De la Deuxième république au Second empire (1848-1870)
De 1848 à 1870, la France traverse la Deuxième République et le Second Empire. Instabilité sociale et tensions institutionnelles marquent la République (1848-1851), culminant avec le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte. Le Second Empire (1852-1870), initialement autoritaire, adopte tardivement des réformes libérales. La défaite militaire face à la Prusse en 1870 entraîne l’effondrement de l’Empire, ouvrant la voie à la Troisième République.
La transformations politiques françaises (1848-1870)
Période/Régime | Caractéristiques principales | Événements marquants | Figures clés |
---|---|---|---|
1848-1851 : Deuxième République | Instabilité sociale, Constitution de 1848 inspirée du modèle présidentiel américain, tensions entre président et Assemblée. | Révolution de février 1848, élection de Louis-Napoléon Bonaparte (1848). | Louis-Napoléon Bonaparte |
1852-1870 : Second Empire | Régime autoritaire basé sur la Constitution de 1852, évoluant vers un « Empire libéral » avec des réformes sociales et politiques tardives. | Coup d’État du 2 décembre 1851, proclamation de l’Empire (1852). | Napoléon III |
1860-1870 : Empire libéral | Réformes sociales (droit de grève, soutien ouvrier), concessions politiques (renforcement du Corps législatif), montée de l’opposition républicaine et libérale. | Réformes ouvrières (1864-1868), parlementarisation partielle (1869). | Napoléon III |
Chute en 1870 | Défaite militaire face à la Prusse, perte de légitimité de l’Empire, proclamation de la Troisième République. | Défaite de Sedan (1870), fin du Second Empire. | Napoléon III |
- Fiches de droit constitutionnel
- Le régime parlementaire de la IIIème République
- De la deuxième République au Second Empire (1848-1870)
- Du consulat à l’Empire, de l’Empire aux monarchies parlementaires
- Les causes et conséquences de la Révolution
- Le contrôle de constitutionnalité
- Hiérarchie des normes, fondement de l’état de droit
§1. La Deuxième République
La Deuxième République, proclamée en février 1848 après la chute de la Monarchie de Juillet, est marquée par un contexte social et économique tendu, des institutions inspirées du modèle américain, et une instabilité politique qui mènera à son effondrement en 1851.
I. Le contexte
La Monarchie de Juillet s’effondre en février 1848, non pas à cause de blocages institutionnels, mais en raison de son incapacité à engager des réformes attendues par une société en mutation.
- Un régime dépassé
- Les revendications sociales et politiques, comme la liberté de presse et de réunion, l’abolition de la peine de mort pour raisons politiques, et la suppression de l’esclavage dans les colonies, sont ignorées par le régime de Louis-Philippe.
- Ces lacunes alimentent un mécontentement croissant, qui culmine avec la révolution de février 1848.
- Une transition difficile
- En avril 1848, une Assemblée constituante est élue dans un contexte de crise économique et sociale marqué par le printemps des peuples en Europe.
- Le gouvernement provisoire tente de répondre à la crise par des réformes :
- Ateliers nationaux : créés pour fournir du travail aux chômeurs, ces ateliers sont financés par une hausse d’impôts de 45 %, qui suscite la colère des populations rurales.
- En juin 1848, la fermeture des ateliers provoque un soulèvement ouvrier à Paris.
- La répression menée par le général Cavaignac est brutale : 5 000 morts, 4 000 arrestations et déportations. Cette violence crée une fracture entre la République et la population parisienne.
- Adoption de la Constitution
- Dans ce contexte tendu, la Constitution du 4 novembre 1848 est adoptée.
- Elle instaure une séparation rigide des pouvoirs et met en place un régime présidentiel fort, avec un retour au pouvoir exécutif personnel, une innovation dans l’histoire républicaine française.
II. L’échec du régime présidentiel
Le régime présidentiel établi par la Constitution de 1848 échoue rapidement, en raison de tensions institutionnelles et politiques.
A. Le schéma institutionnel
La Constitution s’inspire largement du modèle présidentiel américain, fondé sur deux principes :
- Unité
- Le pouvoir législatif est monocaméral, exercé par une Assemblée nationale de 750 membres élus pour 3 ans au suffrage universel direct.
- Le pouvoir exécutif est confié à un président de la République, élu pour 4 ans au suffrage universel direct, sans possibilité de réélection immédiate.
- Indépendance
- Les pouvoirs législatif et exécutif sont strictement séparés.
- Le président n’est pas responsable devant l’Assemblée.
- L’Assemblée ne peut être dissoute par le président.
- Cette séparation est toutefois atténuée par la participation des ministres, souvent issus du législatif, qui partagent l’initiative des lois.
B. Les limites du dispositif
- Conflit de légitimité
- Le président et l’Assemblée sont tous deux élus au suffrage universel direct, ce qui leur confère une légitimité égale, mais peut provoquer des affrontements en cas de désaccord.
- Les élections présidentielles du 10 décembre 1848 portent Louis-Napoléon Bonaparte (LNB) au pouvoir, alors que l’Assemblée est dominée par une majorité monarchiste : une cohabitation conflictuelle s’installe rapidement.
- Contexte défavorable aux républicains
- Le suffrage universel direct, instauré dans un contexte de tensions sociales et de répression, favorise un candidat conservateur comme LNB, éloigné des idéaux républicains.
- LNB se heurte à l’Assemblée, notamment sur deux points :
- Son projet de réélection : la Constitution interdit au président de se représenter.
- Son incapacité à réviser la Constitution : LNB ne peut obtenir le soutien des trois quarts des membres nécessaires à une révision constitutionnelle.
- Le coup d’État du 2 décembre 1851
- Face à cette impasse, LNB organise un coup d’État, dissout l’Assemblée et convoque un plébiscite pour légitimer son action.
- Il met ainsi fin à la Deuxième République et rétablit un régime autoritaire, qui deviendra le Second Empire en décembre 1852.
Conclusion : La Deuxième République, née dans un contexte de crise sociale et politique, est rapidement confrontée à des contradictions institutionnelles : un président et une Assemblée élus au suffrage universel, mais incapables de collaborer. Le régime échoue à instaurer une stabilité durable, et son caractère conflictuel conduit directement au coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, marquant la transition vers l’Empire. Cette brève expérience révèle les difficultés d’un modèle présidentiel rigide dans un contexte marqué par des divisions profondes et des attentes sociales insatisfaites.
§2. Le retour à l’empire : du coup d’État à l’effondrement (1851-1870)
Après une période de tensions politiques et sociales sous la Deuxième République, Louis-Napoléon Bonaparte rétablit l’empire par un processus mêlant coup d’État, réforme institutionnelle, et tentatives d’ouverture sociale et politique. Cette période est marquée par une transition entre un régime autoritaire et des tentatives de libéralisation, jusqu’à la chute de l’empire en 1870.
I. Le coup d’État du 2 décembre 1851
Le 2 décembre 1851, Louis-Napoléon Bonaparte réalise un coup d’État, dissout l’Assemblée législative, et annonce la restauration du suffrage universel masculin.
- Les justifications du coup d’État
- Louis-Napoléon ne dispose pas du droit constitutionnel de dissoudre l’Assemblée, mais il s’appuie sur l’impopularité des députés monarchistes et sur la crainte d’une révolution sociale pour légitimer son action.
- Il convoque un plébiscite pour valider sa réforme des institutions et obtenir l’appui populaire.
- Le plébiscite du 21 décembre 1851
- Le plébiscite, organisé dans un contexte de répression, approuve massivement le coup d’État et ouvre la voie à une révision constitutionnelle.
- Louis-Napoléon élimine l’opposition républicaine, affaiblie par son manque de soutien populaire, et renforce sa position comme chef incontesté.
II. La Constitution du 14 janvier 1852
La nouvelle Constitution maintient formellement la République, mais établit un régime autoritaire centré autour du président de la République.
- Concentration du pouvoir exécutif
- Le président est élu pour 10 ans par plébiscite, mais les électeurs n’ont pas de véritable choix.
- Le président :
- Nomme et révoque les ministres, qui sont responsables uniquement devant lui.
- Maîtrise l’initiative législative et la révision constitutionnelle.
- Dispose d’un pouvoir de dissolution des assemblées.
- Structure du pouvoir législatif
Le pouvoir législatif est fragmenté entre trois organes subordonnés au président :
- Le Conseil d’État : prépare les projets de loi.
- Le Corps législatif : accepte ou rejette les projets de loi, mais sans pouvoir les modifier. Ses membres sont élus au suffrage universel, mais leur élection est contrôlée par des listes validées par l’exécutif.
- Le Sénat : composé de membres nommés à vie par le président, il garantit la stabilité du régime et peut modifier la Constitution.
- Proclamation de l’Empire
Le 2 décembre 1852, un an après le coup d’État, Louis-Napoléon se proclame empereur sous le nom de Napoléon III, établissant le Second Empire.
III. Vers l’empire libéral ? (1860-1870)
Malgré son caractère autoritaire, l’Empire évolue progressivement vers une ouverture sociale et politique, mais ces réformes arrivent trop tard pour enrayer les critiques croissantes.
A. Les aspects sociaux
- Droit de grève et ouvriers
- En 1864, le droit de grève est toléré pour la première fois depuis la Révolution.
- À partir de 1867, plusieurs réformes sociales marquent un changement :
- Les délégations ouvrières sont autorisées lors de l’Exposition universelle.
- Les chambres syndicales et les caisses facultatives sur la vie et le travail se développent.
- En 1868, l’article 1871 du Code civil, qui privilégiait la parole de l’employeur dans les litiges avec les ouvriers, est abrogé.
- Le régime affiche son soutien à l’abandon du livret ouvrier, un outil de contrôle sur les travailleurs.
- Objectif : séduire les classes populaires
Ces réformes visent à réduire les tensions sociales et à gagner le soutien de la classe ouvrière, un enjeu crucial pour un régime souvent perçu comme élitiste.
B. Les aspects politiques
- Progression de l’opposition
- L’opposition républicaine et libérale gagne en influence, notamment lors des élections législatives de 1863 et 1869, où les candidats opposés à l’empire réalisent des avancées significatives.
- Napoléon III accorde des concessions :
- 1860 : début d’un contrôle des ministres par l’Assemblée.
- 1869 : le Corps législatif obtient des pouvoirs renforcés, marquant une tentative de parlementarisation du régime.
- Les limites du régime
- Les réformes libérales sont tardives et ne suffisent pas à restaurer la légitimité de l’Empire, déjà affaibli par les critiques et les tensions sociales.
- Le Second Empire ne tombe pas à cause d’une révolte interne, mais en raison de sa politique étrangère.
Conclusion, la chute de l’Empire : En 1870, la défaite de Napoléon III face à la Prusse lors de la bataille de Sedan marque la fin du Second Empire. L’humiliation nationale provoque la proclamation de la Troisième République, mettant un terme à l’expérience impériale.
Le Second Empire, entre autoritarisme et ouverture libérale tardive, a tenté d’instaurer un régime stable en France. Cependant, ses contradictions internes et son incapacité à répondre aux aspirations républicaines et populaires ont conduit à sa chute, laissant place à une nouvelle ère politique.