L’EMPIRE LIBÉRAL 1860 – 1870
Le Second Empire est installé après un coup d’État, réalisé durant la nuit du 1er au 2 décembre 1851, le Second Empire peut être divisé en deux périodes distinctes :
- la première qualifiée d’Empire autoritaire qui s’étend de 1852 à 1860
- la seconde, dite de l’Empire libéral qui s’étend de 1860 à 1870. Ce chapitre traite de la période libérale.
—> D’après la conception bonapartiste du pouvoir c’est à dire de la concentration du pouvoir et de la responsabilité politique dans les mains de l’empereur, il va de soi que seul l’empereur peut décider de changer l’orientation politique du régime. C’est la raison pour laquelle l’opinion publique va être surprise du changement de cap en 1860 c’est à dire du passage d’un régime autoritaire à un régime plus libéral. Il faut d’abord écarter pour le comprendre la première explication qui vient à l’esprit, explication qui découle de la doctrine bonapartiste qui énonce que la liberté peut au contraire être introduite dans un régime politique stabilisé qui assure donc l’ordre dans la société
=>Or, en 1860 nous ne sommes pas dans cette situation
—> On constate que vers 1860 le régime de Napoléon III est menacé d’instabilité qui tient au fait qu’il perd à cette époque 2 soutiens importants dans l’opinion publique. D’une part le soutien des catholiques et du clergé car l’aide apporté par Napoléon III à l’unification de l’Italie se fait au détriment de l’intérêt du pape menacé de perdre son rôle politique, ceci étant mal vue par les catholiques. D’autre part il perd le soutien des industriels et des commerçants en raison de la signature en 1860 d’un traité de commerce qui est un traité de libre échange entre la France et la GB et qui permet l’afflux de produits anglais à bon marché en France, les industriels français étant perdants. Dans ces conditions, Napoléon III doit absolument trouver de nouveaux soutiens pour stabiliser son régime et ces soutiens il va les rechercher d’une part dans la société civile avec l’appui des ouvriers en faisant voter en 1864 une loi importante dans la vie sociale puisque pour la 1ère fois depuis la révolution elle autorise les grèves c’est à dire les coalitions. Par ailleurs les ouvriers bénéficient du traité de libre échange puisqu’il abaisse le prix des produits et donc cela permet de relever le niveau de vie des ouvriers faisant gagner un certain soutien de leur part.
—> L’autre appui il le recherche en tentant de séduire les républicains qui d’ailleurs sont assez satisfaits de la politique menée par Napoléon en Italie car elle est favorable aux nationalistes et libéraux italiens. Cette politique de libéralisation va se poursuivre jusqu’en 1870 et ceci par une sorte d’effet d’emballement en ce sens que chaque fois que Napoléon accorde certaines libertés, les opposants en profitent pour augmenter la pression sur le gouvernement c’est à dire demander de nouvelles libertés. Dans un premier temps la libéralisation concerne uniquement les rapports entre l’exécutif et le Parlement, c’est seulement en 1867 qu’on voit un retour aux libertés publiques.
=>Fuite en avant qui aurait pu aboutir à la restauration du régime parlementaire en France
- A) La première phase de libéralisation
La libéralisation de la vie parlementaire 1860 – 1861
—> D’abord on publie désormais les débats parlementaires dans la presse mais ce qui est plus intéressant c’est l’attribution au corps législatif un droit d’adresse en réponse au discours annuel de l’empereur. Or l’adresse permet un véritable débat au sein de l’Assemblée ce qui provoque la formation d’une opposition politique au sein du régime et cette opposition reçoit le nom d’opposition dynastique. C’est ce courant d’opposition qui va pousser Napoléon à poursuivre la libéralisation mais l’adresse ne peut être suivie d’un vote de défiance à l’égard du gouvernement autrement dit il n’est nullement question d’introduire un régime parlementaire donc contrairement à l’époque de la monarchie constitutionnelle. Ces mesures de libéralisation incitent les opposants au régime à se montrer plus agressifs spécialement à l’occasion des élections législatives.
Les élections législatives de 1863 et les forces politiques
—> Il faut tout de suite remarquer que le système d’organisation des élections n’est pas modifié c’est à dire qu’on maintien le système de la candidature officielle mais les opposants interprètent les mesures libérales comme des preuves de l’affaiblissement du régime et ils veulent évidemment tirer partie de cela.
=>Pour cela, en 1863, à l’occasion des élections législatives, ces partis d’opposition forment une coalition électorale appelée Union Libérale qui se présente comme le parti de la liberté.
—> Cette coalition électorale est plutôt inégale et hétéroclite car elle se compose surtout de 3 forces politiques avec peu de légitimistes car la plupart d’entre eux restent écartés de la vie politique en attendant le retour éventuel à la royauté, peu d’orléanistes car beaucoup se sont alliés aux bonapartistes libéraux donc au sein de l’opposition dynastique formant désormais le tiers parti. —> Finalement on peut dire que la principale force d’opposition ce sont les républicains mais ils ont beaucoup évolué à cette époque car en effet la nouvelle génération d’hommes politiques républicains dont le représentant est Jules Ferry a changé d’attitude par rapport à la génération antérieure. Ces nouveaux républicains rejettent totalement le retour à l’insurrection mais en revanche ils veulent utiliser tous les moyens légaux pour faire chuter l’empire et ces moyens légaux c’est notamment la propagande ainsi que l’activité électorale (participation aux élections). On constate qu’en dépit des contraintes pesant sur les opposants, l’opposition atteint environ 30% des suffrages et avec le calcul des sièges qui se fait à son détriment elle n’obtient que 32 sièges (sur 250).
- B) La deuxième phase de libéralisation 1867 – 1868
—> Cette 2e phase est encore une fois la conséquence de l’affaiblissement du régime de Napoléon du notamment aux échecs en matière de politique étrangère. Or l’opposition n’a cessé de harceler Napoléon pour qu’il poursuive ses réformes et certainement la meilleure expression de ces revendications est présentée par un homme politique qui à l’époque est orléaniste (hostile à Napoléon III), Adolphe Thiers qui présente en effet les revendications en parlant des 5 libertés nécessaires qui apparaissent comme le minimum exigé par les opposants. Tout d’abord la sécurité du citoyen c’est à dire la liberté individuelle puis la liberté de la presse, la liberté des élections, la liberté de la représentation nationale c’est à dire le contrôle du gouvernement par le Parlement et enfin le régime (ou le règne) de l’opinion majoritaire c’est à dire la majorité dirigeant le pays. Ce programme minimum va être en fait réalisé en partie par Napoléon en 1867 et 1868.
Les réformes
a) Le renforcement du rôle du Parlement
—> Le corps législatif obtient le droit d’interpellation c’est à dire le droit de poser des questions à un ministre en séance donc un ministre qui assiste aux séances du parlement, celui-ci étant obligé d’y répondre. —> Cependant, l’effet était limité car cela ne pouvait entraîner un vote de défiance donc il ne s’agit pas encore d’instaurer un régime parlementaire mais le progrès tient au fait que le contrôle du gouvernement n’est plus assurer seulement par l’adresse annuelle mais aussi par le droit d’interpellation qui permet au Parlement de critiquer constamment le gouvernement. Le Sénat peut demander au corps législatif de délibérer sur un projet de loi déjà voté.
b) La reconnaissance des libertés publiques
—> Grande innovation car attendre 1867 pour qu’elles retrouvent leur importance dans la vie politique.
Ø Le relâchement des contraintes sur la presse
—> Le cautionnement est maintenu mais l’autorisation préalable est supprimée et est remplacée par la simple déclaration préalable. Enfin le système des avertissements disparaît et le droit de timbre est réduit. Cette liberté retrouvée de la presse permet et provoque même un rapide développement des journaux car on peut dire que c’est à partir de ce moment-là que les progrès techniques vont produire tous leurs effets puisque désormais on peut librement produire des journaux à bon marché donc se développe une presse à bon marché qui est vendue au numéro et non plus par abonnement.
=>Ceci signifie que des gens de condition modeste pourront acheter le journal
—> Cette grande diffusion de la presse est également rendue possible par les progrès de la scolarisation et donc de l’alphabétisation des adultes, ceci valant évidemment pour les villes comme pour les campagnes. Une 2e liberté publique refait surface en partie tout au moins à savoir la liberté de réunion publique et cela permet notamment l’organisation de réunions électorales (comités). Ces mesures nouvelles et spécialement les mesures concernant la liberté publique vont avoir également des répercussions sur le résultat des élections de 1869.
Les élections de 1869 et le remodelage des forces politiques
—> Les nouvelles libertés mais également la maturité de l’électorat (alphabétisation, lecture des journaux) permet à l’opposition de compenser en partie le maintien de la candidature officielle de telle sorte qu’elle accroît son succès aux élections de 1869 où elle obtient environ 40% des suffrages. Là encore en raison de l’attribution des sièges elle n’obtient que 90 sièges et parmi ces 90 députés on compte environ 30 républicains et 40 orléanistes opposés à Napoléon III Par ailleurs, on assiste à un reclassement des forces politiques car on peut dire que désormais les forces de l’opposition se classent en 2 tendances avec d’un côté ce qu’on appelle les « irréconciliables » (républicains) c’est à dire les gens qui n’ont d’autre objectif que de renverser le régime et de l’autre côté on trouve ceux qui accepte le maintien de l’empire (orléanistes) mais à condition que celui-ci se transforme en régime parlementaire c’est à dire à peu près l’équivalent de ce qu’on trouve en GB à l’époque.
=>Ce regain de pression de l’opposition entraîne un emballement du système de libéralisation
- C) La troisième phase de libéralisation et le renforcement interrompu de l’Empire
—> On a pu dire que cette troisième phase qui couvre 1869 et 1870 correspond à un moment où le régime est devenu à moitié parlementaire et à moitié plébiscitaire.
L’évolution vers le régime parlementaire
—> Cette évolution se réalise en 3 étapes :
Elargissement des pouvoirs du Parlement en 1869 avec l’initiative de la loi pour le corps législatif, le Sénat peut rejeter une loi votée par le corps législatif et devient une véritable chambre parlementaire enfin les membres du Parlement peuvent être nommés ministres.
Formation d’un nouveau ministère dirigé par un libéral, Emile Ollivier, qui s’appui sur ce qu’on a appelé le tiers parti c’est à dire les libéraux au sein du régime et ce courant pousse à l’adoption d’un véritable régime parlementaire avec la responsabilité du gouvernement devant le Parlement.
Modification constitutionnelle avec le vote le 20 avril 1870 d’un senatus consulte qui est voté non seulement par le Sénat mais aussi par le corps législatif, senatus consulte qui contient 2 dispositions importantes : le Sénat est transformé en une véritable assemblée parlementaire avec en particulier l’initiative des lois et le senatus consulte parle de la responsabilité des ministres sans précisions donc c’est un texte analogue à la constitution de 1848.
=>On peut se demander si à côté de la responsabilité des ministres envers l’empereur il n’y a pas aussi une responsabilité envers le Parlement, ce qui ferait entrer le régime dans un système dualiste.
—> Cependant évolution vers le régime parlementaire limitée par la réaffirmation de l’autorité de l’empereur.
La confirmation de l’autorité de l’empereur et la chute de l’Empire
—> Le senatus consulte reprend en même temps un principe fondamental du bonapartisme : « l’empereur est responsable devant le peuple français auquel il a toujours le droit de faire appel » autrement dit il peut toujours engager sa responsabilité au moyen d’un plébiscite et précisément Napoléon décide d’organiser un nouveau plébiscite pour affermir son pouvoir en 1870. Le plébiscite pose aux électeurs une question très habile en demandant s’ils sont d’accord pour ratifier les mesures libérales adoptées depuis 1860, question habile car à moins d’être anti libéral on ne peut répondre que oui mais les partis d’opposition ont vu que c’est t un piège en demandant aux électeurs de voter non et en dépit de cela les électeurs vont au contraire massivement voter oui (80%).
—> L’électorat des grandes villes est plutôt favorable au non ce qui montre l’influence importante des républicains et des libéraux mais le oui l’emporte en revanche nettement dans les campagnes. Ce succès dans les campagnes peut s’expliquer surtout par l’influence importante de l’administration sur les habitants des campagnes (préfets, sous préfets…) et cette influence est d’autant plus importante que l’administration a beaucoup œuvrée pour les habitants des campagnes notamment en développant les infrastructures (services publics tels que routes, écoles, eau potable…).
=>Le plébiscite se termine donc incontestablement par un succès de Napoléon dont le pouvoir semble affermi ce qui entraîne immédiatement le découragement des opposants.
—> Ce désespoir est tellement gd que le républicain le plus célèbre de l’époque, Gambetta, dit carrément « l’empire est plus fort que jamais » et c’est tellement vrai qu’on peut se demander si Napoléon ne va pas désormais réduire les libertés. Il faut dire qu’on aura jamais de réponse sur l’évolution future du régime car il va s’effondrer quelques semaines plus tard pour une raison imprévue et sans rapport à la suite de la défaite militaire devant la Prusse qui se solde d’ailleurs à l’occasion de la bataille de Sedan par la capture de Napoléon faisant disparaître l’Empire virtuellement.