La situation du conjoint de l’agriculteur

La famille de l’agriculteur : la situation du conjoint, concubin, pacsé

En 2005, la main-d’oeuvre familiale comptait 680 000 actifs. Parmi eux, les 2/3 sont des exploitants à temps plein. Pour 1/5, ce sont les conjoints de ces exploitants.

On dénombre environ 83 000 aides familiaux qui travaillent sur l’exploitation. Ce sont principalement les parents retraités des exploitants et les enfants.

La notion de famille est entendue de façon large : on inclut les concubins et les PACS.

Chapitre 1 – La situation du conjoint

Seul le conjoint qui participe à l’activité agricole sur le même terrain intéresse le droit rural. Cette situation génère la possibilité de choisir un statut juridique et social.

Section 1 – Le choix d’un statut juridique et social

§1 – Les différentes possibilités

A- Le statut de coexploitant

Ce statut est fréquent dans les exploitations sociétaires (EARL/GAEC). Les époux ont tous les de la qualité de coexploitant.

Statut fréquent aussi dans les exploitations individuelles, notamment lorsque l’exploitation a la qualité de biens communs ou de bien indivis, ou lorsqu’ils sont locataires si ils sont copreneurs (tous les deux titulaires du bail).

Cette situation est prévue dans le code rural : article L. 321-1 évoquent des époux qui exploitent ensemble et pour leur compte une même exploitation agricole.

C’est une question de fait appréciée souverainement par les juges du fond qui s’en tiennent à des indices : propriété des terres et des éléments d’exploitation, affiliation des deux époux auprès de la MSA en tant que chef d’exploitation agricole…

La coexploitation va impliquer une équivalence de rôle, de pouvoir de décision, de responsabilité.

Conséquences juridiques : l’article L. 321-1 prévoit l’instauration d’un mandat réciproque entre les deux époux. Ce mandat légal fait que chacun est à la fois mandataire et mandant de son conjoint. Les tiers et les époux eux-mêmes n’ont pas à se soucier des règles de pouvoir de leur régime matrimonial.

En contrepartie de ce mandat, ils assument la responsabilité de leurs actes et ceux accomplis par leur conjoint. L’intégralité des biens du couple se trouve engagée. La limite générale est que le mandat ne couvre que les actes d’administration concernant les besoins de l’exploitation = les actes utiles et qui ne sont pas excessifs.

Le mandat peut prendre fin de plein droit en cas de séparation de corps et de biens judiciaires ou à l’initiative de l’un ou l’autre des époux, article L. 321-3 du code rural. Il faut faire une déclaration de volonté devant notaire sous peine de nullité. Il y a une publicité par une mention sur l’acte de mariage des époux. La cessation est opposable aux tiers trois mois après la publication.

Conséquences sociales pour la coexploitation : les époux doivent être affiliés en tant que chef d’exploitation auprès de la MSA. C’est le régime des non-salariés des professions agricoles. Il faut une exploitation au moins égale à la moitié de la SMI qui est de 25 ha. L’intérêt d’être affilié est qu’ils bénéficient ensemble des prestations du régime ainsi que des droits à la retraite.

B- Le statut de collaborateur de l’exploitation

C’est un statut qui peut être adopté par le conjoint de celui qui exploite. Il est ni associé ni coexploitant, article L. 321-5 du code rural.

Le 10 juillet 2007, la chambre commerciale admet qu’un époux qui était collaborateur puisse faire valoir l’existence d’une société de fait entre lui-même et son épouse. Le mari souhaitait réclamer une rémunération ce qu’exclut le statut de collaborateur, mais pas la société de fait. Normalement la collaboration est incompatible avec le statut d’associé.

Statut de la collaboration : il y a une inéquivalence des conditions respectives des époux. Le collaborateur ne fait qu’apporter son aide, il n’a pas de pouvoir de direction. Mais son activité est véritablement professionnelle = travail effectif et régulier mais non rémunéré.

La distinction co exploitation/collaboration est parfois difficile à déterminer : c’est une question de fait.

Conséquence de la collaboration : instauration d’un mandat légal unilatéral, le conjoint exploitant est le mandant et le collaborateur est le mandataire, il agit au nom de son conjoint. Cela lui permet d’avoir une certaine autonomie professionnelle (acte d’administration nécessaire à l’exploitation).

Cela assure la sécurité des tiers, les actes passés sont validés par le biais de ce mandat.

Il y a les mêmes causes de cessation du mandat que dans la co exploitation.

Loi du 9 juillet 1999 : on reconnaît un droit à un salaire différé. Il y a deux conditions cumulatives à l’article L. 321-21-1 :

il faut avoir participé directement et effectivement à l’exploitation pendant au moins 10 ans. La durée peut être discontinue.

il faut n’avoir reçu aucune rémunération pour son travail, ni qu’il ait été associé aux bénéfices ou aux pertes de l’exploitation, ce qui semble réserver le salaire différé pour les couples mariés sous le régime de la séparation de biens.

Lorsque les deux conditions sont réunies, le conjoint collaborateur peut prétendre dans la succession de son conjoint exploitant à une créance de salaire différé pour obtenir la rémunération de son activité passée.

Ce droit a en fait peu d’intérêt : seul le conjoint survivant peut y prétendre ; ce salaire est doublement plafonné : quel que soit le nombre d’années travaillées, la créance correspond au mieux à trois années de SMIC annuel en vigueur au jour du décès. De plus cette créance ne peut pas excéder 25 % de l’actif successoral. Enfin cette créance s’impute sur les droits successoraux, elle vient en déduction de ceux-ci.

Exemple : M. Hicks décède le 1er juin 2007. Il avait une épouse qui avait le statut de collaboratrice pendant 30 ans. Cette dernière opte pour un quart en pleine propriété. Les biens s’élèvent à 130 000 € et le passif a 10 000 €. Donc l’actif net est de 120 000 €. Mme X. peut donc revendiquer 30 000 €, ce qui correspond au quart en pleine propriété. Au titre de son salaire, la créance est plafonnée à 43 843 €. Elle ne pourra exiger que 30 000 € car il y a un plafond de 25 % de l’actif successoral.

Décret du 25 octobre 2006 : pour pouvoir adopter le statut de collaborateur, il faut notifier ce choix à la MSA par LRAR. Ce qui change c’est que cette adoption du statut se fait par déclaration unilatérale du conjoint collaborateur sans que l’accord du conjoint exploitant soit nécessaire.

Cela oblige l’exploitant à acquitter des prestations sociales pour son conjoint collaborateur. Le collaborateur en est personnellement bénéficiaire.

C- Le statut de salarié

Il peut être salarié de la société, ou alors de son conjoint. Il faut un travail effectif moyennant rémunération au moins égale au SMIC. On présume le lien de subordination.

Il bénéficie du code du travail et du régime des salariés agricoles.

§2 – L’obligation de choisir

Nouveau : jusqu’au 1er janvier 2006, le conjoint de l’exploitant restait souvent en dehors de tout statut. Il n’y avait aucune obligation d’opter pour un statut. C’était une situation de fait, cela relevait de l’entraide familiale.

Cela donnait au conjoint la qualité de mandataire tout de même ainsi que des prérogatives en matière de bail rural. Au plan social, cela pouvait paraître dommageable : prestations en tant qu’ayant droit de son époux et non personnellement. La disparition du lien conjugal peut être dramatique.

Pour remédier à la situation la loi du 5 janvier 2006 a modifié l’article L. 321-5 du code rural pour obliger les conjoints qui participent à l’exploitation à adopter un des trois statuts. Cela concerne tous les conjoints exerçant sur l’exploitation ou au sein de l’entreprise une activité professionnelle régulière.

La loi n’a cependant pas prévu de sanctions pour ceux qui n’adoptent pas de statut. Mais la sanction pourrait venir du droit du travail.

Chambre criminelle, le 22 octobre 2002 : deux époux qui exploitaient ensemble un restaurant. Le mari était là en permanence, l’épouse ne faisait qu’apporter son aide et n’avait adopté aucun statut. Le mari a été poursuivi pour travail illégal et condamné.

§3 – Les prérogatives du conjoint

Indépendamment du statut, le législateur reconnaît au conjoint qui participe à l’activité un certain nombre de droits. Il y a le souci d’assurer la pérennité de l’exploitation familiale.

Le conjoint du preneur d’un bail rural, à condition qu’il participe à l’exploitation : il est bénéficiaire potentiel de la préemption des terres louées par son époux, article L. 412-5.

Il peut bénéficier d’une cession ou d’une association au bail de son époux. Le bail est transmissible entre vifs, également à cause de mort.

Lorsque deux époux exploitent ensemble et qu’ils sont copreneurs, en cas de départ de l’un, celui qui reste peut continuer à bénéficier du droit au renouvellement de ce bail, article L. 411-46.

Le conjoint qui participe dispose d’un droit de regard sur le bail dont l’autre est titulaire. Cela se manifeste par la nécessité d’avoir son accord pour tout acte susceptible de remettre en cause ce bail, article L. 411-68.

Le conjoint du bailleur n’est pas oublié : il peut être bénéficiaire de la reprise des terres pour exploiter.

On reconnaît le travail des deux époux : ils peuvent se représenter mutuellement au sens des organes professionnels.

Le fait d’avoir travaillé dans l’exploitation, peut permettre une validation des acquis pendant cinq ans minimum, ce qui est reconnu comme une compétence professionnelle relative au contrôle des structures.

Chapitre 2 – La situation du concubin et du partenaire lié par un PACS à l’exploitant

Ils étaient ignorés par le code rural jusqu’à la loi du 5 janvier 2006. Depuis, le statut de collaborateur à l’exploitation est ouvert aux concubins et aux pacsés (les deux autres statuts étaient déjà ouverts).

L’adoption d’un statut reste facultative pour les concubins et les PACS. Le concubin qui opte pour le statut de collaborateur aura la même protection sociale que le conjoint ainsi qu’une possible créance de salaire différé. Il est probable qu’il ait plus de chance de bénéficier de ce salaire car il n’a pas de régime matrimonial, il n’est pas héritier donc il n’y a pas d’imputation sur les droits successoraux.

Il est moins certain qu’il puisse se prévaloir des présomptions de mandat.

Toutes les prérogatives en matière de baux ruraux ont été étendues au bénéfice du partenaire pacsés (pas aux concubins).

Le droit de regard sur le sort du bail n’a cependant pas été étendu.