Secteur public et règles de Concurrence en UE

 Droit de la concurrence et entreprises du secteur public

Le secteur public se distingue du secteur privé par sa dépendance par rapport de la puissance publique. Les entreprises qui font partie du secteur public ne peuvent pas se comporter comme des entreprises ordinaires.

Dans le cadre du traité, on a deux dispositions qui peuvent avoir des conséquences sur le secteur public : – Article 345 TFUE : « Les traités ne préjugent en rien le régime de la propriété dans les États membres ».

! On a une liberté des États quant à la nécessité de privatiser ou nationaliser certaines entreprises.

Les États peuvent déterminer librement leur secteur public. Elle apparaît favorable mais laisse en réalité une marge réduite aux États. Les États privatisent car aujourd’hui, du fait de l’influence du droit de l’UE, le secteur public a moins d’avantages : les dispositions s’appliquent de manière identique aux entreprises publiques et privées en matière de libre circulation et de concurrence. L’intérêt de la nationalisation était d’accorder des dérogations.

Article 106 paragraphes 1 – 2 et 3 TFUE :

  • « 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n’édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles des traités, notamment à celles prévues aux articles 18 et 101 à 109 inclus.
  • 2.  Les entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général ou présentant le caractère d’un monopole fiscal sont soumises aux règles des traités, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union  
  •   3. La Commission veille à l’application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres. ».

  • Le paragraphe 1 soumet les entreprises publiques et les interventions des États qui les concernent au respect des règles de concurrence et du principe de non discrimination en raison de la nationalité.
  • Le paragraphe 2 ébauche un statut spécifique plus souple pour des entreprises particulières avec lesquelles l’État a un rapport particulier : entreprises qui gèrent un service économique d’intérêt général.
  • Le paragraphe 3 explique que le contrôle repose sur la commission.

 

SECTION 1 : LES RÈGLES OPPOSABLES AUX ENTREPRISES PUBLIQUES ET AUX INTERVENTIONS ÉTATIQUES LES CONCERNANT

Paragraphe 1 : les entreprises concernées par l’article 106 paragraphe 1 TFUE

Les entreprises visées sont :

  • Les entreprises publiques
  • Les entreprises auxquelles les États accordent des droits spéciaux exclusifs

Ces deux types d’entreprises ont un point commun : ce sont des entreprises avec lesquelles l’État (entendu dans un sens large) a des liens spécifiques.

A) les entreprises publiques

La Cour de justice de l’Union Européenne (CJUE) a établi une définition autonome et élargie des entreprises publiques qui diffère des définitions nationales, y compris la définition française. Cette définition est fondée sur deux conditions principales :

1. Définition d’une Entreprise :

  • Interprétation Large par la CJUE : Selon l’arrêt Hofner du 23 avril 1991, la notion d’entreprise couvre toutes les entités exerçant une activité économique, indépendamment de leur statut juridique et de leur mode de financement.
  • Critère d’Activité Économique : Le critère déterminant est la nature de l’activité exercée par l’entité, qui doit être économique. La CJUE ne tient pas compte de la forme juridique ou du mode de financement de l’entité.
  • Implications pour le Secteur Public : Cette définition inclut dans le secteur public des entités comme les associations ou les services sans personnalité juridique propre au sein d’une personne publique, à condition qu’elles exercent une activité économique.
  • Contre-Exemple : Un organisme qui assure la surveillance de la pollution dans un port pétrolier n’est pas considéré comme une entreprise car son activité relève de la police, et non de l’économie.

2. Qualification d’Entreprise Publique :

  • Indépendance par rapport à l’Activité : Le fait qu’une entité soit une entreprise publique ne dépend pas de la nature de son activité, et il n’y a pas de corrélation directe entre entreprise publique et activité de service d’intérêt général.
  • Directive de 1980 sur la Transparence : Cette directive fournit des critères pour déterminer si une entité est une entreprise publique. Selon cette directive, une entreprise publique est définie comme toute entreprise sur laquelle les pouvoirs publics peuvent exercer une influence dominante, que ce soit par la propriété, la participation financière, ou les règles qui la régissent.

Conclusion : La définition de la CJUE permet d’appliquer les règles du droit de l’UE de manière cohérente et équitable à un large éventail d’entités. Cette approche garantit que diverses formes d’organisations, y compris celles dans le secteur public, sont soumises aux mêmes principes de concurrence et de marché intérieur, tout en tenant compte de leurs particularités.

Le critère est celui de l’influence sur les pouvoirs publics qui peut prendre plusieurs formes :

  •   1) La détention de la majorité du capital
  •   2) Le fait que la personne publique dispose de la majorité des voix attachées aux parts de l’entreprise et
  •   3) Le 3ème critère, les règles d’organisation qui révèlent l’influence dominante

Les pouvoirs publics sont toutes les autorités publiques. L’influence peut être directe ou indirecte.

La définition européenne d’entreprise publique adoptée par la Commission et la CJUE se caractérise par sa largeur, s’étendant bien au-delà des conceptions traditionnelles en droit national, notamment en droit français. Cette approche élargie a des implications significatives pour l’application des règles du traité de l’UE.

Critères Élargis de la CJUE :

  • La CJUE a adopté les critères de la Commission, étendant la notion d’entreprise publique. Selon cette interprétation, une entité peut être considérée comme une entreprise publique même si elle n’a pas de personnalité juridique propre, dès lors que les pouvoirs publics exercent une influence dominante, directement ou indirectement, sur son activité économique.

Comparaison avec le Droit Français :

  1. Création d’Entreprises Publiques avec Personnalité Juridique : En France, une entreprise peut appartenir au secteur public principalement de deux manières : soit par la création d’une entreprise publique dotée de la personnalité juridique (comme un Établissement Public à Caractère Industriel et Commercial – EPIC), par exemple la SNCF ou la RATP.
  2. Sociétés à Capital Majoritairement Public : La deuxième manière est la création d’une société avec un capital majoritairement détenu par des entités publiques.

Extensions Notables de la Notion Européenne :

  1. Inclusion de Sociétés Publiques Locales : Les entreprises considérées comme publiques dans le droit français, telles que les sociétés publiques locales, sont incluses.
  2. Influence des Pouvoirs Publics sur des Entreprises à Capital Non Majoritairement Public : Des entreprises dont le capital n’est pas majoritairement public, mais qui sont sous une grande influence des pouvoirs publics, sont également incluses.
  3. Activités Économiques Exploitées Directement par les Personnes Publiques : Cette catégorie, non prévue en droit interne français, est également intégrée dans le champ d’application européen.

Conséquences de cette Approche Large :

  • Extension du Champ d’Application des Règles du Traité : La définition élargie adoptée par la CJUE augmente le nombre d’entités soumises aux règles du traité, notamment en matière de concurrence et de marché intérieur.
  • Harmonisation avec les Objectifs du Marché Unique : Cette interprétation vise à assurer une application cohérente et équitable des règles de l’UE, indépendamment des variations dans les définitions nationales.

B) les entreprises dotées de droits exclusifs ou spéciaux.

 La directive du 26 Juillet 2000 dit que l’expression droits exclusifs désigne les droits accordés par un État membre à une entreprise aux moyens de tout instrument législatif, réglementaire ou administratif qui lui réservent le droit de fournir un service ou d’exercer une activité sur un territoire donné.

Il y a droits exclusifs quand est reconnu à une seule entreprise dans une zone géographiquement déterminée, le droit de fabriquer ou de vendre un produit ou d’offrir une prestation de services.

 Les droits spéciaux sont ceux attribués à un État membre à un nombre limité d’entreprises, aux moyens de n’importe quel instrument législatif, réglementaire ou administratif qui privilégient les entreprises intervenant sur le même secteur.

 

Paragraphe 2 : les obligations pesant sur l’État dans ses rapports avec de telles entreprises.

On interdit aux États de prendre des « mesures » :

Cela englobe les mesures de portée générale (lois-règlements), les actes individuels, mais aussi les actes non contraignants comme les recommandations, instructions administratives, les comportements des pouvoirs publics au sein des conseils d’administration).

Les obligations pesant sur l’État sont larges :

  • Respect de toutes les obligations du traité
  • Respect des dispositions posant le principe de non discrimination en raison de la nationalité et de droit de la concurrence

A) respect de l’article 18 TFUE

Article 18 TFUE : « Dans le domaine d’application des traités, et sans préjudice des dispositions particulières qu’ils prévoient, est interdite toute discrimination exercée en raison de la nationalité ».

Les États ne doivent pas pousser les entreprises à recruter Français et à acheter Français.

B) le respect des règles de la concurrence

Le respect des règles de la concurrence visent à préserver un marché équitable et compétitif.

1. Abus de Position Dominante :

  • Contexte général : Beaucoup d’entreprises gérant un service économique d’intérêt général se trouvent en situation de monopole de droit ou de fait.
  • Problématique de l’abus : La question clé n’est pas la position dominante en elle-même, mais plutôt l’abus de cette position. Cela peut inclure des pratiques telles que la fixation de prix injustes, la limitation de la production pour contrôler le marché, ou l’imposition de conditions déloyales.
  • Exemple de condamnation : Un cas notable concerne une collectivité territoriale française qui a accordé une concession exclusive à une entreprise de pompes funèbres. Cette exclusivité a mené à un abus de position dominante, l’entreprise étant contrainte d’imposer des prix inéquitables à sa clientèle.

2. Aides d’État :

  • Définition : Les aides d’État se réfèrent à tout avantage accordé par les pouvoirs publics qui fausse ou menace de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou productions.
  • Régime spécifique : Bien que les règles générales de l’UE interdisent la plupart des aides d’État, il existe des exceptions et un régime spécifique pour certaines entreprises, notamment celles gérant un service d’intérêt économique général. Ces dérogations sont toutefois encadrées strictement pour s’assurer qu’elles ne faussent pas la concurrence de manière injuste au sein du marché unique.

SECTION 2 : LE RÉGIME PARTICULIER DES ENTREPRISES VISÉES A L’ARTICLE 106 §2  DU TFUE

Les SIEG et la concurrence (art. 106&2 du TFUE)

SECTION 3 : LES POUVOIRS DE LA COMMISSION

Dans le domaine de la concurrence, la Commission européenne joue un rôle central, conformément à l’Article 106, paragraphe 3, du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Cet article charge la Commission de la supervision de l’application des dispositions de l’article, lui permettant d’émettre des directives ou décisions nécessaires aux États membres.

Fonctions Principales de la Commission :

  1. Surveillance de l’Application de l’Article 106 : La Commission agit en tant que gardienne des traités, possédant le pouvoir d’intervenir en cas de manquements.
  2. Émission d’Actes Décisoires ou Consultatifs aux États Membres : Ce rôle dépasse la simple surveillance, autorisant la Commission à adopter des actes ayant un caractère contraignant, soit de portée générale soit individuelle.

En outre, la Commission est habilitée à adopter des directives basées sur l’article 106, comme l’illustre la directive du 22 juin 1998 concernant l’ouverture du marché des services postaux. Elle peut également émettre des actes non contraignants, tels que des communications et des cadres réglementaires.

Historiquement, la Commission avait le pouvoir exclusif de promulguer des directives en vertu de l’article 106(3), mais, suite à des critiques, elle utilise désormais des dispositions favorisant l’harmonisation des législations pour l’adoption de directives, se positionnant ainsi principalement en tant qu’initiatrice.

Spécificité des Services d’Intérêt Général :

L’article 106 reconnaît la particularité des activités de service d’intérêt général, principalement celles liées aux services industriels et commerciaux en France. Toutefois, cette reconnaissance est limitée : les services publics administratifs, ne constituant pas une activité économique, ne relèvent pas du champ d’application du traité.

Délégation de Service Public :

Quand une entité publique opte pour la délégation de Service Public à un tiers, des contraintes régissent la conclusion des contrats de délégation. L’arrêt « Telaustria » encadre spécifiquement cette passation de Service Public.

Quant à l’exécution de la mission de Service Public, le droit de l’UE ne remet pas systématiquement en question le régime juridique spécifique applicable, comme le démontre l’interprétation large de l’article 106 paragraphe 2 par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE), mise en évidence dans la jurisprudence « Altmark ».