Tribunal administratif et CAA : fonctionnement, compétence

Composition et fonctionnement des tribunaux administratifs et de la Cour Administrative d’Appel

La justice administrative a été créée pour faire respecter le droit par les administrations et réparer les dommages que celles-ci auraient pu causer. Seul un juge spécialisé, qui connaît les impératifs du service public et sait interpréter l’intérêt général, peut bien juger l’administration et protéger les citoyens.

  • Les tribunaux administratifs sont les juridictions compétentes de droit commun en première instance. Il en existe 42 sur le territoire. C’est à eux que le requérant doit d’abord s’adresser.
  • Les cours administratives d’appel sont les juridictions compétentes pour statuer en appel, à la demande d’une personne privée ou d’une administration, contre un jugement de tribunal administratif. Elles sont au nombre de 8.
  • Le Conseil d’État :Juridiction suprême de l’ordre administratif, il est le juge de cassation des arrêts rendus par les cours administratives d’appel : il ne juge pas une troisième fois le litige, mais vérifie le respect des règles de procédure et la correcte application des règles de droit par les tribunaux administratifs et les cours administratives d’appel.

&1 – Les tribunaux administratifs

1) Les tribunaux administratifs Ces juridictions territoriales jugent environ 150 000 affaires par an. Elles sont nées du souci de Conseil d’Etat de se désengorger (4-5 ans d’affaires de retard) !

Ces créations furent des succès. Elles donnèrent à l’ordre administratif une physionomie plus conforme au standard conventionnel (CEDH). Par ces réformes, le juge administratif ressemble plus à un juge. Le souci immédiat de désencombrer le Conseil d’Etat débouche aujourd’hui dans une situation de nouvel encombrement ET du Conseil d’Etat et des Cours Administratives d’Appel.

2) Organisation Il existe 42 tribunaux administratifs, plus ou moins selon une logique interdépartementale. Ils ont une compétence territoriale déterminée par le siège de l’autorité dont l’acte est attaqué. Donc évidemment, engorgement sur Paris à des règles d’exception s’ajoutent à la compétence territoriale et permettent de désengorger Paris, Versailles et cie.

3) Compétence. Ils sont les juges de droit commun du contentieux administratif en premier ressort. Le Conseil d’État rend des arrêts, les CAAs aussi, mais les tribunaux administratifs rendent des jugements. Ils ont aussi des attributions consultatives résiduelles auprès des préfets.

Historique

Décret loi du 30 septembre 1953, complété par un décret ordinaire, entré en vigueur le 1er janvier 1954.

Il s’agit avant tout une réforme de dénomination. Elles n’ont de nouveau que le nom : ce sont les conseils de préfecture qui changent le nom et qui s’appellent Tribunaux administratifs. Ces conseils de préfecture, depuis 1926, étaient devenus interdépartementaux.

Au lendemain de la Grande Guerre, on avait établit à Strasbourg un véritable tribunal administratif sur le modèle allemand. Ce tribunal administratif de Strasbourg a gardé ce nom.

Mais la réforme est formelle aussi : le terme de conseil de préfecture marquait le rattachement de l’administration au préfet. On se sépare de ce nom pour adopter le vocabulaire de juridiction.

Réforme du personnel :

La réforme de 1953 décide que le corps des tribunaux administratif sera pourvu par la voie de l’école d’administration. C’est à la sortie de l’ENA que les élèves choisiront leur attribution. C’est donc un personnel spécialisé : le métier est de devenir juge, et non pas administrateur. Cette réforme a réussie, en cela que la qualité de la justice administrative en 1er ressort s’en est trouvée améliorée, tandis que la crédibilité a été ressentie d’avantage.

Les jugements des tribunaux administratifs ne font l’objet d’appel que dans 15 à 20 % des cas. Un appel sur cinq infirme la décision du juge. On peut donc affirmer que dans 90% des cas, la décision de la Cour d’Appel est la bonne décision.

Le dernier Tribunal Administratif fut créé par une ordonnance du 26 septembre 2003 : Tribunal Administratif de Mata Hutu, à Wallis et Futuna. Jusqu’à cette date, il n’existait pas là bas de Tribunal administratif mais un « conseil du contentieux administratif ». C’est désormais le même modèle sur l’ensemble du territoire métropolitain et sur les DOM et TOM.

Ces tribunaux administratifs sont desservis par un personnel recruté à l’ENA, mais très rapidement il y eut une insuffisance. Dès 1875, on créa un recrutement complémentaire, institué de façon « limité dans le temps ». Ce recrutement se fit par un concours spécial. Ce recrutement complémentaire fut reconduit par des textes successifs et depuis une loi de 2002, cette voie est permanente.

Ce concours spécial a été largement ouvert : aujourd’hui, un peu moins d’un quart des conseiller administratif provient de l’ENA, les ¾ proviennent de ce concours spécial ; concours exclusivement juridique (ce qui n’est pas le cas de l’ENA).

Organisation :

— « Corps des conseillers des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel ». A l’origine, il n’y avait pas vraiment de corps de ces conseillers. Un des objets de la réforme fut de donner une lisibilité à ce corps et une autonomie relative : bien que soumis au statut général de la fonction publique, ils ont toutefois des juges et doivent avoir une certaine autonomie. C’est le décret de 1953 qui dote ce corps d’un statut particulier.

— Dans un premier temps, la réforme de 1987 a détaché le rattachement de ce corps de ministère de l’intérieur. Un décret du 28 septembre 1988 a donné un nouveau statut, sur la base d’une loi du 6 janvier 1986, qui modifie substantiellement le statuts des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. La loi ne soumet pas les conseillers au statut de la magistrature judiciaire. Mais elle importe au nouveau statut des éléments qui nous rappellent étroitement des éléments visant à garantir l’indépendance des magistrats judiciaire. La loi n’affirme pas l’inamovibilité des magistrats du siège dans l’ordre judiciaire. Mais elle l’affirme substantiellement : elle affirme que les membres des tribunaux administratifs ne peuvent pas recevoir une nouvelle affection, même en avancement, sans leur consentement.

— 2nd aménagement : la loi de 1986 n’apporte pas une sorte de conseil de la magistrature. Mais elle crée une institution spécifique : le Conseil Supérieur des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel (CSTACAA), présidé par le vice président du Conseil d’Etat, qui comprend des personnalités nommées par le président de la république et des deux chambres, des représentants du corps, dont le secrétariat est rattaché au Conseil d’Etat. Ce conseil peut connaître la question relative à la carrière, à l’avancement, à la discipline, sans pour cela que les membres soient des magistrats.

Fonctionnement des Tribunaux Administratifs

— Formations de jugements, divisés en chambre. (Le Tribunal Administratif de Paris comprend 17 chambres).

— Le juge unique : il a pris une importance avec les T.A. Le juge unique est le président du T.A ou le magistrat qu’il délègue.

  • &2 : Les Cours administratives d’appel

Instaurées par la loi du 31/12/1987, prise d’effet de 1/1/1989. But : décharger le Conseil d’État, d’où l’élargissement de leur compétence.

1) Composition : Les membres des CAAs et des tribunaux administratifs sont membres d’un corps unique, donc ont un statut commun.

Contrairement aux membres du Conseil d’État, ils sont inamovibles, garantie d’indépendance. Ce sont des magistrats administratifs. Ils peuvent être affectés à une CAA après 6 ans de service en tribunal administratif, et lorsqu’ils ont atteint le grade de conseiller de première classe. Ils siègent au sein de chambres (3 à 6 par CAA).

À la tête de chaque CAA, on trouve un conseiller d’État en service ordinaire.

2) Organisation Il y en a 8 :Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Paris, Versailles.

3) Compétence Les CAAs statuent en appel des jugements des tribunaux administratifs, qui sont les juges du premier ressort. Elles ne jouissent que d’une compétence d’attribution. Toutefois celle-ci s’est progressivement élargie et couvre l’immense majorité du contentieux d’appel. En outre elles ont quelques petites fonctions consultatives.

Historique

Les Cours Administratives d’Appel sont une complète nouveauté (à la différence des TA). C’est la loi du 31 décembre 1987 qui décide la création de 5 Cour Administrative d’Appel (d’autres pouvant être crées par décret). Cette réforme n’entra en vigueur que le 1er janvier 1989.

Depuis cette date, de nouveaux Cour Administrative d’Appel furent créés par décrets, d’autres le seront prochainement. Ils ont pris une place importante.

Ce qui est intéressant ici, c’est que le contentieux de l’appel a été transféré pas par pas (pour voir comment ça se passe. Ce transfert n’est pas achevé.

Le corps du Cour Administrative d’Appel n’est pas un corps unique : il est lié au corps des tribunaux administratif puisque c’est le corps des conseillers des tribunaux administratifs et Cour Administrative d’Appel. (C’est le Corps du Conseil d’Etat qui est différent).

L’institution des Cours Administratives d’Appel fait se rapprocher la juridiction administrative de la juridiction judiciaire. En droit comparé, elle se rapproche également de l’organisation des pays voisins. L’ordre administratif, avec la réforme de 1987 se rapproche de ce schéma (sans le rejoindre tout à fait). Cependant, ces Cours Administratives d’Appel ne deviennent pas le juge d’appel de droit commun des jugements des TA. En effet, au lendemain de la réforme de 1987, le Conseil d’Etat demeure le juge d’appel de droit commun des TA. C’est le juge d’appel ordinaire, celui qui a la compétence de principe.

Mais les exceptions ne sont pas déterminées strictement : l’idée est d’opérer un premier transfert du contentieux et de voir comment ça se passe. Si tout se passe bien (bonnes décisions, efficacité), alors on peut transférer d’avantage… Ainsi, le transfert s’est généralisé en 1995, mais n’est pas total.

Aujourd’hui :

— Le Conseil d’Etat est le juge d’appel de droit commun

— Il y a tellement de textes pour donner compétence au juge des Cours Administratives d’Appel, que quantitativement (et de loin), le juge d’appel le plus fréquemment saisi (à 90%) est le juge des Cours Administratives d’Appel.

Dans ce schéma, le Conseil d’Etat devient alors juge de cassation des arrêts rendus par les Cours Administratives d’Appel. On doit parler en langage strict de :

— Jugement des tribunaux administratifs

— D’Arrêt des Cours administratives d’appel

— Décision du Conseil d’Etat

Le conseil d’Etat affirma que toutes les formations ont vocation à assurer tout le contentieux.

Concernant la cassation des arrêts des Cours Administratives d’Appel, par le Conseil d’Etat :

Mais le Conseil d’Etat, habitué à juger en premier ressort (et comme juge d’appel), a usé de la faculté de casser sans renvoi : il s’est comporté comme un 2nd juge d’appel. En effet, s’il cassait la décision, il substituait sa décision d’appel à celle de la Cour administrative d’appel. Il y a dans le mécanisme de la cassation une grande différence d’avec celle de la Cour de Cassation. Il pourrait renvoyer, mais il ne le fait pas volontiers, beaucoup moins que la Cour de Cassation qui pourtant a cette faculté de casser sans renvoi. S’il le fait, c’est parce que le Conseil d’Etat est habitué à être juge de fond (ce qui n’est pas le cas de la Cour de Cassation).

L’avis contentieux

La réforme de 1987 a introduit une chose étrange : l’avis contentieux. C’est la possibilité pour une Cour administrative d’appel ou un tribunal administratif d’interroger le Conseil d’Etat sur une question de droit « nouvelle et répétitive », afin que celui-ci rende un avis sur la décision (sur sa portée et la régularité du texte. L’avis ne lie pas la juridiction qui a interrogé, mais c’est un avis contentieux (donné dans une procédure juridictionnelle, à l’occasion d’un procès, et que devant le Conseil d’Etat saisi pour avis, ce sont les formations contentieuses qui vont donner l’avis. Il sera rendu dans la forme juridictionnelle.

Cet avis a une autorité de fait tout à fait particulière. Pourtant, le Conseil d’Etat a toujours décidé de la publication de son avis au JO. L’avis n’est pas lié, mais pour autant, le juge est lié car au final, s’il va à l’encontre de l’avis, le juge du dernier ressort, le Conseil d’Etat ne prendra pas un avis différent…

Origine de cette procédure ?

Les organismes fiscaux, qui ne pouvaient pas attendre 5/6 ans de jurisprudence, avec des effets rétroactifs dévastateurs. Ce service avait besoin d’un circuit court. Cet avis contentieux tient pour origine la législation fiscale. Cet avis est une bizarrerie, c’est une configuration pragmatique mais étrange.

Réussite ?

— L’avis contentieux fut un succès : il est largement utilisé. D’autant plus que le Conseil d’Etat est dynamique. Quand le conseil d’État voit qu’une question se pose dans beaucoup de juridiction, le Conseil d’Etat sait faire pression pour se faire interroger. Il sait aussi faire pression pour se faire interroger pour des lois nouvelles.

— Ce succès de la procédure d’avis fit des jaloux et des envieux. La Cour de Cassation souhaita bénéficier de la même procédure. Ca se fit par la loi, qui institua une procédure d’avis sur un modèle un peu près identique, mais cette institution ne fonctionne pas de la même façon : la Cour de Cassation n’a jamais soufflé l’idée de se faire interroger ; la Cour de Cassation n’est pas du tout en position de supérieur hiérarchique. Donc la Cour de Cassation n’a pas suscité l’avis et d’autre part, par une stricte application de la loi, elle rejeta les demandes d’avis lorsque les conditions n’étaient pas satisfaites (problème de droit nouveau).

Voici la liste des liens relatifs au contentieux administratif