Une définition juridique de l’Etat

  Une approche juridique

La Convention de Montevideo sur les droits et devoirs des États de 1933 donne une définition ainsi que les conditions à remplir de manière claire et universellement reconnue. Ainsi, elle énonce, dans son premier article, que « L’Etat comme personne de Droit international doit réunir les conditions suivantes: I. Population permanente. II. Territoire déterminé. III. Gouvernement. IV. Capacité d’entrer en relations avec les autres Etats » (2). Il est donc universellement accepté qu’afin de pouvoir correctement et juridiquement qualifier une entité et un endroit d’Etat, il est impératif de réunir ces conditions.

  1. Définitions techniques

L’une des plus célèbres définitions a été donnée en 1933, l’Etat en tant que personne du droit international doit posséder les qualifications suivantes ; une population permanente, un territoire définit, un gouvernement et la capacité à entrer en relation avec d’autres Etats.

  • 1. L’Etat sujet de droit

L’Etat est aujourd’hui sujet de droit et la vocation de l’Eta se fonde sur sa souveraineté. Il constitue une personne publique juridiquement autonome qui jouit de la personnalité morale, comme les départements, les établissements publics, etc. on retrouve cette idée présente dans notre droit civil, il est possible d’avoir une personnalité juridique même si l’on n’est pas un individu de chair. L’Etat est donc détenteur de droit, il peut agir en justice, posséder des biens.

Comment justifier que cette personne morale ait vocation à régler les conflits sur son territoire ? Un Etat qui n’est pas souverain n’est pas un Etat. Explications qui se sont confondues dans le cadre de théories et systèmes philosophiques complexes, juristes et philosophes ont cherché plusieurs manières de justifier l’existence de l’Etat. Cette justification s’est opérée à travers le concept de souveraineté. Jusqu’au début du 17e siècle il existe de nombreux travaux, notamment ceux de Jean Bodin, cette souveraineté va justifier cette puissance de l’Etat. D’où vient cette puissance ? D’où vient l’Etat ?

            Les hommes auraient voulu s’arracher à l’arbitraire de la violence qui existait dans les sociétés sans Etats. L’une des caractéristiques essentielles de l’Etat seraient donc de monopoliser la violence. L’Etat a le droit seul de se servir légitimement de la violence. Ce courant a été défendu par tout un curant d’auteurs comme Max Weber, il soutenait que tout Etat est fondé sur la force, la violence n’est pas l’unique moyen de l’Etat mais qu’il est son moyen spécifique. Cette idée est reprise d’un fond ancien, Jean Bodin en 1576 avait écrit que la raison, lumière de la nature nous incite à croire que la force et la violence ont été la source et l’origine des républiques. Si on prend d’autres auteurs, notamment Hobbes dans le Léviathan il fait de la violence la cause, car c’est pour la fuir que les hommes se sont regroupés et ont créé l’Etat. La souveraineté va prendre corps en la figure du souverain, le prince qui va détenir ce monopole de la violence légitime. Cette violence est ostentatoire, et le spectacle de la violence doit manifester à tous la puissance du souverain qui puni.

Au 16e, on considère que l’Etat serait né d’un pacte d’un contrat originaire, c’est dans cette tradition que l’on va retrouver des philosophes comme Grossus, Hobbes, Locke et Rousseau. Cette idée du contrat va faire l’objet de réflexions plus poussées. Les individus décident d’obéir ensemble à un pouvoir unique, pour mettre fin à la violence.

–  Hypothèse du contrat horizontal : « La seule façon d’ériger tel pouvoir commun, apte à défendre les gens de l’attaque d’un étranger, c’est de confier tous leur pouvoirs, et toute leur force à un seul homme ou aune seule assemblée qui puisse réduire toute leur volonté par la règle de la majorité à une seule volonté. »

–  Hypothèse du contrat vertical : retenue par Locke, tous les individus se réunissent pour léguer leur pouvoir à un homme.

–  Vision Rousseauiste : il va considérer que si un pacte originaire a pu avoir lieu, un autre serait toujours possible pour le remplacer, ainsi toutes les lois des gouvernements sont révocables et l’ordre établi ne peut faire obstacle à la volonté générale. Un peuple est toujours capable de changer ses lois, mêmes les meilleures.

L’idée c’est que tout le monde se serait mis d’accord, et cette fiction va justifier la compétence de l’Etat sa vocation générale qui s’incarne d’abord en la personne d’une souverain qui incarnait physiquement tous les pouvoirs de l’Etat en sa personne, et puis ensuite cette personne est devenue abstraite, distincte de la personne physique du souverain. On est toujours dans le cadre de cette vision de l’Etat.

  • 2. Les éléments constitutifs d’un Etat

Dans le droit international, les trois critères sont cumulatifs, il faut tous les réunir pour avoir un authentique Etat.

–        Population ; l’étymologie de ce mot nous renvoie à « garnir en habitants » en ancien français. Un Eta doit former un ensemble d’habitants soumis à l’autorité d’un gouvernement. Peu importe que cette population soit forte ou faible. Peu importe que cette population soit constituée d’une seule nation ou de plusieurs nations.

–         Territoire : il existe sur Terre des zones de souveraineté, chaque Etat étend son empire sur une partie du globe. Cette notion de territoire et de frontière a évolué, puisqu’au Moyen-Âge on avait une tout autre forme. A partir du 18e siècle, traité de 1713, les frontières ont fait l’objet de définition plus précise, elles sont devenues à la fois des lignes militaires, économiques, fiscales et juridiques. Ces découpages ont entrainé des situations parfois difficiles, en Afrique par exemple les frontières n’ont pas de racines historiques, les colons ont dessiné des frontières qui ne correspondaient pas aux réalités sociales, etc.

o   Certains espaces, comme la mer sont affiliés à cette nouvelle conception de la notion de territorialité. Un Etat côtier bénéficie d’une souveraineté sur ses eaux territoriales.

–        Le critère des institutions ; l’existence du pouvoir étatique ne peut exister qu’à travers la forme d’un appareil d’Etat. Un Etat sans territoire reconnu n’est pas reconnu, un Etat sans population (Etat philatélique) n’est pas reconnu.

  1. Précisions terminologiques

La souveraineté dans la relation entre Etat signifie indépendance. Indépendance relativement à une partie du globe, est le droit d’y exercer à l’exclusion e tout autre des fonctions étatiques.

  • 1. Quelques définitions

Régime politique, renvoie étymologiquement à tous les éléments de droit ou de fait qui permettent de rendre compte du mode de fonctionnement du droit ou du pouvoir dans une société. Tous ces éléments participent à l’identification du régime politique.

Système politique ; pour nous il désigne le fonctionnement concret d’un régime politique particulier en ce qui concerne les modes d’organisation de l’Etat. Cette étude d’un système politique est beaucoup plus large que celle d’un régime politique, parce qu’elle renvoie également à la structure sociale, au-delà de la structure politique.

L’étymologie du mot administration renvoie à « servir pour ». Pour le doyen Vedel, l’administration rassemble l’ensemble des activités qui tendent au maintien de l’ordre public et la satisfaction de l’intérêt général. Cette définition s’applique bien dans notre démocratie puisque tout gouvernement dispose d’une administration, c’est-à-dire d’un appareil qui aide à gouverner. D’ailleurs, le mot administration servait à désigner le gouvernement.

L’état de nature est une fiction de la philosophie moderne pour désigner la situation dans laquelle la société se trouvait avant l’émergence de sociétés organisées. Il existe différentes visions de cet état de nature, certains auteurs considèrent que l’Homme dans l’état de nature est fondamentalement méchant (Hobbes, Sade). Pour d’autres l’Homme y est bon. Il y en a pour qui l’Homme n’est ni bon, ni mauvais, Rousseau écrit que l’homme est nul et bête. Au sens du 18e siècle cela signifie qu’il est neutre.

Droit naturel, s’oppose implicitement au droit positif, puisqu’il dériverait de la nature des choses. Cette distinction nous vient à la base de Rome et des canonistes et des juristes ecclésiastiques. A Rome on distinguait le « jus positivum » et « jus naturae ». Le droit naturel était le droit qui était voulu par Dieu, il y a un droit divin qui existe et le droit positif ne peut pas aller à l’encontre de cette volonté divine. Puis un ordre de la raison est apparu et a connu sa consécration lors de la Révolution Française. La DDHC de 1789 présente des droits inaliénables et sacrés. Or cette mystique est fondée sur la raison. Aucune autorité ne peut remettre en cause dans l’optique du droit naturel.

  • 2. Le danger des faux amis

République ; « res publica » ne désigne pas obligatoirement le mot Etat, il pouvait désigner « royaume », etc.. Quentin Skinner a rappelé que les auteurs ont souvent confondu à tort « république » et « Etat ».

Légalité ne doit pas être confondue avec le mot légitimité. Le mot légalité renvoie à ce qui est établi par la loi, il peut renvoyer également au caractère de ce qui est conforme à la loi. Le problème de la légitimité fait référence à la nature du pouvoir et à la conviction qu’ont les gouvernés du bien-fondé de cette autorité. Cette légitimité renvoie à une notion morale bien distincte de la légalité. Un pouvoir peut être légal sans être légitime. Cf. Nazisme, despotisme. Une revendication peut à l’inverse être légitime sans être légale.

Gouvernés et gouvernance ; gouvernance est un néologisme récent, il n’a pas de signification constitutionnelle, il renvoie à une manière d’exercer le pouvoir. Cette manière d’exercer le pouvoir renvoie à une forme d’idéologie qui a tendance à évacuer le politique au profit d’une rationalité. Le gouvernement n’a rien à voir avec la gouvernance. Le mot gouvernement apparait au 18e siècle, il désigne désormais la direction suprême de l’Etat avec l’ensemble des ministres. Il existe une deuxième conception du gouvernement, qui fait référence à un exécutif du pouvoir politique.

Etat fédéral, fédération et confédération ; confédération désigne toute forme d’association entre plusieurs Etats sur la base de la conservation de la pleine entière souveraineté pour chaque Etat confédéré. Cette vision ne constitue pas à proprement parler un nouvel Etat. Ce sont des Etats qui sont associés qui prennent des décisions à l’unanimité. On distingue de la fédération, qui ne doit pas se confondre avec l’Etat fédéral. La fédération à la manière de la confédération, est une libre association d’Etat, mais c’est la dimension supérieure ils vont fonder un nouveau corps politique, ils vont fonder une nouvelle forme politique, mais il n’y a pas de souveraineté unique, ni au profit de la fédération ni au profit des Etats fédérés. Jacques Delors parlait de fédération d’Etats nations. L’Etat fédéral est composé d’une association d’Etats qui vont perdre leur souveraineté au profit de cet Etat fédéral. Il existe deux ordres constitutionnels, l’ordre constitutionnel fédéral et l’ordre constitutionnel des Etats qui ont perdu leur souveraineté.

L’apothéose de l’Etat nation se situe de 1789 à 1870 on va par la suite passer à un concept différent, on va parler de nation-Etat. Le nationalisme sera si puissant qu’il va y avoir une tendance pour nationaliser les Etats. Il s’agit de mettre au sommet de l’Etat une idéologie nationaliste qui doit structurer cet Etat. Il existe un lien historique très fort entre nation et Etat. Cette conception s’est exprimée par la recherche d’une adéquation entre l’Etat et la nation. Les organes de l’Etat devaient être ceux de la nation d’une certaine manière également. Cette définition peut renvoyer à des conceptions très différentes puisque le terme nation n’offre pas de définition unique. C’est une des notions les plus contestées. La première conception de l’Etat nation au 17e siècle, lorsque Sieyès en parle il s’agit d’appréhender la nation comme une personne juridique qui serait titulaire de la souveraineté à la place du roi. A partir de 1789 la nation est titulaire de cette souveraineté. Par la suite u début du 29e siècle une autre conception va se substituer, dans la vision de Sieyès la nation avait presque une dimension universaliste, la nation ne renvoyait pas à des mœurs, une culture, une langue, etc. Par la suite on a vu se développer des mouvements nationaux qui ont repensé l’idée de nation sur d’autres bases. Après Johann Herder, ou Fichte, une autre idée est apparue, l’idée que la nation renvoyait surtout à une communauté de mœurs, de culture, de langue, et surtout une communauté ethnique. A côté de cette vision de la nation qui s’est développée, on a une troisième définition de la nation, notamment Ernst Renan, pour qui faire partie d’une nation ce n’est pas nécessairement partager une communauté linguistique, ethnique, culturelle forte, mais c’est accepter d’avoir une communauté de destin avec d’autres individus qui composent cette même nation. L’Etat nation peut renvoyer à plusieurs acceptions différentes dans la mesure où la nation est elle-même une notion polémique.

Un Etat peut se composer de plusieurs nations, il ne se réduit pas à une seule nation. Un Etat nation renvoie à cette idée révolutionnaire, nation-Etat renvoie à la vision assez radicale du nationalisme qui consiste à dire que tout nationalisme est porteur d’une ambition Etatique. Toute nation mérite son Etat et ne peut coexister avec une autre nation, ou un autre Etat. La catégorie de la nation Etat n’est qu’une catégorie parmi d’autres. Le modèle est devenu dominant, mais tend aujourd’hui à se déconstruire. Le modèle de la nation est devenu prépondérant et il a longtemps été tenu pour vrai que l’Etat nation deviendrait l’avenir. Jusqu’au 19e siècle, les Etats nation étaient très minoritaires, voir assez peu identifiables par rapport à des Etats « composites » (chez les historiens) composés (pour les juristes). Dans ces Etats composites ou composés on retrouvait ce multiculturalisme, mais bien tous rassemblés sous la souveraineté d’un même prince. Quelques exemples de monarchies « composites » ; Union de Kalmar qui était l’union de la Suède, le Danemark, la Norvège, l’Islande et le Groenland. Pour certains historiens anglo-saxons, ils analysent la naissance du Royaume-Uni sous la forme d’un Etat composite. Au 19e siècle, l’Etat nation, puis la nation-Etat d’un point de vue idéologique, a neutralisé toutes les autres formes d’expression d’unité des entités collectives.

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