En France, les droits et libertés fondamentaux trouvent leur fondement dans une pluralité de sources : nationales, internationales et régionales. Cette coexistence reflète un équilibre complexe entre la souveraineté nationale et les engagements internationaux.
L’article 55 de la Constitution de 1958 dispose que les traités ou accords régulièrement ratifiés ont une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve de leur application par l’autre partie. Cela signifie que les traités de protection des droits de l’Homme s’imposent sur la législation interne, qu’elle soit antérieure ou postérieure à leur ratification. Toutefois, cette primauté repose sur des conditions strictes : signature, ratification ou approbation, ainsi que publication.
En revanche, la non-réciprocité des engagements dans le domaine des droits de l’Homme constitue une spécificité : les instruments internationaux relatifs aux droits de l’Homme doivent s’appliquer indépendamment de l’attitude des autres États parties. Cette exception repose sur l’idée que la protection des droits fondamentaux ne saurait dépendre d’une logique de « donnant-donnant », comme l’a confirmé le Conseil constitutionnel dans sa décision du 21 janvier 1999 relative à la Cour pénale internationale.
L’incorporation des traités internationaux dans l’ordre juridique français repose sur l’article 55 de la Constitution de 1958, qui établit la primauté des traités sur les lois à condition qu’ils soient régulièrement ratifiés ou approuvés, publiés, et appliqués de manière réciproque par les autres États parties. Cependant, les traités relatifs aux droits de l’Homme bénéficient de règles spécifiques, qui traduisent leur caractère particulier et universel.
L’article 55 de la Constitution pose trois exigences pour qu’un traité prime sur la loi :
Le droit international joue un rôle fondamental dans la reconnaissance et la protection des droits de l’homme. Cependant, son efficacité dans l’ordre juridique interne repose sur des mécanismes précis : la correcte intégration des traités internationaux, la possibilité pour les particuliers d’invoquer ces normes et l’approche des juges nationaux quant à leur applicabilité directe. Ces mécanismes soulèvent des questions complexes, notamment dans les interactions entre le droit international et les systèmes juridiques internes.
a) Conditions de validité des traités internationaux
L’autorité des traités internationaux sur la loi interne est subordonnée à leur ratification ou approbation régulière, conformément à l’article 55 de la Constitution française. Le juge administratif, dans un arrêt SARL du Parc d’Activité de Blotzheim (CE, 18 décembre 1998), a reconnu sa compétence pour contrôler la régularité de cette ratification, assurant ainsi la conformité procédurale des engagements internationaux.
b) Formulation de réserves et déclarations interprétatives
Les États peuvent formuler des réserves lors de la signature ou de la ratification d’un traité, conformément à la Convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Ces réserves permettent de limiter ou de modifier l’effet juridique de certaines stipulations, mais elles ne doivent pas être :
a) Définition de l’effet direct
L’effet direct permet aux particuliers d’invoquer une norme internationale devant les juridictions nationales. Pour qu’une norme internationale ait cet effet, deux conditions étaient posées par l’arrêt GISTI (CE, 23 avril 1997) :
Ces critères ont été précisés par un arrêt GISTI ultérieur (CE, 11 avril 2012), qui ajoute que l’intention des parties et l’économie générale du traité doivent être pris en compte. Une stipulation a un effet direct si elle n’a pas pour objet exclusif de régir les relations entre États et peut produire des effets pour les particuliers sans nécessiter d’autres actes internes.
b) Variabilité de l’effet direct selon les droits protégés
Les textes consacrant des droits civils et politiques, tels que la Convention européenne des droits de l’homme (CESDH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ont généralement été reconnus d’effet direct par les juridictions françaises :
Les droits sociaux et économiques, en revanche, présentent des difficultés quant à leur effet direct. Les juridictions françaises, notamment le Conseil d’État (CE, 26 janvier 2000), estiment que les stipulations du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) nécessitent des mesures nationales pour leur mise en œuvre et ne produisent donc pas d’effet direct. Cette distinction s’explique par :
Toutefois, des exceptions notables existent, comme dans l’arrêt de la Cour de cassation (16 décembre 2008) reconnaissant l’effet direct de l’article 6§1 de la Charte sociale européenne sur la liberté syndicale et la négociation collective.
La jurisprudence française est particulièrement illustrative de la variabilité de l’effet direct pour les droits de l’homme :
Cette dualité reflète une tendance générale : les droits civils et politiques, considérés comme immédiatement opposables, bénéficient plus facilement d’un effet direct, tandis que les droits sociaux sont souvent perçus comme nécessitant une mise en œuvre législative ou administrative préalable.
En résumé : L’autorité du droit international sur la loi interne repose sur une intégration correcte et des critères d’effet direct qui permettent aux particuliers d’invoquer ces normes devant les juridictions nationales. Si les droits civils et politiques bénéficient largement d’une applicabilité immédiate, les droits sociaux se heurtent encore à des obstacles liés à leur formulation et à leur mise en œuvre, bien que des exceptions témoignent d’une évolution progressive vers une reconnaissance accrue.
Les traités relatifs aux droits de l’Homme échappent au principe de réciprocité inscrit à l’article 55. Cette dérogation repose sur la nature même de ces textes, qui consacrent des droits universels et inaliénables, ne pouvant être soumis à une logique bilatérale ou contractuelle. Ainsi, un État ne peut invoquer la non-application par une autre partie pour justifier une violation des droits fondamentaux.
La Convention de Vienne sur le droit des traités (23 mai 1969) consacre cette règle à son article 60 §5, stipulant que la violation d’un traité de protection des droits de l’Homme par un État partie n’autorise pas les autres États à suspendre leur propre application du traité.
Le Conseil constitutionnel, dans une décision du 21 janvier 1999 relative au traité instituant la Cour pénale internationale, a explicitement reconnu cette règle. Il a affirmé que les engagements internationaux destinés à protéger les droits de l’Homme « s’imposent à chaque État partie indépendamment des conditions d’exécution par les autres ». Cette interprétation conforme à la Convention de Vienne limite la portée de l’exigence de réciprocité prévue à l’article 55 de la Constitution aux seuls traités ne portant pas sur les droits fondamentaux.
Ce principe renforce la dimension universelle et autonome des droits de l’Homme en droit international et leur intégration dans l’ordre juridique français.
En résumé : Les traités relatifs aux droits de l’Homme jouissent d’un statut particulier dans le cadre des règles d’incorporation. Bien que soumis aux exigences générales de ratification, d’approbation et de publication, ces traités échappent à la condition de réciprocité, conformément à la Convention de Vienne et à la jurisprudence française. Cette spécificité souligne leur vocation universelle et leur primauté dans la hiérarchie des normes.
Les Droits Internationaux des Droits de l’Homme, énoncés par des instruments tels que la Déclaration universelle des Droits de l’Homme (DUDH), le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), imposent aux États des obligations juridiques spécifiques dès qu’ils deviennent parties à ces traités. Ces obligations se déclinent selon trois axes principaux : respecter, protéger et satisfaire les droits de l’Homme.
L’obligation de respecter impose aux États de s’abstenir de toute action susceptible de violer les droits fondamentaux des individus. Cette obligation est d’ordre négatif : elle interdit à l’État de poser certains actes contraires aux droits protégés.
L’obligation de protéger oblige l’État à prévenir et réprimer les atteintes aux droits de l’Homme commises par des tiers (individus, entreprises ou autres entités). L’État doit ainsi adopter des mesures législatives, administratives ou judiciaires pour garantir une protection effective des droits.
Cette obligation impose à l’État de prendre des mesures positives et proactives pour garantir l’exercice des droits fondamentaux. Elle nécessite la mise en œuvre de politiques publiques, programmes ou infrastructures permettant à tous les citoyens de bénéficier des droits consacrés.
Le droit à une nourriture suffisante, consacré par des textes tels que l’article 11 du PIDESC (Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels), illustre bien l’articulation de ces trois obligations :
Le Conseil de l’Europe a développé un cadre normatif particulièrement riche pour la protection des droits de l’Homme, structuré autour de plus de 200 conventions. Ces instruments visent aussi bien des droits spécifiques que des garanties générales, avec une place particulière accordée à la Convention européenne des droits de l’Homme (CESDH) et à la Charte sociale européenne.
a) La convention sur la prévention de la torture (1987)
Adoptée pour renforcer l’interdiction absolue de la torture (article 3 CESDH), cette convention établit un mécanisme de contrôle préventif. Le Comité pour la prévention de la torture (CPT) effectue des visites dans les lieux de détention pour vérifier les conditions de traitement des détenus et prévenir les abus.
b) La convention d’Oviedo (1997)
Cette convention, axée sur les applications biomédicales, protège la dignité humaine face aux progrès scientifiques. Elle fixe des règles éthiques pour la recherche médicale et interdit, par exemple, le clonage à des fins reproductives. Elle constitue un socle éthique dans le domaine de la biologie et de la médecine.
a) Un instrument général et fondamental
Adoptée en 1950, la CESDH est le texte central du Conseil de l’Europe. Elle garantit principalement des droits civils et politiques :
b) Classification des droits protégés
c) La CESDH : un instrument vivant
La CESDH est considérée comme un instrument évolutif par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), grâce à :
a) Un instrument dédié aux droits sociaux
Signée en 1961 à Turin et révisée en 1996, la Charte sociale européenne protège des droits économiques et sociaux, tels que :
Contrairement à la CESDH, les États peuvent choisir les dispositions auxquelles ils souhaitent adhérer, ce qui en fait un instrument à la carte. Certains États, comme la Grèce ou l’Espagne, restent soumis au texte de 1961, tandis que d’autres ont ratifié la version révisée de 1996.
b) Un système de garantie renforcé
Bien que la CESDH et la Charte sociale européenne soient deux instruments distincts, leur interaction est renforcée par la jurisprudence. Par exemple :
En résumé : Le Conseil de l’Europe propose un cadre normatif exhaustif pour la protection des droits de l’Homme. La CESDH, avec son système juridictionnel robuste, demeure la pierre angulaire de cette protection, complétée par des instruments spécifiques comme la Charte sociale européenne. La dynamique évolutive de la jurisprudence et l’adoption de protocoles permettent d’adapter ces instruments aux nouveaux défis sociétaux.
Contrairement à certains États comme l’Autriche ou le Portugal, la France n’a pas intégré les instruments internationaux de protection des droits de l’Homme dans le bloc de constitutionnalité. Les normes internationales restent distinctes des normes constitutionnelles et leur valeur dépend du rang de leur acte d’incorporation.
Les traités régulièrement ratifiés ou approuvés s’insèrent dans l’ordre juridique interne avec une valeur supérieure à celle des lois, mais inférieure à celle de la Constitution. Cela permet leur contrôle par le juge administratif et le juge judiciaire.
a) Le contrôle de conventionalité : l’évolution jurisprudentielle
Le contrôle de la conformité des lois aux traités internationaux est l’un des fondements de l’articulation entre le droit interne et le droit international. Ce contrôle a évolué à travers plusieurs étapes :
b) Le rôle limité du juge constitutionnel
Le Conseil constitutionnel, compétent pour contrôler la constitutionnalité des lois, s’est déclaré incompétent pour exercer un contrôle de leur conformité aux traités internationaux. Dans sa décision du 15 janvier 1975 sur la loi relative à l’IVG, le Conseil constitutionnel a estimé que le contrôle de conventionalité des lois relevait des juridictions ordinaires. Cela signifie que la hiérarchie entre loi et traité est une question de légalité, non de constitutionnalité.
c) Le contenu des droits protégés : articulation entre ordres juridiques
Les sources nationales et internationales consacrent des droits diversifiés :
L’efficacité de cette protection repose sur une interaction croissante entre les ordres juridiques international, régional et national. Cette pluralité engendre une stratification normative, où les droits fondamentaux bénéficient d’une protection enrichie mais aussi d’une certaine complexité, en raison des chevauchements de compétences et des mécanismes variés de garantie.
En conclusion, la primauté des traités internationaux en France reflète un engagement clair en faveur de la protection des droits fondamentaux. Toutefois, la fragmentation des sources et des compétences oblige à une lecture minutieuse des textes et des décisions juridictionnelles pour apprécier pleinement leur portée et leur articulation. On peut aussi citer la CJUE dont un des objectif est de garantir le respect des droits fondamentaux dans l’interprétation et l’application du droit de l’UE. Exemples :
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