La sanction pénal des tortures et barbaries

Les actes de torture et de barbarie

On les retrouve aux articles 222-1 et suivants du Code pénal. « Le fait de soumettre une personne à des tortures ou à des actes de barbarie est puni de quinze ans de réclusion criminelle ».

Ces textes d’incrimination méritent une remarque quant à la norme elle-même.

A) La norme d’incrimination

Il faut avoir a l’esprit que la notion d’acte de tortures et de barbaries peut être appréhender de deux manières dans le Code Pénal. Il est possible que la norme consacre une infraction autonome ou une circonstance aggravante.

  • 1) L’acte de barbarie en tant qu’infraction autonome

Article 222-1 du Code Pénal : consacre une infraction autonome définie comme le fait de soumettre une personne à des tortures ou des actes de barbarie. Cet acte est puni de 15 ans de réclusion criminelle, c’est donc un crime. Cette infraction autonome est distincte des violences évoquées aux articles 222-7 et suivants du Code Pénal. Son autonomie s’explique par la volonté du législateur français de concrétiser un interdit absolu que l’on retrouve dans les conventions internationales : l’interdiction de la torture, prohibée de manière absolue dans plusieurs conventions :

Convention européenne pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains et dégradants : 1987.

Convention contre la torture et les traitements inhumains et dégradants

Article 4 de la Conv.EDH : « nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains et dégradants ». Ce principe trouve son prolongement concret dans l’article 222-1 du Code Pénal. Le législateur se conforme à ses engagements internationaux.

Cette infraction, bien que qualifiée d’autonome, se rapproche fortement des infractions de violences avec lesquelles elle peut entretenir une proche parenté, elle peut se confondre avec. On peut s’interroger sur des questions de concours.

  • 2) L’acte de barbarie en tant que circonstance aggravante d’autres infractions

Certaines infractions sont aggravées par la commission d’actes de torture et de barbarie. Ex : viol : article 222-26 du Code Pénal pour la circonstance aggravante, agression sexuelle : article 222-3, du meurtre : article 222-1, séquestration : 222-4 et 7, proxénétisme : 222-5, vol : 311-10, extorsion : 312-7. Dans ce cas, nous sommes face à une infraction de base qui est aggravée par la commission d’un acte de torture et de barbarie. Ex : le viol accompagné d’actes de torture. On retient ici la qualification de viol aggravée et non pas d’acte de torture. On ne retient pas deux infractions distinctes. On retient une seule infraction, celle de viol aggravée, car le législateur a spécialement prévue cette circonstance aggravante, la peine prévue est celle qui regroupe les deux infractions.

B) Les éléments constitutifs

  1. L’élément matériel

A la lecture du texte, l’infraction est vague. Le législateur vise le fait de soumettre une personne à une torture ou des actes de barbarie. Le législateur ne dit pas ce que c’est. La Cour de cassation n’a jamais véritablement donné de ligne directrice, en précisant que la détermination de ces actes est abandonnée à la lumière des jurés (Crime → Cour d’assises compétente donc avec un juré d’assises). On peut essayer d’identifier l’acte, c’est-à-dire la violence, et le résultat, c’est-à-dire l’atteinte à l’intégrité corporelle, en constatant que la violence d’un côté et le résultat d’un autre côté sont par définition graves. C’est le critère de la gravité qui va permettre de qualifier.

a) L’acte de violence

C’est une super-violence. C’est un acte de violence particulièrement grave, manifestant une cruauté particulière. La torture suppose un supplice physique voir moral, la barbarie s’analyse comme une attitude cruelle et féroce. C’est la gravité. La formule torture et acte de barbarie est employée de manière unitaire. C’est un vocabulaire que l’on emploi de manière unique. La jurisprudence des juges du fond peut utiliser la formule d’acte de gravité exceptionnelle qui dépasse de simples violences. Ex : fait de taillader le visage est qualifié d’acte de torture, à noté qu’elle était aussi taillader sur les bras et roués de coups de poings auparavant. Ex : Crim., 3 novembre 1975 : fat de ligoter une personne pour la rouer de coups de points et lui introduire un objet dans le sexe. Ex : fait d’avoir, au cours d’une séance de désenvoûtement, flagellé les pieds de la victime, lui avoir enfoncé une serviette dans la bouche, lui plonger la tête dans une bassine d’eau, lui faire avaler beaucoup d’eau salé. C’est donc la gravité de l’acte qui manifeste l’acte de torture et de barbarie. C’est un acte physique dont il s’agit.

b) Le résultat

On peut l’étudier en tant que résultat consommé et se demander si la tentative est punissable.

  • L’infraction consommée

L’acte de torture et de barbarie suppose une atteinte à l’intégrité corporelle qui manifeste une certaine gravité au regard de la douleur subie par la victime. Il ne suffit pas d’avancer un préjudice corporel, il faut un préjudice d’une intensité particulière. Ex : infection cutanée superficielle provoquée par l’introduction d’un bâton dans l’anus de la personne : on a pas retenu la qualification d’acte de torture et de barbarie.

Les conséquences du dommage sont appréciées au regard de la victime : appréciation in concreto. On prend en compte la vulnérabilité de la victime, son âge, son sexe, son état de santé.

La question pose difficulté lorsqu’on se demande si la qualification d’acte de torture et de barbarie est qualifiable s’agissant de la pratique du sadomasochisme. Les adeptes de ce principe sont consentant, mais avance un plaisir sexuel dans les actes pratiqués. Il y a semble-t-il contradiction puisque d’un côté l’infraction d’acte de torture et de barbarie suppose de constater une souffrance aiguë chez la victime, d’un autre côté la victime à un plaisir sexuel en pratiquant. Ces deux éléments ne sont pas compatibles. Il semble donc que l’élément de qualification fasse défaut ici. On doit admettre que la seule qualification envisageable est celle de violence ordinaire. On appliquera donc l’infraction de violence ordinaire au regard du préjudice corporel subit par la victime. De plus, le texte vise de soumettre une personne à un acte de torture et de barbarie. Mais dans cette pratique la victime se soumet volontairement, elle n’est pas soumise par l’auteur. La qualification est donc ici difficile à admettre.

  • L’infraction tentée

L’acte de torture et de barbarie est un crime, la tentative est donc punissable. Il faut donc qualifier un commencement d’exécution, en observant que l’acte doit être suffisamment parlant, grave pour présenter le potentiel causal exigé par le texte, qui est la possibilité d’une souffrance particulièrement aiguë de la victime.

  1. L’élément moral

Il s’agit ici d’un crime. L’acte de torture et de barbarie est une infraction intentionnelle, c’est confirmé par le texte par le terme « soumettre ». L’agent doit avoir eu la volonté, d’une part, d’accomplir un acte de violence grave et, d’autre part, d’atteindre l’intégrité corporelle de la victime afin de la faire souffrir. C’est donc une intention plus précise, ce n’est pas véritablement un dol spécial : l’intention de faire souffrir la victime, d’obtenir une souffrance ou une douleur aiguë, cette intention est suffisante.

Peu importe les mobiles de l’auteur, la qualification peut être retenue, avec toute fois une réserve, celle où les actes sont commis dans un but religieux. Ex : excision. On peut se demander ici si l’auteur n’agit pas pour satisfaire une coutume ancestrale que pour faire souffrir la victime. Dans ce cas là, la volonté d’atteindre le résultat particulier ne semble pas être établie, en sorte qu’on admet que la qualification la plus adéquate dans cette hypothèse est celle de violence ordinaire. Dans ce cas, il n’y a pas autorisation de la coutume car elle ne correspond pas aux moeurs françaises. A part cette réserve, les mobiles sont indifférents. Ex : personne qui se livre à des actes de torture et de barbarie pour extorquer de l’argent à une victime. Ce but particulier n’empêche pas de constater l’existence d’un acte de torture et de barbarie. Ex : la volonté de faire sortir le démon de la victime n’a pas été accepté comme mobile permettant d’éviter la répression.

C) La répression de ces actes

Il existe des particularités de procédure, qui tiennent à la compétence et au débat d’assises.

  • En vertu du principe de compétence universel qui est posée par la convention de l’ONU et intégrée à l’article 689-1 du Code Pénal, les juridictions françaises sont aptes à juger les actes de torture et de barbarie commis par des auteurs qui se trouvent en France alors même qu’ils n’ont pas la nationalité française et qu’ils n’ont pas commis leurs actes en France.
  • Le débat d’assises, le huit clos, peut être exigé par la victime.

S’agissant des peines : les peines applicables sont des peines criminelles avec 4 degrés :

  • Peine de base : 15 ans de réclusion criminelle. Mais le Code prévoit des hypothèses d’aggravation.
  • 20 ans de réclusion criminelle lorsque l’infraction est commise dans un des cas prévus par l’article 222-3 du CP, comme la minorité de la personne.
  • 30 ans de réclusion criminelle : articles 222-4 et 222-5 du Code Pénal. Le premier vise notamment l’habitude. Le second vise lorsque l’infraction a eu pour effet une mutilation ou une infirmité permanente.
  • Réclusion criminelle à perpétuité : article 222-2 du Code Pénal. Lorsqu’ils précèdent, accompagnent ou suivent un crime autre que le meurtre et le viol. Car lorsqu’il y a meurtre ou viol et acte de torture et de barbarie, on s’appuie sur la qualification de meurtre aggravé ou de viol aggravé.
  • On trouve une hypothèse intéressante à l’article 222-6 du Code Pénal : réclusion criminelle à perpétuité, lorsque ces actes ont entrainé la mort de la victime sans intention de la donner. L’intention est bien dirigée vers un résultat (souffrance et préjudice corporel) mais pas vers la mort donc on est pas dans le meurtre.