 1er:
  1. La généralité du terme « chose » :

Pratiquement toutes les choses sont aujourd’hui visées. Dès la découverte de l’article 1384 al 1er, la jurisprudence et la doctrine ont tenté de limiter le champ d’application de cette responsabilité : seules seraient concernées les choses affectées d’un vice, puis seuls les meubles et non les immeubles, seules seraient concernées les choses dangereuses, seules les choses ayant causé un dommage sans intervention de l’homme. Ces tentatives ont échoué. On voit cela dans l’arrêt Jand’heur qui refuse de distinguer selon que la chose est viciée ou non et actionnée ou non par la main de l’homme. Cette responsabilité s’entend de toute chose matérielle. La chose visée semble même franchir les frontières des biens matériels puisque le TGI de Paris, le 27 février 1991, a considéré que l’article 1384 al 1er était applicable à des images de télévision.

  1. Les choses exclues :

Deux ordres de choses :

Les choses sans maître : les « res nillius ». On parle des res nullius. Ex : les animaux non domestiques comme le gibier vivant en liberté, certaines affaires retiennent que la neige sur le toît n’appartient pas au gardien de la maison. En revanche, les res derelictae qui sont les choses abandonnées sont visées à l’article 1384 al. 1.

  • —        Les choses soumises à un régime de responsabilité spécial et exclusif :

–          les choses incendiées (article 1384 al 2 Code civil) ;

–          les animaux ;

–          Les véhicules terrestres à moteur (VTM) : régime spécial et exclusif : loi de 1985 ;

–          Les navires en cas d’abordage : régime spécial et exclusif : loi de 1934 ;

–          Les téléphériques : régime spécial et exclusif : loi de 1941 ;

–          Les matières radioactives.

–          Les produits défectueux : CJCE, 25 avril 2002 : si on en tire toutes les conséquences, la victime d’un produit défectueux ne peut plus agir sur le fondement de l’article 1384 al 1.

En revanche, la chose peut être dans certains cas un immeuble en ruine bien qu’il fasse l’objet d’une disposition spéciale (article 1386 Code civil) car la jurisprudence déclare l’article 1384 al 1 applicable à un immeuble en ruine à la condition que l’action en responsabilité soit intentée contre une personne autre que le propriétaire de l’immeuble.

  • 2. Le rôle de la chose dans la production du dommage :
  1. Le critère du rôle actif de la chose :

Tout fait de l’homme qui cause un dommage n’engage pas la responsabilité de l’auteur. Il faut que le comportement soit anormal, qu’il constitue une faute. De la même façon, tout fait de la chose qui cause un dommage n’engage pas la responsabilité du gardien. Il faut que la chose ait eu un rôle actif dans la survenance du dommage. Une chose inerte peut avoir, comme une chose en mouvement, un rôle actif. Une chose qui n’entre pas en contact avec le siège du dommage peut tout à fait avoir un rôle actif également.

Le critère est l’anormalité de la chose qui peut prendre trois formes :

–          Un comportement anormal (chaudière qui explose, porte automatique qui ne s’ouvre pas, etc.)

–          Un état anormal de la chose (sol anormalement glissant, etc.)

–          Une position anormale de la chose (jardinières posées au bord d’un balcon dénué de rambardes de protection, fil de fer tendu au milieu d’un chemin, etc.

Par de nombreux arrêts, jusqu’en 2005, conception extensive du fait de la chose : exigence de l’anormalité écartée : il y avait fait de la chose dès lors que la chose avait été l’instrument du dommage, de quelque façon que ce soit. Cela était fréquent en cas d’accidents dus au heurt de paroi vitrée. La jurisprudence semble être revenue au critère de l’anormalité par deux arrêts de la Cour de cassation, 2e civ, 24 février 2005, qui ont été confirmés pas la suite. Dans l’un de ces arrêts, il était question du heurt d’une paroi vitrée par une victime : on retient la responsabilité de la porte vitrée pour l’état anormal de la paroi : fragilité anormale car brisée par le petit choc de la victime.

 

  1. La preuve du rôle actif de la chose :

Il incombe normalement à la victime de prouver le fait de la chose. Elle doit prouver que la chose est intervenue dans la réalisation du dommage et que cette chose présentait une anormalité (comportement, état ou position). Par faveur pour la victime, la jurisprudence a admis, sous certaines conditions, une présomption du rôle actif de la chose.

  1. Le domaine de la présomption :

Elle joue quand sont réunies deux conditions : il faut d’une part que la chose ait été en mouvement (escalator, etc.) et d’autre part que la chose soit entrée en contact avec le siège du dommage. La Cour de cassation a pendant un temps, adopté une conception extensive du rôle actif de la chose. En présence de chose inerte, elle raisonnait comme si le rôle actif de la chose était présumé sans reprendre le critère de l’anormalité. Dès lors que la chose avait participé à la réalisation du dommage, elle était considérée, sans plus de preuve, comme l’instrument du dommage. Elle revient avec un arrêt du 24 février 2005 à la jurisprudence classique d’une conception stricte : une chose en mouvement + contact avec le siège du dommage.

  1. Les effets de cette présomption :

Tout d’abord, le fait de la chose est établit donc la victime n’a pas à prouver l’anormalité de la chose. Ensuite, il y a un retentissement sur le lien de causalité entre le fait de la chose et le dommage subi. Ce fait explique la survenance du dommage. Le rôle causal est également présumé.

  1. La force de cette présomption :

Elle est irréfragable car il n’est pas possible pour le gardien de la chose de la renverser en démontrant le rôle passif de la chose.

 

Section 2. Le responsable, le gardien :

  • 1er. Le principe, un gardien unique :
  1. La notion de garde :
  2. Les critères de la garde :

La garde apparait à l’article 1384 al 1 mais sans définition. La jurisprudence pose les critères de la garde. Cette question a été tranchée en 1951 pas la Cour de cassation.

  1. Deux conceptions de la garde de la chose :

1ère conception : «  théorie de la garde matérielle » : le gardien est celui qui, en fait, surveille la chose, qui la détient matériellement. La personne circulant sur sa bicyclette en est le gardien matériel. Inconvénient : Quand la chose était confiée par un commettant à son préposé, le préposé était le gardien. Or, il n’utilise pas la chose dans son intérêt et pour son propre compte : injuste qu’il soit responsable.

2ème conception : « théorie de la garde judiciaire » : le gardien est celui qui a un titre juridique sur cette chose. Peu importe que le gardien exerce lui-même son droit ou qu’il le fasse par l’intermédiaire d’un préposé. Le gardien est le propriétaire, locataire, emprunteur de la chose. Celui qui n’a aucun titre n’est pas gardien même s’il détient matériellement la chose. Même un voleur ne peut pas être gardien de la chose dans cette théorie. La responsabilité est la contrepartie de la prérogative juridique reconnue.

 

  1. Les critères posés en 1951 par l’arrêt Franck: Il y avait eu vol d’automobile et le voleur n’a pas été retrouvé. La voiture écrase une personne qui meurt. Le propriétaire n’est pas responsable puisque privé de l’usage, du contrôle et de la direction de la voiture, il n’en avait plus la garde.                                     Depuis cet arrêt, — 3 éléments caractérisent la garde :

–      l’usage (se servir de la chose)

–      la direction (liberté dont la personne jouit quant à l’utilisation de la chose. pouvoir autonome de la personne sur la chose).

–      le contrôle de la chose (maitrise matérielle de la chose, faculté dont dispose la personne d’empêcher la survenance du dommage).

La jurisprudence avait posé avant cela le principe de l’incompatibilité des qualités de gardien et de préposé : Cour de cassation, civ, 27 février 1929. Confirmation dans la jurisprudence Franck car un préposé ne peut pas avoir la direction de la chose. Ces 3 critères doivent s’apprécier de manière objective. Peu importe que le gardien soit doté ou non de discernement : l’aliéné mental et l’infans peuvent être gardien : Ass Plén, 9 mai 1984, Gabillet : un enfant sur une balançoire à éborgner son camarade avec un bâton.

La conception de la garde adopté par la jurisprudence depuis l’arrêt Franck, n’est ni la garde matérielle, ni la garde juridique. Cette dernière n’est pas adopté, il ne faut pas de titre pour être gardien. La garde matérielle n’est pas totalement admise non plus car par exemple, le préposé ne peut pas être gardien, même s’il détient matériellement la chose.

La direction vise le pouvoir autonome de la personne sur la chose, donc la liberté dont elle jouit quant à l’utilisation de la chose. A ce titre, la jurisprudencee a posé la règle dite de l’incompatibilité des qualités de gardien et de préposé (Civ, 27/02/1929). En cas de dommage causé par le fait d’une chose manipulée par un préposé, c’est le commettant qui est gardien de la chose. Ces éléments doivent être appréciés de manière objective, c’est-à-dire que peu importe que le gardien soit ou non doté de discernement. L’aliéné mental peut être gardien en vertu de l’article 489-2. De même, l’infans peut être gardien. C’est ce qu’a affirmé l’un des arrêts de l’assemblée plénière du 09/05/1984, Gabillet. Dans cette affaire, il s’agissait d’un enfant de 3 ans qui été juché sur une balançoire improvisée et qui éborgne avec un bâton un petit camarade.Certains auteurs estiment que pour la garde, cela n’est pas très cohérent, dans la mesure où un enfant de trois ans est censé maîtriser la chose dont il détient selon cette conception, tandis que le préposé ne sera jamais gardien. Sur ces critères de la garde, la conception de la garde qui est consacrée par la jurisprudencece depuis l’arrêt Franck n’est ni la garde matérielle, ni la garde juridique. Il s’agit d’une conception intermédiaire. Clairement, ce n’est pas la consécration de la garde juridique puisque le propriétaire n’est pas le responsable. En cas de vol, le propriétaire n’est plus gardien. La garde matérielle n’est pas admise dans son intégralité puisque le préposé n’est pas gardien. Toutefois, cette preuve n’est pas toujours nécessaire pour la victime, puisqu’il y a une présomption de garde.

  1. Le propriétaire, gardien présumé :

Il y a une présomption de garde institué par la jurisprudence à la charge du propriétaire car statistiquement, c’est ce qui est le plus souvent constaté. Solution logique car le droit de propriété confère tous les pouvoirs sur une chose. Ainsi, le propriétaire est souvent la personne qui exerce ces pouvoirs. C’est une présomption simple que le propriétaire peut renverser en démontrant qu’au moment du dommage, il n’avait plus l’usage, le contrôle et la direction de la chose. Il n’avait plus la totalité de ces caractères de la garde. Cette présomption est utile quand on ne trouve pas le gardien : utile pour la victime qui sera indemnisée par le propriétaire.

 

  1. Les transferts de garde :
  2. Transfert volontaire :

Le propriétaire peut confier la garde à une autre personne. Il ne suffit pas de remettre la chose ou d’invoquer sans aucune démonstration le contrat qui serait passé entre le gardien initial et une tierce personne. Il faut pouvoir constater qu’au moment du dommage, les pouvoirs effectifs d’usage, de contrôle et de direction ont été transmis à ce tiers. En général, les contrats de bail, de dépôt, de prêt à usage emportent ce transfert. Si le nouveau détenteur utilise la chose mais reste soumis aux directives du gardien initial, il ne devient pas gardien car il n’a que l’usage et non le contrôle et la direction.

  1. Perte involontaire de la garde

Il peut y avoir transfert de garde sans volonté du précédent gardien. Ex : vol, usurpation de chose par un préposé (préposé qui utilise dans son intérêt personnel la chose qui lui avait été confiée devient gardien), etc.

Il faut noter que la conscience n’est pas un critère de la garde : elle est objective.

La garde est en général indivisible (pour une chose, il n’y a qu’un gardien) et alternative (à un moment donné, un seul gardien).

  • 2 : Les exceptions : la pluralité de gardien :

             En général, la garde est indivisible et alternative. Indivisible car elle porte sur la chose dans son ensemble et alternative, puisque le gardien peut changer dans le temps par le jeu des transferts de garde, mais normalement, à un moment donné, il n’y a qu’un seul gardien.Ces principes subissent des exceptions.

 

  1. La division de la garde de la structure et de la garde du comportement :
  2. L’exposé de la notion :

Parmi les éléments de la garde, il y a le contrôle qui est la faculté d’empêcher la chose de nuire à autrui. Ce qui fait qu’on peut en déduire que la qualité de gardien pourrait tout à fait être attribuée à des personnes différentes selon l’origine du dommage. Ex : produits dangereux explosent durant leur transport. Il serait logique de dire que c’est le transporteur qui est gardien car il bénéficie à la suite du contrat de transport des prérogatives d’usage, de contrôle et de direction de la chose. Il devrait répondre des dommages causés. Ce raisonnement est pleinement justifié si l’explosion est due à un mauvais arrimage des produits qui a entrainé des secousses et des chocs. S’il y avait un vice de ces produits ayant entrainé l’explosion, la thèse du transporteur gardien ne tient plus car il n’avait aucun pouvoir de contrôle interne lui permettant d’éviter le dommage. A partir de ce raisonnement, la doctrine et la jurisprudence ont distingué, pour dire qu’il pouvait y avoir plusieurs gardiens pour une même chose, selon l’origine du dommage. Il peut y avoir un gardien du comportement de la chose. Dans notre exemple, c’est le transporteur. Il y a un autre gardien : le gardien de la structure : il s’agit ici du fabriquant ayant conçu le mécanisme interne de la chose.

  1. Le domaine d’application :

La jurisprudencece applique la distinction des deux gardes à propos d’accidents causés par des choses dotées d’un dynamisme propre susceptible de se manifester dangereusement. La première affaire a avoir admis cette distinction des deux gardes et l’affaire Oxygène liquide qui impliquait les faits exposés précédemment (1956 et 1960). Le domaine est délimité de manière assez vague. En pratique, si on étudie la jurisprudencece, il s’agit surtout d’explosion de produits gazeux contenus dans des récipients clos (bouteilles de gaz, boissons gazeuse, aérosols et extincteurs). Il y a application à l’explosion d’un téléviseur.Selon la jurisprudencece, dès lors que l’on se trouve dans ce domaine de distinction,, il y a une présomption simple que le dommage trouve sa cause dans un vice interne de la chose. La garde de la structure a ainsi pu être attribuée au fabricant mais aussi au vendeur et également de manière plus curieuse au loueur de la chose. C’est donc au gardien de la structure de démontrer que l’accident résulte d’un maniement défectueux de la chose. La jurisprudencece dans certaines affaires a reconnu également qu’il pouvait y avoir partage de responsabilité entre le gardien de la structure (fabricant) et la victime gardienne du comportement.

  1. Le devenir de la notion :

La victime ne peut plus actuellement rechercher la responsabilité du fabriquant sur le fondement de la garde de la structure. Quand est en cause un produit défectueux, seules les dispositions de l’article 1386-1 et s sont applicables. Le produit défectueux ne peut être qu’un bien meuble. Le contentieux concerne en majorité des biens meubles.

 

  1. La garde exercée en commun :

Par faveur pour la victime, la notion de faute collective a pu être retenue  par la Cass. Il en va de même pour la garde collective. Il faut également ajouter que la Cour de Cassation semble ici montrer moins de réticence à admettre la garde collective que la faute collective et les arrêts sont plus nombreux. Dans une affaire de chasse, des chasseurs ayant tiré ensemble, des chasseurs ont été jugés cogardien de la gerbe de plomb (arrêt de 1966, plus d’actualité car fond d’indemnisation des accidents de la chasse).En matière de sports collectifs a été également retenue cette notion de garde collectif (football, basket, hockey, tennis).On peut citer aussi des affaires concernant des mineurs jouant avec des allumettes et des briquets et allumant un feu.  Quel est le critère de la garde collective ? Des divers arrêts mentionnés, il ressort 3 conditions :              – il faut que les personnes aient participé à une activité commune             – ils doivent avoir exécuté des actes connexes et inséparables : il ne faut pas qu’il soit possible d’isoler une action autonome de tel ou tel participant au moment de la survenance du dommage. Cette condition faisait défaut dans une affaire Civ2, 19/02/06 : dans le but de s’éclairer ou par jeu, trois enfants avait confectionné des torches avec du foin, l’un d’eux se brûle et lâche sa torche. La chute de cette torche provoque un incendie et entraîne la destruction du hangar. La CA retient la notion de garde collective car elle estime que tous les enfants ont participé à une même action. Or, la CA avait relevé que les enfants avaient confectionné les torches, les avaient allumées, mais ensuite 2 enfants avaient éteint les torches. La Cour de Cassation casse l’arrêt puisqu’elle considère qu’au moment de l’embrasement du foin, un seul enfant exerçait les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction.             – il ne faut que l’un des participants exerce un rôle prépondérant : ainsi, la jurisprudencece a refusé d’admettre que l’équipage d’un voilier avait collectivement la garde du navire. Elle a estimé que c’est le skipper qui est gardien du navire. C’est le skipper en effet qui dirige les manœuvres.  Quel est le régime de cette responsabilité fondée sur une garde collective ? Les co-gardiens sont responsables in solidum envers la victime. L’un des gardiens peut échapper à sa responsabilité, mais en démontrant que le dommage ne peut matériellement provenir de son fait.  Ex : dans les affaires de chasse : le gardien pouvait montrer qu’il utilisait des plombs d’une certaine marque qui ne correspond par au plomb retrouvé sur la victime. Ces hypothèses de garde collective sont bénéfiques pour la victime, lorsqu’elle n’est pas cogardienne. Si la victime est cogardienne, ce régime se retourne contre elle, puisque la jurisprudencece refuse qu’elle agisse en réparation contre les autres cogardiens (Civ 2, 25/11/1999). Elle ne pourra pas bénéficier d’une responsabilité objective. Elle devra trouver une faute d’un des autres cogardiens.  Il peut y avoir plusieurs fondements à une action en responsabilité. Ex: chose positionnée de manière anormale. Il faut indiquer les moyens à disposition de la victime : faute d’imprudence (1382 et 1383) et garde de la chose. Le fondement de la responsabilité objective est plus avantageux, car il n’y a pas de faute à prouver.La jurisprudencece estimait au départ que le jeu de l’article 1384 al. 1 était subsidiaire. La victime ne pouvait fonder son action sur cet article que s’il n’existait pas de faute. Aujourd’hui la solution est totalement abandonnée. L’article peut être invoqué alors même qu’il y a une faute. La victime peut agir sur les différents fondements.


 

Chapitre. Responsabilités spéciales du fait des choses : Choses incendiées, animaux et bâtiments :

 Cette distinction existe depuis 1804. Ce sont les cas jugés les plus dangereux et où la faute paraissait la plus difficile à établir, d’où un régime de faveur pour la victime d’un dommage causé par un bâtiment, un animal, etc. la responsabilité des choses incendiée n’existe que depuis une loi de 1922.

Section 1. Responsabilité du fait des choses incendiées  (1382 al.2):

  • 1er. Les conditions de mise en œuvre de cette responsabilité :

Il faut établir une faute du détenteur de la chose ou une faute des personnes dont il est responsable. Les assureurs étaient inquiets de la charge d’indemnisation qui allait peser sur eux si on appliquait la responsabilité du fait des choses. On fait donc pression pour un système différent.

Le responsable est le détenteur du bien : personne qui avait la maitrise de ce bien à la date du sinistre. Il faut un incendie pour que joue l’article 1384 al 2 (inflammation accidentelle).

  • 2. Le domaine d’application :

Il faut que l’incendie ait causé des dommages à l’extérieur de ce bien. Il faut une personne blessée. Il faut un incendie, l’incendie s’entend d’une inflammation accidentelle. Si un feu est allumé volontairement, l’article 1384 al2 Code civil ne joue pas et il faudra se fonder sur l’article 1384 al1 Code Civil article 1384 al2 Code Civil Régime moins intéressant que celui de l’article 1384 al 1er Code civil car il est fondé sur la faute prouvée.

Le responsable est le détenteur du bien c-à-d la personne qui avait la maitrise de ce bien à l’époque du sinistre. La cause première de l’incendie peut être liée à un autre bien que celui détenu par le détenteur.

Ex : une personne blessée dans un incendie, elle sera indemnisée sur 1384 al1 Code civil car les dommages doivent s’être produits hors du bien incendié. Le dommage causé n’est pas nécessairement lié à la propagation du feu (il peut naitre des fumées et chaleurs qui se dégagent de l’incendie).

 

Section 2. La responsabilité du fait des animaux :

Elle est visée à l’article 1385 qui dispose “le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert pendant qu’il en l’usage est responsable des dommages causé par l’animal qui soit sous sa garde ou qu’il se soit échappé”.Les conditions et le régime sont calqués sur ceux de l’article 1384 al. 1 qui pourtant est apparu postérieurement. Le régime est exactement le même, c’est une responsabilité de plein droit avec les mêmes causes d’exonérations que le fait des choses. Il n’y a pas pratiquement rien à dire sur les conditions qui sont presque similaires : il y a une exclusion des res nullius.  En revanche, les animaux sauvages par exemple de cirque sont soumis à l’article 1385. Il y a la même condition du rôle actif de l’animal.S’agissant du responsable, les solutions sont équivalentes en dépit d’une formulation différente. Le propriétaire est ici désigné légalement comme le responsable, mais il y a une alternative : à défaut du propriétaire, il s’agit de la personne qui se sert de l’animal. Elle est responsable pendant qu’il est à son usage. La jurisprudencece reprend les critères de la garde pour définir ce qu’est la personne qui se sert de l’animal. Celui qui se sert de l’animal est celui qui a les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. Les circonstances du dommage sont précisées : peu importe que l’animal ait été sous la garde immédiate du responsable (ex : un chien en laisse) ou que l’animal se soit égaré ou échappé.

 

Section 3. La responsabilité du fait des bâtiments :

article 1386 Code civil : le responsable est le propriétaire et uniquement le propriétaire du bâtiment.

  • 1er. Les conditions de la responsabilité :

A –    Un bâtiment :

Il faut un bâtiment, selon la jurisprudence : tout ouvrage ayant un caractère immobilier, édifié avec des matériaux quelconques et incorporés au sol d’une façon permanente.

Il faut que cet ouvrage ait un caractère immobilier. Le bâtiment comprend l’édifice immobilier et les meubles associés au bâtiment.

B –    La ruine du bâtiment :

C’est la chute de la construction ou dégradation d’un élément mobilier ou immobilier qui y est incorporé de façon indissoluble (ex : chute d’une tuile).

En revanche, le simple basculement d’un immeuble adjacent ne constitue pas une ruine = Cour de cassation, 2e civ, 16 octobre 2008.

C –    L’origine de la ruine :

La victime doit prouver cette ruine. Elle doit aussi établir que la ruine provient d’un défaut d’entretien, ou d’un vice de construction : responsabilité du proprio ne peut pas être mise en jeu si la ruine provient d’une force majeure : événement naturel, imprévisible, et irrésistible. Evénement auquel un bâtiment normalement construit et entretenu n’aurait pas résisté

 

  • 2. L’exonération du propriétaire :

L’article 1386 ne mentionne pas les causes d’exonération, donc cause d’exonérations de droit commun :

–          Cause étrangère : Exonération totale.

–          Faute de la victime qui n’est pas une cause étrangère : exonération partielle

Il paraît difficile de faire état d’une cause étrangère. On a des conditions restrictives en l’espèce, donc si la ruine est due à une tornade, la condition de l’origine de la ruine n’est pas remplie. Il n’y a pas de responsabilité. On ne parle d’exonération que quand les 3 conditions sont réunies.

 

  • 3. Domaine de la responsabilité au regard de l’article 1384 al 1er:
  1. Les conditions de l’article 1386 ne sont pas remplies :

Par exemple, il n’y a pas de chute de l’immeuble mais simple basculement. L’article 1386 Code civil n’est pas applicable. La victime peut alors agir sur le fondement de l’article 1384 al 1 Code Civil L’appréciation stricte des conditions de l’article 1386 Code civil permet le jeu de ce dernier.

B    Les conditions de l’article 1386 sont remplies :

Nous sommes ici face à un bâtiment en ruine. L’article 1386 Code civil est applicable. Le problème qui se pose pour la victime est que les conditions de cet articles sont plus sévères que celle de l’article 1384 al 1. La victime de la ruine de bâtiment est moins bien traité que la victime d’une chose quelconque.  En 1804, les victimes de la ruine d’un bâtiment bénéficiaient d’un régime de faveur par rapport à la faute qui existait à l’époque. Or aujourd’hui, la situation s’est inversée. Les victimes de la ruine d’un bâtiment souhaitent l’abrogation de cet article et la doctrine postule une option donnée à la victime entre les deux articles. Or, la jurisprudence ne va pas jusque là.

Cependant, Cour de cassation, 2e civ, 23 mars 2000 : la haute juridiction a tout de même assoupli sa position sur l’application de l’article 1384 al 1. Il faut distinguer deux situations.

–          1°. Dès lors qu’il y a ruine du bâtiment et que le propriétaire a également la qualité de gardien, la victime ne dispose que d’une seule action contre le propriétaire fondé sur l’article 1386 Code Civil

–          2°. Le propriétaire n’est pas le gardien du bâtiment en ruine. C’est par exemple le cas d’un bâtiment loué ou grevé d’usufruit. La victime dispose alors de deux actions.

—     Une action contre le propriétaire sur le fondement de l’article 1386 Code Civil

—     Une action contre le gardien non propriétaire du bâtiment fondée sur l’article 1384 al 1.

 

  Conclusion 

La responsabilité de l’article 1384 al 1 et la responsabilité du fait des animaux sont fondées sur le risque. Le gardien assume les risques du dommage lié à la chose. Ce qui est plus délicat, c’est la responsabilité du fait des bâtiments, fondé à la fois sur la faute et sur l’idée de risque. Par le biais du défaut d’entretien, on pense retenir une faute sous-jacente.  Ex : A achète une maison et B est blessé le lendemain de l’achat par un écroulement de toiture. Qui est responsable ? C’est A, or ici, il n’y a pas de défaut d’entretien à sa charge. Il pourra se retourner contre le vendeur mais il devra réparer le dommage de B mais ce vice n’est pas du à une faute du propriétaire. On assume ici le risque de la faute commise par un tiers. Pour l’avenir, rien de précis dans le rapport parlementaire. Or, dans l’avant projet, les responsabilités spéciales du fait des animaux et du fait des bâtiments seraient supprimées car d’une part celle des animaux est devenue inutile car aujourd’hui calquée sur la responsabilité de base et d’autre part, parce que la responsabilité du fait des bâtiments en ruine est devenue injuste.

 

Partie Ž : La responsabilité du fait d’autrui :

 L’article 1384 Code civil : en 1804, l’alinéa 1er était un article d’annonce pour présenter les différentes responsabilités du fait des choses et du fait d’autrui qui étaient conçus comme des cas d’exception. Le principe restait celui de la responsabilité du fait personnel. Les responsables étaient les parents du fait de leurs enfants mineurs, les commettants du fait de leurs préposés, les instituteurs de leurs élèves, les artisans du fait de leurs apprentis. Soit l’auteur avait été mal éduqué (parents et artisans), mal surveillé (parents, instituteur et artisan) ou encore mal choisi (commettant).  La 1ère manifestation a été que le régime de responsabilité initialement prévu a été modifié. Les responsabilités du fait d’autrui sont des responsabilités objectives, sauf pour les instituteurs. Cent ans après la responsabilité du fait des choses (arrêt Teffaine), apparition d’un principe général de responsabilité du fait d’autrui avec Ass plén, Blieck, 29 mars 1991.

 

Chapitre Œ : La responsabilité des parents de leur enfant mineur :

Al 4 (conditions) et 7 (nature de la responsabilité et les causes d’exonération) de l’article 1384 Code Civil C’est une responsabilité sévère car ses conditions sont faciles à mettre en jeu tandis que l’exonération est très délicate.

Section 1. La nature de la responsabilité :

Selon l’article 1384 al 7 : « Les parents sont responsables à moins qu’ils ne prouvent qu’ils n’ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité ». Depuis 1804, doctrine et jurisprudence avaient déduit de cette disposition que la responsabilité des parents reposait sur une présomption de faute dans l’éducation et la surveillance de l’enfant. Le seul fait que l’enfant a causé un dommage faisait présumer que les parents ne l’avaient pas correctement éduqué ou surveillé. Il s’agissait d’un système de présomption simple de faute et les parents pouvaient donc s’exonérer en démontrant qu’ils n’avaient pas commis de faute ni de surveillance, ni d’éducation. Le système était simple pour la faute de surveillance, car les contours sont assez simple à tracer. La preuve de l’absence de faute d’éducation était plus délicate, car il y a avait des difficultés à définir la faute d’éducation.    Le système actuel est différent, puisque l’arrêt Bertrand rendu par la 2ème chambre civile le 19 février 1997, a modifié la nature de la responsabilité. Il ne s’agit plus d’une responsabilité pour présomption de faute mais d’une responsabilité de plein droit ou encore responsabilité objective ou encore présomption de responsabilité. Les mères et mères désormais ne peuvent plus s’exonérer par le preuve de leur absence de faute. Les seules causes d’exonérations sont la cause étrangère ou la faute de la victime. Il est plus compliqué pour les parents d’échapper à leur responsabilité. Cette évolution affecte les conditions mêmes de la responsabilité.  

Section 2. Les conditions de la responsabilité des père et mère :

  • 1. Les conditions relatives à l’enfant :
  1. La minorité de l’enfant :

Il faut que l’enfant soit mineur au moment où il cause le dommage. Il ne doit pas non plus être émancipé. Face à un dommage causé par un majeur ou un mineur émancipé, les parents ne pourraient pas être inquiétés sur le fondement de l’article 1384 al 4, mais que sur l’article 1382 et 1383 Code Civil

  1. Le fait causal de l’enfant :

La responsabilité des parents a longtemps été dérivée. Pour qu’elle soit engagée, il fallait que par son fait ou par une chose dont il était gardien, l’enfant engage d’abord sa propre responsabilité. Clairement, un fait générateur de la responsabilité de l’enfant était nécessaire. Ce fait était soit une faute (article 1382 et 1383), soit le fait d’une chose dont il était gardien (article 1384 al 1 ou 1385 pour un animal). La victime pouvait n’agir que contre les père et mère mais à la condition d’avoir prouver la responsabilité de l’enfant. Elle pouvait agir contre les deux (parents et l’enfant) et ils étaient tenus « in solidum ». Enfin, elle pouvait n’agir que contre l’enfant, mais c’était rare car il était souvent insolvable. Il s’agissait d’un système d’addition de responsabilité et celle des parents garantissait l’insolvabilité de l’enfant, responsable primaire.

Aujourd’hui, c’est une responsabilité directe, encourue alors même que le fait dommageable n’engage pas la responsabilité de l’enfant. La jurisprudence actuelle se contente d’un fait causal de l’enfant, c-à-d d’un fait qui a causé directement le dommage. Cette solution avait déjà été posée par l’Ass plén, Fullenwarth, 9 mai 1984. Or, la portée de l’arrêt a été discutée car rendu en même temps que la solution sur le problème juridique de l’imputabilité morale. Pourtant, le principe était clair.

Le doute a été levé par Cour de cassation, 2e civ, Lever, 10 mai 2001 : un élève avait été blessé au rugby par un plaquage régulier. Les juges du fond disent qu’il n’y a pas manquement aux règles du jeu. Les juges du fond excluent donc la responsabilité de l’enfant et considèrent par conséquent qu’il n’y a pas lieu d’examiner la responsabilité des parents. Ils s’en tiennent à la conception classique de la responsabilité parentale : responsabilité dérivée. Cour de cassation casse l’arrêt de la CA : « La responsabilité des parents n’est pas subordonnée à une faute de l’enfant. » Cette solution a été reprise dans des arrêts postérieurs dont deux arrêts rendus le même jour par l’Ass plén, 13 janvier 2002 mais elle n’en est pas moins critiquable. Elle est certes inspirée par le souci louable d’indemnisation de la victime, mais elle est injuste et illogique voire même paradoxale car s’ils avaient été auteurs directs du dommage, ils n’auraient pas engagé leurs responsabilité alors que si c’est leur enfant qui a causé le dommage, bien que lui-même non fautif, les parents engagent leur responsabilité.

  • 2. La condition relative aux parents, l’autorité parentale :

Tout d’abord, la filiation doit être établie juridiquement.

Si les deux parents ont tout deux l’autorité parentale sur l’enfant, ils sont solidairement responsables du dommage causé par lui s’ils remplissent chacun la condition de cohabitation. Lorsque les deux parents ont établis tout deux leur filiation envers l’enfant, principe d’autorité exercée en commun : article 372 Code Civil La séparation des parents n’a ici aucune incidence : article 373 Code Civil

Si un seul des parents a l’autorité parentale, seul ce dernier est responsable sur le fondement de l’article 1384 al 4, sous réserve que les autres conditions soient remplies. Ex : décès d’un parent (article 373-1 Code civil), également il peut y avoir un retrait de l’autorité parentale à l’un des parents (article 378 et s Code civil), ou impossibilité pour l’un des parents de manifester sa volonté en raison de son absence ou de son incapacité. Un majeur protégé sous curatelle n’est pas privé de son autorité parentale : CA de Caen, 2 février 2006 : les juges ont considéré que l’incapacité de l’individu ne lui retire pas sont autorité parentale.

Les conditions de l’établissement de la filiation : il faut qu’elle ait été établie plus (moins ?) d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est établie à l’égard d’un autre parent. Si un seul des parents a la filiation, seul le parent ayant établi en 1er sa filiation reste investi de l’autorité parentale. Pour qu’il y ait une autorité conjointe, il faudra une déclaration conjointe des parents ou bien une décision judiciaire (article 372 al 3 Code civil).

L’incidence exceptionnelle de la séparation des parents : en principe, pas de conséquences mais par exception, le juge peut confier à l’un des parents seulement, l’autorité parentale dans l’intérêt de l’enfant (article 372-3 Code civil). Pour tous ces cas, hormis le décès de l’autre parent, pour engager la responsabilité du parent non titulaire de l’autorité parentale sur l’enfant, la victime devrait prouver à son encontre une faute et elle devrait fonder son action sur les article 1382 et 1383 Code Civil Si aucun des parents n’a l’autorité parentale, personne ne sera responsable sur le fondement de l’article 1384 al 4 : jurisprudence refuse d’appliquer ce texte aux grands-parents ou au tuteur légal. Or, ceux-ci pourraient engager leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité générale du fait d’autrui (article 1384 al 1).

  • 3. Condition de la cohabitation :

Elle ressort de l’al 4 de l’article et elle a changée dans sa notion. Ce changement est lié au changement net de la nature de la responsabilité. Tant que la responsabilité parentale était fondée sur une présomption de faute, la cohabitation était concrète : communauté de vie effective entre l’enfant et son/ses parent(s). La solution était logique car les parents ne pouvaient être présumés fautifs dans l’éducation ou la surveillance de leur enfant que s’ils avaient eu les moyens concrets d’exercer sur lui leur autorité. Dans le cadre de ce régime, la condition de cohabitation n’était plus remplie quand la communauté de vie avait cessé pour une période assez longue et pour une cause légitime. Ex : enfant envoyé en pension. En revanche, la fugue de l’enfant n’était pas de nature à faire cesser la cohabitation (défaut de cause légitime).

Depuis l’arrêt Bertrand de 1997, la responsabilité parentale est une responsabilité de plein droit détachée de toute idée de faute d’éducation, de surveillance. Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire que les parents disposent des moyens d’exercer leur surveillance et leur éducation.  La cohabitation est donc une conception abstraite et purement juridique : fixation en droit du lieu de résidence de l’enfant sans avoir égard au le lieu d’habitation effectif du mineur au moment du dommage.

La cohabitation tend à se confondre avec l’attribution à l’un des parents de la résidence de l’enfant. Elle est apparue en jurisprudence : Civ 2ème, 19 février 1997, arrêt Samda.

Implication abstraite dans 2 situations concrètes :

–          la cohabitation cesse-t-elle lorsque l’enfant est confié à un tiers même pour une longue période ? L’enfant placé en internat ou en pension : il n’y a plus de cessation de cohabitation.

Un mineur âgé de 14 ans au jour du dommage et qui vivait depuis l’âge de 2 ans chez sa grand-mère. Juridiquement l’enfant cohabitait toujours avec sa mère même si l’enfant vit depuis 12 ans chez sa grand-mère. Cour de cassation, Crim, 8 février 2005.

–          En cas de séparation des parents, qui est responsable sur le fondement de l’article 1384 al4 Code civil ? On suppose que les 2 parents sont titulaires de l’autorité parentale. C’est uniquement le parent chez lequel a été juridiquement fixée la résidence de l’enfant. Cour de cassation, civ 2e, 20 janvier 2000 : parents divorcés qui exercent conjointement l’autorité parentale et la résidence de l’enfant a été fixée par le juge chez la mère. L’enfant cause un dommage au moment où le père exerce son droit de visite et d’hébergement et il a confié l’enfant à sa grand-mère paternelle. C’est la mère qui est responsable du dommage.

Cependant toutes les questions ne sont pas résolues face à des parents séparés :

–          Qui est responsable en cas de résidence de l’enfant fixée alternativement chez l’un et l’autre parent ? La question n’est pas tranchée, cependant il y a une partie de la doctrine qui propose la responsabilité solidaire des 2 parents.

–          Qui est responsable en cas de séparation de fait des parents lorsqu’il n’y a eu aucune fixation judiciaire de la résidence de l’enfant ? Question en suspend.

 

 

Section 3 : Exonération des parents :

 

Civ 2ème, 19 février 1997, arrêt Bertrand : les parents ne peuvent s’exonérer que par la force majeure ou la faute de la victime.

Remarque sur la formulation utilisée :

Référence à la force majeure, la Cour a voulu indiquer le moyen de s’exonérer totalement, la référence doit être comprise de façon large comme cause étrangère. => Exonération totale. Pour la faute de la victime, il faut comprendre une exonération partielle.

Remarque sur l’appréciation de la cause étrangère :

Faut-il apprécier l’existence d’une cause étrangère par rapport aux parents ou par rapport à l’enfant ou bien par rapport aux 2 ?

1ère conception possible : la cause étrangère s’apprécie par rapport à l’enfant. Ça veut dire que pour s’exonérer les parents doivent faire état d’un événement imprévisible et irrésistible pour l’enfant, il n’a pas pu surmonter cet événement. Cette conception est conforme à l’idée d’une responsabilité directe des parents puisque la responsabilité des parents prend directement sa source dans le fait causal de l’enfant donc il serait logique aux parents de contester cette causalité.

2ème conception possible : la cause étrangère s’apprécie par rapport aux parents. Ça veut dire que pour s’exonérer les parents doivent faire état d’un événement pour eux imprévisible et irrésistible.

Dans cette conception, le fait de l’enfant pourrait-il être cet événement imprévisible et irrésistible ? Il faut se placer par rapport à celui dont la responsabilité est recherchée, article 1384 al7 c civ : les parents n’ont pu empêcher le fait. Cette conception est admissible mais toutefois pourvu que le fait de l’enfant ne soit pas l’événement irrésistible et imprévisible. Responsabilité de plein droit des parents donc il apparaît incompatible de dire que les parents sont responsables du fait de l’enfant et qu’ils peuvent s’exonérer par le fait de leur enfant.

Quelque soit la conception retenue, la cause étrangère apparaît pour les parents introuvable car depuis l’arrêt Bertrand, aucun arrêt n’a retenu la cause étrangère.

Conclusion :

Il s’agit d’une responsabilité très lourde des parents puisqu’elle peut être facilement mise en jeu et le moyen de s’exonérer totalement semble pour le moment improbable. De nombreux auteurs souhaiteraient une réforme de cette responsabilité trop sévère ou du moins certains souhaiteraient que la prise en charge financière de cette responsabilité soit assurée par une assurance obligatoire qui couvrirait les parents des dommages causés par leur enfant.

Il faudrait repenser le fondement de cette responsabilité parentale. Ce n’est pas la garantie, ni la faute. Est-ce une garantie de solvabilité ? C’était le cas avant, mais aujourd’hui, il est difficile de penser ça du fait qu’il s’agit d’une responsabilité directe.

Fondement de l’autorité ? Ce serait la contrepartie de l’autorité qu’ils ont sur l’enfant. Dès lors qu’un comportement défectueux se manifeste dans leur sphère d’autorité, ils doivent en répondre même s’ils n’ont pas commis de faute.

Fondement du risque ? Il faudrait considérer que le risque est le fait même d’avoir des enfants.

 

 Avant projet de réforme :. Il y a un fondement général assigné à la responsabilité du fait d’autrui, c’est l’autorité. Il y a 2 types de responsabilité du fait d’autrui qui sont distingués :

–          On est responsable des dommages causés par ceux dont on règle le mode de vie.

–          On est responsable des dommages causés par ceux dont on organise, encadre ou contrôle l’activité dans son propre intérêt.

La responsabilité des dommages causés par un mineur appartient à la 1ère catégorie. On parle de la personne qui a causé le dommage. Responsabilité de plein droit avec les mêmes causes d’exonération.

Les conditions : la condition commune à toutes les responsabilités pour autrui est que l’auteur direct du dommage doit engager sa responsabilité, ne suffirait plus d’un simple fait causal, exigence d’un fait générateur de l’enfant. La condition de cohabitation est supprimée.

 

 

Chapitre : La responsabilité du commettant du fait de son préposé :

Cette responsabilité est prévue à l’article 1384 al 5 Code civil : « Les maîtres et commettants ne répondent que des dommages causés par leurs préposés dans les fonctions pour lesquelles ils les ont engagé ». C’est une responsabilité de plein droit sans possibilité d’exonération totale pour le commettant. Tout ce que peut faire le commettant pour échapper à son obligation d’indemniser la victime est de démontrer que les conditions de l’article 1384 al 5 ne sont pas remplies. Il n’y a pas d’exonération totale ici : la cause étrangère est indifférente. Les causes d’exonération partielle : dommage non du au fait du préposé mais à une cause étrangère, abus de fonction, ou dommage non généré par le préposé.

Section 1ère. Le domaine de la responsabilité du commettant :

  • 1. L’exclusion en cas d’accident du travail :

L’art L411-1 C.sécu défini largement l’accident du travail : « accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre que ce soit pour un ou plusieurs employeurs ou chef d’entreprise, peu importe sa cause ». Quand le préposé auteur du dommage et la victime sont les salariés d’un même employeur et que le dommage survient du fait du travail, le régime spécifique des accidents du travail est seul applicable. Il faut que la victime soit un  tiers ne faisant pas parti de la même entreprise que le préposé.

  • 2. L’exclusion en cas de responsabilité contractuelle :

Lorsque la victime est le contractant du commettant et que le préposé à mal exécuté l’obligation contractuelle, ce qui a causé un préjudice au contractant. La responsabilité doit donc être contractuelle. On applique le principe de non cumul des responsabilités. 1ère civ. 18 janvier 89 : rappelle clairement le principe : ils ‘agissait d’un préposé d’une entreprise de gardiennage quia avait incendié les locaux surveillés. L’acte du préposé pouvait être analysé comme l’inexécution d’une obligation contractuelle.

Toutefois il faut bien vérifier que le fait dommageable du préposé se rattache directement à une obligation contractuelle. Ainsi s’agissant du salarié d’une entreprise de nettoyage qui commet un vol dans les locaux de l’entreprise cliente, la responsabilité est alors délictuelle. Arrêt 2ème civile 22 mai 1995.

Lorsque la faute commise par le préposé est une infraction pénale, la chambre criminelle statue toujours selon les principes délictuels. Dans les affaires de détournement de fonds, on devrait pouvoir faire appliquer la responsabilité contractuelle (loyauté) mais comme il s’agit d’une infraction pénale, la responsabilité est envisagée sous l’angle d’une responsabilité délictuelle. 

 

Section 2. Les conditions de la responsabilité du commettant :

  • 1. Le lien de préposition :

Il n’est pas défini par la loi. Selon la jurisprudence, c’est un rapport de subordination. Le préposé subit l’autorité du commettant qui lui donne des ordres pour qu’il remplisse les fonctions qui lui ont été confiées. Cela implique deux prérogatives pour le commettant : fixer le but à atteindre par le préposé et de déterminer les moyens à employer pour y parvenir. Le lien de préposition est constitué lorsqu’il existe un contrat de travail.

En revanche, l’entrepreneur, le mandataire et l’artisan ne peuvent pas êtres considérés comme des préposés. Une fois le but fixé par le client, ils choisissent librement les moyens d’y parvenir. Si on suit la même logique qui prévaut pour ces derniers, on devrait considérer que les médecins qui disposent qu’une liberté et d’une autonomie certaine dans l’exercice de leur art, ne sont pas les préposés de la clinique pour laquelle ils travaillent. Cependant, la jurisprudence se prononce contradictoirement à cette théorie : le médecin salarié est le préposé de la clinique, même si cette solution parait artificielle, la clinique n’ayant envers le médecin qu’un pouvoir d’organisation matérielle. Les clubs de football professionnels sont considérés comme les commettants de leurs joueurs. La jurisprudence relève fréquemment l’existence d’un tel lien lors de rapport de complaisance entre membres de la même famille, entre voisins, etc. Le lien de préposition peut exister puisque ni l’existence d’une contrepartie financière, ni la permanence de ce lien n’est exigé.

Ex : personne conduite par un ami ou un parent : celle-ci a la qualité de commettant s’il donne des instructions précises au conducteur.

Ex : un ami se propose pour aider au service et frappe un client : Cour de cassation, 1990 : restaurateur jugé commettant du préposé. Mais dans ces situations de fait, la jurisprudence recherche bien si l’une des parties avait bien une autorité effective sur l’autre.

La détermination du lien de préposition pose problème quand la personne reçoit des ordres de plusieurs autres. Le commettant sera celui qui, au moment du dommage, était investi du pouvoir d’autorité sur la personne. Ex : salarié d’une entreprise de travail temporaire est mis à la disposition d’une entreprise cliente pour une mission assez courte. Le commettant est ici l’entreprise de travail temporaire, d’intérim. Idem pour la société de service informatique. Contrat de location avec le chauffeur : le commettant est-il l’employeur du chauffeur ou l’entreprise utilisatrice ? En général, jurisprudence juge d’un transfert d’autorité si le client organise l’activité du salarié. Il peut y avoir un partage d’autorité sur le préposé, entre l’employeur et l’entreprise qui utilise le service. Il a été jugé que le chauffeur restait le préposé de l’entreprise de location s’agissant du fonctionnement technique, de la conduite du véhicule et de la sécurité au cours de cette conduite, etc. C’est une opération de sécurité. En revanche, il a pu être jugé que le chauffeur devienne le préposé occasionnel du locataire pour ce qui a trait à l’utilisation du véhicule en raison des instructions données par le locataire, sur le trajet à effectuer, le chargement à prendre, etc. (sécurité du véhicule cause du dommage : employeur ; utilisation, chargement du véhicule, etc. : entreprise utilisatrice.) si ces personnes donnent simultanément des ordres au préposé : pluralité de commettant. Ex : plusieurs propriétaires de moutons, commettants du berger auquel ils avaient confié leurs bêtes. Pluralité de commettant donc.

 

  • 2. Fait du préposé, générateur de responsabilité

article 1384 al 5 : pas de mention de l’exigence d’un fait du préposé générateur de responsabilité. Cependant, cette exigence est affirmée depuis 1804 par la doctrine et la jurisprudence. La jurisprudence récente semble maintenir cette exigence de fait générateur du préposé (contrairement à la responsabilité des parents) : Cour de cassation, OM, Civ 2e, 8 avril 2004 : au cours d’une partie de football, un joueur est blessé à la suite d’un tacle. Il reçoit des indemnités par la caisse d’assurance maladie qui demande ensuite remboursement au joueur auteur du dommage et à l’OM (recours subrogatoire). Le recours contre le club est fondé sur l’article 1384 al 5. La CA admet le recours de la caisse contre le club. La qualification du tacle : régulier (n’est pas un fait générateur de responsabilité) ou fautif ? La CA juge cette question sans intérêt. Elle se contente d’un fait causal du préposé. Elle aurait du rechercher si le tacle constituait une faute constitué par la violation des règles du jeu. L’arrêt est cassé. PB de cet arrêt de la Cour de cassation : Le joueur d’un club professionnel est considéré comme le préposé du club. Cette exigence est-elle limitée à la matière sportive ou est-ce une condition générale ? On ne sait pas encore car aucun autre arrêt n’a traité de ce sujet. La question de la portée de l’arrêt reste donc en suspens (dans un cas pratique, on ne peut affirmer cela que pour les affaires sportives).

Quel est ce fait générateur ? Ce peut être la faute. Cela peut-il être la garde d’une chose ? Non, un préposé n’est jamais gardien en principe. Cela peut être le fait que le préposé soit conducteur d’un VTM impliqué dans un accident de la circulation (loi Badinter du 5 juillet 1985). Cependant, en pratique, la situation se résout différemment car le commettant engage sa responsabilité directement sur le fondement de cette loi en tant que gardien du véhicule terrestre à moteur, sans passer par la responsabilité du fait d’autrui. 

 

  • 3. Le rapport entre le fait du préposé et l’exercice des fonctions :

Condition directement tirée de l’article 1384 al 5 : « …dans les fonctions pour lesquelles ils les ont employé. » Il y a pourtant des zones d’ombre en la matière.

  1. Position du problème et évolution de la jurisprudence :

Logiquement, il appartiendrait à la victime de prouver que l’acte du préposé est lié à ses fonctions. En pratique, si le dommage a été commis dans le temps de travail, sur les lieux de travail ou encore avec des choses utilisées pour l’accomplissement de sa mission, le lien avec les fonctions est présumé. Il appartiendra au commettant d’établir le contraire et s’il parvient à démontrer l’abus de fonction, sa responsabilité est exclue. Ce n’est pas une exonération stricto sensu car on est dans les conditions même de cette responsabilité.

Quand peut-on dire qu’un dommage a été commis dans les fonctions du préposé ? Les critères de l’abus de fonctions sont simples à voir quand on est dans une situation caricaturale. Ainsi, cause un dommage dans les fonctions pour lesquelles il est employé, le préposé qui accompli de manière incorrecte la mission qui lui a été confiée (maladresse, manque de clairvoyance de sa part, faute volontaire dans l’accomplissement de sa tâche, etc.). Si le dommage est causé hors du lieu de travail, hors du temps de travail, sans le matériel lié à sa mission etc. : rapport distant avec le lien de préposition. Le préposé n’a pas agit en vue de remplir ses fonctions sans pourtant que l’acte soit totalement étranger aux fonctions.  Situation intermédiaire : acte commis à l’occasion des fonctions : rattachement avec celles-ci soit par un lien de temps, de lieu, ou un lien tenant aux moyens employés. Pour toutes ces situations intermédiaires, il y a eu une divergence entre la 2e civ et la chambre criminelle. Cette dernière avait une conception très restrictive de l’abus de fonction puisque selon elle, le commettant était responsable à chaque fois que le préposé avait trouvé dans ses fonctions, l’occasion et les moyens de sa faute. Quand à la 2e civ, elle écartait la responsabilité du commettant quand le préposé n’avait pas eu l’intention d’agir dans l’intérêt du commettant : poursuite d’un but personnel donc. Face à cette divergence, la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts par son assemblée plénière, 5 exactement.

  • 9 mars 1960: concernait le fait d’un accident de la circulation commis par un préposé.
  • 10 juin 1977: concernait le fait d’un accident de la circulation commis par un préposé.
  • 17 juin 1983: il fallait que le préposé ait agit sans autorisation de son commettant / qu’il ait agit à des fins étrangères à ses attributions.
  • 15 novembre 1985: même chose
  • 19 mai 1988: il faut que les deux premières conditions soient remplies + le préposé doit avoir agit hors de ses fonctions.

 

  1. Les trois conditions de l’abus de fonction posées par l’Ass plén, 19 mai 1988 :
  2. Agir en l’absence d’autorisation :

Si on a un acte commis avec l’autorisation du commettant, on n’a pas de raison d’écarter la responsabilité de ce dernier.

  1. Agir à des fins étrangères à ses attributions :

Les agissements du préposé à des fins personnelles ou pour le compte d’un tiers écartent la responsabilité du commettant. Ex : préposé qui vol l’entreprise cliente pour des fins autres que ses attributions : intérêt personnel ≠ préposé d’un restaurateur avait frappé les clients qui n’avaient pas consommé que des produits du resto agit pour le préposé même s’il commet un excès de zèle.

  1. Agir hors de ses fonctions :
  2. Appréciation objective de la condition : condition moins strictement envisagée par la jurisprudence depuis 2005. Avant, la responsabilité du commettant était retenue dès lors que le préposé avait agit sur le lieu de travail (salarié d’une entreprise de nettoyage dans les locaux devant être nettoyés, Cour de cassation, 1ère civ, 1995), pendant le temps de travail, ou bien quand il s’est servi ou s’est prévalu de ses fonctions pour commettre l’acte dommageable : ex : détournement de fond remis dans l’exercice de ses fonctions ; employé de maison de retraite qui avait pu avoir connaissance de l’incontinence nocturne d’un pensionnaire et elle lui dit qu’on le menace de le renvoyer alors elle se fait payer pour tout faire pour s’opposer à son départ : Cour de cassation, 2005: commettant responsable car pas d’abus de fonctions.). Si les motivations sont trouvées dans les fonctions (assassinat d’un chef de service par un employé apprenant qu’il était licencié (Crim, 1998).

Cour de cassation 2e civ, 3 juin 2004 vient assouplir cette condition : il s’agissait d’un transporteur qui avait immobilisé sa fourgonnette devant un bureau de poste, le moteur était arrêté mais la marche arrière était enclenchée. A un moment donné, il se trouve à l’arrière du véhicule, l’employé d’une autre entreprise se trouvant ici pour les mêmes raisons, s’introduit dans la cabine de la fourgonnette et met le moteur en marche. Le préposé se trouvant derrière est gravement blessée. Il agit contre le commettant du préposé et la CA déclare l’employeur civilement responsable, en tant que commettant, du dommage causé à cette victime. La 3e condition n’était donc pas remplie. Il y avait agissement sans autorisation, à des fins personnelles mais selon la CA, pas d’agissement hors des fonctions. Elle relève que la présence du préposé sur les lieux n’était due qu’à l’accomplissement de sa mission confiée par l’employeur et sa rencontre avec la victime était due à cette mission également. Or, pour la Cour de cassation, il y a abus de fonction car pas de lien entre le fait et la mission. Le préposé a fait preuve d’une initiative personnelle sans rapport avec sa mission et il a ainsi agit hors de ses fonctions sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Ainsi, agit hors de ses fonctions un préposé qui commet une faute pendant ou à l’occasion de son travail dès lors qu’elle est indépendante des actes normaux d’exécution de la tâche qu’il a pour mission d’accomplir et dès lors qu’il n’a pas été fait usage des instruments de travail.

Qu’entend-t-on par les actes indépendants des actes normaux d’exécution de la tâche ? Acte non impliqué par les fonctions, il en est indépendant dans le sens où il pourrait être identiquement accompli par le préposé en dehors de sa mission ou que cet acte pourrait être identiquement accompli par toute autre personne que le préposé.

Deux arrêts semble reprendre la même solution : Cour de cassation, crim, 2007 : salarié commet une agression sexuelle sur un salarié d’une entreprise prestataire et on met hors de cause l’employeur : le commettant n’est pas responsable sur le fondement de l’article 1384 al 5. Si l’infraction a été commise dans les locaux de travail, l’auteur a agit en dehors de ses fonctions de dessinateur, sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions. Cour de cassation, 2e civ, 19 mars 2006 : limite à cet assouplissement de cet abus de fonction : un salarié chauffeur d’un camion citerne détourne du fuel au profit d’un tiers. Lors de l’opération de transvasement du fuel au profit du tiers, une explosion se produit entrainent détérioration du hangar du tiers. Cette victime agit en responsabilité contre le préposé et contre le commettant : les juges du fond retiennent la responsabilité du commettant (pas d’abus de fonction pour eux) car même s’il a quitté sa route normale, il a opéré détournement du fuel pendant son temps de travail et à l’occasion d’un transport effectué pour le compte de son employeur.

 

  1. Appréciation subjective de cette condition : il y a une prise en compte de la croyance de la victime. Lorsque la victime a légitimement cru que la victime agissait dans les fonctions pour lesquelles le commettant l’avait employé, le commettant reste responsable même si objectivement, il pourrait y avoir abus de fonctions. En revanche, la victime ne peut agir contre le commettant quand elle n’a pas pu légitimement croire que la personne avec qui elle traitait agissait bien en tant que préposé. Ex : caractère inhabituel d’une transaction bancaire : il ne pouvait pas croire que c’était dans sa mission.

 

Section 3. Rapport entre la mise œuvre de la responsabilité du commettant et celle du préposé :

  • 1. Solution antérieure à l’arrêt Costedoat ; responsabilité dérivée du commettant :

Logiquement, la victime se trouvait face à deux responsables possibles et comme pour la responsabilité parentale, elle pouvait agir soit contre le préposé seul, sur le fondement d’une faute, ou des deux. Selon la jurisprudence, le préposé n’était pas appelé à appelé en garantie son commettant puisque la responsabilité du commettant ne se substituait pas à la sienne mais venait simplement garantir l’indemnisation de la victime. Elle n’était instituée qu’au seul profit de la victime et le préposé ne peut pas s’en prévaloir. Autre choix laissé à la victime, agir contre le commettant seul sur le fondement de l’article 1384 al 5. Ici, le commettant pouvait appeler en cause son préposé. Il pouvait donc y avoir responsabilité « in solidum ». La victime pouvait demander l’indemnisation intégrale à l’un ou à l’autre de ses coresponsables. La victime peut s’adresser au préposé (peu souvent) qui la paye. Le préposé n’avait aucun recours contre le commettant non fautif. Par contre, si la victime se tournait vers le commettant non fautif, ce dernier, après avoir payer l’intégralité de l’indemnisation, pouvait se retourner contre le préposé fautif. Il pouvait demander remboursement de l’intégralité de l’indemnisation. En pratique, les recours exercés contre le préposé par les commettants fautifs étaient rare.

C.assurances : art L 121-12 alinéa 3 (ne peut pas se retourner contre le préposé). Exception du recours de l’assureur contre le responsable : en cas de liens proches entre la victime et l’auteur du dommage. Idem ici, pas de recours contre le préposé sauf malveillance de ce dernier.

L’art crée une immunité du préposé. Selon la jurisprudence, cette faveur faite par l’article L 121-12 al 3 ne bénéficie qu’aux personnes visées par le texte et ne fait pas obstacle à un recours par l’assureur qui a indemnisé la victime contre l’assureur de responsabilité du préposé par exemple. Toutefois, la charge définitive de l’indemnisation reposait sur le préposé fautif.

Arrêt Costedoat : arrêt de revirement qui concerne l’obligation à la dette. Si le commettant payait la victime, il lui aurait été possible de l’interdire de se retourner contre le préposé. Le commettant assumerait au final par le commettant. Ce n’est pas voulu par la Cour de cassation. le revirement ne se place pas au niveau de la contribution à la dette.

  • 2. Depuis l’arrêt Costedoat ; responsabilité du commettant engagée face à l’immunité de principe du préposé :
  1. L’immunité du préposé :

 

  1. Jeu et fondements de l’immunité :

Cour de cassation, Ass plén, 25 février 2000, Costedoat : une opération de traitement des rizières par épandage d’herbicide. Sous l’effet du vent, l’herbicide atteint des parcelles voisines et endommage des végétaux. Le pilote de l’hélicoptère a commis une faute en tant que préposé mais la victime ne peut pas agir contre le commettant (société de traitement pas hélicoptère) car elle est en liquidation judiciaire et un règles s’impose : les créanciers qui sont antérieurs à la mise en liquidation judiciaire dans la procédure. S’ils ne le font pas dans les délais, perte des créances. La victime a perdu toute action en paiement contre le commettant. Ainsi, elle se retourne contre le préposé pilote mais malheureusement pour elle, décision de revirement selon laquelle : «  le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été confiée par le commettant n’est pas responsable » : immunité accordée au préposé pourtant fautif mais agissant dans le cadre de sa mission.  Cette faveur coûte cher à la victime qui est sacrifiée. Si le préposé excède les limites de sa mission, la victime pourra agir contre lui.

Quelle est l’application concrète de ce critère ? Le problème ici est que la Cour de cassation n’a jamais défini ce qu’elle entendait par agir sans excéder les limites de sa mission. Le 1er titre probable de critères serait le critère objectif : l’excès de mission serait l’absence de lien entre l’acte réalisé par le préposé et sa mission (il faudrait avoir égard aux instructions données au préposé, aux modalités habituelles de déroulement de ces fonctions,…) Un autre critère mi objectif mi subjectif est proposé : excès de mission résidant dans l’agissement du préposé dans un intérêt autre que celui du commettant (ex : intérêt personnel). Selon un critère subjectif : excès de mission en fonction de la gravité de la faute du préposé (forte gravité de la faute fait qu’il sort de sa mission ; tous les auteurs ne sont pas d’accord car il faut savoir quel degré de gravité il faut retenir (faut-il une faute grave, lourde, inexcusable, pénale, intentionnelle ?).) Question : quelles sont les conséquences de l’excès de mission du préposé ? Il fait tomber son immunité. Il pourra subir l’action de la victime. Cet excès de mission est elle une notion différente de l’abus de fonction ? L’abus de fonction concerne le commettant. L’excès de mission ne joue donc pas dans le même cadre. Par ailleurs, la 3e condition de l’abus de fonction n’a pas à être remplie pour l’excès de mission. C’est donc selon la majorité de la doctrine une notion différente et l’excès de mission serait une notion moins exigeante que l’abus de fonction (pas besoin d’être hors des fonctions notamment). L’abus de fonction vise l’acte du préposé qui même accompli même pendant et sur le lieu de travail, sans outil de travail est nullement lié à ses fonctions. Face à un acte du préposé réalisé dans son intérêt et de son initiative personnelle, les notions d’excès de mission et d’abus de fonction peuvent se recouper. Cela ne joue que quand il y a cet assouplissement de l’abus de fonctions. Cette faute a lieu dans le fait de l’accomplissement d’une tâche au profit d’autrui. Cette responsabilité est comparable à d’autres cas ou la personne n’agit pas pour son compte. Ex : responsabilité contractuelle du salarié envers son employeur en cas de faute commise à l’occasion de l’exécution de son contrat de travail en cas de faute lourde ; situation de l’agent en droit administratif, 3 catégories de fautes : personnelle dépourvue de tout lien avec le service (seule responsabilité de l’agent), faute personnelle non dépourvue de tout lien avec le service (double responsabilité : agent + administration) et la faute de service (seule responsabilité de l’administration).

  1. Les exceptions à l’immunité selon la jurisprudence :

Cour de cassation avait d’abord exclu l’immunité pour le médecin salarié d’une clinique en raison de l’indépendance professionnelle de ce dernier dans l’exercice de son art. Elle est revenue sur cette solution par deux arrêts Cour de cassation, 1ère civ, novembre 2004 : tout médecin qui n’excède pas sa mission ne peut faire l’objet d’une action en responsabilité engagée par la victime.

Dans des arrêts post-Costedoat, la Cour de cassation dit que l’immunité tombe lorsque la faute est trop grave. Ces arrêts sont interprétés différemment par la doctrine : soit les auteurs considèrent que ces fautes d’une extrême gravité constitue un excès de mission par le préposé et empêche l’immunité (selon eux, l’un des critères de l’excès de mission serait ainsi la gravite de la faute.), soit ils considèrent qu’il s’agit d’une exception au principe de l’immunité c’est-à-dire que si le préposé reste tout de même dans les limites de sa mission, il ne peut plus bénéficier de l’immunité en raison de la gravité de sa faute. Le critère de l’excès de mission est soit l’absence de lien avec la mission, soit l’absence d’agissement dans l’intérêt du commettant.

Quelles sont les fautes du préposé faisant tomber l’immunité ?

–          Commission d’une infraction pénale intentionnelle fait tomber l’immunité. Cour de cassation, Ass plén, 14 décembre 2001 : préposé qui, sur ordre du commettant, avait réalisé des infractions de faux, usage de faux et escroquerie pour obtenir des subventions pour de faux contrats. (ici, la gravité de la faute constituerait donc une exception au principe de l’immunité. Cour de cassation, crim, 7 avril 2004 : le préposé ne bénéficie plus de l’immunité lorsque sa culpabilité dans la commission d’une infraction pénale intentionnelle et reconnue même si aucune peine n’a été prononcée.

–          Commission d’une faute pénale d’imprudence qualifiée fait tomber l’immunité (article 121-3 C.pén). c’est soit la violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de sécurité, de prudence imposée par la loi ou le règlement ou caractérisée (exposant autrui à un risque d’une particulière gravité qu’il ne pouvait ignorer). Cour de cassation, crim, 28 mars 2006 : accident s’étant produit sur un chantier du stade de France : ouverture d’une trappe et chute mortelle du toit. Faute du chef de service, salarié, titulaire d’une délégation de pouvoir en matière d’hygiène et de sécurité : devant le T.corr pour blessures involontaires, homicide involontaire et infraction sur la réglementation à la sécurité des employés. On l’accuse d’une violation manifestement délibérée d’une obligation de prudence et de sécurité dans la loi ou le règlement. Ce préposé est condamné à indemniser les victimes. Il se pourvoi en cass et se prévaut de la jurisprudence cousin : rejet car « le préposé titulaire d’une délégation de pouvoir, auteur d’une faute qualifiée au sens de l’article 121-3 C.pén, engage sa responsabilité civile à l’égard du tiers, victime de l’infraction, cette faute fut-elle commise dans l’exercice de ses fonctions. » deux interprétations possibles : soit l’exceptions est liée à une circonstance particulière (délégation de pouvoir au profit du salarié ici), soit elle est liée à la commission d’une faute d’imprudence qualifiée. On est sur de rien suite à cet arrêt. Pourtant, il semble que la 2e proposition doive l’emporter comme nous l’indique Cour de cassation, crim, 13 mars 2007 : accident sur un navire qui emporte péril de l’équipage. Le capitaine (préposé) et l’armateur qui a le qualité de commettant sont inquiétés.. Le capitaine est condamné sur le fondement de l’article 121-3 C.pén et au civil, condamnation du commettant et du préposé. Dans l’attendu final, on explique que, « auteur d’une faute qualifiée au sens de l’article 121-3 C.pén, le capitaine est responsable et doit indemniser les victimes. »

Cependant, deux autres arrêts ne doivent pas nous troublé : Cour de cassation, 2e chambre civile, 20 décembre 2007 et 2008 : Cour de cassation dit que l’immunité tombe en cas d’infraction pénale ou de faute intentionnelle. Cela est plus large. Il faut donner à ces arrêts une portée très réduite puisque l’un des arrêts n’est pas publié au bulletin, mais surtout, dans ces arrêts, la question de l’existence ou de l’absence de l’immunité n’étaient pas l’enjeu principal. 

 

  1. La nature de l’immunité du préposé :

A la lecture de l’arrêt Costedoat, il semblait qu’elle signifiait son irresponsabilité. Les choses se sont compliqué par Cour de cassation, 2e civ, 12 juillet 2007 montre que cela ne signifie pas son irresponsabilité. L’immunité est d’ordre procédural : privation de l’action contre le préposé pour la victime. Cet arrêt doit être expliqué. Un médecin commet une faute qui commet la totale cécité d’une patiente. Pour la CA bénéficie de l’immunité car il n’a pas excédé les limites de sa mission alors que la croix rouge est condamnée. Dans cet arrêt, l’assureur du médecin est également condamné à garantir l’assureur du commettant de toute condamnation prononcée à son encontre. Cour de cassation : un médecin salarié qui n’excède pas les limites de sa mission n’engage pas sa responsabilité à l’égard du patient. Le pourvoi est rejeté sur le fondement de l’article 121-12 al 3 C.assurances. Cet article prohibe le recours de l’assureur du commettant contre le préposé mais pas le recours de l’assureur du commettant contre l’assureur du commettant. C’est un recours de l’assureur du commettant contre l’assureur du préposé. Or, la subrogation est un mode de transfert d’une créance. Ce recours étant admis, cela suppose à la base l’existence d’une dette de responsabilité du préposé qui aurait été transférée à l’assureur qui a payé la victime. L’assureur du préposé n’est tenu de payer que s’il existe une dette de responsabilité.

Ainsi, il ne s’agit que d’une immunité procédurale. L’assureur n’est pas protégé, la victime pouvant agir même en action directe contre lui.

  1. Nouvelle articulation entre la responsabilité du commettant et responsabilité du préposé :

—     La préposé agit hors de ses fonctions et excède a fortiori ses missions :

le préposé n’a aucun recours contre le commettant.

—     Le préposé n’excède pas les limites de sa mission :

le préposé est responsable mais non attaquable en justice par la victime (Cour de cassation, civ 1ère, 12 juillet 2007). L’action de la victime n’est donc possible que contre le commettant et contre l’éventuel assureur du préposé par une action directe. Le commettant n’a aucun recours contre le préposé lui-même, mais il a un recours possible contre l’assureur du préposé.

—     Le préposé n’agit pas hors de ses fonctions, il n’excède pas les limites de sa mission (si on retient pour l’excès de mission l’absence de lien avec ses missions ou le critère de l’absence d’agissement pour le compte du commettant) mais commet une infraction pénale intentionnelle :

La victime peut agir contre le préposé et contre le commettant. Mais incertitude sur la possibilité d’un recours du commettant contre le préposé

—     Le préposé n’agit pas hors de ses fonctions, il n’excède pas les limites de sa mission mais commet une faute d’imprudence qualifiée :

La  victime peut agir contre le préposé et le commettant.

—     Le préposé ne commet pas d’abus de fonctions mais excède les limites de sa mission :

La victime peut ici attaquer le préposé et le commettant et on retombe sur le système antérieur.

 

—         Bilan :

Le fondement de la responsabilité des commettants : ce n’est plus une présomption de faute, ni une garantie de solvabilité,… C’est l’autorité et le fondement du risque profit.

—         Avant projet de réforme :

Conditions :

Le préposé doit avoir commis un fait générateur de responsabilité pour engager la responsabilité du commettant ce dernier étant celui qui peut donner des ordres ou instructions en relation avec l’accomplissement de ses missions.

Définition plus stricte du lien de préposition et art crée pour une situation proche du lien de préposition mais qui n’en est pas un. Personne qui encadre l’activité et en tire profit, cette personne est responsable : ex : médecin salarié d’une clinique.

Une autre responsabilité : responsabilité qui contrôle l’activité économique ou patrimoniale d’une autre personne en situation de dépendance (société mère pour les actes de sa filiale). La jurisprudence est consacrée sur le croyance de la victime.

Le régime :

C’est toujours une responsabilité de plein droit sans exonération : immunité du préposé s’il n’excède pas ses missions. Définition plus précise de l’excès de mission : L’immunité ne joue plus en cas de faute intentionnelle de la victime. Elle ne joue plus non plus si la victime n’a pas pu obtenir de son assureur ou du commettant : le préposé doit payer.

 

 

Chapitre Ž: La responsabilité des artisans du fait de leur apprenti :

article 1384 al 6 et al 7 pour l’exonération, comme pour les parents. Il y a un lien entre ces deux responsabilités. L’artisan était considéré comme un substitut parental en 1804 : surveillance et formation. Cette responsabilité est presque tombée en désuétude.

  • 1. Les conditions : une relation de maître à apprenti :

L’artisan est celui qui fourni en plus d’un salaire, une formation professionnelle à une autre personne. Il y a un lien de subordination. Selon la jurisprudence, la notion de l’article 1384 al 6 est différente des notions d’artisan en droit commercial et du travail car ici, il n’a pas à être inscrit au registre des métiers. La responsabilité de l’artisan peut être recherchée même si le contrat d’apprentissage qui la lie à l’élève a ensuite été annulé. L’apprenti peut également être majeur.

Il faut un dommage causé par l’apprenti pendant le temps où il est sous la surveillance du maître. Selon la jurisprudence, ce devoir de surveillance varie selon la situation. Si l’apprenti loge chez l’artisan, ce dernier est responsable des dommages causés même en dehors des heures de travail. Cela n’est pas le cas s’il loge ailleurs.

Il faut un fait causal de l’apprenti ? L’al 6 de l’article ne l’exige pas. La doctrine et la jurisprudence classique est mineure. Pas de réponse certaine à la question aujourd’hui. Elle est délicate car la responsabilité de l’artisan présente des similitudes avec la responsabilité parentale ou seul un fait causal suffit, mais aussi avec la responsabilité des commettants, la différence tenant au fait que l’artisan donne une formation. Si on généralise la jurisprudence Olympique de Marseille, un fait générateur semble toujours exigé. Il semble tout de même que le destin de la responsabilité de l’artisan soit lié à celui de la responsabilité parentale (un alinéa commun) et il serait donc logique ne n’exigé plus qu’un fait causal de l’apprenti.

  • 2. Le régime :

Exonération des parents et de l’artisan à l’alinéa 7 de l’article 1384 n’empêche pas le fait dommageable. Avant l’arrêt Bertrand, régime de présomption de faute avec possibilité de s’exonéré sur la base de la preuve d’une absence de faute. Depuis cet arrêt, pas d’arrêt rendu en matière de responsabilité de l’artisan. En toute logique, on doit considérer que la responsabilité de l’artisan est devenue une responsabilité de plein droit.

Bilan :

Le parallèle avec la responsabilité parentale est dépassé. Ce qui pose problème dans cette responsabilité est qu’il n’y a pas de jurisprudence rendu en la matière et on se pose une question : quant est-il de la responsabilité personnelle de l’apprenti ? Le préposé bénéficie d’une immunité s’il commet un dommage dans le cadre de sa mission, il serait donc logique d’appliquer cela à l’apprenti.

 

Chapitre : La responsabilité des membres de l’enseignement pour le fait de leurs élèves :

Elle a été visée en 1804 au seul alinéa 6 de l’article 1384 en même temps que les artisans. En 1937, ajout d’un 8e alinéa : «  en ce qui concerne les instituteurs, les fautes d’imprudences invoquées contre eux comme fait dommageables devront être prouvées par le demandeur à l’instance. » depuis lors, le régime a complètement changé et c’est devenu une responsabilité pour faute prouvée. Il ne s’agit plus d’une simple responsabilité pour autrui. Elle s’en éloigne pour devenir une responsabilité du fait personnel. L’instituteur est responsable des dommages causés par un tiers, l’élève. C’est devenu une responsabilité personnelle. En vertu d’une loi de 1937, l’état se substitue aux instituteurs.

 

  • 1er. Les conditions :

Les conditions sont les mêmes, que l’instituteur soit public, privé en contrat avec l’état, ou purement privé.

  1. Le responsable : l’instituteur :

La jurisprudence décide qu’a la qualité d’instituteur aussi bien l’enseignent, personne physique, que l’établissement scolaire. L’instituteur est celui qui a une mission d’éducation et de surveillance des élèves.

  1. La mission d’éducation :

Les éducateurs spé, les établissements médico-psychologiques, établissements chargés de rééduquer des mineur délinquants, etc. ne sont pas des instituteurs selon la jurisprudence. Il faut une mission d’éducation au sens strict. Ils peuvent néanmoins engager leur responsabilité pour les personnes qu’ils contrôlent, mais sur le fondement de l’article 1384 al 1er.

  1. La mission de surveillance :

Les enseignants du supérieur n’ont pas de mission de surveillance donc pas responsables des faits de leurs étudiants. Une personne chargée l’enseigner la gymnastique a été qualifiée d’instituteur.

 

  1. Le dommage causé :
  2. L’origine du dommage :

L’al 6 ne mentionne que le dommage causé par les élèves surveillés par l’instituteur. La loi du 5 avril 1937 prévoyant la substitution de l’Etat à l’instituteur public et assimilé la prévoit quand la responsabilité est engagée à la suite ou à l’occasion d’un fait dommageable commis soit par les enfants, soit à ses enfants. L’instituteur est responsable du dommage causé à l’élève par un tiers, par l’élève lui-même soit à un tiers soit à un autre élève. Selon la jurisprudence, ce fait de l’élève n’a pas à être un fait générateur de responsabilité. Cette responsabilité de l’instituteur ne tient que du moment où la victime élève n’est pas en contrat avec l’établissement (sinon, responsabilité contractuelle. Cette responsabilité existe lorsque la victime est élève dans un établissement privé non conventionné.) Lorsque la victime est un élève d’un établissement public ou privé conventionné, et donc qu’il s’agit d’un service public d’éducation, pas de contrat entre l’élève et l’établissement.

  1. Dommage causé sur le lieu d’enseignement et pendant le temps de surveillance :

Ce temps de surveillance ne s’arrêt pas à la fin de cours mais s’étend aux intercours et aux récréations. Ces lieux d’enseignement s’étendent de l’établissement scolaire aux lieux d’excursions scolaire.

  1. La faute de l’instituteur :

L’évolution législative : on est passé d’une faute présumé à une faute prouvée. Avant, c’était une responsabilité pour présomption de faute de surveillance, l’instituteur pouvant s’exonérer en prouvant son absence de faute. Cela a été jugé trop sévère car les instituteurs ne choisissent pas leurs élèves (//affaire de 1892). Donc loi de 1937 modifie le régime : al 8 rendant cette responsabilité pour faute prouvée.

La nature de la faute : il faut une faute de l’instituteur pour qu’il soit responsable sur le fondement de l’article 1384 al 6. C’est une faute de surveillance, soit un manque de précaution, soit une prise de risque de ce dernier.

 

  • 2. Le régime :
  1. Le régime de droit commun :

L’action doit se faire dans le délai de droit commun : 5 ans.

Depuis une loi du 20 juillet 1889, l’état de substitue à l’instituteur mais la loi de 1937 étant le champ d’application de cette substitution pour les instituteurs publics puisqu’on la vu, elle joue aussi pour les dommages causés à l’élève. Elle joue aussi au profit des membres des établissements privés sous contrats depuis la loi Debré de 1959 complété par le décret du 30 avril 1960. Cette substitution est prévue à l’art L911-4 C.écuc : la victime agit directement contre l’Etat devant les tribunaux judiciaires qu’il s’agisse d’une faute personnelle de l’instituteur ou d’une faute de service.

En cas d’infraction pénale, la victime peut se constituer partie civile contre l’instituteur ce qui va déclencher l’action publique (responsabilité pénale de l’instituteur) mais en revanche, l’action en réparation (civile), la victime agit contre l’Etat. Le délai prévu par la loi de 1937 est de 3 ans à compter du dommage mais il est susceptible d’interruption et de suspension durant la minorité de l’élève. L’Etat bénéficie-t-il d’un recours contre l’instituteur ? jurisprudence : oui, mais seulement en cas de faute grave.

Problème particulier du concours de responsabilité : la jurisprudence, dans le cas où il y a un dommage causé par l’enfant et que les conditions de la responsabilité de l’instituteur et des parents sont remplies, admet une option : agir contre les parents ou contre l’instituteur, ou contre les deux. Ce choix n’est cependant pas dans tous les cas laissé à la victime.

L’avant projet prévoit la disparition de ce régime autonome de responsabilité pour faute qui fait que la responsabilité de l’instituteur relèverait des article 1382 et 1383 Code Civil

 

Chapitre : Principe général de la responsabilité du fait d’autrui :

En 1804, on considère que l’article 1384 Code civil énonce une liste limitative de responsabilité pour autrui. Le 29 mars 1991, tout cela est remis en cause.

Section 1. La naissance de la responsabilité générale du fait d’autrui : l’arrêt Blieck :

Faits : un majeur handicapé mental est passé dans un centre d’aide pour le travail géré par une association et bénéficie d’un régime de liberté totale de circulation pendant la journée. L’handicapé a mis le feu à une forêt. La CA condamne l’association et son assureur à réparer le dommage causé par l’handicapé sur le fondement direct de l’article 1384 al 1er. Ils se pourvoient en cassation. Il était dit que la liste de l’art suscité était limitative.           PB juridique : les responsabilités pour autrui sont-elles limitatives ? La Cour de cassation commence par rappeler les faits (l’association avait accepté d’organiser et de contrôler le mode de vie de cet handicapé et en déduit qu’elle était tenue de réparer les dommages causé par lui sur le fondement de l’article 1384 al 1er Code Civil Ainsi, la liste des cas de responsabilité du fait d’autrui n’est plus limitative.

Portée de l’arrêt : c’est un arrêt de principe car il admet qu’il n’y a plus de liste limitative. C’est ainsi à surplus un arrêt de revirement. 100 ans avant (1887) on avait vu cette responsabilité comme une liste limitative. Pourquoi ce revirement ? Des besoins sociaux se sont fait ressentir et c’est à partir de la 2e moitié du 20e que de plus en plus de personnes sont confiées à des 1/3 qui n’ont ni la qualité de parents, ni d’instituteurs, ni de commettant, ni d’artisan. Ces personnes confiées sont des mineurs et des handicapés. On mettait en jeu une responsabilité sans faute de l’état : responsabilité pour risque spéciale crée pour les tiers. L’Etat est responsable des dommages causés par des mineurs délinquants faisant l’objet de mesures de rééducation plus libérales qu’avant (1945 : placement en internat surveillé).

A-t-on à faire à la mise en place d’un ppe général de la responsabilité du fait d’autrui ou à une extension des cas de responsabilité pour autrui. C’est plutôt un principe général de responsabilité du fait d’autrui. Or, pour M. Brun et M. Jourdain, il n’y a pas de ppe général de responsabilité du fait des choses et du fait d’autrui. Selon ces auteurs, la liste de responsabilité du fait d’autrui n’est plus limitative, mais la jurisprudence ne fait qu’ajouter deux cas nouveaux à ceux existant initialement : responsabilité du fait des personnes vulnérables (mineurs et les aliénés mentaux) placés sous l’autorité permanentes d’autrui et du fait des personnes dont on organise l’activité (clubs sportifs et de loisirs responsables du fait de leurs membres).

Section 2. Les conditions de la responsabilité :

  • 1er. Conditions relatives au responsable pour autrui :
  1. Les éléments indifférents :

L’écrasante majorité des responsables pour autrui sont des personnes morales professionnelles et assurées. Ex : associations accueillant des mineurs ou des majeurs, les associations sportives, etc. On remarque en revanche que dans la plupart des cas où la responsabilité n’a pas été admise, il s’agissait justement de personnes physiques non professionnelles, non rémunérées et non assurées. Ce ne sont pas des conditions : Cour de cassation, Crim, 10 octobre 1996 : on mentionne expressément la possibilité pour une personne physique d’être responsable du mineur dont elle contrôle le mode de vie. La chambre criminelle a retenu également dans une autre affaire, Cour de cassation, Crim, 28 mars 2000 : la responsabilité d’un tuteur personne physique non professionnelle et non rémunérée. Il était assuré. Mais pas d’unité jurisprudentielle sur la responsabilité du tuteur.

 

  1. Le critère de l’autorité sur autrui :

C’est ici une véritable condition : il doit avoir l’autorité directe sur l’auteur du dommage. L’autorité fondait aussi la responsabilité du commettant pour les faits du préposé. S’il y a autorité sur autrui et si de celle-ci, nait un profit, il s’agit de la responsabilité du commettant du fait de leurs préposés. S’il n’y a pas de profit, on se trouve dans le cadre de la responsabilité générale du fait d’autrui.

  1. La notion générale de l’autorité sur autrui :

Si on fait le bilan de toute la jurisprudence, la source de cette autorité peut être multiple. Une acceptation de la charge de s’occuper d’autrui n’est pas nécessaire. L’autorité peut découler de la loi (tuteur par  ex), d’une décision judiciaire (Ex : décision de placement d’un mineur en danger dans sa famille dans un foyer), d’une décision administrative, de la mission statutaire d’un organisme,… Peut-elle découler d’un contrat ? Pas de décision claire.

Dans l’arrêt Blieck, on parle de direction, de contrôle et d’organisation du mode de vie. Ça ressemble à la garde de la chose. En matière de garde d’autrui, on s’aperçoit que la notion est différente, du moins lorsqu’on étudie la responsabilité sur un contrôle du mode de vie. Les transferts d’autorité sont rares.