la RÉTROACTIVITÉ de la nullité
La nullité sanctionne en l’absence d’une condition de formation de validité du contrat. Il est naturel que les effets de la nullité remontent dans le temps jusqu’à la formation même du contrat. Le contrat annulé n’est censé n’avoir jamais existé.
I. La rétroactivité à l’égard des parties
La rétroactivité produit une conséquence essentielle. Si les parties ont déjà, avant que la nullité soit prononcée, fourni des prestations, alors les parties vont devoir mutuellement se restituer ce qu’elles ont exécuté. Ainsi lorsqu’une vente exécutée est annulée l’acheteur devra restituer la chose, le vendeur doit restituer le prix à l’acheteur. Cette obligation de restitution est assorti de correctif et même d’exception.
- Le droit des contrats
- Qu’est ce qu’une obligation? définition et classification
- Qu’est ce qu’un contrat? définition
- Quelles sont les classifications des contrats?
- le principe de l’autonomie de la volonté et son déclin
- Quelles sont les conditions de formation du contrat?
- Le consentement et la capacité de contracter
- L’obligation de restitution
L’obligation de restitution obéit à 3 principes directeurs :
· Lorsque la restitution porte sur une somme d’argent, alors ce qui doit être restitué est la somme dans son montant nominal c’est à dire la somme sans prendre en compte l’inflation (en 2003 l’acheteur a payé 1000€. La vente est annulée en 2005, l’acheteur aura droit à la restitution de 1000€ peu importe l’inflation).
A ce principe il y a un tempérament. En effet le débiteur de la restitution monétaire doit verser les intérêts légaux ayant courus depuis la conclusion du contrat, si le débiteur est de mauvaise foi (le fait d’avoir connu la cause de nullité du contrat)
· S’il s’agit de biens autres que l’argent, la restitution en principe se fait en nature. L’acheteur restitue la chose même qui lui avait été vendu. Cela dit si la restitution en nature n’est plus possible, alors elle doit s’opérer en valeur. En effet le juge retient alors la valeur que la chose avait au jour de la conclusion du contrat. En outre, selon la JP, cette valeur correspond à la valeur réelle de la chose. Le juge n’est pas tenu par le prix stipulé par les partis.
· Les fruits et revenus produit par la chose doivent être restitués avec elle (si la vente d’un terrain agricole est annulée, l’acheteur en plus du terrain devra resituer toutes les récoltes qu’il a perçu. Autre exemple, si la vente d’un immeuble à usage d’habitation est annulée, l’acquéreur s’il a encaissés les loyers devra les restituer).
Mais il ne s’agit pas que d’un principe. Il y a un tempérament. Cette solution ne s’applique qu’à la partie de mauvaise foi. En effet selon l’art 1549 du C.Civ, la partie qui est de bonne foi est dispensée de restituer les fruits ou les revenus.
- Les correctifs
Il y a 2 correctifs :
· D’abord lorsqu’une vente est annulée on se demande s’il faut tenir compte du fait que l’acheteur avait pu utiliser la chose jusqu’au jour de l’annulation. Dans ce cas la vente est annulée. Le vendeur peut-il réclamer une indemnisation à l’encontre d’une partie de l’utilisation de la chose par l’acheteur. Les Ch. de la C.Cass ont été divisées. Il a fallu réunir une Ch. mixte pour trancher la question. Dans un arrêt rendu le 9 juillet 2004, la Ch. mixte affirme que l’acheteur ne peut pas obtenir la réévaluation du prix payé. Cette solution n’interdit pas au vendeur de réclamer une indemnité pour compenser l’usure de la chose en raison de l’utilisation qu’en a fait l’acheteur.
· L’annulation du contrat peut être la cause d’un préjudice important, préjudice non couvert par les restitutions (lorsqu’une vente est annulée, l’acheteur peut subir un préjudice. L’annulation peut avoir des conséquences préjudiciables. Dans ce cas de figure si l’une des parties a commis une faute (donc a conclu le contrat en connaissance de la cause de nullité), alors l’autre partie innocente pourra lui réclamer des dommages et intérêt pour réparer les préjudices qu’entraine la nullité.
Les dommages et intérêts peuvent être demandés par la partie qui agit en nullité du contrat (dommage intérêts réclamés par la victime d’un dol). Mais 2nd cas de figure, il se peut que les dommages et intérêts soient réclamés par la partie contre qui l’action en nullité est exercée. Il s’agit du cas ou une action en nullité absolue est exercée contre une partie innocente par la partie qui est à l’origine de cette cause de nullité. La responsabilité dont il s’agit est une responsabilité extra contractuelle.
Une responsabilité délictuelle est fondée sur l’art 1392 du C.Civ. Il ne peut pas s’agir d’une responsabilité contractuelle puisque le contrat et nul et n’est censé n’avoir jamais existé.
- Les exceptions
1. Les incapables
L’obligation de restitution est mise à l’écart, du moins partiellement, lorsqu’un incapable agit en nullité du contrat qu’il a conclu.
Art 1312 : cet article vise à protéger l’incapable. Pour se faire il dispose que l’incapable ne doit restituer que ce qui a tourné à son profit.
2. Les contrats à exécution successive
Ces contrats font naitre des prestations non monétaires s’exécutant dans la durée et ne pouvant être restituées (ex : le bail au bout d’un certain temps est annulé. Or le locataire aura occupé les lieux jusqu’au jugement d’annulation. Or si le bailleur peut parfaitement restituer au locataire les loyers encaissé, en revanche, le locataire ne peut pas restituer au bailleur l’occupation des lieux. Donc la prestation en nature est non restituable). (Ex : le contrat de travail est conclu. Au bout d’un certain temps il est annulé. Le salarié peut parfaitement restituer à l’employeur les salaires perçus. En revanche, l’employeur ne peut pas restituer au salarié le travail que celui ci a fourni jusqu’à l’annulation. Comment résoudre cette difficulté ? Il y a 2 solutions :
– La 1èreconsiste à dire que la nullité ne rétroagit pas dans les contrats à exécution successive. Dans ce type de contrat la nullité ne va produire des effets que pour l’avenir.
– La 2èmesolution consiste à dire que la nullité rétroagit dans ces contrats comme dans les contrats à exécution instantanés. Mais alors une indemnité doit être accordée à celui qui ne peut pas donc obtenir la restitution de sa prestation (ex : dans le cas du bail, le bailleur aura droit à une indemnité d’occupation du fait que le locataire a occupé les lieux jusqu’à l’annulation. De la même manière, dans le contrat de travail, le salarié qui a fourni son travail a droit à se faire indemniser par son employeur. Cette indemnité n’est pas de nature contractuelle. En effet par hypothèse, le contrat est annulé, donc le prix fixé par le contrat est inapplicable. L’indemnité sera appréciée librement par le juge.
La jurisprudence n’est pas fixée mais tout de même, dans sa majorité elle se rallie au 2ème système, donc rétroactivité de la nullité avec accord d’une indemnisation appréciée par le juge.
3. La maxime « Nemo auditur »
Cette maxime est traduite en français par l’adage : nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Cette maxime a une signification particulière. Elle n’a donc pas de valeur générale. Elle se rapporte à l’hypothèse dans laquelle un contrat est immoral et elle signifie que la partie qui a trempé dans cette immoralité ne va pas pouvoir obtenir la restitution de ce qu’elle a accompli en cas d’annulation du contrat. A partir de là, il ya des observations à faire sur le domaine et les conditions d’application de cette maxime :
- La maxime ne fait pas obstacle à l’action en nullité, elle vient seulement palier éventuellement les restitutions consécutives à l’annulation. Il en résulte que la maxime est sans application lorsque le contrat n’a pas encore été exécuté. Dans ce cas l’annulation peut être demandée par chacune des 2 parties, et, le problème des restitutions ne pourra pas se poser.
- La jurisprudence décide que la maxime s’applique seulement lorsque le contrat est entaché d’immoralité. En revanche elle ne s’applique pas si le contrat est illicite, c’est à dire si le contrat contrevient à l’ordre public sans contrevenir aux bonnes mœurs.
- La maxime ne s’applique pas aux libéralités : on suppose qu’un donateur a fait une donation dans un but immoral. La donation est annulée, admettons qu’on applique la maxime. Dans ce cas on refuse de restituer au donateur ce qu’il a donné. A ce compte on fait produire effets à la donation immorale.
- La maxime ne s’applique pas lorsque le contrat immoral est un contrat synallagmatique entièrement exécuté. La raison est la même que précédemment c’est à dire que refuser la restitution reviendrait à faire produire effet au contrat. Si l’on rassemble toute ces données, la conclusion est que finalement, la maxime ne s’applique que dans 2 hypothèses :
- Le contrat est synallagmatique et ou une partie a exécuté son engagement avant l’autre (ex : le locataire d’une maison clause à versé les loyers par avance. Ce locataire pourrait se voir annuler le contrat d’allocation en raison de l’immoralité du contrat).
- Le prêt est consenti dans un but immoral. Si on refuse la restitution au préteur, on sanctionne le préteur et on déjoue ses prévisions.
Même dans ce domaine qui est réduit, la maxime ne s’applique pas automatiquement. Le juge conserve un pouvoir d’appréciation. Il peut donc refuser d’appliquer la maxime s’il apparait que la partie qui l’invoque est plus coupable que l’autre.
II. La rétroactivité à l’égard des tiers
L’anéantissement rétroactif du contrat pour cause de nullité n’a pas que des répercutions sur les parties. Celui-ci a des répercutions sur les tiers. Les tiers s’entendent ici comme des ayants cause à titre particulier de l’une ou l’autre des parties. Une entente est annulée. Entre le jour ou la vente a été conclu et le jour de l’annulation, l’acheteur a revendu la chose a un sous acquéreur ou bien l’acheteur a loué la chose à un locataire. Dans ces exemples, le sous acquéreurs et le locataire sont ayant cause à titre particulier de l’acheteur. L’annulation de la vente va inexorablement avoir des répercutions sur le sous acquéreur ou sur le locataire. Ils vont perdre leurs droits sur la chose du fait de l’anéantissement rétroactif du droit de leur auteur qui est, dans notre exemple, l’acheteur initial du bien. C’est la théorie des dominos. Si le 1er tombe, les autres tombent aussi. En terme juridique, la théorie des dominos s’exprime selon un principe général du droit : nul ne peut transférer à autrui plus de droit qu’il n’en a lui même. Cette maxime a été élaborée par les juristes romain : « nemo plus juris ad alium transferre potest quam ipse habet » (une personne nepeut transférer à autrui plus de droits qu’elle n’en a elle-même). L’anéantissement rétroactif du contrat est très dangereux pour les tiers. Il est très dangereux pour la sécurité juridique des tiers. Si on applique cette maxime, c’est l’insécurité juridique généralisée. Pour cette raison ce principe fait l’objet de correctif destiné à préserver la sécurité juridique.
On distingue selon que l’acte accompli par l’auteur, dont le droit est anéanti avec le tiers est un acte de disposition ou d’administration. Les actes d’administration s’entendent d’acte de gestion courante. Le principe nemo plus juris est écarté en ce sens que les actes d’administration ne sont pas remis en cause du fait de l’anéantissement du droit de l’auteur à la condition que le tiers soit de bonne foi. Le tiers est de bonne foi lorsqu’il ignorait que le contrat initial été nul. Les actes de dispositions correspondent à ceux qui entraînent le transfert de la propriété de la chose (ex : vente suivi d’une revente ou bien qui diminue la disponibilité de la chose). (Ex : vente suivie d’un bail).
Le principe est alors que ces actes de disposition conclu entre l’auteur et son ayant cause ne survivent pas à la disparition du droit de l’auteur sous réserve de tempéraments dont l’étude relève d’une autre discipline qui est le droit des biens étudiés.