Le roi est source de toute justice/ Fontaine de justice
On peut dire qu’à la différence du Droit contemporain qui confère à la justice une autorité théoriquement indépendante au nom du principe de la séparation des pouvoirs, le droit de la monarchie française, comme l’opinion publique, considère la justice comme la première prérogative royale.
La loi et la justice sont les premières prérogatives royales.
La justice est considérée comme le premier attribut de la souveraineté.
« Juger est fonction de nature divine ». C’est Dieu qui remet cette fonction au roi. Roi qui, lui même, la remet à ses propres magistrats.
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Le moyen d’instruire était la pierre où l’on sculptait les scènes nécessaires à la compréhension de l’évangile.
« La justice est le véritable office des princes ». « Le vrai soutenail et pilier de l’autorité royale ».
« Le roi est fontaine de justice ». « Il est source de toute justice ».
Michel de l’Hospital, Chancelier en 1560, ouvre les Etats Généraux par ces mots: » les rois ont été élus « .
Le chancelier va se lancer dans une grande description du sceau royal qui montre gravé le roi assis sur son trône tenant la main de justice.
- a) La justice concédée
Lorsque les jugements sont rendus par les seigneurs ou par les municipalités et par l’Eglise au nom de leur pouvoir judiciaire et pas au nom du roi ou de ses agents.
-Les seigneurs: Dès 1150, le roi n’a pas pu reprendre toutes les justices.
Les légistes avaient dès le 13ème siècle introduit l’appel qui a été l’instrument par lequel le roi a affirmé sa souveraineté dans le domaine judiciaire. L’appel a pu réformer les sentences rendues par les juridictions seigneuriales et a pu interpréter voire changer des coutumes. L’appel a surtout imposé dans toutes les seigneuries l’autorité de la couronne.
Par la théorie des cas royaux et par la prévention, le roi a pu limiter la compétence des justices seigneuriales.
Les cas royaux étaient évoqués chaque fois que la personne du roi était concernée.
Les agents zélés trouvaient le moyen de relier une affaire à un cas royal même si il fallait l’inventer.
La prévention permettait au juge royal de s’emparer d’affaires criminelles que la justice seigneuriale ne poursuivait pas au nom de l’ordre public.
Ainsi soumises et encadrées, les justices seigneuriales ont duré jusqu’à 1789.
-L’Eglise: La royauté rejette l’idée qu’il y aurait eu dans un passé lointain une concession royale en la matière. La royauté a vidé ses justices ecclésiastiques de toutes les affaires qu’elles avaient eu à connaitre. Elle s’est attaquée au privilège de for ou de clergé. Ce privilège enlevait les clercs à la justice.
La royauté leur a appliqué les cas privilégiés.
Dès le 15ème siècle, il y eut l’appel comme d’abus qui repose sur l’idée que le roi de France est le chef de l’Eglise gallicane.
L’appel comme d’abus a été la nouvelle voie de recours qui permettait de déférer aux juridictions royales les décisions contentieuses ou gracieuses des justices ecclésiastiques.
On peut dire que dès la fin du 15ème siècle, aucun procès n’échappe à la justice souveraine du roi.
- b) La justice déléguée
Les rois doivent faire bonne justice pour que les sujets puissent vivre en paix.
La justice doit être brève et prompte. Cette idée est reprise par Henri IV. lorsqu’il monte sur le trône (1589-1610).
Il dit: « les rois sont établis pour rendre la justice ».
Il ne fait que reprendre la vision carolingienne analysée par Jonas d’Orléans qui a écrit sur l’institution royale: « gouverner c’est rendre la justice ».
Louis XIV, dans un Edit de 1693 qui portait sur les justices seigneuriales proclame: » la justice est une des principales obligations dont les rois sont redevables envers leurs peuples ».
Les successeurs vont affirmer que la justice » qui leur est due doit être rendue le plus promptement possible « .
Le roi doit donc déléguer ce pouvoir à des représentants qui rendront la justice au nom du roi.
Les magistrats du Parlement parlaient de la communication du pouvoir de juger. C’est une locution qui permettait de ne pas apparaître comme les subordonnés du roi mais comme des représentants. Cela marquait l’indépendance de ces magistrats.
- c) La justice retenue
Dès lors que le roi est source de toute justice, il peut toujours « retenir » telle ou telle affaire et on est renvoyé à l’image de Louis IX rendant la justice sous son chêne. Légende de St Louis dont son biographe Joinville a écrit l’histoire.
» Maintes fois, en été, il advint que le roi allât s’asseoir au bois de Vincennes après la messe ».
« Tous ceux qui avaient quelques affaires venaient lui parler sans en être empêchés ».
» Le roi demandait: y a t-il quelqu’un qui ait un litige? ».
Si oui, Louis IX désignait parmi ses familiers un juriste capable de régler la question soulevée.
Cette image entretient le mythe de l’intervention du roi pour juger.
Le roi peut toujours intervenir dans le cours de la justice personnellement pour juger, pour modifier le cours de la procédure, pour éviter une injustice par un juge ordinaire. La justice du roi ne peut être entravée par aucun formalisme. Cette fonction ne peut être limitée par aucune autre justice qu’elle soit concédée ou déléguée.
Le monarque peut, par son autorité absolue, condamner à mort l’un de ses sujets.
Yann Thomas >>> Dans son article, il écrivait: » la puissance de vie ou de mort ». Il montre qu’à Rome, le pouvoir du magistrat fut à l’origine défini comme un droit de donner la mort. « Ce droit de la peine capitale est le droit de mort et une définition du pouvoir ». Lien étroit entre le droit de donner la mort et la construction d’un pouvoir de plus en plus souverain.
Préoccupation dès le 14ème siècle du Parlement. La peine de mort était rarement prononcée. » Tu ne tueras point ».
Telle était la position du roi qui, le cas échéant, utilisait son pouvoir de donner la mort mais avec parcimonie.
Si l’un des sujets lui semble porter atteinte à la sureté de l’Etat. Il sera catalogué dans le crime de lèse-majesté.
C’est ainsi que Henri III, dans les années 1587, avait essayé de s’entendre avec le duc de Guise, chef de la ligue catholique. Après la défaite d’Henri III, le duc se sentait plus fort.
Henri de Guise, profitant de l’affaiblissement d’Henri III, désobéit à ses ordres. Il avait l’interdiction de rentrer dans Paris. A eu lieu la fameuse journée des Barricades en 1588.
Henri III convoque les EG à Blois. A l’issue de cette réunion, il fit exécuter Henri de Guise. C’est une exécution au nom de la protection de la sureté de l’Etat.
Mais ce n’est pas la même chose lorsque un individu s’attaque à la personne physique du roi. Ils visent une personne sacrée qui a été élue par Dieu. Porter atteinte à la personne physique du roi, c’est porter atteinte à Dieu. Le crime de lèse majesté est dit crime de lèse majesté au premier chef = L’écartèlement.
2 personnes ont connu ce sort: en 1670: Ravaillac et en 1757: Damien qui blessa le roi Louis XV légèrement. Peu importait la gravité.
La peine d’écartèlement connaissait 9 étapes:
- 1°) L’amende honorable
- 2°) Le Poing coupé
- 3°) Le condamné est allongé sur une table de torture. Il est tenaillé aux mamelles, aux bras, aux cuisses et le bourreau jette du plomb fondu, de l’huile bouillante et de la cire sur lui.
- 4°) Le condamné est tiraillé par les chevaux.
- 5°) A ce stade, le bourreau ramasse les morceaux et les cendres sont dispersées partout. On élimine le personnage de la surface de la Terre.
- 6°) Tout ce qu’il possédait est confisqué par le roi.
- 7°) La maison de naissance est rasée.
- 8°) Le père et la mère sont bannis, ils doivent quitter le royaume de France.
- 9°) Interdiction à toute la parentèle de porter le nom de l’assassin.
Un troubleur de fait peut aussi être exilé ou envoyé à la bastille expédié directement par le roi ou par l’intermédiaire d’une lettre de cachet.
Le roi peut aussi arrêter le cours de la justice, c’est le pouvoir d’évocation. Lorsque politiquement parlant, une affaire semble délicate au roi, il peut soustraire la connaissance d’une affaire au juge ordinaire.
Les évocations ont plusieurs finalités:
– Le secret: le roi estime qu’il faut que personne ne sache d’une affaire qui pourrait porter préjudice à la monarchie: Affaire des poisons. Cette affaire mettait en cause Mme de Montespan et Louis XIV ordonne que l’affaire fût placée sous le contrôle de Louvois.
– Donner une large publicité pour 2 raisons :
- 1°) Qui évite au coupable une trop lourde peine.
- 2°) Qui donne une sanction remarquable: Le roi peut créer les chambres de justice. Sous le règne de Louis XV: Il avait décidé de juger en personne des financiers véreux. Il avait donné à ce jugement une très grande publicité. Pour montrer qu’ils avaient bâti leur fortune en » suçant l’argent public ».
Le roi montrait aussi qu’il tenait compte du malheur de certains, on peut citer l’Ordonnance de Paris adoptée par Henri III en 1579: » Le pourvoi en cassation fondé sur la violation de la loi ou de la procédure ».
A la fin du 16ème siècle, il est admis qu’une cour souveraine peut connaître d’une erreur de Droit.
Très vite, il est revenu à un conseil des parties (continuation du conseil du roi) de casser les arrêts du Parlement pour erreur de Droit uniquement.
Jusqu’en 1789, la monarchie n’est jamais parvenue à créer un vrai tribunal de cassation. Le conseil des parties va demeurer jusqu’en 1789 la seule et unique instance de cassation. Ce qui a contribué à faire de cette procédure le domaine réservé du roi en tant que juge.
Cette incapacité a été reprochée à la monarchie que ses détracteurs assimilaient à un despotisme.