Responsabilité du fait de la chose : la détermination du gardien responsable

LA  DÉTERMINATION DU GARDIEN RESPONSABLE

          Qui est le gardien de la chose ? La jurisprudence en a distingué les critères :

LE CRITERE DE LA GARDE

          L’arrêt FRANCK du 2 décembre 1941          est venu définir la notion de garde en en dégageant les critères. Dans la nuit de noël, le docteur Franck prête sa voiture à son fils qui se la fait voler. Le voleur va avoir un accident et va écraser le facteur qui décède. Le voleur n’est pas retrouvé. Peut-on considéré que le propriétaire du véhicule est responsable sur le fondement de l’art 1384 al 1er ? Une chose est sûre c’est que le responsable est le gardien. Don en fait la question est de savoir si le docteur Franck peut-il être considéré comme le gardien de son véhicule alors même qu’il a prêté ce dernier a son fils qui lui-même ce l’ai fait volé. La jurisprudence va dire que le gardien c’est celui qui a sur la chose les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction. Ce sont des pouvoir de fait sur la chose et non pas des pouvoir de droit ; peu importe donc le droit qu’aurait eu une personne sur la chose ; ce qui compte c’est l’exercice des pouvoir de fait, d’usage, de contrôle et de direction de la chose. Dans l’arrêt Franck, le propriétaire n’est pas le gardien car au moment du dommage il n’exerce pas sur la chose les contrôles d’usage de la chose.

          De cette définition de la garde, 2 Remarque peuvent être faites :

                   ¤ L’arrêt Franck consacre une définition matérielle de la garde et non pas, au détriment d’une définition juridique. Car ce qui compte c’est l’existence d’un pouvoir de fait et non de droit.

                   ¤ De cette définition de la garde, il y a l’idée que le gardien a la maîtrise de la chose ; mais alors en poussant le raisonnement, on pourrait estimer que le gardien c’est celui qui a la possibilité la réalisation du dommage. C’est lui qui a la maîtrise de la chose. En poussant le raisonnement encore plus loin on en arrive à l’idée que lorsqu’un dommage survient par le fait d’une chose, c’est que le gardien aurait perdu la maîtrise de la chose et donc qu’il aurait commis une faute. Dans la définition même de la garde, il y aurait une résurgence (réapparition) de l’idée de faute. C’est uniquement un raisonnement car on sait que la jurisprudence n’exige pas la faute du gardien pour exiger sa responsabilité sur le fondement de l’art 1384 al 1er. Donc la garde renvoie à un pouvoir de fait sur la chose.

 

                                               Garde et propriété

          Le propriétaire a un droit sur la chose ; et l’on sait que depuis l’arrêt Franck, la Cour de Cassation n’assimile plus gardien et propriétaire. Il reste que le plus souvent, le propriétaire est en même temps celui qui exerce des pouvoirs de fait sur la chose. Il est le plus souvent celui qui exerce les pouvoirs d’usage, de contrôle, de direction de la chose.

          Prenant en compte cette réalité, la jurisprudence considère que le propriétaire est présumé être le gardien de la chose. C’est une présomption simple et par conséquent il appartient au propriétaire de prouver que les pouvoirs d’usage de contrôle et de direction ont été transférés à 1/3 s’il ne veut pas être déclaré responsable. Le propriétaire doit donc prouver qu’il y a eu transfert de la garde. Le transfert de la garde peut être involontaire ou volontaire.

                   ¤ Involontaire : en cas de vol de la chose : c’est alors le voleur qui est gardien. Cour de Cassation arrêt Franck.

                   ¤ Volontaire : par exemple en cas de prêt ou de location, le transfert de la garde résultant de l’expression d’une volonté constaté dans un acte juridique.

 

          Il reste que la jurisprudence sur le transfert de la garde est assez difficile à saisir :

                   ¤ Par exemple il a été jugé que le propriétaire d’un véhicule qui en confie temporairement la conduite à une autre personne et qui s’est endormi à côté de celle-ci conserve la garde du véhicule.

 

                                               Garde et détention

          Le gardien est le plus souvent celui qui détient la chose ; mais la solution est plus compliquée lorsque l’on distingue la garde de la structure ou la garde du comportement. Encore faut-il que celui qui détient la chose soit indépendant. C’est le problème du préposé (salarié). Libre administration jurisprudence considère depuis Cour de Cassation 30 décembre 1936 que le préposé ne peut pas être gardien et que c’est nécessairement le commettant (celui sous l’autorité duquel le préposé est placé) qui est gardien. La jurisprudence considère qu’il y a incompatibilité entre les fonctions de gardien et de préposé. Car on considère que le préposé n’a pas l’indépendance requise pour être gardien. Être gardien c’est avoir usage contrôle or le préposé obéit à des ordres et par conséquent il ne dirigerait pas véritablement la chose puisqu’il n’agirait pas pour lui en réalité.

          Cette jurisprudence n’a plus de cohérence dès lors qu’on la compare à celle qui admet qu’un dément ou qu’un jeune enfant puisse être gardien.

 

                                                Garde et conscience

          La personne démente peut-elle être gardien ? Une personne privée de conscience peut-elle être gardien de la chose. La jurisprudence a répondu par la négative en faisant valoir que tant les pouvoirs d’usages, que ceux de contrôle et de direction ne pouvaient être détenues par une personne en état d’inconscience ou qui ne contrôle pas ses actes du fait de sa démence. On ne pouvait alors leur imputer une présomption de responsabilité.

          Mais la jurisprudence a évolué avec l’arrêt TRICHARD du 18 décembre 1964. La jurisprudence a considéré que l’obnubilation de ses facultés mentales n’empêchait pas une personne d’avoir la garde de la chose. La victime d’une obnubilation de ses facultés mentales peut être gardienne de la chose. C’est une conception objective de la garde qui en dénature les termes. Objectivement, on dit que le dément a les pouvoir d’usage de direction et du contrôle de la chose, mais en réalité en disant cela on dénature la définition de la garde car le contrôle et la direction nécessite la conscience de la personne et donc la conscience de la personne. Cette objectivation de la garde rejoint le mouvement général d’objectivation de la responsabilité dont on trouve justement une trace à propos du dément dans la loi du 3 janvier 1968 à l’art 489 – 2 code civil qui déclare  que l’aliéné peut être tenue de réparé le dommage.

          C’est un mouvement identique qui a gagné l’infan. Cour de Cassation 9 mais 1984 assemblée plénière GABILLET a considéré que l’infans pouvait être gardien de la chose. En l’espèce un jeune enfant de *3 ans joue avec un bâton et crève l’œil d’un autre. La Cour de Cassation a estimait qu’il était bien le gardien du bâton car usage contrôle et direction de la chose. Cette objectivation de la garde est une totale dénaturation car il n’y a pas de pouvoir de fait chez l’enfant. Cette solution peut être prise au cas par cas (inique) quand il n’y a pas d’assurance de responsabilité qui en supportera les conséquences. Lorsqu’en plus le gardien sera victime, on ne sait pas ce qui se passe sur le terrain de la réparation.

                           

LE CARACTERE DE LA GARDE

 

  1.     a) le caractère alternatif de la chose                   

A un moment donné il ne peut y avoir qu’un gardien de la chose, la garde a un caractère alternatif et non pas cumulatif. Ce caractère pose avec acuité la question du transfert de la garde, à partir de quel moment la garde est transférée. Mais le fait que la garde soit alternative n’empêche pas l’existence de co-gardien de la chose, il peut donc y avoir une garde collectif sans pour autant porter atteinte au caractère alternatif de la garde

   

  1. b) la garde de la structure et la garde du comportement :

J’ouvre une bouteille qui me blesse, qui est gardien de la chose ?

Celui qui a les pouvoirs d’usage, de contrôle et de direction de la chose mais dans cet hypothèse le consommateur n’a pas le pouvoir de ce qui fait mettre une difficulté car le contenu de la chose échappe à celui qui la détient. On voit que pour un certain type de chose ayant un contenu particulier, le plus souvent ayant un contenu dangereux, la doctrine a imaginé une distinction : la distinction de la garde de la structure et de la garde du comportement.

En France cette distinction apparaît dans la thèse de Goldman de 1946, cette doctrine propose que pour ce type de chose on distingue le contenu de la chose (ce de quoi elle est faite, sa structure) et de l’autre son comportement ce qui renvoie à une extériorité. Et donc pour ce type de chose il y aurait deux gardiens possibles, un gardien de la structure et un gardien du comportement.

Cette distinction ne porte pas atteinte aux caractères alternatifs de la garde car pour une chose donnée à un moment donné il n’y a qu’un gardien qui est soit le gardien de la structure soit le gardien du comportement, il n’y a jamais de cumul des deux.

La jurisprudence a consacré cette distinction dans un arrêt du 5 janvier 1956 dit oxygène liquide. Dans cette affaire un préposé transportait des bouteilles d’oxygène qui ont explosé au cours du transport. La victime demande la réparation du dommage au gardien mais qui est gardien ici ? Le gardien du comportement c’est celui qui détient la chose et ici se serait pas le préposé, mais celui pour lequel il effectue la mission. Le gardien de la structure est le propriétaire de la chose, mais la jurisprudence a souvent estimé que c’était le fabricant de la chose.

Dans une affaire du 12 novembre 1975, une bouteille de Riclès avait explosé, la société qui avait fabriqué les bouteilles avait conservé la garde de la structure de la chose, la mise en œuvre de cette distinction appelle quatre séries de remarques :

À travers cette distinction on voit resurgir des distinctions entre les choses que l’arrêt Jand’heur avait pourtant refoulé. Y a-t-il pour autant une contradiction entre l’admission par la jurisprudence de la distinction et le principe posé par l’arrêt Jand’heur qui veut que l’on ne fasse aucune distinction entre les choses ? Non il n’y a pas de contradiction avec le principe posé par l’arrêt car quoiqu’il arrive les distinctions entre les choses que l’on retrouve n’ont pas pour objet de limiter l’article 1384 al 1er.

Cette distinction va parfois faire peser la responsabilité sur un gardien de la structure qui pourra fort bien ne plus avoir la chose entre les mains depuis très longtemps. En effet quand le fabricant est considéré comme le gardien de la chose donc le gardien de la structure il n’a par hypothèse plus la chose entre les mains. Dans un arrêt du 30 novembre 1988 où il s’agissait d’une télé vicié le constructeur avait perdu la propriété depuis plus de 7 ans et pourtant on a dit qu’il était le gardien de la structure est donc responsable. On ne peut pas dire que le gardien avait au moment de la réalisation du dommage la possibilité d’empêcher cette réalisation. Il avait peut-être dans le temps la possibilité d’éviter qu’un dommage ne survienne dans le futur au fond, quand le gardien retenu est le gardien de la structure on voit que ce qu’on reproche au fabricant c’est précisément un défaut de fabrication de la chose et on voit alors resurgir l’idée de faute, le reproche, la faute c’est le fait d’avoir mal fabriqué la chose.

Cette jurisprudence protège les acquéreurs successifs et donc les utilisateurs successifs de la chose, on voit ici le droit de la responsabilité civile délictuelle rejoindre des préoccupations du droit de la vente donc du droit des contrats au fond cette distinction fait peser sur le gardien de la structure une responsabilité qui rejoint celle que lui impose l’obligation de garantie dans la vente

Dans un certain nombre d’hypothèse il est difficile de savoir si le dommage survient en raison d’un problème lié à la structure de la chose ou en raison d’un problème lié  à l’utilisation de la chose, de comportement. La victime dans ce cas devra choisir pour déterminer lequel du fabricant ou de l’utilisateur elle entend assigner en responsabilité ce qui n’est pas sans poser un certain nombre de problème de preuve quant à l’origine du dommage. On a fait évoluer l’article 1384 al 1er pour permettre à la victime de ne pas échouer sur la question de la preuve de la faute de l’auteur du dommage, or à travers la distinction on fait à nouveau poser sur la victime la charge d’une preuve difficile non pas la preuve d’une faute mais la preuve de l’origine du dommage.

 

LES THÉMATIQUES ABORDÉES DANS CE COURS SONT LES SUIVANTES :

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