Les sûretés réelles immobilières : privilège, hypothèque

Les suretés réelles immobilières légales

La source de ces suretés se trouve dans la loi. Il y a trois catégories de suretés immobilières légales :

  • . Les privilèges immobiliers
  • . Les hypothèques légales
  • . L’hypothèque judiciaire conservatoire
  • I) Les privilèges immobiliers

Il s’agit d’un droit que la qualité de la créance donne à un créancier d’être préféré aux autres créanciers même hypothécaires. C’est un droit de priorité sur le paiement. La liste de ces privilèges immobiliers spéciaux est conséquente : on les trouve à l’article 2374 du code civil. Il s’agit de suretés réelles soumises au principe d’indivisibilité et doivent être publiées, mais leur publication fixée par la loi a un effet rétroactif ayant donné naissance à la créance précisément privilégiée. A défaut d’inscription dans le délai fixé par la loi, le privilège va se transformer en hypothèque légale et va prendre rang à la date de l’inscription. Cette rétroactivité permet de primer les créanciers qui pourraient s’inscrire entre la date de naissance de la créance et d’inscription.

  • A) Le privilège du vendeur immeuble

Il s’agit d’une des garanties dont bénéficie le vendeur de l’immeuble. Ce privilège est fondé sur l’idée que l’enrichissement du débiteur profite à l’ensemble des créanciers. Il parait alors équitable que celui qui a permis cette augmentation de l’actif du débiteur n’est pas à subir la concurrence des créanciers de l’acheteur. De surcroit, ce privilège est une compensation pour le vendeur au regard du risque que constitue le principe du transfert immédiat de la propriété en raison du seul consentement des parties. Ce privilège nait de tout contrat de vente immobilière quelque soit la nature de cette vente. Ce privilège porte sur le droit immobilier aliéné et par extension sur l’immeuble objet du droit. Ici aussi on admet le mécanisme de la subrogation réelle et en cas de destruction de l’immeuble, l’indemnité d’assurance va venir en lieu et place de l’immeuble comme assiette du privilège. Quelle créance est garantie ? La créance du prix de vente. Intervient la règle de l’indivisibilité : le privilège subsiste tant que celui qui doit recevoir le paiement n’a pas été totalement réglé. Le paiement de la créance du prix de vente emporte extinction du privilège.

  • B) Le privilège du prêteur de deniers

Ce privilège a encore une importance pratique, puisque les établissements de crédits ne manquent pas de s’en prévaloir dans le cadre de financement d’acquisitions immobilières. Le fondement de ce privilège est identique au précédent : le prêteur va permettre l’enrichissement de l’acquéreur de l’immeuble. Il s’agit d’éviter qu’il est à subir la concurrence des autres créanciers. L’article 2374 2° indique sur bénéficie de ce privilège ceux qui ont fournit des deniers pour l’acquisition d’un immeuble pourvu qu’il soit authentiquement constaté par l’acte d’emprunt que la somme était destinée à cet emploi et par la quittance du vendeur, que ce paiement ait été fait des deniers empruntés. Il y a donc un règle de forme : il faut un acte notarié qui va conférer date certaine, ce qui permet d’éviter toute manipulation, d’antidater. Il y a une condition de fond : il y a la subrogation du fait du débiteur (article 1250-2) : l’idée est qu’il faut une traçabilité de l’origine et de la destination des fonds. La mention quant à cette origine permet d’éviter toute discussion et donc toute fraude. La fraude pourrait être organisée pour méconnaitre le droit des tiers, qui ont un intérêt à invoquer la méconnaissance de ces règles. Si ces formalités sont respectées, le privilège du prêteur de denier produit les mêmes effets que le privilège du vendeur d’immeuble. Il peut y avoir un conflit entre le privilège du prêteur de denier et du vendeur d’immeuble dans le cas où l’acquéreur déciderait d’acquitter une partie du prix à l’aide du prêt et pour l’autre partie de payer à terme. Dans la quasi-totalité des cas, les banques exigent du vendeur une cession d’antériorité.

  • II) L’hypothèque légale

Comme le précise l’article 2396: l’hypothèque légale est celle qui résulte de la loi. Cette hypothèque a été généralisée à la suite de la réforme de la publicité foncière par le décret du 24 Janvier 1955. Ce décret a mis fin au caractère occulte de cette hypothèque. L’hypothèque légale doit être publiée, en plus elle doit respecter le principe de spécialité d’inscription. L’inscription doit indiquer les biens grevés et le montant des sommes garanties, c’est cette publicité qui va rendre cette hypothèque légale opposable aux tiers.
Cette hypothèque va prendre rang à la date de son inscription. La réforme de 2006 n’a pas modifié le droit positif antérieur.

  • A) Les hypothèques légales de l’article 2400 du code civil

Cet article n’énumère toutes les hypothèques légales, il y en a d’autres. L’article 2400 envisage 5 cas d’hypothèques légales: l’hypothèque légale des époux, l’hypothèque légale des mineurs et majeurs en tutelle…

Ces hypothèques légales dont l’utilité est réduite présentent quelques particularités. En effet, elles ne sont pas entièrement soumises au principe de spécialité. Ces hypothèques sont générales ou spéciale quant à la dette garantie. Quant à l’assiette de l’hypothèque, le créancier peut inscrire son droit sur tous les immeubles appartenant à son débiteur.

  • B) L’hypothèque légale des jugements de condamnation

Cette hypothèque est envisagée à l’article 2412 du code civil: cet article parle d’hypothèque judiciaire. Or, il ne s’agit pas d’une hypothèque qui résulte d’une décision du juge. L’hypothèque de l’article 2412 existe indépendamment de ce que dit le juge. Elle est attachée de plein droit au jugement de condamnation.

Quel est son intérêt ? Permettre au créancier de se protéger contre les débiteurs quelque peu malicieux qui pourraient songer à organiser de manière frauduleuse leur insolvabilité. L’idée est aussi que l’existence de cette sureté pourrait inciter le créancier à accorder des délais de paiement à son débiteur et donc à différer la saisie. Il ne faut pas confondre cette hypothèque avec l’hypothèque judiciaire conservatoire. L’hypothèque de l’article 2412 va intervenir après un jugement de condamnation, alors que l’autre intervient avant le jugement de condamnation et plus précisément dans son attente.

Pour que l’hypothèque de l’article 2412 s’applique il faut un jugement de condamnation : décision par laquelle un juge va trancher un litige. Il doit y avoir force exécutoire du jugement. La décision peut émaner d’un juge judiciaire ou administratif. Dès lors que ces conditions sont réunies, le créancier bénéficie de l’hypothèque. Cette hypothèque ne s’impose pas et il peut y renoncer et donc ne pas l’inscrire. Cette hypothèque va prendre rang au jour de son inscription et va garantir la créance judiciairement consacrée. Cette hypothèque va avoir une assiette extrêmement large, car elle incluse l’ensemble des biens immobilier du débiteur, présent et à venir.

III) L’hypothèque judiciaire conservatoire

L’hypothèque judiciaire conservatoire ne peut exister que si le juge l’autorise. Elle va précéder l’instance au fond et dans l’attente de la décision, elle va permettre au créancier de prendre une inscription. Lorsque ce créancier obtiendra la décision au fond, il pourra avec ce titre, opérer une inscription qui prendra rang au jour de l’inscription de l’hypothèque judiciaire conservatoire : il y aura une rétroactivité de l’inscription de l’hypothèque.

A) Les conditions de l’hypothèque conservatoire

1) Conditions de fond

L’hypothèque conservatoire suppose l’existence d’une créance, cause de la mesure conservatoire. Cette créance doit paraitre fondée en son principe. Il n’est pas nécessaire que la personne justifie d’une créance certaine. Il faut simplement convaincre le juge de la vraisemblance du fait générateur de sa créance.
En outre, il faut qu’il y ait une urgence et un péril dans le recouvrement de la créance. Le créancier devra démontrer l’existence de circonstance laissant apparaitre le fait qu’il risque de ne pas être payé.

2) Conditions de forme

L’hypothèque conservatoire est subordonnée à une autorisation du juge de l’exécution dans le ressort duquel se trouve le domicile du débiteur. Le président du tribunal de commerce conserve une compétence pour les affaires relevant des compétences des juridictions commerciales. Cette autorisation n’est pas nécessaire quand le créancier a un titre exécutoire. Le juge dispose d’une marge de manœuvre pour autoriser, accepter, ou rejeter la demande d’hypothèque conservatoire. Même si les conditions de la loi sont remplies, il peut refuser.
Quand le créancier a obtenu une autorisation du juge, il doit effectuer une inscription provisoire. L’autorisation du juge a une durée limitée, au-delà de trois mois, à défaut d’exécution, l’autorisation devient caduque. Le créancier se doit de rechercher un titre définitif. Le législateur lui impose d’entamer une instance au fond, dans un délai d’un mois à compté de l’exécution de la mesure conservatoire. S’il ne le fait pas, l’inscription devient caduque. Lorsque le créancier a obtenu une décision au fond, il pourra prendre une inscription définitive ; cette inscription va prendre rang à la date d’inscription provisoire, de ce fait il va y avoir rétroactivité de l’inscription. Cela va permettre au créancier de primer tous les créanciers inscrits entre l’inscription provisoire et définitive.
C’est cette rétroactivité qui fait l’intérêt de cette hypothèque.