La Révolution, la Terreur et le suffrage universel (1789 à 1848)

De 1789 à 1848 : le temps des expériences politiques et parlementaires (3 heures)

Repères chronologiques (1789-1871)

Les régimes et les Constitutions se succèdent à un rythme soutenu durant cette période, comme en témoigne cette rapide énumération, très incomplète.

1789 – 1795 :

  •  5 mai 1789 : Convocation des Etats Généraux à Versailles. Le Tiers Etat demande dans ses Cahiers de Doléances la mise en place d’une constitution qui limite les pouvoirs du roi, définit les droits du peuples et abolit les privilèges de la noblesse et du clergé.
  •  17 juin 1789, les députés du Tiers-État se proclament Assemblée nationale.
  •  Le 9 juillet 1789, l’Assemblée Nationale se proclame Assemblée constituante.
  •  14 juillet 1789 : Prise de la Bastille.
  •  4 août 1789 : abolition des privilèges.
  •  26 août 1789 : proclamation de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen.
  •  1791 : Proclamation de la Constitution. La France devient une monarchie constitutionnelle héréditaire.
  •  21 septembre 1792 : proclamation de la 1ère République.
  •  en 1793, la République se dote de sa première Constitution.

1795-1848 :

  • en 1795, nouveau régime, le Directoire, qui va ouvrir la voie au : Consulat en 1799.
  • Ier Empire napoléonien, proclamé en 1804.
  • 1814, Restauration : retour à une monarchie constitutionnelle avec Louis XVIII.
  • Napoléon Ier fait un bref retour à la tête de l’Etat pendant les « 100 jours » en 1815.
  • Seconde Restauration en 1815 (Louis XVIII puis Charles X).
  • Nouveau changement de régime en 1830, avec la « Monarchie de Juillet », même si c’est encore une monarchie constitutionnelle (Louis-Philippe 1er).

1848-1871 :

  • En 1848, la monarchie est renversée et cède la place à la IInde République.
  • En 1852, Louis-Napoléon Bonaparte proclame le IInd Empire (et devient Napoléon III). Celui-ci s’effondre en 1870, année de proclamation d’une nouvelle République (la IIIe), dont l’instabilité peut ouvrir la voie à la république sociale, à la fédération des communes telle que l’incarne la Commune de Paris au printemps 1871, ou plus sûrement à la restauration de la monarchie. Ce n’est que dans le dernier quart du XIXe siècle que se stabilise la IIIe République.

On observera un changement de régime tous les 9 ans. Il y a donc des conceptions concurrentielles sur la dévolution du pouvoir, sur les instruments de légitimation (constitutions, vote), sur les institutions (roi, assemblée, présidence, nation), et sur la place qui est accordée au peuple sur la question de la sélection politique et sur sa participation concrète au processus décisionnaire.

On voit émerger un nouveau vocabulaire, ce qui nous intéresse ce sera son usage.

de la révolution à la terreur... de la terreur au suffrage universel

I ) 1789-1804 : la Révolution et l’invention de la République.

La révolution dans le sens commun c’est un bouleversement de l’ordre établit. Mais ce qui nous intéresse c’est l’apparition de nouvelles institution et la manière de concevoir la politique.

  • 1789-1792 : la Révolution française, une révolution libérale.

Ici c’est une logique de continuité, qui peut apparaitre ambigüe.

La France est secouée dès 1780 par une grave crise politique et économique, marquée par les levées d’impôts successives générées par la guerre d’Amérique. Noblesse et église qui en sont dispensées, notamment de la taille. Ceci provoquera révoltes et émeutes, observable surtout en zones urbaines. Le roi sera incité à convoquer le 05 mai 1789 les Etats Généraux à Versailles, espace qui marque la monarchie absolue, alors qu’ils ne l’avaient pas été depuis 175 ans. C’est une assemblée traditionnelle de l’ancien régime, un parlement consultatif identifié par les 3 ordres qui le constituent. La Noblesse avec 270 députés, le Clergé 291 et le tiers-état 588. L’avantage numérique du tiers état est un avantage illusoire, car les membres se prononcent par corps. C’est une première base de contestation ; les députés demandent un vote par tête plutôt que par corps. Cette exigence dépasse le simple calcul numérique, elle témoigne des évolutions de la société et de la montée des revendications.

Les évolutions, c’est le développement du commerce et de certaines activités industrielles. Le développement de l’éducation évolue aussi, ceci permettant l’émergence de revendications. Dans le même temps, la bourgeoisie va prendre une importance économique évidente, à travers les hommes de loi, les médecins, les intellectuels. La paysannerie (18 millions sur un total de 28 millions d’habitants) très importante, or dans le tiers-états il n’y a qu’un seul paysan. Tout ceci crée des tensions et des interrogations.

Le tiers-état est cantonné au rôle de soutien de l’ancien régime étant subordonné aux ordres de la noblesse et de l’église ; en 1789 il y a une opportunité pour qu’il s’affranchisse de son infériorité. La convocation des états généraux sera l’occasion à saisir.

Dès le 17 juin 1789, les députés du tiers-état vont opérer un coup de force symbolique en se déclarant « les 96 centièmes au moins de la nation », via ce phénomène ils se proclament Assemblée Nationale.

Le 9 juillet l’assemblée nationale se proclame assemblée constituante. Ils réclament la fin de l’absolutisme, l’abolition des privilèges et un nouvel ordre fondé sur l’égalité juridique.

Le 4 août, les privilèges sont abolis, ce qui entraine la ruine de la féodalité. Ceci constitue aussi une importante avancée du centralisme administratif qui l’emporte sur les us et coutumes locaux. L’unité fusionnelle de la nation ne reconnait aucun particularisme et passe par l’imposition d’une langue commune.

La proclamation de la DDH transfert la souveraineté du roi à la nation, entité abstraite, collective, à laquelle chacun participe à égalité. On ne fait donc plus références aux anciens ordres. Elle met fin à la logique de pouvoir arbitraire, et au système des privilèges. L’idée est de permettre l’émergence d’une société régénérée, basée sur un homme nouveau, qui dispose de droits naturels et imprescriptibles que sont, la liberté, la propriété, l’égalité devant la loi.

Ces phénomènes indiquent :

  • Les révolutionnaires accordent une importance considérable à la loi et au mode de régulation par le droit. Ceci s’explique par le fait que dans le tiers-état les professions les plus représentées sont les professions juridiques. Pour légitimer la loi on dit qu’elle représente et incarne l’intérêt générale, qu’elle peut s’appliquer dans le respect des libertés et qu’elle peut s’exercer dans le cadre d’un régime de séparation des pouvoirs. Tous les citoyens français jouissent des droits de citoyens passifs, égaux devant la loi.
  • La révolution prétend opérer une coupure nette et radicale. En fait dans les 1ères années c’est un phénomène de neutralisation de la monarchie plutôt qu’un processus de rupture radicale. Le roi conserve un véto suspensif et le droit de révocation des ministres.
  • La révolution engage la France dans un processus de continuité avec l’ancien régime, car la révolution continue à être marquée par la domination de la société civile et par le pouvoir centralisé. Tocqueville «la société est marquée par le despotisme administratif qui se poursuit jusqu’à Napoléon». Il ya l’idée que le roi de droit divin est remplacé par une autre divinité, la Nation Souveraine. François Curé explique qu’il n’y a qu’un transfert des lieux de pouvoirs par le transfert du corps du roi à la nation. En atteste le fait que la 1ère constitution (03/09/1791) engage la France dans la monarchie constitutionnelle, où la souveraineté appartient à la nation, représentée par le roi et le corps législatif. Ces premiers mois semblent opérer l’entrée dans un nouvel ordre politique, mais en fait cela relève une révolution libérale au sens politique du terme et au sens où il y a reconnaissance de l’individu, de ses libertés, de ses droits, de l’égalité de tous ; mais tout ceci s’établit par rapport à la loi, ce n’est pas une révolution démocratique, car l’égalité politique et sociale n’est pas proclamée, on se contente d’un individu fantasmé qu’est le citoyen qu’on envisage par rapport à la loi.

Ce refus d’engagement démocratique, alors que la capitulation du roi est rendu possible par la pression populaire, est dû au fait que les députés vouent une méfiance à l’égard du peuple.

La révolution consacre l’idée du droit comme fondement de l’idée politique.

Si l’idée du droit est le cœur, l’institution parlementaire est considérée comme le lieu légitime où s’exprime la souveraineté nationale. La nation transcende les individus, elle doit pouvoir exprimer sa volonté par l’intermédiaire de représentants. C’est l’entrée dans l’ordre politique de l’institution parlementaire. Ses règles de fonctionnement seront stabilisées sous le régime des monarchies limitées. Le parlement devient central bien avant qu’il ne soit question de république ou de suffrage universel. Ces premières années vont ouvrir la voie à de nouvelles oppositions politiques qui vont diviser les révolutionnaires et conduire à une radicalisation de la révolution.

  • 1792-1804 : de la radicalisation républicaine au Consulat.

La proclamation de la 1ère république n’est pas synchrone avec les premières années de la révolution elle intervient le 21/09/1792.

Ce régime de 1791 semble relever du régime présidentiel, car le roi ne peut pas dissoudre le législatif et que les ministres ne sont pas responsables devant l’assemblée.

La deuxième phase de 1792 instaure un type de régime à dominante législative, consacré par le régime d’assemblée mis en place avant. L’organisation des pouvoirs entend mettre fin à la difficile cohabitation entre le maintien du véto royal et le modèle de la souveraineté national. On est donc dans une schizophrénie institutionnelle.

Le 10/08/1792 le roi est suspendu, déchu le 21/09/1792 et décapité le 21/01/1793 pour haute trahison.

Le 25/09/1792 les membres de la convention proclament la république une et indivisible, ils se construisent donc comme des défenseurs de la patrie face au roi qui comptait sur l’intervention des puissances monarchiques extérieures, ce qui explique la haute trahison. Cela achève de laïciser le pouvoir politique. Ainsi on peut envisager la disparition du roi qui n’est plus pensée comme apocalypse mais comme une possibilité politique parmi d’autres. Si on perd le roi, la société ne s’effondrera pas, car demeure le ferment qu’est la nation.

Pour autant, cette république ne constitue pas une stabilisation du régime ni une clôture du processus révolutionnaire. On observe l’émergence de conflits politiques très forts au sein même de la convention. Entre 1792 et 1795 les débats seront nombreux et on assiste à l’intensification des conflits politiques, sur la question de la politique à mener dans les conflits qui opposent la France à l’Europe monarchistes et sur son territoire avec les luttes internes notamment avec les chouans.

Deux camps vont s’opposer, qui marquent encore les idées politiques actuelles. D’un côté les girondins, partisans d’un arrêt du cours de la révolution et d’une logique de pacification. Ils se caractérisent par leur soutien à un pouvoir décentralisé. De l’autre côté les montagnards (car occupent les bans les plus élevés de l’assemblée) qui s’appuient sur des soutient populaires, notamment sur les sans culottes parisiens, sur le club de pensée des jacobins. Parmi eux se trouve Robespierre. Ici la fin du processus révolutionnaire est considéré comme un risque, car ils pensent qu’en normalisant il y a risque du retour de la monarchie. Ils vont s’engager sur la levée d’un impôt forcé sur les plus riches.

Dans ce contexte d’effervescence, le 02/06/1793 a lieu l’insurrection des sans culottes parisiens. On estime à 80.000 sans culottes qui encerclent la convention sous l’impulsion de Marat, les Montagnards s’emparent alors de la convention et on assiste à la reddition des girondins qui passent du rang de représentants de la nation au rang d’ennemis. Certains seront guillotinés. Le 24/06/1793 les montagnards font adopter leur projet de constitution par le procédé de référendum populaire organisé en juillet 1793 et qui mobilisera 2 millions (sur 28 millions d’habitants) de votants. Cette constitution donne beaucoup de garanties démocratiques, elle prévoit le suffrage universel, le contrôle démocratique, la participation populaire aux décisions. Elle ne sera jamais appliquée.

Au nom de la résistance contre la menace extérieure, le gouvernement se proclame révolutionnaire jusqu’à la paix, on institue le comité de salut public et la terreur qui suspend le fonctionnement légal des institutions. Robespierre dira «la terreur n’est pas autre chose que la justice sévère, prompte et inflexible». Le décret du 10/06/1792 (prairial an II) intensifie la terreur, qui connait en juillet 1794 un premier coup d’arrêt avec l’arrestation et l’exécution de Robespierre (on estime à 17.000 morts les effets de la terreur). La république s’éteint et ouvre la voie au consulat. Les questions posées alors restent d’actualité, elles agitent les débats politiques d’alors, ce sont la dévolution du pouvoir, la place accordée aux représentants de la nation, de l’équilibre des pouvoirs, de la stabilisation des frontières, de la poursuite du processus d’unification du territoire, de centralisation du pouvoir et de la place accordée au peuple. C’est bien la question de la démocratie qui est ici posée au sortir de la révolution, car république n’implique pas démocratie.

Dans l’imaginaire collectif, qui dit république, dit répression, dit terreur. Il va falloir régler cette équivalence dommageable. Ce sera l’enjeu de la IIIème république.

II ) 1789-1848 : du citoyen à l’électeur.

La révolution ne se traduit pas par une entrée massive du peuple dans la politique. Le tournant important est qu’il va falloir réfléchir à la question de la citoyenneté qui renvoie à la question de l’origine du pouvoir.

Etre membre d’un corps politique, être citoyen, ne signifie pas nécessairement être acteur politique.

Il faut attendre le 19ème pour pouvoir établir une équivalence entre citoyenneté et participation politique.

  • 1789-1848 : la domination du suffrage censitaire.

Il faut comprendre que depuis longtemps, le peuple est considéré comme dangereux, comme insensé, prompt à l’emportement et qu’ainsi il doit être surveillé et encadré.

Cette conception, pour Rétif de la Bretonne est la suivante « le peuple est une espèce de gros animal, privé d’yeux, d’oreilles, de goût et de sentiment, qui n’existe que par le tact et qu’on ne conduit que par ce cinquième sens : c’est une masse d’individus à qui on persuade ce qu’on veut ; qui n’a de volonté que celle d’autrui ; qui pense ce qu’on lui fait penser pour son bien, contre son bien n’importe».

Cette vision est partagée dans de nombreuses strates. Les Royalistes sont hostiles à la limitation du pouvoir royal, or si on permet au peuple de s’exprimer on met en place une légitimité alternative à celle du monarque, c’est ainsi ruiner les fondements de la monarchie.

La bourgeoisie a pour objectif d’accéder au pouvoir, pas de le partager. Ainsi on considère que l’électorat est une fonction et pas un droit, on peut ainsi se permettre d’instaurer le suffrage censitaire. On sélectionnera aussi les représentants. En 1817, les électeurs 1,1% de la population masculine, en 1831 c’est 1,5%, en 1847 c’est 2%. 1848 sera donc un choc énorme.

La technique du plébiscite utilisé sous l’empire, sert à confirmer la légitimité des décisions prises par le pouvoir en place. Ainsi soit on interdit la participation populaire, soit on l’instrumentalise.

Le suffrage universel de 1848 sera instauré sous la pression populaire.

Alain Garrigou nous dit (Histoire sociale du suffrage universel en France : 1848-2000, édition revue et augmentée de Le vote et la vertu, Paris, Seuil Points, 2002) : « Le gouvernement provisoire l’a adopté face aux menaces populaires qui s’exprimaient de la manière la plus concrète par la présence des insurgés en armes dans l’Hôtel de Ville. Quand Lamartine (le poète, qui a aussi été un homme politique important du XIXe siècle) annonçait, le 25 février 1848, dans la salle Saint-Jean la prochaine adoption du suffrage universel, il tentait de calmer la foule qui mettait sa vie et celle de chaque membre du gouvernement en danger ».

Avant cette étape il fallait surveiller le peuple. Pour s’assurer que le peuple ne puisse pas s’exprimer on met en place des modalités limitatives. Certaines perdureront jusqu’à aujourd’hui :

  •  Le cens: montant dont est redevable un citoyen pour pouvoir voter ou être élu. Dès 1791 il sera mobilisé pour s’assurer qu’une minorité de citoyens pourra choisir ses représentants. «tout individus, fusse-t-il de sexe masculin n’est pas habilité à participer aux affaires de la nation». L’égalité devant la loi n’est donc pas l’égalité devant la politique, qui est réservée à une élite. On sépare donc les citoyens passifs, les actifs et les électeurs. Sur 28 millions d’habitant, il y a 4.3 millions d’actifs, 2 à 2,5 millions de passifs, et 54.000 électeurs. Le cens sera régulièrement réactivé, mais il n’est pas suffisant.
  • Le double vote: surtout sous la restauration permet aux citoyens de payer 2 fois. On avantage les grands propriétaires fonciers, notamment l’aristocratie conservatrice et légitimiste.
  •  Le temps de résidence sur le territoire qui permet d’exclure les migrants, très importants en France.
  •  Le vote indirect, qui permet de faire en sorte que le peuple ne puisse pas élire directement ses représentants. Avec la constitution de 1791 il y a les actifs, les passifs et les électeurs. Sous le consulat ont met en place les listes de confiances qui instaure un système à 3 degrés, c’est le sénat qui choisit les membres de l’assemblée législative. Sous l’empire on abaisse le système à 2 degrés.
  • Le découpage des circonscriptions électorales, phénomène invisible à l’électeur mais très efficace. L’objectif est de donner à certains électeurs un poids plus important qu’à d’autres (villes contre campagnes). Or à l’époque les liens des citoyens sont surtout interpersonnels avec peu de considérations idéologiques, les élites exercent ainsi leur influence maximale dans les zones rurales. En donnant la prééminence aux zones rurales, on évite ainsi un basculement vers le camp révolutionnaire. La conséquence sera le maintien de majorités conservatrices et de la stabilité d’un personnel politique aristocrate ou grand bourgeois, ceci freinera la nationalisation de la vie politique, qui est cantonnée aux relations directes et clientélaires entre élus et électeurs.

Dans cette période il y la parenthèse de 1792 à 1793 très importante car on y voit disparaitre les séparations entre citoyens électeurs actifs et passifs. Il suffit désormais d’être français de plus de 21 ans, d’être domicilié depuis plus d’un an sur le territoire et de vivre du produit de son travail. Mais ces conditions vont exclure du corps électoral les mendiants, les vagabonds, les domestiques, les personnes notoirement reconnues pour incivisme et les femmes, soit une grande partie de la population. Les personnes qui sont dans une position de dépendance à l’égard d’autrui ne peuvent donc accéder au vote. La constitution de 1793 dans son art.7 dit «le peuple souverain est l’universalité des citoyens français» et art.8 « il nomme ses députés» on est ainsi dans une logique du suffrage universel indirect. On aurait pu ainsi voir arriver plus de 7 millions de français dans le droit de vote, mais cette tentative sera avortée par la terreur.

  • 1848 : la victoire incontestée du suffrage universel ?

Certains auteurs expliquent que le suffrage universel n’existe pas, car un homme n’est jamais vraiment égal à une voix, selon les subtilités de calcul.

1848 est une rupture claire. On passe d’un corps électoral réduit à 250.000 individus à un corps électoral qui en quelques semaines s’élèvera à 9 millions d’individus.

Il y a un temps d’apprentissage du vote comme acte individualisé. Il va s’agir de construire individuellement l’acte de vote, de le sortir d’une logique communautaire, le vote ayant été avant en lien avec les relations paroissiales et communales.

L’appropriation du droit de vote va passer par la mobilisation d’institutions, qui ont intérêt à ce que les électeurs, surtout urbains, participent à l’élection des députés.

Ce sont surtout, l’école, les partis ou proto-partis, les groupements locaux et d’ouvriers (les fanfares, etc…), qui participent à la conquête du vote par les citoyens.

Dans les premiers temps du suffrage universel, les rapports des gouvernants à ce suffrage est un rapport instrumental. Sous la pression, ils accordent ce droit au peuple, mais subsiste une suspicion à l’endroit du peuple. Après la révolution parisienne, des 22, 23, et 24 février 1848, des soulèvements ouvriers perdurent. Ainsi ces émeutes sont aussi des revendications économiques et sociales. Ces soulèvements seront écrasés dans le sang par la IIème République en juin 1848. Les républicains par peur de l’expression populaire qu’ils pensent favorables aux conservateurs, repousseront la date des élections.

Les 2 assemblées sont à majorité conservatrice et les électeurs, le 10/12/1848, éliront Louis Napoléon Bonaparte 1er Président de la République. On est dans une logique de reconduction des modes de pouvoirs traditionnels.

Après cette élection une nouvelle angoisse se fait jour ; c’est la peur qu’avec les élections législatives il y ait un basculement républicain. En 1850 on tentera de limiter le droit de suffrage tout en maintenant le suffrage universel. Pour se faire il faudra désormais avoir résidé durant 3 ans dans la même commune pour pouvoir participer aux élections. Du fait du nomadisme important à cette époque, cela limitera considérablement le nombre des électeurs.

Le coup d’état du 02/12/1851 de Louis Napoléon Bonaparte, au nom du rétablissement d’un véritable suffrage universel, ne fera en fait que limiter ce suffrage. Il y aura une logique d’instrumentalisation du droit de suffrage.

Le suffrage universel se situe au cœur des revendications, surtout au sein du mouvement ouvrier. Son application n’est pas en soi la garantie de la participation réelle du plus grand nombre au jeu politique. Organisée par les élites, une élection est aussi un moyen de maintenir le peuple dans certaines formes limitées de participation politique.

Quand le peuple refuse de se conformer à ces indications élitistes, se produit alors la commune de Paris.