La transmission du bail rural (fermage)

La transmission du bail à ferme (fermage)

Un bail à ferme est un contrat de location qui concerne une propriété agricole telle qu’une terre ou un bâtiment à usage agricole. Ce contrat est établi entre un propriétaire agricole, dénommé « bailleur », et un exploitant qui reçoit la propriété en question en échange d’un loyer appelé « fermage ». Le bail à ferme est réglementé par les articles L.417-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime.

Pour être valable, un bail à ferme doit respecter certaines conditions. La propriété doit être un bien immobilier utilisé pour les activités agricoles et le contrat doit être conclu entre deux parties. Le bailleur peut être le propriétaire de la propriété, un usufruitier avec l’approbation du nu-propriétaire ou une autorisation judiciaire, ou un indivisaire avec l’accord des autres indivisaires.

Le droit au bail est considéré comme strictement personnel au preneur, donc incessible. Le législateur favorise cependant l’exploitation à caractère familial. Par dérogation au principe d’incessibilité, la cession est possible à l’intérieur de la famille. Si cette transmission familiale reste avérée à cause de mort, aujourd’hui les dérogations sont de plus en plus nombreuses concernant les cessions entre vifs.

§1 – Les transmissions entre vifs

A – Les sous-locations, échanges, mise à disposition et assolement en commun

La sous-location : le locataire met lui-même à la disposition d’un sous-locataire les biens loués moyennant contrepartie. La sous-location est prohibée en principe, article L. 411-35 al 3, quelles que soient les raisons qui pourraient la justifier. La sous-location est nulle, même si elle est consentie avec l’accord du bailleur, c’est une nullité absolue qui peut être invoquée par toutes les parties à l’opération. Le bailleur peut simplement invoquer la sous-location pour obtenir la résiliation du bail. Par exception, la sous-location est admise : pour certaines parcelles situées à la périphérie de son exploitation avec l’accord du bailleur ; pour les bâtiments d’habitation ; sous-location saisonnière des terres/bâtiments pour un usage de vacances ou de loisir qui ne peut excéder trois mois par an.

Échanges de parcelles : un locataire aurait changé ces parcelles avec un autre exploitant. Ces échanges sont en principe interdits. Mais ils sont acceptés par l’article L. 411-39 dans certains cas, à condition de permettre une meilleure exploitation du fonds. Les superficies échangées sont limitées dans chaque département. Les échanges doivent être notifiés au bailleur à peine de nullité, ce dernier peut tenter de s’y opposer. Le preneur reste seul redevable des obligations envers le bailleur et non le coéchangiste.

La mise à disposition des biens loués : mise à disposition d’une société dans laquelle il est associé. Il faut que la société ait un objet à destination agricole, que son capital social soit détenu majoritairement par une personne physique. Le preneur reste tenu de participer à la mise en valeur des biens loués. La société devient tenue de la bonne exécution des clauses du bail solidairement avec le preneur. La mise à disposition n’exige pas l’accord du bailleur, seulement son information par lettre recommandée, article L. 411-39.

Assolement en commun : la loi du 23 février 2005 la permis. L’assolement permet de mutualiser l’exploitation des terres entre plusieurs exploitants. Il concerne seulement les terres et non les bâtiments. Il faut une information du bailleur par lettre recommandée deux mois au moins avant la mise à disposition. Si l’information n’a pas été faite, la résiliation du bail peut être demandée.

B – La cession du bail

1) Un principe de prohibition des cessions

L’interdiction réside à l’article L. 411-35 sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial. Toute cession est en principe interdite, quelle que soit sa forme. C’est une prohibition d’ordre public, la cession est frappée de nullité absolue.

Il y a des sanctions pénales dès lors que la cession a eu lieu à titre onéreux, moyennant un versement d’un pas de porte : c’est constitutif d’un délit, dont l’article L. 411-74 punit d’une peine d’emprisonnement de deux ans et/ou d’une amende de 30 000 €.

C’est une pratique assez courante néanmoins. Le plus souvent, elle a lieu à l’occasion d’un changement d’exploitants, où le précédent va vendre son matériel en le surévaluant pour tenir compte du droit au bail.

Les sommes indûment perçues sont sujettes à répétition = le cessionnaire peut se faire rembourser.

La troisième chambre civile, par un arrêt du 4 mai 2006, abandonne la démonstration d’une contrainte.

2) Les cessions exceptionnellement autorisées

Si on poursuit la lecture de l’article L. 411-35, la cession est interdite sauf si elle est consentie avec l’agrément du bailleur au conjoint, aux partenaires pacsés, au descendant du preneur ayant atteint l’âge de la majorité. Pour les deux premiers, pour pouvoir bénéficier de la cession, ils doivent avoir participé à l’exploitation du locataire. Si la cession se fait au descendant, on n’exige pas de participation, seulement la majorité d’âge.

Quel que soit le bénéficiaire, la cession doit être autorisée par le bailleur. Si il s’y oppose, il peut saisir le tribunal paritaire qui tranchera. La possibilité de céder son bail est une faveur pour les exploitants ayant correctement rempli leurs obligations.

Le cessionnaire doit respecter les règles du contrôle des structures. La cession réalisée sans autorisation du bailleur ou du tribunal est illégale, elle encourt la nullité absolue et constitue une cause de résiliation du bail.

§2 – Les transmissions à cause de mort

Le décès du preneur ne met pas fin au bail. Celui-ci peut être transmis à deux catégories de personnes :

si le preneur laisse un conjoint ou un partenaire ou des ascendants ou encore descendant, elles doivent participer à l’exploitation de façon effective au cours des cinq années précédant le décès. L’article L. 411-34 prévoit que le bail continu à leur profit. C’est une transmission indivise entre toutes ces personnes par la voie d’une succession anomale. La transmission indivise peut poser problème : celui qui veut poursuivre seul exploitant peut demander au tribunal paritaire de bénéficier seul du bail. Le tribunal doit trancher. Il doit se prononcer en considération des intérêts en présence et de l’aptitude des différents demandeurs à gérer l’exploitation et à s’y maintenir. Le preneur ne peut pas écarter cette règle : troisième chambre civile, le 28 juin 2006.

si le preneur ne laisse à sa survivance aucune personne remplissant les conditions nécessaires pour bénéficier de la transmission, le bail sera transmis selon les règles classiques de droit commun de dévolution successorale. Mais le bailleur a alors un droit de résiliation qui peut s’exercer dans les six mois à compter du décès.

Dès lors que la transmission a lieu, elle tire les conséquences de l’assurance de valeur vénale du bail rural. Ceux qui la reçoivent n’ont pas besoin de verser une soulte. Ils la reçoivent sans que soit pris en compte des calculs de masse successorale.