Le régime présidentiel, la séparation stricte des pouvoirs

La séparation stricte des pouvoirs, le régime présidentiel :

 Ce type de régime est apparu avec la Constitution américaine de 1787, et il constitue la première véritable application de la théorie de la séparation des pouvoirs. Par distinction avec le régime parlementaire, le régime présidentiel repose sur une séparation rigide des pouvoirs, c’est à dire sur un mécanisme d’indépendance et d’isolement des pouvoirs.

 

A] Le caractère monocéphale du pouvoir exécutif :

 Dans tout régime présidentiel, le pouvoir exécutif est concentré dans les mains d’une seule autorité, en la personne du président. Le président exerce pleinement et exclusivement le pouvoir exécutif, soit directement, soit par l’intermédiaire de ses ministres. Le président assure à la fois les fonctions de chef de l’ État, et de chef du gouvernement. Aux États-Unis par exemple, le président est chargé d’exercer le pouvoir règlementaire, en vue d’assurer la bonne application des lois ; il dirige l’administration fédérale en nommant les fonctionnaires et en mettant fin à leurs fonctions. Enfin, c’est lui qui conduit la politique internationale du pays. Le président est entouré de ministres qui sont directement choisis par lui-même, de manière discrétionnaire, c’est à dire en toute liberté, avec toute autorité. Ces ministres ne forment en aucune façon un gouvernement, c’est à dire un organisme doté de la personnalité juridique, de compétences collectives, et d’une responsabilité propre. Il s’agit de simples collaborateurs chargés d’assister le chef de l’ État dans l’exercice de ses fonctions, et de mettre en œuvre également la politique qu’il a définie.

 

B] L’indépendance réciproque du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif :

 Dans le régime présidentiel, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont indépendants l’un vis-à-vis de l’autre, et ils sont exercés de manière isolée. Cette réalité entraîne deux conséquences majeures. Tout d’abord, aucun des deux pouvoirs ne peut intervenir dans le fonctionnement de l’autre, chaque organe exerçant seul ses fonctions ; à ce titre il appartient au seul parlement de proposer, de discuter, et de voter les lois, de même que le pouvoir exécutif a seul la charge d’assurer la bonne application des lois. D’autre part, aucun pouvoir ne doit exercer de pression sur l’autre, ni même agir à son encontre. Et c’est pourquoi le président ne dispose pas du droit de dissolution à l’encontre du parlement, de même que ce dernier ne peut pas engager la responsabilité politique du président ou de ses ministres, en vue de mettre fin à leurs fonctions respectives. Le propre du régime présidentiel est que, en-dehors de la démission, le président et les membres du parlement, sont assurés de mener leurs mandats jusqu’à leur terme.

 

C] Les difficultés de fonctionnement, inhérentes à la rigidité du système :

 Le caractère rigide de la séparation des pouvoirs sur lequel repose l’organisation du régime présidentiel, est de nature à générer des difficultés de fonctionnement, qui peuvent être d’ordre institutionnel ou politique. Tout d’abord, sur le plan institutionnel, le principe même d’indépendance des pouvoirs a pour effet de priver le président de toute possibilité d’intervention dans le processus d’élaboration et d’adoption des lois. Cette réalité est assez critiquable lorsque l’on sait que le président est élu pour réaliser le programme qu’il a proposé lors de sa campagne électorale, et que finalement la réalisation de ce programme dépend avant tout de la volonté du parlement. Sur le plan politique, des crises peuvent également survenir et conduire à une paralysie du système. En effet, si le président et les membres du parlement n’appartiennent pas au même courant politique, des tensions ou des conflits peuvent alors se manifester. Le problème dans un tel cas, est qu’il n’existe aucun mécanisme ni aucune procédure permettant de mettre fin à ces conflits, comme par exemple la responsabilité politique ou la dissolution. Et donc, dans une telle situation, si les parlementaires et le président restent campés sur leurs positions respectives, c’est tout le système institutionnel qui peut se trouver bloqué.

D] L’inexistence de régime présidentiel pur, l’exemple des États-Unis :

 Le régime politique tel qu’il est conçu aux États-Unis, ne relève pas d’un régime présidentiel pur, en ce sens que son fonctionnement est fondé sur la règle de gouvernement des freins et contrepoids. Ici, on relèvera que, bien que séparés et indépendants les uns des autres, les trois pouvoirs peuvent interagir et se contraindre mutuellement dans un souci d’efficacité de l’action publique.

  • a) Les moyens d’action du président sur le Congrès :

  1) La participation indirecte du président à l’initiative législative :

C’est la pratique qui a révélé l’existence d’un rôle législatif joué par le chef de l’ État avec le droit de message présidentiel. Il s’agit d’une prérogative permettant au chef de l’ État d’orienter l’action ou le travail du Congrès, de manière indirecte. Au début de chaque année, le président adresse au Congrès un message sur l’état de l’union. Ce message est l’occasion pour le chef de l’ État, de dresser un bilan de la politique menée au cours de l’année écoulée, mais il s’apparente aussi à un véritable programme législatif dans la mesure où le chef de l’ État expose les objectifs, et les priorités à atteindre dans le cadre de l’année à venir. Ce message est d’autant plus préparé avec soin par le président, qu’il fait l’objet d’une diffusion par les voies hertziennes et audiovisuelles. Ici, les orientations et les projets exposés à la nation toute entière, permettent en pratique d’infléchir quelque peu l’action du Congrès, en traçant donc les grandes lignes à suivre. D’ailleurs, le plus souvent, les recommandations du chef de l’ État sont majoritairement suivies par le Congrès, surtout lorsque le président dispose d’une large popularité.

 

  2) Le droit de veto législatif :

 C’est un moyen d’action beaucoup plus juridique, institutionnel, qui permet au chef de l’ État de s’opposer à l’entrée en vigueur, c’est à dire à la mise en application d’une loi votée par le Congrès. Il existe deux sortes de veto présidentiel, l’un étant prévu par la Constitution, l’autre étant issu de la pratique politique. Tout d’abord, le veto expresse, qui consiste à donner dix jours au président, pour promulguer (= autoriser la mise en application de la loi), ou bien pour renvoyer au Congrès, les textes auxquels il entend s’opposer. Si le chef de l’ État décide de promulguer la loi, ou s’il n’agit pas dans le délai de dix jours fixé par la Constitution, alors la loi en question pourra entrer en application. A l’inverse, si le chef de l’ État souhaite présenter des objections ou des oppositions à la loi votée par le Congrès, cette loi devra être rediscutée, puis revotée par le Congrès, à la majorité des deux tiers des membres de chaque chambre parlementaire. Ensuite, le veto de poche, qui intervient en fin de session parlementaire, c’est à dire juste avant que les membres du Congrès n’arrêtent de se réunir. Lorsque le délai de dix jours, octroyé au président pour promulguer la loi, est toujours en vigueur, alors que la session du Congrès prend fin, la loi en question ne pourra pas être promulguée à cette occasion. La conséquence est que le Congrès devra revoter cette loi à l’ouverture de la prochaine session parlementaire.

 

  • b) Les moyens d’action du Congrès sur le président :

 1) Le pouvoir d’autorisation et d’encadrement :

 Ce pouvoir se manifeste essentiellement dans cinq domaines :

  • Le domaine budgétaire, où le président doit faire approuver par le Congrès, l’ensemble des crédits nécessaires à la mise en œuvre de son action politique (Ex : pouvoir pour le Congrès d’établir et de percevoir un impôt).
  • Le domaine des nominations aux fonctions publiques fédérales les plus importantes, qui sont effectuées par le président, et qui sont approuvées par le Sénat à la majorité simple.
  • Le domaine des révisions constitutionnelles, qui sont votées à la majorité des deux tiers des membres de chaque chambre du Congrès.
  • Le domaine des traités internationaux, qui sont négociés et signés par le chef de l’ État, et qui sont approuvés par le Sénat à la majorité des deux tiers.
  • Le domaine des actes de guerres : à la suite de la guerre du Vietnam, le Congrès a souhaité accroître son influence dans le domaine des affaires étrangères et militaires. Ici en 1973, il a fait voter une résolution sur les pouvoirs de guerre, qui définissent deux règles essentielles concernant l’envoi de troupes américaines sur des théâtres d’opérations extérieurs. Tout d’abord, en l’absence de déclaration de guerre, l’envoi de forces armées à l’étranger doit faire l’objet d’une justification présidentielle écrite, et être adressée aux présidents respectifs des deux chambres parlementaires. Ensuite, dans un délai de soixante jours, à compter de la transmission du rapport présidentiel, l’utilisation des forces armées doit cesser, à moins que d’ici là, le Congrès ait voté une déclaration de guerre, ou qu’il ait autorisé l’intervention.

 

  2) Le pouvoir de surveillance :

 Ici, ce pouvoir est exercé par le Congrès, principalement par l’intermédiaire de ses commissions permanentes, qui siègent sans interruption, qui sont ouvertes au public, et qui ont un très large pouvoir d’investigation. Ce pouvoir d’investigation est quasi illimité, et il s’exerce dans les matières les plus diverses (affaires militaires, fonctionnement des services publics, espionnage, sécurité nationale, ou encore la criminalité). Ces commissions d’enquête sont relativement critiquées au États-Unis, en raison de leur degré élevé d’indiscrétion, en raison aussi de leur très grande politisation, et donc quelque part en l’absence d’impartialité et de neutralité de leur part.

 

  • c) La procédure d’empêchement :

 Cette procédure va permettre au Congrès de procéder à la destitution du président, du vice-président, et de tous les fonctionnaires civils, ou de tous les juges fédéraux, non pas pour des motifs d’ordre politique, mais pour des raisons tenant à des violations graves de la légalité, ou à des abus de droit. Tous les crimes contre la chose publique, ou encore les délits d’une particulière gravité, sont notamment visés. Cette procédure comporte trois étapes, trois phases. Tout d’abord, la chambre des représentants prend l’initiative des poursuites, et pour cela, il suffit que l’un de ses membres dépose une proposition d’empêchement qui va être transmise à la commission des affaires judiciaires. Ensuite, cette commission vote une résolution indiquant s’il y a lieu ou non d’engager une enquête. Si tel est le cas, elle procède à un certain nombre d’auditions, en vue de se prononcer sur une éventuelle résolution d’empêchement. Si cette résolution est votée, alors la chambre des représentants vote la mise en accusation à la majorité simple, puis elle saisit le Sénat. Enfin, une fois saisi, le Sénat se transforme en haute cour de justice, et il se prononce après avoir entendu l’accusation, la défense, et les témoins. Et donc, si la condamnation est votée à la majorité des deux tiers des sénateurs, la personne accusée est destituée de ses fonctions.

 

 

 

Isa Germain

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