La responsabilité du dirigeant de la société anonyme ivoirienne

LES RESPONSABILITÉS ENCOURUES DANS LA GESTION DE LA SOCIÉTÉ ANONYME

Les organes chargés de l’administration de la Société Anonyme peuvent, dans l’exercice de leurs fonctions, causer un préjudice autant aux actionnaires, aux tiers, qu’à la Société Anonyme elle-même. A cet effet, le législateur OHADA a prévu des sanctions tant au plan civil qu’au plan pénal, pour les fautes que les dirigeants sociaux seraient amenés à commettre.

PARAGRAPHE 1 – LA RESPONSABILITÉ CIVILE

Les administrateurs et les autres dirigeants de la Société Anonyme sont individuellement ou solidairement responsables des dommages qu’ils pourraient causer par leurs fautes. Cette responsabilité est à distinguer de la responsabilité de la société elle-même.

Les hypothèses dans lesquels les administrateurs ou les dirigeants seraient amenés à causer des dommages sont multiples. Par exemple, pour un fait constitutif de délit pénal, le préjudice qui en sera résulté pourra être réparé devant le tribunal répressif. Mais du point de vue de la procédure, il est possible d’exercer séparément l’action pénale devant le tribunal répressif et l’action civile devant le tribunal civil.

De même, la violation des dispositions légales statutaires peut engendrer des préjudices pour lesquels une réparation sera demandée.

Une mauvaise administration de la société, par exemple en cas de défaut de surveillance de la direction, peut causer un préjudice pour lequel une réparation sera demandée. Lorsque les dirigeants sociaux ont causé un préjudice à 1/3 ou à un actionnaire personnellement, celui-ci dispose d’une action individuelle pour demander réparation. Mais si le préjudice est causé à la société elle-même, l’action sociale sera intentée donc par les représentants de la société.

En outre, une action sociale, distincte de la première, peut être exercée par un ou plusieurs actionnaires. Celle-ci est appelée action in singuli.

A) L’ACTION INDIVIDUELLE

C’est celle qui est exercée par le tiers ou par l’actionnaire qui a subi personnellement un préjudice suite à la faute commise par un dirigeant social. Cette action trouve son fondement dans le droit commun de la responsabilité civile ainsi que dans les dispositions des articles 161 à 164 de l’AUDSC-GIE.

Ainsi, pour l’exercice valable de cette responsabilité doivent être réunies les conditions de la responsabilité civile, la faute, le préjudice et le lien de causalité. Mais lorsqu’il s’agit d’un actionnaire il doit prouver que le préjudice subi est personnel, tel le détournement des dividendes qui lui reviennent de droit.

En cas de pluralité de dirigeants sociaux, ceux-ci seront solidairement responsables. Lorsque le préjudice résulte d’un délit l’action se prescrit par trois ans tandis que lorsqu’il résulte d’un crime, l’action se prescrit par dix ans.

B) L’ACTION SOCIALE

Il faut distinguer ici l’action sociale qui est réservée aux dirigeants de l’action sociale réservée aux actionnaires.

  • L’ACTION SOCIALE INTENTÉE PAR LA SOCIÉTÉ

Elle est en réalité exercée par les représentants de la société. Des deux hypothèses l’une

– ou bien le préjudice est causé par le fait d’un seul administrateur, dans ce cas l’action sera intentée par les autres.

– Ou bien tous les administrateurs en fonction sont responsables du préjudice causé par leur faute. Dans cette hypothèse, c’est après révocation ou démission de ceux-ci que les nouveaux administrateurs nommés vont exercer l’action sociale contre les anciens.

  • L’ACTION SOCIALE INTENTÉE PAR UN OU PLUSIEURS ACTIONNAIRES

Dans la législation antérieur, un actionnaire ne pouvait pas prétendre agir au nom de la société sauf s’il faisait partie d’un groupe d’actionnaires représentant au moins 1/20e du capital social. L’AUDSC-GIE admet désormais la solution suivant laquelle un ou plusieurs actionnaires peuvent intenter l’action sociale. Cette action a l’avantage de combattre la négligence des dirigeants sociaux qui hésiteraient à agir contre leur collègue administrateurs en cas d’atteinte au patrimoine social.

C) LES CONDITIONS DE L’ACTION SOCIALES

Pour favoriser l’exercice de l’action sociale, aucune clause tendant à subordonner cet exercice à un avis ou à une autorisation. De même, toute clause qui aurait pour but une renonciation par avance à l’exercice de cette action n’est acceptable. Mais en la matière une transaction est possible en vue de mettre fin au litige.

L’action sociale exercée par les dirigeants se prescrit dans délai de trois ans ou de dix ans en cas de crime. L’action ut singuli n’est recevable que trente jours après mise en demeure des organes compétents. Mise en demeure demeurée sans effets.

PARAGRAPHE 2 – LA RESPONSABILITÉ PÉNALE DES DIRIGEANTS SOCIAUX

Les infractions concernée ici sont les délits relatifs à l’administration de la société, les délits relatifs aux bilans et aux dividendes, les délits relatifs à la tenue des Assemblées Générales, les délits relatifs aux mouvements du capital social et ceux relatifs à la dissolution de la société.

Relativement à ces infractions, encourent une sanction pénale :

  • Les dirigeants sociaux qui, de mauvaise foi, font des bien ou du crédit de la société un usage qui s’avère contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielle ou morale ou pour favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés directement ou indirectement.
  • Les dirigeants sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou moyen d’inventaires frauduleux auront, sciemment, opéré entre les actionnaires la répartition de dividendes fictifs.
  • Les dirigeants sociaux qui auront présenté de faux états financiers et comptables pour dissimuler la véritable situation de la société….

PARAGRAPHE 3 – LA RESPONSABILITÉ EN CAS DE RÈGLEMENT JUDICIAIRE OU DE LIQUIDATION DE BIENS

Suivant les dispositions de l’article 180 et suivant de l’AUPCAP[18], la responsabilité des dirigeants en cas de procédure collective d’apurement du passif est très lourde.

Lorsqu’il existe un cas de règlement judiciaire ou un cas de liquidation de biens et que la procédure laisse apparaitre une insuffisance d’actifs, le juge saisi dans cette procédure peut décider que les dettes sociales seront supportées par les dirigeants en de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actifs. La responsabilité sera également retenue personnellement contre le dirigeant, en cas de règlement judiciaire ou de liquidation de biens, dans les situations suivantes :

  • Le dirigeant social a exercé une activité commerciale personnelle, soit par personne interposée, soit sous le couvert de la personne morale afin de masquer ses agissements.
  • Le dirigeant a disposé du crédit ou des biens de la société comme des siens propres.
  • Le dirigeant a poursuivi de façon abusive, dans son intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu’à la cessation des paiements.

La faillite personnelle d’un dirigeant social peut être prononcée dans les hypothèses suivantes :

  • Lorsque, sous le couvert de la société, il a masqué ses agissements, ce qui lui a permis de faire dans son intérêt personnes, des actes de commerce et de disposer des capitaux sociaux comme des siens propres.
  • Lorsque le dirigeant a soustrait la comptabilité de l’entreprise, lorsqu’il détourné ou dissimulé une partie de l’actif ou bien lorsqu’il a reconnu de façon frauduleuse des dettes qui n’existaient pas.
  • Lorsqu’il a usé des crédits ou des biens de la société comme des siens propres…

De même, lorsque le dirigeant social a commis des actes de mauvaise foi, il sera poursuivi pour banqueroute par application de l’article 227 et suivant de l’AUPCAP (L’acte uniforme relatif aux procédures collectives d’apurement du passif). Ces actes de mauvaise foi son les suivants :

  • Le fait de consommer de fortes sommes en effectuant des opérations de pur hasard ou des opérations fictives ;
  • Le fait d’effectuer des achats pour les revendre en dessous du coût dans le but de retarder la constatation de la cessation de paiement de la société ou dans le but d’employer des moyens tendant à ruiner la société afin de se procurer des fonds ;
  • Le fait de tenir irrégulièrement les livres de commerce,…

Il reste à étudier les questions relatives aux droits des actionnaires. Les droits des actionnaires sont respectés aux niveaux des Assemblées Générales soit de façon indirecte par le contrôle exercé par le Commissaire aux Comptes.

Il reste à étudier également la question de la vie sociale au cours de laquelle de nombreux actes sont accomplis notamment le bilan annuel qui permet d’apprécier l’existence de bénéfices qui peuvent être repartie entre les actionnaires après décision de l’Assemblée Générale. Et c’est au cours de cette vie sociale que de nombreuses modifications peuvent intervenir notamment en ce qui concerne le capital social.

Enfin il faut savoir que comme toute personne morale, la Société Anonyme peut être dissoute. Il certes des causes communes de dissolution mais il peut exister aussi d’autres causes. Celles-ci seront décidées en Assemblée Générale Extraordinaire