Séparation et indépendance de l’exécutif et du judiciaire

QUELS SONT LES RAPPORTS ENTRE LE JUDICIAIRE ET L’EXECUTIF ?

Pouvoir exécutif = le président, le gouvernement, les autorités administratives, tout ce qui a en charge l’exécution des lois…. c’est l’administration

Principe de séparation des pouvoirs : il existe deux règles

  •  interdiction pour le juge de s’immiscer dans le pouvoir exécutif : principe de séparation des fonctions administratives et judiciaires
  •  interdiction pour l’exécutif de s’immiscer dans l’organe juridictionnel : principe d’indépendance de la justice à l’égard du gouvernement
  • a) séparation des fonctions administratives et judiciaires :

Texte fondamental : texte des 16 et 24 août 1790 : interdit au juge de s’immiscer dans la fonction législative et affirme le principe de séparation des fonctions administratives et judiciaires. « Les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparer des fonctions administratives, les juges ne pourront à peine de forfaiture troubler en quelques manières que se soient des opérations des corps administratifs ni cités devant eux les administrateurs pour raison de leur fonction». Motifs de la séparation : la séparation des pouvoirs.

– motifs de la séparation :

Deux motifs :

– théorique : la séparation des pouvoirs (contestable)

L’idée des révolutionnaires était de dire que les fonctions devaient être séparées et que le contrôle de l’activité des actions de l’administration est retiré au pouvoir judiciaire. Ainsi le principe de séparation des pouvoirs interdirait aux juges de connaître des actes administratifs, mais si le juge s’en tient à sa mission de dire le droit, si il connait un acte de l’administration il ne s’immisce pas dans l’administration, il n’accomplit pas ainsi des actes administratifs. En réalité si on se fonde sur le principe de séparation on lui donne une portée exagérée. Le réel motif de la loi citée est la défiance envers l‘autorité judiciaire, la séparation n’est qu’un prétexte.

– pragmatique et qui constitue le véritable motif : la défiance envers l’autorité judiciaire : les constituants ne veulent pas revenir au système judiciaire de l’ancien régime où les juges demandaient aux agents du pouvoir royal de rendre des comptes devant eux et les constituants voulaient en finir avec les pratique des tribunaux de l’ancien régime

– portée de la séparation :

  1. conséquence immédiate : c’est l’incompétence du juge judiciaire pour connaître et contrôler des actes de l’administration ; il est incompétent, l’administration a ainsi une immunité juridictionnelle (à l’époque uniquement des juridictions judiciaires) vous pouvez uniquement contester un acte devant le supérieur de la personne qui a fait l’acte et en dernier recours le chef de l’exécutif c’est l’administration elle-même qui juge la validité de ses actes. Ce moyen ne résistera pas au temps.
  2. conséquence à moyen terme :

Emergence d’une juridiction administrative

  •  incompétence du juge judiciaire :
  •  pratique établit une juridiction administrative : au début justice retenue puis passage au système de justice contrôlée par le Conseil d’Etat en dernier recours –> loi du 24 mai 1872 autorité souveraine pour le Conseil d’Etat véritable juridiction dans l’arrêt du 13 décembre 1889

Système de double juridiction : administrative et judiciaire coiffé chacun par un ordre suprême (Cour de Cassation et Conseil d’Etat) ; dualité des ordres de juridiction –> essor du droit public et plus précisément le droit administratif, lien entre la compétence et le fond ; droit façonné par les tribunaux, droit au départ uniquement jurisprudentiel. Les juges administratifs sont au départ des membres des administrations donc ils connaissent les rouages de l’administration. Deux inconvénients, les juridictions administratives en général trop favorables à l’administration, soupçon de partialité ; et problème de compétence : qu’est ce qu’un litige de droit privé et de droit public ? Création du tribunal de conflit pour juger si un litige relève du droit administratif ou du droit privé.

b) indépendance des fonctions administratives et judiciaires :

Le principe constitutionnel de l’indépendance de la justice vis à vis de l’exécutif qui est un principe constitutionnel car s’appuie sur l’article 16 de la DDHC ; le Conseil Constitutionnel a dit que ce principe existe non seulement pour les rapports avec le législatif et exécutif aussi. Le Conseil Constitutionnel pour confirmer ce principe se base aussi sur l’article 64 en instituant le président comme garant de cette indépendance.

Comment mettre en œuvre cette indépendance ? Pour l’indépendance de la justice il faut l’indépendance des juges qui la compose : le pouvoir exécutif ne doit pas pouvoir exercer de pression sur les juges, s’il peut faire pression il n’y a pas d’indépendance de la justice. Mais le problème est que les juges (administratif ou judiciaire = magistrat) sont des agents de l’état ils sont rémunérés par l’état donc l’indépendance est difficile : si la carrière des juges dépend du pouvoir exécutif il peut faire pression sur eux. Comment le droit français essaye d’assurer l’indépendance des juges ? Pour les magistrats le système est en pleine évolution

  •  indépendance des juges judiciaires ou magistrats : différents sortes de magistrats des professionnels (agents de l’état, corps à part de la fonction publique) et non professionnels (tribunaux de commerce, les prud’hommes, …). Les juges professionnels sont un corps autonome à cause du problème d’indépendance vis à vis du gouvernement. Il faut distinguer les magistrats du siège et ceux du ministère public
  1. la distinction magistrats du siège et du ministère public :

– magistrats du siège : car ils rendent la justice assis ; ils ont une indépendance garantis vis à vis du gouvernement grâce à la règle de l’inamovibilité, principe inscrit dans l’article 4 de la constitution de 58 donc ni le législateur ni le gouvernement ne peut revenir sur ce principe sans changer la constitution. Un magistrat du siège ne peut faire l’objet d’une décision individuelle à son encontre : pas de révocation, pas de mutation, pas de suspension, pas de retraite anticipée. Leur mission est de juger les affaires qui leur sont présentés

– magistrats du ministère public : magistrats professionnels ; ils n’ont pas pour mission de juger les affaires, ils défendent les intérêts de la collectivité publique, les intérêts de la loi et veillent au respect de la loi, d’où leur nom. Membres du parquet, les parquetiers, ils forment la magistrature debout car lorsque le magistrat du ministère public prend la parole il se tient debout par déférence envers ceux qui jugent. Mais principe de subordination hiérarchique des magistrats du parquet, ils sont des agents du pouvoir exécutif pour veiller à l’application de la loi, ils sont là pour relayer la mission de l’exécutif qui est de faire exécuter la loi. Sommet de la hiérarchie des magistrats du parquet : le ministre de la justice. Ils ne bénéficient pas du principe de l’inamovibilité.

Ex : problème de la garde à vue à la français où un magistrat du parquet peut décider la garde à vue d’une personne et la reconduire, il juge donc et dépasse ses prérogatives car seul le magistrat du siège peut juger. Donc obligation soumise par la CEDH de prolonger la garde à vue sur accord d’un magistrat du siège.

Une limite à la subordination hiérarchique s’exprime à l’audience : le représentant du ministère public qui doit requérir à l’audience conformément aux instructions de sa hiérarchie mais il conserve sa liberté de parole, c’est ce que dit un article d’une ordonnance de 22 décembre 58 dans l’article 5 que la parole du magistrat du parquet est libre à l’audience et l’article 33 du code de procédure pénale affirme aussi cette liberté de parole ; elle s’exprime aussi par un adage : « la plume est serve mais la parole est libre » ; il est libre d’exprimer à l’audience ce que sa conscience lui commande.

  1. le Conseil supérieur de la magistrature :

Il a pour mission de protéger l’indépendance des magistrats : il s’interpose entre le pouvoir exécutif et les magistrats quand il s’agit de prendre une décision importante concernant les magistrats, sur leur avancement voire leur discipline. Il existe depuis la IIIème République mais son rôle s’est accru sous la IV e et surtout sous la V e. Son rôle est décrit par les articles 64 et 65 de la constitution. Depuis l’entrée en vigueur de la constitution, sa composition et ses attributions ont été modifiés car son organisation de départ n’était pas satisfaisante car dans sa version de 58 le conseil encourait deux critiques : ses membres (9) étaient le président de la République (qui présidait le conseil), le garde des sceaux (vice président) et 7 membres nommés par le président de la République ; le conseil de la magistrature avait des attributions restreintes : il n’émettait que des avis et n’avait autorité que sur les magistrats du siège et ne pouvait donc pas s’interposer entre gouvernement et magistrats du ministère public. Finalement, il est modifié à deux reprises par une loi du 27 juillet 1993 (qui avait remanié le conseil dans sa composition et ses attributions qui étaient étendues), cette loi a été aussi critiquée ; ces dernières années le conseil a été critiqué car composés majoritairement de magistrats (on lui reprochait d’être corporatiste et de ne pas assez sanctionner les magistrats ex de l’affaire D’Outreau) ; remanié loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui a reformée le conseil de la magistrature :

  • composition de la magistrature : il comporte deux formations une pour les magistrats du siège (présidé par le 1er président de la cour de cassation, plus haut magistrat du siège) et une pour les magistrats du parquet (présidé par le procureur général auprès de la cour de la cassation, plus haut magistrat du parquet). Chaque formation est composée de 15 membres. Les magistrats sont minoritaires (7 magistrats), les autres personnes sont extérieures (nommés par l’exécutif) à la magistrature (avocat, professeur de droit, …). Il n’y a plus de membres du pouvoir exécutif dans ce conseil ; le garde des sceaux peut assister au conseil, mais il ne peut pas assister aux formations disciplinaires.
  • Attributions : pouvoirs différents pour le siège et le parquet : pour le siège, ils ne peuvent être nommés à un grade supérieur que sur avis conforme du CSM, pour la formation disciplinaire le CSM rend des décisions souveraines qui ne peuvent être remise en cause par le garde des sceaux, un recours possible pour le magistrat puni devant le conseil d’état (cassation du CSM), CSM peut être saisi par un justiciable (en plus des présidents des cour d’appel) confirmé par loi organique du 22 juillet 2010, si à l’occasion d’une procédure, un justiciable considère qu’un magistrat doit recevoir une sanction disciplinaire peut saisir le CSM. Attributions pour le parquet : pouvoirs plus restreint : sur les nominations : la formation ne doit qu’un avis facultatif, le ministre est libre de pas suivre cet avis, un recours peut être effectué au Conseil d’Etat pour faire annuler la décision du ministre ; pour la discipline le CSM rend aussi un avis facultatif que le ministre est libre de ne pas suivre.

Formation plénière est réunie lorsque le président de la république lui demande un avis. Elle peut aussi se réunir spontanément lorsqu’elle doit se prononcer sur une question de déontologie. Ministre de la justice peut saisir le CSM pour une question de fonctionnement de la justice.

Evolution pas achevée comme le statut des magistrats.

L’indépendance est effective pour les magistrats du siège, les parquetiers ne sont pas indépendants : pas inamovibles et pas assez protégés par le CSM.

  • indépendances des juges administratifs :

Pas de parquet : personnage qui a une mission analogue à la mission des magistrats du parquet : le commissaire du gouvernement, il assume un rôle de faire connaître à la formation qui va juger ce qu’il estime être la bonne application de la loi, il n’est intégré à aucun corps hiérarchisé, il échappe à toute subordination, il ne reçoit aucune directive et ne prend des réquisitions qu’en son nom, en toute indépendance. Son statut est donc différent.

Les juges administratifs ne sont pas appelés des magistrats, les juges administratifs ne sont rien d’autres que des fonctionnaires, ils ne bénéficient en droit pas de l’inamovibilité reconnue aux magistrats du siège. Les juges administratifs bénéficient d’un statut qui évolue vers le statut des magistrats de l’ordre judiciaire : (évolution sur 2 points)

  • l’inamovibilité de fait des conseillers d’état : les conseillers d’état ne sont que des fonctionnaires mais ces membres bénéficient d’une inamovibilité de fait que le gouvernement n’ose pas remettre en cause. Cette inamovibilité n’est pas garantie par la constitution
  • l’institution d’un conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel : organe instituée loi du 6 janvier 86, organe qui joue un peu le rôle du CSM mais pour les juges administratifs. Cette institution a des pouvoirs plus restreints que le CSM : il n’a qu’un rôle de proposition qui s’agisse de la nomination et de l’avancement et en ce qui concerne la discipline. Donc il n’est pas l’égal du CSM.

Conclusion: autorité judiciaire car expression utilisée par la constitution ; mais dans les constitutions antérieures on employait le terme de pouvoir judiciaire, dans la CEDH article 10 parle de pouvoir judiciaire ; l’autorité judiciaire n’est pas sur le même plan que le pouvoir exécutif et législatif car il ne tire pas sa légitimité de l’élection (PR élection au SU et assemblée élu au Suffrage Universel aussi) magistrat de l’ordre judiciaire pas élu et les juges administratifs sont des fonctionnaires. Donc utilisation du mot « autorité » car il ne tire pas la légitimité du suffrage. Idée de Rousseau qui voit le pouvoir judiciaire avec défiance et qui ne voit le pouvoir suprême que dans le pouvoir législatif. Défiance encore envers le judiciaire c’est pourquoi on utilise le terme d’autorité : on ne veut pas un gouvernement du judiciaire. Mais on va vers une indépendance croissante du judiciaire envers le pouvoir exécutif et législatif.