Les sources de la légalité administrative

Les sources de la légalité administrative sont les normes que le juge utilise pour contrôler les actes administratifs : elles sont écrites ou non écrites, internes ou internationales

Section 1 : Les sources de légalité externes à l’administration

Sous section 1 : les sources d’origine internationale et communautaire

§1. Les sources d’origine internationale

 Elles ont pris une grande importance depuis 1980. La France a pris plus de 6500 traités ou accords internationaux (80% des accords bilatéraux)

  • Le cas général des traités internationaux

 Les traités et accords internationaux ont été pendant longtemps considérés comme une sorte de légalité internationale qui n’obligeait que l’Etat français à l’égard des autres pays étrangers. La méconnaissance par l’administration des stipulations d’un traité était considérée comme n’intéressant que les relations diplomatiques de l’état et comme pouvant éventuellement engager la responsabilité de l’état français. Un administré ne pouvait demander au juge d’annuler un acte administratif comme étant contraire à un traité international.

La constitution de 1946 a mis fin a cet état de droit en donnant force de loi aux traités (art 26 C°46). Le conseil d’état a très rapidement incorporé les traités dans les sources de la légalité. Arrêt conseil d’état assemblée 30 mai 1952 Dame Kirkwood. Le principe énoncé en 46 a été consacré par l’article 55 de la constitution de 58 selon lequel les traités ont une autorité supérieure à celle des lois.

Il faut 3 conditions :

→     Le traité doit être régulièrement introduit dans l’ordre juridique interne français. Il doit être ratifié ou approuvé puis publié. Le juge administratif devant lequel est invoqué un traité vérifie ces différents points.

→     L’autorité du traité est subordonnée à son implication par les autres parties ou l’autre partie.

→     Il faut que ses dispositions aient un effet direct c’est-à-dire qu’elles soient inconditionnelles et suffisamment précises. L’appréciation de l’effet direct des conventions donne lieu à des appréciations différentes du conseil d’état et de la cour de cassation

  • La convention européenne des droits de l’homme

 Elle a été signée à Rome le 4 novembre 1950 par les membres du conseil de l’Europe.

La convention tient une place très particulière, elle est devenue la principale source internationale du droit administratif. On parle très souvent à son égard de droit européen conventionnel pour la distinguer du droit communautaire.

La France n’a ratifié la convention qu’en 1974 et n’a accepté le recours individuel devant la cour qu’en 1981. La convention et ses protocoles forment une déclaration de droit qui est beaucoup plus riche et plus détaillée que la DDHC de 1789. Elle concerne tous les aspects du droit administratif et plus particulièrement l’organisation des juridictions, la procédure administrative contentieuse (s’applique aux juridictions administratives), la procédure administrative non contentieuse (s’applique à l’administration) et les règles de fond. 

Les dispositions les plus remarquables de la CEDH sont celles de l’article 6 §1er affirmant le principe du droit à un procès équitable. Ce principe est entendu dans un sens large par la cour européenne.

La convention permet aux personnes physiques donc aux individus et aux associations de saisir directement la cour européenne qui siège à Strasbourg. Les arrêts rendus par la cour ont force obligatoire à l’égard des états.

§2. Le droit communautaire

 Le droit communautaire est devenu le principal producteur des règles écrites en droit français, en effet le droit administratif n’échappe pas au phénomène de communautarisation. Il comprend le droit originaire, c’est-à-dire les traités fondateurs de l’union européenne  (traité de Lisbonne). Ce sont des traités ordinaires qui créent des droits et des obligations dès lors que leurs dispositions sont suffisamment précises c’est-à-dire qu’elles ont un effet direct. Mais le droit communautaire ne se limite pas aux seuls traités. Il comprend de très nombreuses règles édictées par les organes règlements communautaires et des directives communautaires.

 

Les règlements communautaires sont directement applicables dans tous les états membres à condition que leurs dispositions aient un effet direct.

 

Les directives communautaires ont des effets beaucoup plus complexes. Elles lient les états membres de l’union européenne mais uniquement quant aux résultats à attendre. Elles définissent des objectifs et laissent à chaque état membre le choix des moyens juridiques pour aboutir au but poursuivi. Les états doivent transposer la directive dans leur ordre juridique interne. C’est à aux qu’il appartient de choisi les moyens juridiques pour assurer cette transposition. En France soit par une  elle se fait soit par une loi soit par un règlement.

La directive s’impose à l’administration et les justiciables peuvent se prévaloir à l’appui d’un recours contre un acte administratif que celui-ci soit réglementaire ou non des dispositions d’une directive à condition qu’elles soient suffisamment précises c’est-à-dire qu’elles aient un effet direct.

Sous section 2 : les sources nationales

§1. Les sources écrites
A.   Les sources constitutionnelles

 Elles s’imposent au législateur et à l’administration. Le juge administratif a toujours exercé un contrôle de constitutionnalité des actes administratifs. Ce contrôle jusqu’à une date très récente avait une portée très limitée. Les normes constitutionnelles qui constituent le bloc de constitutionnalité n’ont pas cessé de s’élargir.

  • La constitution proprement dite

 Elle comprend 89 articles qui s’imposent à l’administration. Peu d’entre eux ont vocation à encadrer son action. On peut les regrouper en 3 catégories :

→     Les règles de compétences : art 13 et 21 C° : elles définissent les compétences du président de la république et du premier ministre en matière réglementaire, de nomination aux emplois civils et militaires. Art 34 et 37C° définissent les compétences du gouvernement et du parlement en matière normative.

→     Les règles de procédure : art 19 et 22C° : définissent les règles relatives au contreseing des actes du président de la République et du 1er ministre.

→     Les principes de fond : on peut citer le principe d’égalité devant la loi (art1C°), le principe de la supériorité des traités sur la loi (art 55C°), principe de la libre administration des collectivités locales (art 72C°).

  • Le préambule

 Il est très bref mais très dense car renvoie à la DDHC de 1789 et au préambule de la Constitution de 1946.

Quel est la valeur juridique de ce préambule ?

Il y a eu un débat doctrinal. Il a été tranché par le conseil constitutionnel dans sa décision du 16 juillet 1971 liberté d’association. Le conseil constitutionnel a reconnu valeur constitutionnel au préambule et cela dans toutes ses dispositions. Ainsi la DDHC et le préambule de 46 ont valeur constitutionnelle.

 La question s’est posée avec la charte de l’environnement qui a été juxtaposée au préambule à la suite de la révision constitutionnel du 1er mars 2005.

Le conseil constitutionnel a tranché dans sa décision du 28 avril 2005 en faveur de la valeur constitutionnelle, le confirmant dans une décision du 29 aout 2008.

Le conseil d’état a également reconnu valeur constitutionnelle à cette charte dans l’arrêt d’assemblée du 3 octobre 2008, commune d’Annecy.

B.   Les sources législatives

 La loi en tant que règles parlementaire a été jusqu’à présent une source essentielle de la légalité administrative et cela tenant à notre histoire constitutionnelle. En effet la loi était considérée comme l’expression souveraine de la volonté générale.

  • Analyse organique de la loi : acte législatif

 L’article 24 de la Constitution affirme que le parlement vote la loi mais le parlement n’a plus en matière législative une compétence exclusive. Il y a un certain nombre d’exception à la compétence du parlement :

  • →     Lois référendaires (art 11C°).
  • →     Les ordonnances (art 92C°) : prévoyait que le gouvernement pouvait prendre toutes les mesures nécessaires à la mise en place des institutions. Il y a eu environ 350 ordonnances prises dont certaines sont encore en vigueur. Le conseil d’état, dans l’arrêt du 12 février 1960, arrêt société Eky, a reconnu valeur législative à ces ordonnances.
  • →     Mesures à portée générale prises par le président de la république en application de l’art 16C° et portant sur le domaine législatif (conseil d’état 2 mars 1962, Rubin de Servens)

Ces exceptions n’ont pratiquement aucune portée aujourd’hui. La loi est toujours la norme parlementaire. Les ordonnances prises au titre de l’art 38C° sont souvent présentées comme des actes législatifs. C’est inexact. Le conseil d’état considère que ces ordonnances sont des actes administratifs jusqu’à leur ratification par le parlement.  Conseil d’état 24 novembre 1961, fédération nationale des syndicats de police.

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 implique que la ratification des ordonnances soit désormais expresse.

Les ordonnances peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le conseil d’état.

  • L’analyse matérielle de la loi : le domaine de la loi

 La loi est enfermée dans un domaine d’attribution considéré initialement comme très étroit. En réalité, ce domaine s’est avéré extrêmement large du fait de la décision du conseil constitutionnel de reconnaitre valeur constitutionnelle au préambule. Le préambule prévoit de très nombreux renvois à la compétence du législateur. Le conseil constitutionnel dans sa décision du 24 juillet 1982, blocage des prix, à considérer que le parlement pouvait légiférer dans toutes les matières. Le gouvernement peut récupérer sa compétence si le conseil constitutionnel reconnait le caractère réglementaire de la matière.

§2. Les sources non écrites

 Traditionnellement, on parle de sources non écrites. Il serait plus juste de parler de sources écrites juridictionnelles.

  • La jurisprudence

 Le juge ne dispose pas en principe d’un pouvoir normatif, donc le pouvoir d’édicter des règles générales. Depuis la révolution de 1789, la pratique des arrêts de règlements est interdite. Le juge en principe doit se borner à dégager des solutions dans des cas d’espèces, solutions qui n’ont qu’une portée relative.

Cette conception est irréaliste. Le professeur Rivero, dans un article retentissant « le juge administratif, un juge qui gouverne », a montré que le juge administratif disposait d’un véritable pouvoir normatif.

Le juge est obligé de statuer même en cas de silence de la loi et des règlements. Sinon c’est un déni de justice. Mais pour pouvoir statuer il faut qu’il y ait une règle préexistante. Si aucune règle n’a prévu la solution du litige, le juge n’a qu’une solution qui est de formuler lui-même la règle générale qui lui permettra de statuer. Cette situation est fréquente en droit administratif. Certes la règle du précédent ne joue pas, le juge n’est théoriquement pas lié par les solutions qu’il dégage mais pour sa part le juge administratif a estimé qu’il y avait une nécessité impérieuse d’assurer une stabilité juridique. Le juge administratif applique les règles qu’il dégage. Il y a donc indiscutablement des normes jurisprudentielles et ce pouvoir normatif est clairement sanctionné de deux manières :

  • →     L’annulation d’un acte a un effet général.
  • →     La méconnaissance de la chose jugée constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l’administration.
  • Les principes généraux du droit

 Ils ne sont pas considérés comme de simples règles jurisprudentielles mais comme une catégorie autonome de normes juridiques. Les principes généraux du droit sont considérés comme des règles non écrites, dégagés par le juge administratif et dont le respect s’impose à l’administration même lorsqu’elle dispose d’un pouvoir réglementaire autonome, conseil d’état 26 juin 1959, syndicat des ingénieurs conseil. Il s’agit d’une création purement jurisprudentielle qui remonte au moment de la libération. Le conseil d’état les a reconnus expressément pour la première fois dans un arrêt du 26 octobre 1945, arrêt aramu.  Le conseil d’état estime qu’il ne les crée pas, qu’il ne fait que les dégager, les découvrir. Il y aurait donc un processus de découverte/création par le juge administratif. on a pas une liste fermée. Le juge en découvre sans cesse :

  • →     1973, interdiction de licencier une femme enceinte
  • →     1998, libre de choix de son médecin par le malade
  • →     1999, indépendance des inspecteurs du travail.

La délimitation de la catégorie des principes généraux du droit s’avère difficile et à soulever des vives controverses. Le conseil d’état avait dégagé un très grand nombre de principes généraux du droit à partir de la DDHC de 1789 et du préambule de 1946. 

Le conseil constitutionnel reconnaissant valeur constitutionnelle au préambule a modifié le problème. Une partie de la doctrine a donc estimé que par la même ces principes étaient élevés au rang de principes constitutionnels et que ne devaient rentrer dans la catégorie des principes généraux du droit que des principes qui n’avaient aucun fondement textuel. Cette opinion a été contestée par le professeur Chaput. Pour lui, les principes constitutionnels sont des principes appliqués par le juge constitutionnel et que les principes généraux du droit sont des principes appliqués par le juge administratif. Ce raisonnement repose sur l’idée que la valeur d’une règle est fonction non pas de son contenu mais de l’organe qui l’élabore et qui l’applique.

Arrêt Kone du 3 juillet 1996 : le conseil d’état reconnaissant expressément l’existence de principes constitutionnels de valeur constitutionnelle et de principes généraux du droit qui ont une valeur infra législative et supra décrétale. Les principes généraux du droit sont des principes non écrits qui s’imposent au pouvoir réglementaire mais dont l’application peut être écartée par le législateur.

On a donc d’un coté les principes constitutionnels et de l’autre les principes généraux du droit.

Section 2 : les sources administratives de la légalité

 Les autorités administratives ont le pouvoir d’édicter des règles de droit. Elles s’imposent aux administrés mais aussi à l’administration elle-même. Elle est donc tenue de respecter les règles qu’elle édicte même si elle a le pouvoir de les modifier.

 

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