Le droit applicable aux faits juridiques (responsabilité civile en droit international privé)
La responsabilité civile peut être définie comme l’obligation de réparer le préjudice causé à autrui en raison d’une faute, d’une négligence ou d’un manquement à une obligation contractuelle ou légale. En droit international privé, la responsabilité civile peut survenir dans un contexte transfrontalier, où les parties impliquées dans un litige ont des liens avec différents pays. Cette matière a subit des bouleversements en raison du droit européen (règlement Rome 2 du 11 juillet 2007). Ce règlement va remplacer les solutions prévues par le Droit International Privé français avant son entrée en vigueur. De plus, la France a conclu avant l’entrée en vigueur du règlement des Convention internationales qui continuent à s’appliquer dans leurs domaines particuliers (convention de La Haye sur la Responsabilité du fait des produits défectueux du 2 octobre 1973 plus Convention de La Haye sur la loi applicable à la Responsabilité en matière d’accident de la circulation routière). Une matière assez tourmentée.
Section 1 : le contenu de la catégorie de rattachement
2 domaines :
I- Les droits de créance d’origine délictuelle ou quasi-délictuelle
C’est ce qui forme de droit de la Responsabilité délictuelle ou quasi-délictuelle. Concerne les obligations de réparer dont les auteurs de dommages sont les débiteurs.
Les questions concernées sont larges : la loi applicable au fait générateur de Responsabilité (Responsabilité fondée sur la faute, sur le fait d’autrui…), le lien de causalité entre le fait générateur et le dommage (lien de causalité par équivalent, lien adéquate…), loi applicable au dommage réparable.
II- Les obligations de rembourser
Elles naissent des quasi-contrats, comme la répétition de l’indu, le problème de l’enrichissement sans cause.
Section 2 : la pluralité des sources
I- État du droit positif français avant l’entrée en vigueur du règlement européen du 11 juillet 2007
Double intérêt : il existe des procès sous l’empire de la loi ancienne. Le règlement apporte e la sécurité juridique où le Droit International Privé français avait créé une certaine insécurité juridique.
La Cour de Cassation avait posé comme principe que la loi applicable à la Responsabilité délictuelle était la loi du pays où le fait dommageable s’était produit. La cour considérait que le la cause et le fait dommageable devait être localisé dans le même pays.
Le principe de l’application de la loi du fait dommageable résulte de la JURISPRUDENCE LAUTOUR 1948, dommage causé en Espagne, le juge applique la loi espagnole, malgré la nationalité commune des parties (françaises).
Ce principe a connu ses limites quand la Cour de Cassation a dû juger des cas où le fait générateur et le dommage ne se sont pas localisés dans le même pays. Ex des pollutions internationales, publications diffamatoires. La JURISPRUDENCE française est devenue chaotique.
2 JURISPRUDENCE se sont développées, de la CA et la Cour de Cassation :
– CA Paris, la loi applicable était la loi du lieu où le dommage était subit, en particulier quand les causes du dommage sont localisées dans divers pays. CA Paris 16 janvier 1977 une plateforme pétrolière s’était effondrée dans la mer écossaise et les causes du dommage étaient multiples (défaut de fabrication effectuée en Allemagne, fautes de l’entreprise de certification siège en Angleterre, fautes de l’architecte français).
– La Cour de Cassation avait mis en place un autre système, dans un arrêt du 27 novembre 2007, la loi applicable si le pays du fait dommageable était différent du dommage, la loi applicable était celle qui présentait les liens les plus étroits avec la situation litigieuse. Cette JURISPRUDENCE n’apportait pas beaucoup de lumière.
II- Le règlement du 11 juillet 2007
Ce règlement est fondé sur l’idée que le bon fonctionnement du marché européen exige que les règles de conflits des états membres désignent la même loi en matière de Responsabilité civile pour assurer le libre jeu de la concurrence.
A- Champ d’application du règlement
Sont écartées les Responsabilité en matière fiscale, administrative, et douanière. Le règlement ne s’applique pas aux Responsabilité familiales, la Responsabilité que l’on subit en raison du non respect des règles du droit de la famille. Le règlement exclus les atteintes à la personnalité. Le règlement ne s’applique pas aux dommages nucléaires, car il existe des textes dérogatoires.
B- La loi applicable au régime général de Responsabilité
C’est l’ensemble des règles qui s’appliquent quand il n’y a pas de règles spécifiques. Le principe : la loi applicable est la loi du pays où le dommage survient.
– Application de la loi du pays où le dommage survient
Loi applicable quelque soit la loi du pays où le fait générateur s’est produit.
De même quelque soit le pays dans lequel les Conséquence indirectes de ce fait dommageable se produisent, c’est à dire que s’il y a des dommages par ricochets dans un autre pays que celui où le dommage s’est produit, on appliquera la loi du lieu du dommage principal. Ex Cour de Cassation 28 octobre 2003 : une agence de voyage organise un voyage au Cambodge auquel participe des français, au cours d’une excursion la pirogue chavire, les voyageurs se noient. Les proches des victimes engagent une action en France invoquant leur préjudice par ricochet. Le dommage est Cambodge, le droit cambodgien s’applique, mais ce droit ne répare pas le préjudice affectif par ricochet.
Quand le dommage est subit dans différents pays il va y avoir un éclatement de la loi applicable. La victime devra agir conformément à la loi du pays où le dommage s’est produit.
L’application de la loi du dommage soulève une difficulté quand dans le pays où le dommage est subit, le comportement de l’auteur est jugé fautif, alors que dans le pays où le fait générateur s’est produit, l’auteur n’est pas considéré en faute. Ex : un agriculteur français utilise comme engrais un produit autorisé par la législation française à la frontière d’un état qui interdit ce produit, il pollue la nappe phréatique commune. La loi applicable est celle du lieu où se produit le dommage, en France pas de faute, dans l’autre pays, l’agriculteur sera coupable, sa Responsabilité pourra être engagée.
Le règlement énonce que « le juge, pour évaluer le comportement de la personne dont la Responsabilité est évoquée, doit tenir compte, en tant qu’élément de fait, des règles de sécurité et de comportement en vigueur au lieu de la survenance du fait qui a entrainé la Responsabilité ». La loi applicable est celle où le dommage est subit mais le juge doit tenir compte le droit du pays du fait générateur. Les auteurs du règlement disent que la Responsabilité pour faute est presque toujours doublée d’une Responsabilité du fait des choses
– Exceptions à l’application de la loi où le dommage survient
1 – application de la loi la plus proche.
Le règlement prévoit deux hypothèses :
– Application de la loi du pays commun de la résidence habituelle de l’auteur et de la victime. L’auteur et la victime résident à titre habituel dans un pays, mais le dommage est survenu dans un autre pays. Car le dommage sera jugé dans le pays de la résidence de la victime, le juge local appliquera la loi de ce pays.
– Application de la loi la plus proche subjectivement, article 3 du règlement « s’il résulte de l’ensemble des circonstances, que le fait dommageable présente manifestement des liens plus étroits avec un pays autre que le pays du lieu de survenance du dommage, cette loi s’appliquera ». Le règlement prévoit que s’il existait une relation juridique préexistante au dommage entre les parties, le dommage est la suite de cette relation juridique, on applique alors la loi qui régissait cette relation juridique et non pas la loi du lieu où le dommage est subit.
On peut trouver des applications : ex les parties avaient conclu un contrat de licence de brevet, le contrat arrive à terme, mais le licencié a continué d’utiliser le brevet, c’est une Responsabilité délictuelle mais on appliquera la loi qui régissait la relation antérieure, c’est à dire la loi applicable au contrat
2 – Application de la loi choisie par les parties
Article 14 du règlement « les parties peuvent choisir la loi applicable à l’obligation non contractuelle, par un accord postérieur à la survenance du fait générateur du dommage ».
Autre hypothèse : Des commerçants en relation d’affaire habituelle, peuvent convenir que si un dommage délictuel survient à l’occasion de leur relation d’affaire, telle loi sera applicable.
C- La loi applicable aux régimes spéciaux de responsabilité
Ces régimes résultent du règlement européen, mais aussi de Convention internationales (les 2 Conventions de La Haye sur la Responsabilité du fait des produits défectueux et celle sur la Responsabilité des accidents)
– Les régimes spéciaux prévus par le règlement européen
1 – Ces régimes concernent la concurrence déloyale, et pour actes anticoncurrentiels.
- Ø La loi applicable à la concurrence déloyale. La concurrence déloyale concerne les rapports entre 2 concurrents, l’un utilise des pratiques déloyales pour faire jouer la concurrence. La loi applicable est celle sur le territoire duquel les relations de concurrence sont affectées. C’est la loi du marché sur lequel la concurrence déloyale est constatée.
- Le règlement prévoit une exception quand l’acte de concurrence déloyale porte atteinte aux intérêts des consommateurs. C’est le cas par contrecoup. L’action des consommateurs sera régit par la loi du pays où les intérêts collectifs des consommateurs sont affectés par la concurrence
- Ø La loi applicable aux actes anticoncurrentiels. Il s’agit des abus de position dominante. La loi applicable sera la loi du pays dans lequel le marché sera affecté par la pratique.
Quand plusieurs marchés sont affectés par les pratiques anti-concurrentielles : Soit il y a application distributive des lois concernées, c’est à dire que les victimes vont invoquer la loi de chaque pays dont les marchés sont infectés. Soit les victimes regroupent devant le même juge la réparation de leur dommage, elles peuvent agir devant la juridiction du domicile des défendeurs pour fonder leur demander sur la loi de la juridiction saisie pourvu que le marché de cet état est un de ceux affecté par la pratique.
2 – La Responsabilité pour atteinte à l’environnement.
1ère difficulté qui nait de cette action, c’est de délimiter l’étendue du dommage. En droit français, par exemple, seul le dommage causé à un sujet de droit est réparable. Le dommage subit par la nature engage la Responsabilité de son auteur.
Le règlement pose une règle matérielle : le dommage environnemental est réparable, c’est à dire que dans l’ensemble des états membres, le juge pourra réparer ce dommage quelque soit la loi nationale de l’état du juge. La loi applicable sera soit celle où le dommage survient, le demandeur peut choisir de fonder ses prétentions sur la loi du pays où le fait générateur du dommage s’est produit.
3– la Responsabilité pour atteinte au droit de propriété intellectuelle.
Ce sont les atteintes aux droits de protection des bases de données, droits d’auteurs, propriété industrielle. La loi applicable aux actions en Responsabilité est la loi du pays dans lequel la protection est revendiquée. Quand il s’agit de droit de propriété industrielle, il faut que dans le pays où l’atteinte est invoquée, la propriété soit protégée (par un brevet).
4 – la Responsabilité précontractuelle, qui est une Responsabilité délictuelle.
C’est la Responsabilité qui nait de fautes commises à l’occasion de la négociation d’un contrat. Ex Responsabilité pour rupture abusive des négociations. La loi applicable est celle qui aurait été applicable au contrat si celui-ci avait été conclu.
– Règles de Responsabilité spéciales résultant de Convention internationales
Le règlement Rome 2 prévoit que l’entrée en vigueur du règlement ne porte pas atteinte aux Convention internationales conclues par les états membres avant l’entrée en vigueur, la France avait ratifié 2 Convention internationales relatives à la responsabilité.
La Convention de La Haye 1977 sur la loi applicable à la Responsabilité du fait des produits défectueux. Le règlement contient des règles spéciales applicables à cette Responsabilité mais le juge français appliquera les règles prévues par la Convention de La Haye.
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La Convention va prévoir 2 séries de règles qui expriment la loi la plus prévisible pour les parties. Cette Convention va régir les actions dirigées contre le fabriquant du produit et contre tous les vendeurs du produits (grossistes, détaillants, fournisseurs).
Le principe : application de la loi sur le territoire duquel le fait dommageable s’et produit. L’action peut être engagée par une partie au contrat ou par 1/3. L’application de cette loi n’est possible que si d’autres conditions sont réunies (conditions alternatives) l’état est celui de la résidence habituelle de la victime, ou cet état est l’état de l’établissement principal de la personne dont la Responsabilité est invoquée, ou cet état est l’état sur le territoire duquel le produit a été acquit par la victime. Ex un agriculteur achète un engrais allemand, il n’est pas indiqué que le produit est dangereux, les voisins de l’agriculteur sont brulés par les poussières d’engrais, ils vont pouvoir agir selon la loi de leur domicile car ils sont domiciliés dans l’état sur le territoire duquel le dommage est survenu. Le produit a été acheté dans le pays où le dommage est survenu.
On applique la loi de l’établissement principal de la personne lésée. Cette loi s’applique dans deux cas : 1 le pays de la résidence habituelle de la victime est le pays de l’établissement principal du responsable. 2 le produit a été acquit par la victime dans le pays de la victime.
La Convention de La Haye du 4 mai 1971 sur la loi applicable aux actions en Responsabilité d’accidents de la circulation routière.
Entrée en vigueur en 1975, elle introduit des exceptions à la règle selon laquelle la loi applique est celle du lieu de survenance du dommage. Le principe reste l’application de la loi de survenance du dommage, mais il existe des exceptions, on va tenter de rendre applicable la loi la plus proche des intérêts de la victime. La Convention va utiliser un critère de localisation : le lieu d’immatriculation des véhicules impliqués dans l’accident, dans certains cas cette loi du lieu d’immatriculation va s’appliquer car on considère que les intérêts de la victime sont localisés dans le pays d’immatriculation.
Plusieurs situations :
– Un seul véhicule est impliqué dans l’accident : la loi du lieu d’immatriculation du véhicule sera applicable quand la victime est soit le conducteur, soit un passager, soit une victime se trouvant sur les lieux de l’accident hors de ce véhicule lorsque la résidence habituelle de ces victimes est celle du lieu d’immatriculation du véhicule.
– Plusieurs véhicules sont impliqués dans l’accident et tous ces véhicules sont immatriculés dans le même état (qui n’est pas l’état de survenance du dommage), les victimes sont des personnes dont la résidence habituelle est dans le pays du lieu d’immatriculation.
Ex JURISPRUDENCE Cour de Cassation 30 septembre 2003 : un français est victime d’un accident en suisse, sa voiture immatriculée en France a été percutée par un véhicule immatriculé en France conduite par un français, la loi française est applicable.
La JURISPRUDENCE a étendu le champs d’application à l’action directe de la victime contre l’assureur du véhicule responsable, alors que cette matière n’était pas prévue dans la Convention.
En revanche, la Cour de Cassation a jugé que la Convention ne s’appliquait pas aux recours entre coresponsables, ex quand il y a plusieurs auteurs du dommage, on appliquera à ces recours le règlement européen
D- La loi applicable aux quasi-contrats c’est à dire aux obligations de rembourser
Il s’agit de trois situations : enrichissement sans cause, gestion d’affaire, paiement de l’indu.
Ces questions sont envisagées article 10 du règlement, il va prévoir des solutions communes à l’enrichissement sans cause et au paiement de l’indu.
L’enrichissement sans cause : une personne s’enrichit sans raison juridique en appauvrissant une autre personne,
Le paiement de l’indu : résulte d’un paiement qui n’est pas dû, celui qui a payer peut-il obtenir restitution ?
Le règlement prévoit une règle de principe, règle d’application alternative. Le principe : la loi applicable est celle de la relation existante entre les parties auquel se rattache l’enrichissement sans cause ou le paiement indu. Mais dans certains cas il est impossible de déterminer la loi applicable à la relation, dans ce cas, la loi applicable et la loi du pays où l’enrichissement sans cause s’est produit, cette règle s’applique au paiement indu.
Le règlement prévoit une règle particulière quand toutes les parties ont leur résidence habituelle dans le même pays (celui qui a payé, celui qui a reçu paiement) : on appliquera la loi du pays de la résidence habituelle des parties.
Le règlement va prévoir des règles pour la gestion d’affaire.
La gestion d’affaire : quand une personne gère les affaires d’autrui en dehors de tout contrat, toute obligation l’obligeant à le faire, la gestion d’affaire se présente comme un service gratuit, pour protéger les intérêts d’un tiers. La loi donne au gérant une action lui permettant d’être rembourser des frais avancés.
En principe la loi applicable est celle applicable à la relation entre les parties, et qui est à l’origine de la gestion d’affaire. C’est l’hypothèse d’un contrat conclu entre deux parties, le contrat arrive à terme, l’une des parties continue à exécuter le contrat, rend un service à son ancien cocontractant.
Dans les autres cas, on appliquera la loi du pays dans lequel la gestion d’affaire s’est manifestée. Si la gestion s’est manifestée dans plusieurs pays, le juge devra appliquée la loi la plus proche des intérêts des parties (sera la loi où le gérant d’affaire a sa résidence habituelle).
Si le gérant et le géré ont leur résidence habituelle dans le même pays, on applique par exception la loi de ce pays.