La séquestration (Article 224-1 du Code pénal)

Les incriminations des infractions de séquestration

Article 224-1 du Code pénal : Le fait, sans ordre des autorités constituées et hors les cas prévus par la loi, d’arrêter, d’enlever, de détenir ou de séquestrer une personne, est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à cette infraction.

Toutefois, si la personne détenue ou séquestrée est libérée volontairement avant le septième jour accompli depuis celui de son appréhension, la peine est de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende, sauf dans les cas prévus par l’article 224-2.

Paragraphe 1 : L’élément personnel

Ces incriminations visent des auteurs qu’il faut distinguer. L’article 224-1 du Code pénal vise toute personne en tant que auteur et en tant que victime. Cette infraction est a priori générale. Mais si on s’oriente vers l’article 432-4 du Code pénal vise toute personne en tant que victime, et plus spécialement le particulier, mais l’auteur de cette infraction est un auteur qualifié, il doit revêtir une certaine qualité : une personne dépositaire de l’autorité publique, ou chargé d’une mission de service public agissant dans l’exercice de ses fonctions ou de sa mission. Il y a donc deux critères qui permettent de qualifier l’auteur d’une atteinte à la liberté d’aller et de venir.

  • Article 224-1 du Code pénal : Séquestrations et enlèvements par particuliers. La qualité de la personne elle-même (dépositaire ou chargé d’une mission de service public). Ce critère est abstrait, fonctionnel (certaines personnes sont abstraitement dépositaires de l’autorité publique ou chargées de service public, comme l’OPJ).
  • Article 432-3 du Code pénal : atteinte à la liberté réalisée par dépositaire de l’autorité publique. L’acte commis par le dépositaire de l’autorité publique doit s’inscrire dans l’exercice ou à l’occasion des fonctions. Donc le comportement punissable est un comportement professionnel, fonctionnel, et non pas un comportement accompli en dehors du temps et du lieu de travail, à titre personnel.

On voit donc la répartition, l’article 224-1 vise les particuliers, et l’article 432-4 vise les dépositaires de l’autorité publique. On peut donc envisager qu’un OPJ soit coupable d’un acte de séquestration sur le fondement de l’article 224-1 dès lors qu’il n’agit pas dans le cadre de ses fonctions.

Paragraphe 2 : L’élément matériel

L’article 224-1 dit : « le fait, sans ordre des autorités constituée, et hors les cas prévus par la loi, d’enlever, d’arrêter, de tenir ou de séquestrer une personne est punie de 20 ans de réclusion criminelle ». Ce texte définit les comportements, mais particulier car réserve les cas prévus par la loi et les autorités constituées. L’article 432-4, quant à lui, a une rédaction différente et est plus concis : « le fait, pour une personne dépositaire (…), d’ordonner ou d’accomplir arbitrairement un acte attentatoire à la liberté individuelle … ». On va identifier cette infraction en distinguant l’acte et le résultat.

1) L’acte

Lecture des 2 textes d’abord. Article 224-1 : texte particulier mais c’est son alinéa premier qui nous intéresse ici. Définit des comportements. Article 432-4 on voit que la rédaction n’est pas la même, parce que ce texte est plus concis. Il faut essayer de définir de manière générale en traversant les textes, le comportement incriminé et on isoler selon le texte les éléments de l’infraction.

a) Définition générale de l’acte

Les actes qui sont une atteinte à la liberté d’aller et de venir présentent trois caractères.

  • Ce sont des actes de commission. L’article 224-1 vise bien des actes positifs : enlever, tenir, séquestrer, arrêter, et l’article 432-4 prévoit d’incriminer une abstention : celui qui prévoit de mettre fin à une atteinte à la liberté individuelle. Peut être puni en tant qu’auteur d’une infraction d’abstention (article 232-5 du Code pénal) celui qui a connaissance et qui s’abstient d’y mettre fin. Celui qui ne fait rien alors qu’il voir que son collègue commet une atteinte à la liberté est auteur.
  • Ensuite la Cour de cassation a précisé que les actes de séquestration et d’enlèvement sont des actes distincts et sont constitutifs d’autant d’infractions. L’article 242-1 vise 4 comportements distincts : arrêter, enlever, détenir ou séquestrer une personne. On peut condamner une personne parce qu’elle a arrêté quelqu’un puis elle l’a séquestré.
  • Ces actes sont limitatifs. Interprétation stricte et principe de légalité. La surveillance par exemple ou l’espionnage d’une personne ne sont pas constitutifs d’une séquestration arbitraire. De même, le fait de provoquer la séquestration n’est pas, en soi, constitutif de l’infraction, sous réserve de la complicité par provocation de de séquestration, soit d’une incrimination spéciale (article 232-4).

b) Définition spéciale de l’acte

  • Article 224-1 du Code pénal

L’arrestation c’est appréhender corporellement une personne, arrêter au corps. Dans cette notion d’arrestation, il y a deux éléments :

  • Atteinte physique à la liberté corporelle de la personne : critère physique
  • Atteinte brève à la liberté corporelle : critère temporelle (si ça dure c’est une séquestration).

C’est donc une infraction instantanée.

L’enlèvement : c’est le déplacement géographique d’une personne, avec cette précision que l’enlèvement se distingue de l’arrestation au sens où la victime n’est pas la même. On parle d’arrestation pour un adulte et d’enlèvement pour un enfant, un mineur. On estime, comme en matière d’infraction sexuelle, que pour un adulte, c’est la liberté d’aller et venir qui est en cause, alors que pour un enfant c’est moins la liberté d’aller et venir qui est atteinte, que le droit parental, soit le droit fonction. On enlève l’enfant aux parents, ce sont eux réellement les maître de l’exercice de la liberté d’aller et de venir de leur enfant.

La séquestration et la détention : ces deux actes semblent se confondre et la jurisprudence ne semble pas à la vérité les distinguer. Détenir c’est maitriser les déplacements, alors que séquestrer c’est enfermer une personne, mais l’un emporte l’autre. Si on les traite ensemble, ces actes nécessitent une certaine durée, donc l’infraction est continue, on peut reporter le point de départ de l’infraction. Mais malgré tout la durée ne veut pas dire que l’acte doit être particulièrement long, car la jurisprudence a admis que le fait de maintenir une personne quelques instants dans un véhicule par exemple peut être constitutif d’une séquestration. Conflit de qualifications envisageable, comme infraction de séquestration parce que la séquestration va durer dans cette hypothèse une vingtaine de minutes, mais peut également être envisager comme un acte de violence qui a une conséquence psychologique sur la victime, ce peut être donc une violence légère de nature morale.

  • Article 432-4 du Code pénal

Il vise le fait d’accomplir, d’ordonner un acte attentatoire à la liberté individuelle : l’accomplissement est un terme assez vague qui englobe tous les actes visés pour les particulier mais qui permet aussi d’en envisager d’autres. Cet acte doit avoir été accompli arbitrairement. C’est par le résultat (atteinte arbitraire) que l’on va incriminer le comportement. Ce qui caractérise l’acte réellement n’est pas réellement le comportement mais le fait de le faire arbitrairement.

L’ordre : on incrimine celui qui donne l’ordre de porter atteinte de manière arbitraire à la liberté d’autrui. Le législateur incrimine en tant qu’auteur celui qui normalement ne serait qu’un complice. L’intérêt de cette technique législative qui consiste a incriminé de manière spécifique cet auteur est de prendre en compte la complicité sans fait principal punissable. La provocation non suivie des faits est punissable. On peut punir le provocateur alors que la provocation n’a pas eu d’effet.

Les termes sont vagues mais c’est par rapport au résultat que l’infraction prend toute sa signification.

2) Le résultat

On peut essayer de le définir en distinguant deux éléments qui peuvent apparaître dans les deux textes, d’un côté comme implicite (article 242-1) et d’un autre côté comme explicite (article 432-4).

  • Implicite parce que vise des comportements : l’attention n’est que sur des comportements et pas tellement sur le résultat.
  • Explicite : c’est l’atteinte arbitraire à la liberté individuelle.

Ce résultat d’atteinte peut être analysé en deux sens : c’est une atteinte non consentie et une atteinte non légitime.

a) L’atteinte non consentie

Ces infractions supposent un élément en quelque sorte constitutif qui est l’absence de consentement. Cela résulte pour l’article 242-1 des termes mêmes du texte : séquestrer, arrêter, … Porte atteinte au consentement. Les comportements sont incompatibles avec l’idée d’un consentement de la victime. De même, dans l’article 232-4 c’est une atteinte claire au libre arbitre, donc le consentement est finalement en quelque sorte sous-jacent.

b) L’atteinte non légitime

Dire que l’atteinte est arbitraire (article 232-4) c’est dire qu’elle ne doit pas être justifiée par la loi, par le fait justificatif de l’autorisation de la loi. Cette idée est présente dans l’article 224-1 : « sans ordre des autorités constitués … et hors les cas spécifiés par la loi ». Par conséquent, s’il y a un fait justificatif et spécialement une autorisation de la loi, l’infraction n’est pas constituée, c’est par exemple le cas lorsqu’une règle du Code de Procédure Pénale autorise une arrestation, une détention ou une séquestration (ex : article 73 du Code de procédure pénale : possibilité d’arrêter un individu venant de commettre une infraction flagrante, hypothèse de privation de liberté légale, …). La question rebondie sur les conditions de chaque fait justificatif, il faudra pour chaque autorisation de la loi que les conditions soient entièrement réunies. Conditions proportionnées et justifiées. Si l’article 73 du Code de procédure pénale autorise effectivement l’arrestation d’un individu, c’est à la condition que celle-ci se fasse dans les conditions proportionnées et notamment l’arrestation ne justifie pas des violences qui seraient commises sur l’individu arrêté, sauf les violences nécessaires à son immobilisation. A quoi cela sert-il de préciser qu’une infraction n’est pas punissable si elle n’est pas autorisée par la loi ? Livre 1 : Le Code prévoit déjà que l’ordre de la loi est un fait justificatif qui neutralise la responsabilité. L’intérêt d’avoir précisé dans le texte d’incrimination de l’article 224-1 que l’infraction n’est pas constituée lorsqu’elle est commise par ordre de la loi est intéressant quand on examine l’élément moral de l’infraction, parce que pour que la personne soit punissable, il faut qu’elle ait conscience d’agir en dehors des cas prévus par la loi, soit de manière arbitraire. On impose à la poursuite de démontrer que l’agent a agi en ayant conscience du caractère arbitraire de son acte.

Paragraphe 3 : L’élément moral

  • Infractions intentionnelles

On est face à des infractions intentionnelles parce que ce sont des crimes et des délits. L’intention en la matière est la volonté de commettre un acte attentatoire à la liberté individuelle en ayant conscience de son caractère arbitraire. Ça renvoie à deux choses : absence de consentement de la victime et illégalité de l’acte. Je ne suis punissable que si j’ai la volonté de commettre l’acte avec la conscience de l’absence de consentement de la victime et la conscience de l’illégalité de l’acte. Ce qui veut dire que s’il y a erreur de fait, il n’y a pas d’infraction. Mais quel est le rôle de l’erreur de droit, particulièrement de celui qui se trompe sur la légalité de son acte. On raisonne généralement sur l’infraction d’une autorité publique.

Ex : un OPJ a cru commettre un acte de procédure légal mais a commis une infraction. On est donc dans l’erreur de droit, mais l’exonération par erreur de droit est très rare parce que seule l’erreur invincible est source d’irresponsabilité pénale (n’aurait pas pu être surmontée par le bon père de famille doté des mêmes qualités). En raisonnant sur des professionnels (ex : dépositaire de l’autorité publique), il y a de plus une sorte de présomption renforcée de connaissance de la loi. Selon la jurisprudence, depuis les années 50, la policière ne peut justifier une erreur de droit si elle est contraire au Code de Procédure Pénale.

  • Indifférence des mobiles

Il ne faut pas confondre les problèmes. L’acte attentatoire à la liberté individuelle est justifié dès lors qu’il s’insère dans un cadre légal, et spécialement dans un cadre procédural. Mais on confond un fait justificatif et l’élément légal de l’infraction. Mais peut-on envisager que d’autres mobiles puissent justifier le comportement de l’agent ? Principe classique : les mobiles ne sont pas pris en considération pour engager la responsabilité pénale des individus. Un mobile syndical n’exonère nullement des salariés de l’infraction de séquestration qui serait commise sur l’employeur. Le mobile qui s’apparente à une revendication ou droit de grève n’emporte pas le droit de séquestrer un employeur. La jurisprudence a précisé que des poursuites répressives étaient possibles : Crim., 23 décembre 1986 : déclare que constitue le délit de séquestration arbitraire le fait, pour des salariés, de retenir contre son gré et de façon arbitraire un chef d’entreprise sur son lieu de travail pendant 5 jours, même sans violence, sans qu’il le veuille, afin qu’il octroie des avantages sociaux. Mais est-ce-que le droit de grève permet de justifier une infraction pénale, une séquestration ? Fait justificatif qui immobiliserait une infraction. Le droit de grève présente un caractère passif mais qui n’implique pas, dans la jurisprudence de la chambre criminelle, le droit de commettre des actes positifs qui présenteraient un caractère illicite. C’est un droit de nuire légal mais avec un caractère passif. Donc pas de prise en compte des mobiles, sauf de la légalité de l’acte.

 

 

CONCERNANT LA SANCTION PENALE DE LA SEQUESTRATION ;

La répression des infractions de séquestration