Responsabilité contractuelle et délictuelle : quelle différence?

La distinction des responsabilités contractuelles et extra contractuelles.

Au sens large la responsabilité civile c’est l’obligation mise par la loi à la charge d’une personne de réparer le dommage subi par une autre. Ainsi définie la responsabilité civile recouvre tant la responsabilité contractuelle qu’extra contractuelle qu’on appelle aussi responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle.

La responsabilité extra contractuelle puise sa source dans un délit ou quasi délit, le quasi délit est un fait dommageable illicite mais non intentionnel, et l’inverse pour le délit. De ce fait illicite il résulte un lien de droit entre un débiteur et un créancier, ce créancier étant la victime du dommage. Ce lien de droit va conduire le débiteur à devoir indemniser la victime.

Le code civil de 1804 à consacré 5 articles à cette responsabilité extra contractuelle.

La Distinction entre responsabilité contractuelle et extracontractuelle est très importante même si elle a perdu sa portée. Cette distinction est très critiquée par la doctrine. Cette distinction demeure grâce à la réforme de la responsabilité civile.

  • 1°) Exposé de la distinction

A – Origine de la distinction

Cette distinction trouve son origine au XIXème siècle. Deux thèses se sont opposées,

  • celle de Sainctelette défend l’existence d’une dualité de source de responsabilité, l’une des sources serait la loi et l’autre le contrat. Pour Sainctelette, les délits et quasi constituent la violation de devoir généraux posés par la loi en conséquence la source de réparation est la loi, ce qui sous-tend cela est l’intérêt général. Concernant la faute contractuelle son origine demeure dans un acte privé le contrat. Intérêt particulier.
  • Cette première thèse s’est opposée à celle de Grandmoulin qui a soutenu l’unité des responsabilités contractuelles et délictuelles pour cet auteur l’obligation d’indemniser la victime n’est pas une obligation contractuelle, cette obligation ne va pas naître du contrat, pour lui c’est une obligation légale. L’obligation de réparation naît toujours de la loi. Un seul ordre de responsabilité.

Une thèse plus nuancée va s’imposer : cette thèse énonce que dans les deux cas, c’est une violation d’une obligation, donc responsabilité contractuelle et extracontractuelle, c’est la même chose. Toutefois, ces deux responsabilités conservent, selon cette thèse, deux régimes différends, un régime si l’obligation est de nature contractuelle, un autre si l’obligation est extra contractuelle.

B – L’intérêt de la distinction

L’intérêt de la distinction réside dans la différence entre les deux régimes. Ces différences persistent mais s’amenuisent.

Concernant la réparation :

  • En matière contractuelle, on ne répare que le dommage prévisible ( article 1231-3 Code civil).
  • En matière délictuelle, principe de la réparation intégrale du préjudice, même si imprévisible. En présence d’une faute lourde ou dolosive du contractant celui-ci est tenu de réparer la faute.

Concernant les clauses limitatives de responsabilité :

  • En matière délictuelle les clauses limitatives de responsabilité sont interdites
  • En matière contractuelle, les clauses limitatives sont licites.

Cette différence tend à s’amenuiser sous l’influence du droit de la consommation. Cette légitimité permet de réputer non écrite certaines clauses dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs.

La jurisprudence Chronopost est consacrée lors de la réforme du droit des obligations avec l’article 1170 du Code civil : Toute clause qui prive de sa substance l’obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite.

Concernant les délais de prescription :

  • Avant la loi de 2008, la prescription était trentenaire, en matière délictuelle la prescription était de 10 ans.
  • La loi du 17 juin 2008 montre la disparition des différences de régime. Depuis la loi de 2008, peu importe la source, ce qui importe c’est la nature du dommage. Si c’est corporel prescription de 10 ans (article 2226 du Code civil) sinon 5 ans (article 2224 Code civil). Cette distinction, dommage corporel ou non, subsite en droit positif.

C – La mise en œuvre de la distinction

A partir de quand on est dans le cadre de la responsabilité contractuelle ou délictuelle ? Très importante question car un demandeur ne peut pas choisir le fondement de son action. En effet, la Cour de Cassation a posé le principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle (cour de cassation chambre des requêtes du 11/06/1922). En résumé, non cumul = non choix.

Deux arguments pour ce principe de non-cumul :

  • Le contrat est un instrument de prévision, lorsqu’elles ont rédigé leurs contrats les parties ont tout prévues. Ce serait méconnaître les prévisions des parties que d’admettre qu’un contractant puisse échapper à la responsabilité contractuelle pour aller sur le chemin délictuelle.
  • Principe de la force obligatoire du contrat. Si on admet qu’un contractant prenne le chemin ci nommé, on admettrait qu’il ne puisse pas être tenu par son contrat.

Ce principe de non choix implique qu’il faut pouvoir déterminer avec certitude si l’action doit être engagée sur le terrain contractuel ou délictuel. Or, pour le savoir, il convient de se demander s’il existe un contrat entre le demandeur et le défendeur à l’action,

  • si réponse négative (pas de contrat), alors il s’agit d’une responsabilité délictuelle.
  • Inversement, s’il y a un contrat et que le dommage trouve sa source dans la mauvaise ou dans l’inexécution d’une obligation du contrat qui les lie : il y aura alors Responsabilité contractuelle qui lie la victime et celui auquel il demande réparation.

Conclusion : Depuis plus de 50 ans une partie de la doctrine prône l’abandon de cette distinction.

  • 2) La remise en cause de la distinction des responsabilités contractuelle et extracontractuelle.

Cette remise en cause de la distinction provient des incertitudes entourant cette distinction mais également de la cour de cassation qui a assimilé les fautes délictuelles et contractuelles. Elle provient aussi du législateur.

A – Les incertitudes de la distinction

Au regard du critère de l’origine du dommage, les deux ordres de responsabilités ont un domaine distinct cependant la jurisprudence pour faciliter l’indemnisation de la victime a joué sur les frontières des 2 domaines et a élargie le domaine de la responsabilité contractuelle en le faisant de deux manières

  • soit en créant des contrats,
  • soit en élargissant un forçage du contrat (en insérant des obligations non prévues par les parties, comme l’obligation de sécurité dans le contrat de transport).

1) L’incertitude tenant à l’existence d’un contrat

Une victime peut avoir intérêt à engager une action en responsabilité contractuelle plutôt qu’une Action en responsabilité sur fondement délictuelle. Donc, pour faciliter l’indemnisation de victime, la cour de cassation a pu « créer » des contrats. Qu’est ce que signifie ? Face à des faits (ex : une personne vient aider une autre personne), la jurisprudence va énoncer qu’il y a l’existence d’un contrat entre les deux personnes, ce contrat est appelé convention d’assistance bénévole. La convention d’assistance bénévole permet de faciliter le dédommagement d’une personne, l’assistant, ayant subi un dommage au cours d’un acte d’assistance à l’égard d’autrui, l’assisté. L’objectif est donc d’indemniser le « bon samaritain » et d’encourager les actes de bravoure dans notre société.

  1. a) La création de contrat : l’exemple de la convention d’assistance

Face aux difficultés que pouvait éprouver la victime d’un dommage corporel, la jurisprudence a créé des contrats de toutes pièces de façon a ce que la victime puisse engager une responsabilité contractuelle plutôt que délictuelle.

Ce mécanisme « découvert » par la jurisprudence, demeure actuellement dans notre droit positif et ce, malgré sa fictivité et son caractère artificiel. D’une part, cette création prétorienne ne possède aucun fondement juridiquement valable et, d’autre part, méconnait les règles classiques de formation du contrat.

Donc c’est l’arrêt du 27/05/1959 qui va voir la Création d’une convention d’assistance en l’absence de consentement d’un contrat. Cette convention d’assistance est la convention par laquelle une personne accepte d’en assister une autre dans l’exécution d’un acte matériel constitue une convention d’assistance qui implique pour l’assisté l’obligation de réparer les conséquences des dommages corporels subis par celui auquel il a fait appel.

Il y a d’autres créations de contrat par la jurisprudence : par exemple, la Gestion d’affaires par la cour de cassation ou contrat d’entraide agricole.

  1. b) Les frontières du contrat : l’exemple du contrat de transport.

– Avant un arrêt du 7/03/1989 on a considéré qu’un contrat de transport commençait lorsque l’on entrait dans la gare de départ et finissait lorsque l’on sortait de la gare d’arrivée.

Ainsi si un passager se blessait dans la gare la responsabilité de la SNCF était contractuelle. L’obligation de sécurité attachée au contrat n’avait pas toujours la même intensité. De l’entrée de la gare a la montée dans le train, obligation de sécurité de moyen (essayer de tout mettre en œuvre pour assurer la sécurité des passagers), pendant le transport, obligation de sécurité de résultat, de la descente à la sortie, obligation de sécurité de moyens.

La responsabilité du fait des choses s’est développée et il a été plus facile d’aller sur le terrain délictuel que de prouver un manquement à une obligation de moyen ou de résultat.

– La cour de cassation a dans un arrêt du 7/03/1989 estime que le contrat de transport débute a partir du moment où le voyageur commence à monter dans le train et il se termine ou il en descend. Dés lors, s’il y a blessure dans la gare alors fondement est délictuel.

Est-ce avantageux pour la victime que ce soit une responsabilité délictuelle plutôt que contractuelle ?

  • Sur le fondement de la responsabilité contractuelle, la victime bénéficie d’une obligation de sécurité de résultat, évidemment très favorable puisque la SNCF ne peut se dégager de son obligation que par la démonstration d’un cas de force majeure (Cass. Ch. Mixte, 28 nov. 2008).
  • Pour autant sur le terrain de la responsabilité délictuelle, la victime se voit appliquer une responsabilité sans faute, tout aussi favorable à la réparation de son préjudice, puisqu’elle n’aura pas à démontrer une quelconque faute du transporteur.

2) L’incertitude tenant a l’existence d’une obligation contractuelle.

La Cour de cassation a posé une obligation de sécurité dans les contrats de transport par l’arrêt compagnie générale transat 21/11/1911. Depuis cet arrêt peu importe ce qu’ont prévu les parties, l’obligation de sécurité est imposée.

B – L’identité des fautes contractuelles et délictuelles

Lorsqu’un tiers subi un dommage du fait de l’inexécution par un contractant de ses inexécutions contractuelles, que doit il prouver ? et concernant la responsabilité délictuelle, quelle faute va le demandeur doit t-il prouver ?

A l’origine, il y avait une harmonie des chambres de la cour de cassation, qui estimaient que prouver le manquement contractuel était suffisant

  • sauf que début 90s opposition entre elles.
    • La 1ere Chambre civile permettait au tiers de rapporter que l’inexécution lui avait causé un dommage,
    • la chambre commerciale estime que la preuve est insuffisante, autonomie de la faute délictuelle par rapport à la faute contractuelle, le tiers devait établir une faute délictuelle, autrement dit un manquement à l’obligation générale de prudence et de diligence.
  • Arrêt assemblée plénière 6/10/2006: le tiers à un contrat peut invoquer un manquement contractuel des lors que ça lui a causé un dommage.

C – L’existence de régimes transcendant la distinction

Dans un certain nombre de textes récents, on s’aperçoit que législateur s’est intéressée à la source de l’accident, à sa cause de responsabilité et non à sa nature, il s’est désintéressé de la distinction des responsabilités contractuelles et délictuelles.

  • En 5/07/85, la loi Badinter dispose que en son article 1 que ces dispositions s’appliquent aux victimes d’accidents de la circulation même lorsqu’elles sont transportées en vertu d’un contrat,
  • La loi du 19/05/1998 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux qui dispose que le producteur est responsable du dommage causé par un défaut de son produit qu’il soit ou non lié par un contrat a la victime, là encore peu importe qu’il y ait un contrat, les dispositions de la loi s’appliqueront.
  • 4/03/2002 relative au droit des malades et à la qualité des systèmes de santé, pose un régime de responsabilité sans s’attacher à la nature de la relation entre la victime et celui avec lequel elle souhaite demander des réparations.