Quelles sont les sources du contentieux administratif ?

LES SOURCES DE LA PROCEDURE ADMINISTRATIVE CONTENTIEUSE

Les sources de la procédure contentieuse ont une double origine : nationale et internationale. Le régime procédural est essentiellement règlementaire comme il l’est pour les juridictions civiles. Cependant le contentieux répressif, s’agissant de la protection pénale du domaine public ne peut provenir que de la loi. Les conventions internationales auxquelles la France a souscrit, constituent une autre source de droit procédural, mais ce n’est, en général, pas une source directe. Les conventions internationales constituent un bloc de normativité qui a une application sur le fond du litige. Elle ont aussi des implications sur la procédure sans d’ailleurs que ces conventions puissent modifier la ligne de partage entre l’article 34 et l’article 37.

  1. A) Le droit de l’union européenne.
  1. a) La question préjudicielle.

Rappelons l’existence dans le traité de Rome de l’article 177 sur le renvoi préjudiciel en interprétation d’une disposition communautaire par le juge national. Les juges français ont fait de ce renvoi préjudiciel une application très limitée car la jurisprudence a appliqué et continue d’appliquer la théorie de l’acte clair qui s’oppose à ce qu’il y ait une question préjudicielle si le texte est assez clair.

Le CE a parfois saisi la CJCE : 10 juillet 1970 Synacomex.

Il l’a saisie récemment pour le régime de pension des fonctionnaires français. En effet, les hommes avaient une pension différente de celle des femmes, or l’égalité homme/femme est inscrite dans le traité originaire. Le législateur a modifié la loi tout en conservant quelques différences que le Conseil d’Etat a jugées compatibles avec le droit communautaire car ces différences étaient justifiées par des critères objectifs.

  1. b) La prééminence du droit communautaire sur le droit français.

Si la jurisprudence se trouve confrontée à deux textes contradictoires, l’un émanant du droit français l’autre du droit communautaire, c’est ce dernier qui s’applique.

  1. c) La directive recours.

Ce sont deux directives du 21 décembre 1989 et du 25 février 1992 qui ont institué en obligation de résultat, l’obligation de prévoir un mécanisme de contrôle de la passation des marchés publics avant que ces marchés ou délégations de service public ne soient définitifs. Elles sont transposées à l’article L551-1 et suivant du Code de justice administrative : le référé précontractuel permet à toute personne justifiant d’un intérêt à agir de saisir le président du TC qui statue en forme de référé dans un délai de 20 jours maximum et qui a tout pouvoir pour s’assurer du respect des règles de l’égalité des candidats et de la transparence de la procédure. C’est la loi SAPIN du 29 janvier 1993.

  1. B) La CEDH.

Elle est entrée en vigueur le 3 mai 1974. Cette convention a profondément modifié le fonctionnement des juridictions administratives.

  1. a) L’article 13 : le droit à un recours effectif.

Il institue le droit à un recours effectif pour les personnes et les ressortissants des pays signataires. C’est-à-dire le droit de contester toutes les décisions défavorables qui émanent des autorités publiques. Il y a quelques domaines qui sont contraires à ce principe : ce sont les actes bénéficiant de l’immunité juridictionnelle. Il y a les actes de gouvernement et les mesures d’ordre intérieur. Cette dernière catégorie a, sous l’influence de la CEDH, été considérablement réduite mais, il y a un mais, elle existe toujours : certaines mesures modifiant le régime carcéral d’un prisonnier (interdiction du parloir…)…

La CEDH jugeait que les Etats pouvaient parfaitement fixer une limite à la saisine du juge pour les mesures dites d’importance secondaire. Par conséquent les MOI ne violent pas l’article 13 de la convention : Cour Européenne 27 avril 1985 Royaume-Uni.

En ce qui concerne la décision prise par le directeur d’une école de séparer en deux classes différentes des jumeaux, le Conseil d’Etat a jugé que c’était une MOI, et en conséquence qu’elle ne pouvait être contestée.

En France, il y a beaucoup de dispositions spécifiques en ce qui concerne les étrangers, par exemple et surtout, les reconduites à la frontière pour les immigrés en situation irrégulière. Le dispositif français est particulier : l’étranger a 24h (chrono) pour mettre en place sa défense et saisir le Tribunal Administratif qui est équipé pour ce faire d’une boîte aux lettres à tampon dateur (il est fréquent que les arrêtés d’expulsion soit émis le vendredi soir, pour rendre la tache plus difficile à l’étranger : pour qu’il trouve un avocat…). Ce dispositif va être changé, le délai sera alors de 15 jours pour saisir le TA. Il y a actuellement, environ 30 000 reconduites à la frontière par an et ce chiffre a tendance à augmenter (on se demande bien pourquoi, hein Nico ?).

  1. b) L’article 6-1 : le droit à un procès équitable.
  • Le champ d’application de l’article 6 §1 : toute la matière administrative est-elle visée par cet article ? Non, toute la matière n’est pas visée. Sont visés par exemple, le domaine pénal, tout le contentieux disciplinaire, le contentieux des pensions…
  •  Le Juge Administratif s’attache à respecter à la fois les principes issus de la Convention elle-même mais également la jurisprudence de la Cour.
  • La Convention pose comme principe que le droit au procès équitable comporte le droit d’être jugé par un tribunal créé par la loi. Ni la jurisprudence, ni la Convention elle-même n’indique si le terme « loi » doit être entendu dans son aspect formel ou matériel. Cependant quelques décisions isolées de la Cour ont tendance à privilégier le sens matériel, mais ce n’est pas très explicite. On peut considérer que l’existence du Conseil d’Etat et des TA… respecte les exigences de la Convention.

  • La jurisprudence européenne.

Le cas le plus fréquent concerne la durée de la procédure et, à de nombreuses reprises, la France a été condamnée pour durée excessive de la procédure administrative. Par exemple, le 21 octobre 1989, un justiciable atteint du SIDA demandait réparation à l’hôpital qui le lui avait inoculé le virus. Le justiciable mourut, le procès ayant trop duré. Le 16 décembre 1992 par l’arrêt Geouffre de la Pradelle, la Cour condamne la France au motif de l’insécurité juridique créée par la complexité de la procédure administrative contentieuse.

Il y a un débat qui concerne le Commissaire du gouvernement. La Cour juge, à chaque fois que le moyen lui est présenté, que le Commissaire du gouvernement ne devait pas participer au délibéré : c’est l’arrêt KRESS, ou encore 5 juillet 2005 Marie-Louise Ledoyen qui affirme que même la présence muette du gouvernement est incompatible avec l’article 6. c’est donc un véritable débat de fond et un affrontement irréductible qui opposent la Cour et le CE. La Cour ne veut en aucun cas modifier sa jurisprudence, elle y était invitée par l’Etat français qui faisait valoir que le Commissaire du gouvernement faisait partie de la formation de jugement ; la Cour n’est pas d’accord.

Le principe d’impartialité : l’opinion du juge ne doit pas être connu avant de juger. Dans certain cas, le Conseil d’Etat a pu être ne contradiction avec cette règle. Chaque chambre a une double appartenance (administrative et contentieuse) ; lors de l’examen d’un texte avant sa promulgation, certain conseillers d’Etat peuvent avoir donné leur opinion sur ce texte ; ils peuvent ensuite être appelés à statuer au contentieux sur un recours contre ce même texte : on voit bien dans ce cas là que leur opinion serait déjà connue. La jurisprudence de la Cour est constituée par l’arrêt PROCOLA de 1998 à propos du Conseil d’Etat de Luxembourg qui a semble-t-il le même fonctionnement. Le juge français a-t-il tiré les conséquences de cet arrêt ? Dans l’ensemble il semble que oui ! le rapporteur d’un texte devant la section administrative ne siège pas, par la suite, dans les formations contentieuses. De plus, le Commissaire du gouvernement qui a donné son opinion sur une instance soumis au TA (procédure du référé) peut être appelé à siéger sur le fond. Dans ce cas une solution interne et non codifiée a été mis en place : le commissaire ne siège pas sur une affaire qu’il a déjà connu lors d’une autre procédure.

Ce principe de l’impartialité est encore moins respecté par les juridictions administratives spécialisées dans lesquelles ce sont les pairs qui jugent.

  • La jurisprudence administrative.

Le CE fait une application loyale de l’article 6, il admet l’invocabilité (je vous signale au passage que ce mot n’existe pas ! de même d’ailleurs que le mot « invocable ») de l’article 6 dans un procès administratif à la condition qu’on soit dans le champ d’application de cet article. L’invocabilité de l’article 6 va plus loin qu’une application aux seules juridictions administratives, notamment s’agissant des organes disciplinaires que nous connaissons :

  • instances disciplinaires qui ont le caractère de véritables juridictions (conseil supérieur de la magistrature, conseil disciplinaire universitaire…)
  • instances disciplinaires qui ont un caractère administratif.

Pour les premières, l’article 6 s’applique pleinement. Cela suppose par exemple, que l’autorité qui déclenche une répression disciplinaire soit distincte de l’autorité qui instruira le dossier. Ceux qui siègeront ne seront ni ceux qui ont déclenché l’action, ni ceux qui ont instruit le dossier.

Pour les autres organes administratifs qui n’ont pas ce caractère juridictionnel, la position du Conseil d’Etat a été modifiée en 1999. Avant l’article 6 ne s’appliquait pas, mais depuis l’arrêt d’assemblée du 3 décembre 1999 DIDIER, le Conseil d’Etat étend l’application de cet article aux institutions purement administratives.

En 1996 arrêt MAUBLEU : le caractère public des audiences disciplinaires pour les ordres professionnels a été invoqué. le Conseil d’Etat juge que l’article impose la publicité des audiences. Le principe de la publicité des audiences est ancré dans le dispositif de la Convention Européenne (c’est un peu hypocrite, car il y a en France une très vieille tradition de publicité des audiences). le Conseil d’Etat a préféré sortir ce principe de la Convention plutôt que de la tradition française. L’arrêt MAUBLEU a été rendu alors qu’un texte règlementaire était en préparation sur les audiences disciplinaires.

  1. C) Les principes constitutionnels.

L’article 34 de la Constitution.

Il comporte une mention sur la création des nouveaux ordres de juridiction, cela fait donc partie du domaine législatif. L’expression nouvel ordre de juridiction signifie un nouveau type de tribunal ou aussi un duplicata de tribunal ? Le Conseil Constitutionnel dit que cela concerne la création de catégorie de tribunaux et non sa duplication sur le territoire national.

Cela concerne-t-il la suppression d’une juridiction administrative ? Quand on a supprimé les conseils du contentieux des deux territoires du pacifique, on l’a fait par voie législative. Pour Mata Hutu, on a utilisé la voie règlementaire, il n’y a donc pas de parallélisme des formes. Le domaine législatif s’applique à l’organisation des juridictions, cette organisation comporte deux branches :

  • la collégialité ou le juge unique (répartition des matières entre juge unique et formation collégiale). Ceci relève donc du domaine législatif.
  • La composition des juridictions administratives relève également du domaine législatif.

Il y a une différence entre les TA d’OM et ceux de métropole. Dans les premiers les formations de jugement peuvent être complétées par un magistrat de l’ordre judiciaire.

Relèvent de l’article 34, les garanties portant sur l’indépendance des membres des TA et des CAA (par dérogation au statut général des fonctionnaires).

La répartition des compétences entre les juges administratifs et judiciaires.

La répartition des compétences entre le juge judiciaire et le Juge Administratif relève du domaine législatif. Le législateur peut parfaitement établir une autre ligne de frontière entre les compétences du juge judiciaire et celles du JA, en ce sens, arrêt d’Assemblée du 30 mai 1962, assemblée nationale de la meunerie. Cependant, le pouvoir du législateur n’est pas illimité : Conseil Constitutionnel, 23 janvier 1987, décision dans laquelle, le Conseil Constitutionnel a fixé une limite à cette répartition des compétences en créant un domaine incompressible de la compétence du Juge Administratif qui est l’annulation ou la réformation des décisions administratives (ce qui constitue une limite de taille au pouvoir législatif !). Dans la décision du 28 juillet 1989, le Conseil Constitutionnel a réitéré ces principes au cours de l’examen d’une loi s’appelant « Police des étrangers » (texte sur la reconduite des étrangers en situation irrégulière). Dans ce texte, la loi avait donné compétence au juge judiciaire pour connaître d’une décision du préfet au motif qu’elle portait sur les libertés individuelles, en particulier celle d’aller et venir. Selon l’article 66 de la Constitution, le juge judiciaire est le gardien des libertés individuelles. le Conseil d’Etat a censuré la loi au motif que c’était une décision administrative prise par une autorité administrative dans le cadre des ses PPP, et donc que la compétence était celle du Juge Administratif.

Les règles de compétences et de procédure.

L’autorité législative est compétente pour le contentieux pénal administratif, en dehors de cette compétence, le reste des compétences appartient au pouvoir réglementaire. En ce qui concerne les lois de compétence, elles sont applicables immédiatement sauf disposition particulière qui fixerait une date d’entrée en vigueur plus lointaine que l’adoption du texte. En revanche, les lois de procédure ne peuvent jamais avoir d’effet rétroactif mais elles s’appliquent aux litiges en cours.

  1. D) L’établissement d’un régime procédural.

Pendant longtemps et dès lors que le Conseil d’Etat dominait toutes les juridictions administratives, il n’y avait pas de nécessité de créer un code de procédure. L’accès au prétoire ne nécessitait pas une codification particulière. Le premier texte concerne l’organisation des juridictions d’outre-mer qui a été codifiée. Il y a eu l’ordonnance de 1945 sur le Conseil d’Etat mais ce texte n’apportait pas d’éléments, de fondements nouveaux. C’est un peu une codification que le Conseil d’Etat a lui-même dégagée. Il y a eu ensuite une procédure administrative tirée du code des TA puis du code des TA et CAA puis enfin du Code de justice administrative (le code de justice administrative).

Ce Code de justice administrative est divisé entre les dispositions législatives et réglementaires et il rassemble également des dispositions qui n’ont pas forcément un lien entre elles. Il y a des dispositions concernant le statut des membres des TA et CAA. Le Code de Procédure Civile règle par exemple, de manière complète toutes les procédures civiles, de même pour le code de l’organisation judiciaire. Dans le Code de justice administrative on a tout mélangé, mais le plus critiquable c’est qu’il a des manques flagrants, des pans entiers du contentieux administratifs n’y figurent pas (le contentieux fiscal par exemple) !

Les principes fondamentaux de procédure dégagés par le juge.

Le juge est à l’origine de la procédure concernant sa propre saisine et au fur et à mesure il a inventé des principes de procédures, il les a ancrés dans le préambule de la Constitution. Parmi ces principes, il y a le principe d’égalité devant la justice qui a valeur constitutionnelle, le principe du respect des droits de la défense. Le Code de justice administrative dit ? et si le mémoire est considéré comme n’apportant aucun élément nouveau, il y a une obligation de le communiquer.

Pour les autres règles de procédures, elles sont considérées comme des PGD, valeur infra législative et supra décrétales. Le texte même peut donc être interprété dans la mesure où il n’a pas d’application directe suffisamment précise. Les principes de procédure sont ainsi, soit codifiés dans le Code de justice administrative ou bien ils s’appliquent sans texte, comme le principe selon lequel toute décision du juge est insusceptible d’une voie de réformation.

Les règles posées par le Juge Administratif sont très largement empruntées au juge judiciaire : plusieurs exemples tels que la mention du nom des magistrats qui ont rendu la décision ; le fait que les décisions soient motivées, le fait que la justice soit rendue au nom du peuple français ou encore l’existence de la tierce opposition en droit administratif.

Le juge administratif peut dans le silence de la loi poser un nouveau principe général de procédure. Parmi ces principes généraux inventés, il y a la possibilité donnée à l’administration de régulariser une décision illégale, mais seulement dans le cas où l’illégalité est une illégalité de forme, ou encore la possibilité d’appliquer une annulation dans une limite de temps.

L’autonomie de la procédure contentieuse administrative.

Si il y a des emprunts, il y a aussi des différences notables. La principale est que la procédure administrative est conduite par le juge administratif tandis que le procès civil est l’affaire des parties. Le Code de Procédure Civile est inapplicable. C’est le Code de justice administrative et les principes dégagés par la jurisprudence qui s’appliquent. En revanche, le juge administratif a établi des liaisons entre sa propre procédure et la procédure civile. Il l’a fait de trois façons différentes :

  • par renvoi pur et simple aux dispositions du Code de Procédure Civile. Par exemple : les délais de distances ( ?) prévus aux articles 643 et 644 du Code de Procédure Civile ; les modalités de récusation des membres des juridictions administratives ; la police des audiences exercée par le président de la formation de jugement (évacuer la salle…)…
  • l’accaparement : le juge applique les règles du juge civil. Par exemple pour la computation des délais lorsque le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié, dans ce cas le délai se prolonge jusqu’au premier jour ouvrable qui suit ; ou encore, la tierce opposition dont on vient de parler plus haut.
  • Les analogies : c’est le cas du nom des magistrats qui figurent sur la décision rendue ou également les règles concernant le calcul d’intérêt.

  1. E) Le code de la justice administrative.

Il s’applique aux juridictions de droit commun, il comporte une partie législative et une partie règlementaire et il comprend de nombreux éléments sans lien particulier. Il y a les statuts des membres des juridictions administratives, l’énumération des juridictions, des règles de procédures comme les règles sur les référés. En début du Code de justice administrative, on rappelle un certain nombre de principe : au nom du peuple français, jugements rendus en formation collégiale…