Les homicides intentionnels : l’élément matériel du meurtre
L’homicide intentionel a un nom : le meurtre : article 221-1 du Code pénal. C’est le fait de donner volontairement la mort à autrui.
Dans une incrimination, il y a toujours un élément matériel et un élément moral. Nous étudions ici l’élément matériel du meurtre
a) L’acte
Il faut étudier l’acte et le résultat.
S’agissant de l’acte : il est illicite. Selon le Code pénal, c’est « le fait de donner ».
- Le meurtre suppose un acte matériel. Il n’y a pas meurtre par l’effet d’un sortilège qui ferait que la victime se suicide. L’acte meurtrier est toujours un acte matériel. On ne parle pas d’homicide moral.
- Le meurtre est un acte positif. L’acte décrit par le texte d’incrimination est « le fait de donner » donc le meurtre est toujours une infraction de commission, on ne connait pas un meurtre par une abstention. Ex : l’affaire de la séquestrée de Poitiers. Il y a une privation de soin mais pas un acte positif, la qualification adéquate ne peut pas être le meurtre. Le principe de la légalité criminelle fait que la qualification de meurtre ne correspond pas à cette hypothèse.
- Le meurtre est une infraction qui peut supposer un acte unique (donner un coup de couteau) ou plusieurs actes successifs (piquer la victime tous les jours, elle perd son sang : meurtre. Alors qu’une seule piqure ne constitue pas un meurtre).
Quant au résultat : c’est la mort d’autrui. Il y a dans le résultat une double composante. Lorsqu’on raisonne sur le résultat, on peut raisonner par rapport à un résultat qui est atteint. On dit alors que l’infraction est consommée : un meurtre consommé. Mais on peut se demander si l’individu pourrait être punissable à un stade où le meurtre n’est pas encore consommé mais où il est en train de se consommer. S’est posée la question de la tentative.
- Droit pénal des infractions sur les personnes
- Les justifications de la violation du secret professionnel
- Le secret professionnel et sa violation
- Le secret des correspondances téléphoniques
- Le secret des correspondances
- La violation du domicile : définition, sanction
- L’atteinte à la vie privée (article 226-1 du code pénal)
b) Le résultat
-
1) Le meurtre consommé
Le résultat, c’est la mort d’autrui. La mort est l’atteinte à la vie, mais se pose ici la question de savoir s’il conviendrait de distinguer entre la mort consentie et la mort non-consentie. Lorsque la mort n’est pas consentie par la victime, il y a meurtre consommé. Mais peut-on parler de meurtre consommé quand la victime a consentie à l’acte ? On s’est posé la question au XIXe siècle dans les duels : le gagnant était suivis dans les tribunaux pour meurtre de l’adversaire, pour lui la mort était consentie car chaque adversaire avait consentie l’hypothèse de la mort. La question se pose aujourd’hui quant à l’euthanasie. Dans les deux cas, la réponse est la même. La vie est une valeur qui est protégée en tant qu’élément de l’ordre public et pas en tant qu’objet d’un droit subjectif, alors on peut comprendre que la vie échappe à chacun d’entre nous, et on considère que cette valeur n’est pas disponible, c’est une valeur sacrée. Le législateur n’a pas pu ignorer que la question de la fin de vie de personnes malades se posait une question importante : Loi LEONETI. Dans le Code de santé publique se trouve des dispositions qui tendent à distinguer entre l’euthanasie passive et l’euthanasie active. L’euthanasie active est punissable au titre du meurtre ou de l’empoisonnement. Administrer une substance mortelle à un individu en fin de vie c’est un empoisonnement. En revanche, sur l’euthanasie passive, c’est-à-dire le laisser-mourir, le Code de la santé publique admet de prendre en considération la volonté de la personne : article L.1111-4 : le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir informé des conséquences de ses choix. Si la volonté de la personne de refuser ou d’interrompre tout traitement met sa vie en danger, le médecin doit tout mettre en oeuvre pour la convaincre d’accepter les soins indispensables. A l’article L.1111-10 du Code de la santé publique : lorsqu’une personne en phase avancée ou terminale d’une infection grave et irrécurable … décide d’arrêter les traitements, le médecin respecte sa volonté … : ce n’est pas un meurtre puisque le meurtre n’est pas commis par abstention. Cette disposition n’est pas nécessaire.
Ce dispositif est conforme à la CEDH : l’article 2 de la CEDH consacre le droit à la vie. Ce n’est que pour indiquer que la vie doit être protégée contre les atteintes perpétrées par l’Etat ou des particuliers. La CEDH a eu l’occasion d’affirmer que l’article 2 de la CEDH n’implique pas un droit à la mort : CEDH, 29 avril 2002, Pretty c/RU. Il n’y a donc pas au sens de l’article 2 un droit à la mort des personnes en fin de vie. S’il n’y a pas de droit à la mort, il n’y a pas de créances envers l’Etat consistant à mettre en oeuvre un système permettant l’euthanasie active.
- C’est de la mort d’autrui qu’il s’agit. C’est la seconde composante du résultat. Il y a meurtre que si l’acte d’homicide est dirigé contre autrui. Deux observations à formuler : autrui est semble-t-il une personne humaine (cf titre du Code pénal). On ne peut pas parler de meurtre sur un animal. L’animal, en droit français, est une chose. Ce n’est pas autrui. Cette constatation permet d’observer que si c’est la personne humaine qui est protégée, c’est la personne humaine indépendamment de ses qualités. Il y a meurtre que l’on tue une personne âgée, mineure, c’est toujours un meurtre. Ce qui ne veut pas dire que la qualité de la victime ne rentrera pas en considération dans les modalités de la répression, c’est autre chose.
Autrui est un tiers, il n’y a donc pas de meurtre sur soi-même. Avant, le suicide était incriminé : le meurtre sur soi-même était une infraction pénale. Autrui, c’est l’autre, ce qui ne veut pas dire que le législateur ne s’occupe pas du meurtre sur soi-même, le suicide, mais sous une autre qualification : la provocation au suicide.
-
2) Le meurtre tenté (LA TENTATIVE DE MEUTRE)
Ici le résultat n’a pas été atteint, mais la tentative est incriminable car il s’agit d’un crime. article 121-4, 2). Définition de la tentative : article 121-5.
Dans la tentative il faut :
- un élément matériel de la tentative : commencement de l’exécution
- un élément moral : une intention (pas d’abstention)
Comment la jurisprudence définit-elle le commencement d’exécution ?
C’est un acte qui tend immédiatement et directement au résultat de l’infraction. Il faut toujours raisonner sur le résultat.
Il faut se demander ce qu’est le meurtre : un crime, un délit ou une contravention ? Ce qui indique la qualification, c’est la peine (réclusion criminelle : crime, emprisonnement : délit). Le meurtre est un crime, alors la tentative est toujours punissable. La tentative est constituée par un commencement d’exécution, et une absence de désistement volontaire. La résolution criminelle (penser faire une infraction) n’est pas punissable.
les actes préparatoires peuvent être punissables mais pas dans le meurtre. Lorsqu’on porte le coup, il y a commencement d’exécution du meurtre : il faut être en train de porter un acte qui a pour effet de consommer l’infraction, c’est-à-dire de tuer autrui. Avant, il n’y a pas tentative, après, il y a consommation de l’infraction.
La question de la tentative de meurtre pose une question particulière à deux tentatives :
- Lorsque certains actes sont qualifiés d’actes préparatoires, ils ne sont pas des commencements d’exécution, pourtant ces actes peuvent paraître choquant. Ex : affaire Lacourt, 1962 : il remet des fonds à un tueur à gage, qui ne s’exécute pas. Il n’y a pas de meurtre consommé, y-a-t’il tentative ? Non, car il n’y a pas d’acte qui tende à la consommation, il n’y a pas complicité non plus car il faut un fait principal punissable, mais ici il n’y a rien. D’où l’idée qu’il faut incriminer à titre particulier : le législateur a choisit d’incriminer ce comportement à titre autonomie : mandat criminel : article 221-5-1 du Code pénal.
- Concernant le meurtre impossible ? Peut-on admettre des poursuites pour tentative de meurtre ?
- Affaire Perdereau. arrêt Crim. 16, janvier 1986. Dans cette affaire, il y a une rixe entre plusieurs personnes. Une personne est blessée, rentre chez elle. Celui qui n’a pas porté les coups se rend chez la personne blessée et lui assène des coups. Sauf que la victime est déjà décédée.
- La jurisprudence a été confrontée à cette question, et elle l’a résolue en appliquant la solution suivante : certes le meurtre est impossible puisqu’on ne peut pas tuer une personne déjà décédée. Mais les actes qui consiste à porter des coups en vue de tuer peuvent permettre de qualifier une tentative de meurtre. Dans cet arrêt du 16 janvier 1986, la Cour de cassation déclare qu’il importait peu pour que soit caractériser la tentative d’homicide volontaire que la victime soit déjà morte, cette circonstance étant indépendante de la volonté de l’auteur.
- La première question porte sur l’élément légal de la tentative. Pour qu’il y ait tentative, il faut qu’il y ait une qualification identifiable. S’il faut une qualification préalable, il faut que cette qualification soit possible, envisageable. Si le meurtre est impossible, la qualification n’existe pas et la tentative se greffe sur rien. La tentative n’a plus de support légal en quelque sorte. C’est la critique qui est proposée par une certaine partie de la doctrine.
- C’est un argument qui a été repoussé par une autre partie de la doctrine. On ne peut pas ici commettre l’impossible mais on peut tenter l’impossible. Dans les éléments constitutifs de la théorie de la tentative est le commencement d’exécution. Ce commencement d’exécution est toujours possible, contrairement au résultat. Dans cette perspective, certes un élément de qualification ne pourra pas être retenu qui est la mort, mais un élément de qualification est identifiable à savoir le commencement d’exécution.
- Le deuxième élément de discussion se déporte sur l’élément moral. La Cour de cassation sanctionnerait la pure intention criminelle. C’est l’intention de tuer qui justifie la solution. Mais la critique est peut être excessive. Il ne s’agit pas de punir une personne pour une simple intention, on ne va pas punir la personne parce qu’elle a eu l’intention de tuer, mais parce qu’elle a porté des coups (et élément moral qui est l’intention de tuer). La Cour de cassation n’a pas seulement sanctionner une intention de tuer.
- L’intention criminelle pour être qualifiée doit retenir que la personne croyait la personne encore vivante et qu’elle a eu l’intention de la tuer.
- Depuis 1986, la solution n’est plus contestée en jurisprudence. Il est donc possible d’appliquer la théorie de la tentative alors même que l’infraction n’aurait pas pu être consommée.
-
La causalité
Cette question est induite par la coexistence de l’acte et du résultat. Toutefois, il y a en quelque sorte une raison de fond qui permet d’évoquer la question de la causalité et une question de preuve.
Sur le fond, il faut observer qu’il est possible que l’acte d’homicide ait participé à la mort de la victime, mais avec d’autres actes ; avec d’autres actes qui sont éventuellement qualifiables pénalement ou pas. On est dans le cas où plusieurs faits générateurs de la mort sont envisageables (cf. responsabilité civile). En matière pénale, le principe est l’indivisibilité de la responsabilité : lorsqu’on peut constater qu’une personne a commis un acte d’homicide et que celui-ci a participé même partiellement au résultat, alors elle est responsable. Si la causalité est partielle, cela suffit pour retenir la qualification.
Cet élément pourra entrer en distinction durant la délibération des jurés pour envisager la peine. On sera peut être moins sévère avec celui qui n’a fait que participer. Mais au niveau de la qualification on ne divise pas la responsabilité pénale.
Elle ne sera écartée que si on constate une cause étrangère : en réalité c’est une cause étrangère à l’origine de la mort d’autrui. Il faudra démontrer un fait extérieur qui absorbe la causalité.
Sur la preuve, a priori et dans la plupart des cas la preuve est induite par les faits. La question est celle des infractions de groupe.
exemple concret : Plusieurs personnes portent des coups à un individu qui décède. Rationnellement la poursuite et ensuite l’arrêt de C.Ass devra pour chaque auteur préciser la qualification retenue et les éléments constitutifs. Si on part sur l’idée qu’il y a trois participants à ces coups, pour chacun il faudra dire qu’il y a bien eu un acte d’homicide et que cet acte a bien été à l’origine de la mort d’autrui. Sauf que dans l’hypothèse visée, on n’arrive pas à déterminer quel coup a été fatal. Si on se tient à une segmentation pour chaque individu de la poursuite, on arrivera à la solution qu’il faut acquitter tout le monde car pour chaque participant on ne pourra pas déterminer le lien de causalité entre la mort et le coup. Peut-on globaliser, peut-on envisager l’ensemble des coups portés comme une scène unique ?
C’est précisément ce qu’a fait la C.Cass. On a imaginé la scène unique de violence en imaginant la chose suivante : nous avons une scène qui est à l’origine de la mort d’autrui, trois participants à cette scène. Il va y avoir une présomption : chaque coup a été à l’origine de la mort de la victime.
C’est une présomption de causalité, en matière pénale la preuve peut s’établir par tout moyen, y compris par présomption. La seule limite est que cette présomption soit compatible avec la présomption d’innocence. La Cour de cassation et la Cour EDH admettent l’existence de présomption de culpabilité. Chaque individu peut en effet se défendre en démontrant qu’il n’a pas participé à la rixe ou parce qu’il n’a pas pu porter le coup fatal. Cette présomption de culpabilité n’est donc pas irréfragable.
La scène unique de violence est en réalité plus complexe : ce qui a été évoquée ici c’est la présomption de causalité. On pourrait envisager une situation un peu plus différente, bien que comparable qui est celle où un seul acte mortel a été accompli mais on ne sait pas qui l’a accompli.
C’est un problème un peu différent car il n’y a pas constatation de plusieurs actes, mais à qui on va pouvoir imputer l’acte. C’est plus une présomption d’imputation qu’une présomption de causalité. La jurisprudence le résout au XIXè siècle qu’elle a créé de toutes pièces. Il s’agit de la théorie de la complicité co-respective : chaque participant à une rixe sont co-respectivement complices. Certes on ne peut pas identifier l’auteur mais on peut au moins dire qu’ils se sont aidés respectivement. On ne va pas punir l’auteur, mais on peut au moins les qualifier de complice.
Aujourd’hui dans une perspective moderne on aurait une autre possibilité qui est la théorie de la co-action. Donc, si on veut parler de co-auteur d’un meurtre dans cette perspective : il va falloir dire que le premier a porté un coup mortel et le second aussi. Ils ont commis le même acte tel que décrit par le texte d’incrimination. Mais certains auteurs modernes ont développé l’idée qu’on peut envisager d’être co-auteur qu’en commettant une partie de la qualification. Il faut que tous les éléments soient réunis pour que la qualification soit retenue mais elle peut être scindée entre plusieurs personnes. Parce que ces personnes participent à une scène commune, ils sont co-auteurs. Pas encore de jurisprudence sur cette théorie.
Lorsque plusieurs personnes participent à la réalisation d’un meurtre et qu’il est difficile d’identifier l’auteur des coups, soit on applique la théorie de la scène unique de violence, soit un seul coup a été porté et on ne sait pas qui a porté ce coup et on utilise la théorie de la complicité co-respective.